Intervention de Didier Patry

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Didier Patry, directeur général de France Brevets :

Nous n'avons malheureusement pas ces chiffres ; ce sont des analyses qui pourraient être faites. Notre regard se portait actuellement plus sur le côté ouest de l'Atlantique pour lequel nous avons des données que nous exploitons. Nous n'avons pas de données du côté allemand mais il faudrait effectivement aller observer la situation.

D'après les informations que j'ai du fait de mon passé dans l'entreprise et le monde industriel, les Allemands s'intéressent plus à la R&D interne car il existe de fortes incitations pour les inventeurs, avec à la clé une très forte rémunération en cas de succès de l'invention. La charge administrative imposée pour être capable de corréler tel brevet avec tel produit ou tel programme est d'ailleurs considérable pour les entreprises. Il s'agit de savoir si tel brevet de tel inventeur est à la source ou a contribué au succès d'un produit. C'est un énorme casse-tête administratif qui donne beaucoup de travail aux entreprises mais se traduit par le doublement du salaire de l'inventeur certaines années. C'est donc un très gros bonus qui incite à la R&D interne.

Les Allemands achètent aussi des entreprises et, en même temps qu'ils achètent une entreprise, ils acquièrent de la propriété intellectuelle.

Il ne nous semble pas intéressant d'entrer dans la guerre des volumes et de tenter de copier les Américains, les Allemands ou les Chinois. Même si la course n'est pas nécessairement perdue, elle risque de nous essouffler économiquement. Pour nous, la solution est aussi dans la structure systémique, c'est-à-dire dans une organisation intelligente des entreprises, par filière, pour que les entreprises définissent une stratégie commune de propriété intellectuelle et y travaillent ensemble. C'est très novateur et peut apporter une plus grande efficacité sans dépenses ou sans dépenses complémentaires ou avec des dépenses très faibles.

Cela signifie concrètement que les entreprises se cotisent pour acheter des brevets : en se cotisant à dix pour acheter un brevet, chacun ne paie que 10 % du prix ce qui montre bien l'intérêt de l'opération. L'autre intérêt de cette opération est l'intelligence collective. Beaucoup d'entreprises ne sont pas au niveau de sophistication voulu et elles peuvent bénéficier des activités de leurs pairs lorsqu'elles communiquent avec eux. En offrant une plateforme de dialogue sur la stratégie de propriété intellectuelle aux chefs d'entreprises ou aux responsables au sein des entreprises, nous pouvons percoler, diffuser une vision stratégique vers les plus faibles et les plus petits.

Nous travaillons donc actuellement sur un programme de stratégie de filière, par filière, pour que les entreprises associent leurs moyens. Cette mutualisation offrira une dissuasion : les brevets acquis coûteront certes moins cher à chacun mais, surtout, ils apporteront un effet de dissuasion contre les agresseurs potentiels. Le fait d'être en groupe permettra un deuxième niveau de dissuasion puisqu'un groupe a moins de risques d'être agressé qu'une entreprise isolée.

Je ne suis donc pas sûr qu'il faille imiter ce que font les autres en ce qui concerne les volumes de brevets. Je pense que cette quête est un peu dangereuse comme nous l'avons vu récemment dans le cas d'une start-up française ayant une très belle technologie qui est allée manifestement beaucoup trop loin dans son volume de brevets, tellement loin qu'elle a fini par faire peser trop de coûts sur sa trésorerie et s'est retrouvée en très grande difficulté.

Nous proposons un programme d'alliances, de coalitions, de groupements. Nous y travaillons depuis plus d'un an et avons présenté ce programme aux différents cabinets, aux décideurs, aux cercles de décision et aux cercles industriels. Notre conseil d'administration a approuvé le lancement de ce projet. Il devrait donc être lancé en 2021. Ce projet est extrêmement novateur en France et en Europe. Il existe des initiatives similaires outre-Atlantique. Elles ont d'ailleurs fonctionné ce qui nous inspire beaucoup.

Cette réponse est à notre avis pertinente, pragmatique et peu coûteuse. Elle représentera pour les entreprises une fraction de ce qu'elles devraient payer pour déposer un seul brevet grâce à la mutualisation. Nous n'excluons pas le partage, pour ceux qui sont intéressés, de leurs propres brevets au profit de la communauté de la filière. Ceux qui le font bénéficieraient d'une diminution de leur cotisation et éventuellement d'une prise en charge de leurs frais de brevets par les cotisants de la filière. L'effet sera ainsi double : les membres de la filière profiteront de brevets qui ne sont pas les leurs et celui qui met ses brevets au pot commun verra ses coûts diminuer donc aura des charges moins importantes et pourra réinvestir dans l'économie ou dans sa propre R&D.

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