Nous pouvons prendre la question sous plusieurs angles selon la façon d'interpréter les statistiques.
Un rapport de l'Office européen des brevets vient de sortir en décembre sur la quatrième révolution industrielle. Ce rapport comporte beaucoup de chiffres. Les auteurs se sont limités à des domaines très spécifiques tels que la collecte d'informations, le logiciel, la connectivité… Nous devons malheureusement constater qu'aucune entreprise française ne fait partie des 25 plus gros déposants au monde. Cette liste comporte des entreprises allemandes, néerlandaises mais pas d'entreprise française. Les Échos ont repris cette étude et noté le fait que la France est placée en troisième position en Europe mais il faut aussi regarder le nombre de dépôts de brevet par habitant. Nous sommes de ce point de vue en huitième position en Europe, juste devant l'Espagne et l'Italie. L'Allemagne est très loin devant : elle dépose entre deux et quatre fois plus de brevets que la France, toutes catégories confondues. La France est aussi tout simplement absente de certains classements ce qui est un sérieux problème.
Que faire ? C'est une vaste question. Notre programme de la Fabrique à brevets, tentait de réagir, avec nos moyens et surtout intelligemment, c'est-à-dire en ciblant au mieux. Globalement, lorsque nous n'avons pas toutes les munitions dont nous aurions besoin, la seule réponse est de faire un tir précis ou de s'échapper mais ce n'est pas ce que nous souhaitons faire. Nous voulons être à l'offensive. Nous devons donc cibler et calibrer au mieux ce dont l'entreprise a besoin. Notre réponse n'est pas dans le volume. Ce n'est pas possible.
Le moteur de recherche français qui, avec beaucoup d'ardeur, essaie actuellement de conquérir des parts de marché n'arrivera pas au volume de brevets du moteur de recherche américain que la plupart des gens utilisent. Le déséquilibre est d'un à mile, il est trop grand pour être rattrapé. Toutefois, par la qualité et un certain volume, nous pouvons tenter de remonter.
Ce volume n'a pas besoin d'être aussi grand que celui des Américains. Les chiffres américains sont généralement hors de proportion et c'est naturel puisque telle est culturellement leur façon de faire et qu'ils ont d'énormes moyens. La situation est d'ailleurs identique pour nos amis chinois. La réponse n'est certainement pas en essayant de copier ce que font les autres mais nous pouvons essayer de nous rapprocher des modèles allemand ou suisse.
Je ne suis pas d'accord sur le fait que la propriété intellectuelle doive être low cost, qu'il faille rogner les taxes perçues par les offices. C'est un faux problème et le problème n'est pas dans les taxes. Le vrai problème est d'obtenir le retour le plus approprié pour chaque euro dépensé donc de choisir le bon conseil en propriété intellectuelle ou le bon avocat. Il faut aussi s'assurer que la collaboration soit forte, que le temps alloué au conseil pour la rédaction des demandes de brevet soit le plus grand possible avec un budget adéquat, pour aller vers la qualité. Je ne crois donc ni au low cost ni à une course aux chiffres.
Il nous faut cependant augmenter certains de nos chiffres. Comment le faire ? Peut-être devrions-nous observer ce que font les Allemands. L'acculturation à la propriété intellectuelle se fait très jeune, dès l'école primaire. De nombreuses écoles enseignent la propriété intellectuelle et l'incitation est forte pour les inventeurs, avec une rémunération beaucoup plus importante.
Nous faisons notre part, en essayant d'enseigner dans des universités, des écoles, des colloques. Nous essayons d'être présents et d'acculturer mais je pense qu'une réflexion au niveau de l'éducation nationale serait nécessaire pour amener vers une éducation plus forte à la propriété intellectuelle. Il faut le faire sans pudeur et je pense que c'est la première étape.