Il y a effectivement urgence et tous les responsables – Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher, Cédric O – se sont très fortement mobilisés. Nous enregistrerons bien sûr des pertes malgré ce gros effort. Je n'ai pas l'impression que la propriété intellectuelle soit négligée même si elle n'est pas citée immédiatement. Nous sommes un peu négligés dans l'urgence mais c'est naturel et nous ne pouvons rien y faire.
Toutefois, il faut s'assurer que l'argent mis sur la table se transforme rapidement en valeur. Ce ne sera pas simple mais il se produit une prise de conscience intéressante, visible dans des expressions telles que « souveraineté ».
La souveraineté est pour nous l'indépendance opérationnelle, le droit de choisir entre une entreprise française et une entreprise d'un autre pays. Je crois que nous allons dans le sens de cette indépendance opérationnelle. La pandémie a eu pour vertu de faire apparaître cet élément.
Vous et moi communiquons aujourd'hui sur une plateforme de visioconférence qui n'est pas européenne. Je crois que l'ordinateur que j'utilise actuellement n'est pas de marque européenne pas plus que le téléphone à côté de moi, le logiciel que nous utilisons ou la majorité des composants électroniques de mon ordinateur. Nous l'avons compris et je pense qu'un réveil a lieu.
Nous voyons déjà dans le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA) un travail collectif de la Commission européenne et des États membres en faveur d'une idée de Europe first ou de France first. Je pense que c'est important et nous amènera à réfléchir à la souveraineté, à l'autonomie et à l'indépendance opérationnelle. Cela signifie avoir des entreprises viables, qui survivent et grandissent.
Que faisons-nous pour rééquilibrer les rapports de force très déséquilibrés entre nos entreprises et les entreprises étrangères ? Les cadres des marchés sont parfois un coupe-gorge pour nos entreprises, surtout outre-Atlantique où des entreprises se sont fait agresser localement, au tribunal, avec des coûts énormes – 4 à 6 millions de frais d'avocats par an que l'entreprise ne récupère pas, même si elle gagne – et donc un impact très important sur la marge opérationnelle.
Une entreprise ne survit pas sans marge. Il est donc impératif que les entreprises préservent leur marge. La marge sur un véhicule ou sur une batterie est très faible, de l'ordre du pourcent. Ce n'est pas comme lorsque je me fais un café : les capsules de café font actuellement environ 80 % de marge. Sur un véhicule, l'entreprise est au pourcent près. Si elle doit payer des frais de licence à des entreprises externes parce qu'elle ne dispose pas de la technologie et des brevets nécessaires, cela posera problème.
Cette autonomie opérationnelle ne pourra donc être acquise que lorsque nous aurons un choix local, la liberté de choisir, ce pour quoi il faut encore avoir des entreprises à choisir ! Si nous ne parvenons pas à protéger nos entreprises lorsqu'elles sont mises à mal à l'étranger par une organisation systémique en France, nous n'aurons pas d'autonomie parce que nous n'aurons pas d'entreprise.