J'exerce les fonctions de directeur exécutif chez OVHcloud. Installée dans le nord de la France, cette société occupe, avec 1,6 million de client, la première place parmi les acteurs européens du cloud. Elle compte plus de 2 400 employés répartis dans le monde. Elle réalise 60 % de son chiffre d'affaires à l'étranger.
Le METI porte toute son attention à la question de la souveraineté numérique. Il en retient une approche en deux temps, en distinguant entre souveraineté des données et souveraineté technologique.
La première doit permettre aux dirigeants d'entreprise de comprendre la portée précise de leurs choix en matière de stockage de leurs données, de mesurer l'exacte étendue de leur utilisation par l'acteur auquel ils s'associent. Ici, le METI promeut information et formation, afin que les décisions se prennent en toute connaissance de cause, en toute transparence et en pleine liberté.
Nous constatons que la donnée se déplace d'un continent à l'autre, sans que l'utilisateur du service en soit systématiquement averti, et pour des usages qui ne sont pas nécessairement ceux auxquels il a souscrit. Il s'avère urgent que les Européens reprennent le contrôle de leurs données. De notre point de vue, aucun compromis ne saurait grever la souveraineté de ces données.
La souveraineté technologique sous-tend l'idée d'une autosuffisance dans la maîtrise technologique. À ce jour, force est de constater qu'éloignée de la réalité, elle demeure un vœu pieux. À maints égards, nous dépendons de solutions étrangères. Dans ces conditions, nous n'incitons pas à un quelconque repli dans la recherche de solutions strictement souveraines. Notre propos encourage au contraire à rester ouvert.
Nous mettons donc l'accent sur le premier aspect de la souveraineté numérique, celui de la souveraineté des données. Dans le processus de numérisation des entreprises, nous souhaitons qu'un nombre toujours croissant de dispositifs aident les entrepreneurs à comprendre pour mieux choisir. L'ANSSI y contribue par les certifications qu'elle met en place. Il importe désormais d'en ouvrir l'accès aux entreprises de la manière la plus large possible.
Ne perdons pas de vue que pour une entreprise, choisir une plateforme dédiée aux ressources humaines engage les données tant privées que professionnelles de ses collaborateurs, selon des principes qui peuvent relever d'une réglementation autre que nationale. Je doute que tous les entrepreneurs français en aient une claire conscience lorsqu'ils décident de recourir à telle ou telle plateforme. Conférer un label de confiance souverain aux plateformes et logiciels contribuerait à les éclairer dans leur choix.
Quant à la commande publique, elle semble des plus insuffisantes sous l'angle de la souveraineté de nos données. Elle n'insuffle pas le mouvement qui nous conduirait à en reprendre le contrôle de la valeur et des atouts qu'elles représentent. Je ne reviendrai pas sur la décision que des institutions publiques ont prise de recourir à des plateformes étrangères dans des domaines où, pourtant, l'information s'avère sensible. Je préfère évoquer la marge de progression qu'il nous reste à combler.
Je souscris pleinement à l'idée d'un partenariat entre le secteur public et le secteur privé, très en amont de la commande publique. Le travail de recensement, de labellisation, de certification doit ici permettre au secteur public de mieux connaître les acteurs en présence.
Nous constatons une méconnaissance totale des compétences et des savoir-faire des entreprises de la « tech » française. Elle en contrarie nombre d'initiatives et en provoque parfois le départ dans le sillage d'investisseurs étrangers.
Il importe que la commande publique gagne en importance et montre l'exemple. En 2018, l'État a effectué un travail remarquable en segmentant en trois « cercles » l'approche du cloud et des offres qui le concernent. Cependant, à ce jour, seul s'est matérialisé le premier de ces cercles, qui vise à répondre à des besoins strictement régaliens d'infrastructures numériques. Poursuivons résolument cet effort. Les propositions ne manquent pas pour rapprocher et valoriser les savoir-faire français et européens au service d'une numérisation qui nous ménage la maîtrise de nos données et contribue au rayonnement de nos entreprises.