Je souscris à ce qui a été dit sur la partie souveraineté.
Je pense que la souveraineté est un vaste sujet, dont je n'ai pas l'ambition d'avoir la définition absolue et exhaustive. Néanmoins, il me semble que c'est une forme de maîtrise de son destin. Cette maîtrise de son destin passe probablement par une maîtrise de la régulation, une capacité à imposer en partie sa régulation. Je pense que le règlement général sur la protection des données (RGPD) est un exemple de cette volonté d'asseoir sa souveraineté.
Cette souveraineté est aussi associée à une forme de maîtrise technologique. Nous ne pouvons pas bâtir notre souveraineté uniquement sur la réglementation. Par exemple, dans le domaine de l'automobile, nous sentons bien qu'un pays qui n'a aucun constructeur automobile, pas beaucoup de routes, ne peut pas imposer des règles du code de la route ; elles arriveront d'ailleurs. Je veux dire qu'imposer des règles du code de la route numérique ne peut se faire qu'en ayant une forme de maîtrise technologique. Sinon, ce ne sera qu'un rideau de fumée. Pour nous, la maîtrise technologique est un élément constitutif important de la souveraineté comme nous le voyons dans les grands blocs asiatique ou nord-américain.
Il ne faut surtout pas oublier que cette souveraineté, au moins à notre sens, doit être vue comme ouverte et ambitieuse. L'idée n'est pas de construire des murailles, de s'enfermer derrière les murs de son château et de penser que nous avons atteint une solution. Cette souveraineté doit être ouverte, collaborative. L'Europe doit apporter des briques technologiques, une vision mais en restant ouverte aux autres parties du monde.
Ericsson est un acteur européen ; nous faisons 60 % de notre recherche et développement (R&D) en Europe mais nous sommes aussi présents dans 180 pays et, pour nous, il est important d'avoir un accès ouvert à tous ces pays, à tous ces marchés.
S'agissant de la crise covid, notre secteur est plutôt résilient. Le trafic sur les réseaux de télécommunication a augmenté. Les opérateurs français ont à notre sens mieux résisté que d'autres opérateurs. Je suis chargé d'une zone géographique qui comprend la France mais aussi la Belgique, le Luxembourg, l'Algérie, la Tunisie. Je suis d'assez près ces marchés et nous avons vu avec les derniers résultats trimestriels que les opérateurs français ont plutôt bien résisté. Nous en sommes très heureux. C'est important pour nous puisque nous dépendons de leur bonne santé. Les fondamentaux sont bons, le trafic sur les réseaux ayant plutôt augmenté.
Dans d'autres pays, les opérateurs ont moins bien résisté car le confinement ne pousse pas au lancement de nouvelles offres, au renouvellement des forfaits, au renouvellement des terminaux. Certains projets de déploiement d'infrastructures réseau peuvent être gênés. Cela n'a pas été le cas en France où le déploiement a assez bien fonctionné. Par comparaison avec d'autres secteurs, il serait inapproprié que je m'étende plus longuement sur nos malheurs alors que nous résistons globalement bien.
La sécurité est un sujet croissant car nous sommes encore plus dépendants des réseaux en 5G qu'en 4G. En 4G, si je perds la connexion, que l'image se fige ou qu'une panne fait tomber le réseau, c'est évidemment moins grave qu'avec la 5G, avec des automobiles connectées et des industries qui s'appuient dessus.
Nous pouvons d'abord voir la sécurité sous l'angle des standards définis collectivement au sein du 3rd generation partnership project (3GPP) pour concevoir les solutions les mieux sécurisées. Dans ce sens, la 5G est montée sur les épaules de ses prédécesseurs 4G et 3G pour créer des solutions encore plus avancées.
Le deuxième angle de la sécurité est le fait que chaque équipementier décide de concevoir ses produits et d'intégrer ses standards de sécurité dans ses produits, en complétant avec ses méthodes. Chacun essaie de faire au mieux sans trop savoir ce que font les autres. C'est aux autorités telles que l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), dans les différents pays, de regarder ce que chacun a créé.
Le troisième point est la façon de déployer les réseaux, avec des firewalls (pare-feu), de bons réseaux privés virtuels (VPN), de bonnes fonctionnalités de cryptage. La responsabilité est partagée entre l'équipementier et l'opérateur.
Le quatrième point est la manière d'opérer ces réseaux. Si, en ayant pris les précautions précédentes, j'écris le mot de passe sur le tableau derrière mon bureau, ce bel édifice sera un peu gâché. Tout cet ensemble est constitutif de la sécurité, aussi bien au sens de la protection contre des pirates que de la résilience face à des pannes.
Un autre volet qui revient souvent dans les discussions concerne la confiance. Il faut que j'aie confiance dans les différents acteurs de la chaîne. C'est la métaphore du serrurier : il m'a fait la meilleure serrure du monde pour ma maison mais il a gardé un double des clés et je n'ai pas confiance en lui.
Le dernier pilier est la souveraineté : pour être pleinement souverain, comprendre ce qu'il se passe, il faut aussi que j'aie une forme de maîtrise sur certaines des briques de la solution numérique globale.
La 5G est un moteur des activités d'Ericsson. Nous fournissons actuellement 70 réseaux commerciaux 5G dans le monde. L'association globale des équipementiers (GSA) dont font aussi partie mes homologues a recensé 125 réseaux ouverts commercialement en 5G dans le monde dans 52 pays. L'évolution est donc rapide et je pense que déployer ces réseaux est un enjeu de compétitivité pour la France et pour l'Europe. Être capable de déployer la 5G et de l'utiliser est aussi un enjeu pour l'industrie. Cela passe également par des usages grand public.
Un énorme enjeu pour nous, qui nous a beaucoup occupés cette année, est de communiquer sur la partie environnementale. Des craintes ont été soulevées. Il est légitime de s'inquiéter de l'impact environnemental de ce que nous faisons. Nous pensons qu'il existe aussi beaucoup de fake news, de distorsions de la réalité. Nous essayons de faire de la pédagogie pour montrer que la réalité est différente, que l'impact est plutôt stable et que nous pensons qu'il existe des moyens de déployer des réseaux 5G sans accroître l'impact carbone des réseaux. De plus, la 5G apporte des leviers tout à fait intéressants pour réduire l'impact carbone d'autres secteurs.