Je distinguerai, dans mon propos, les entreprises du CAC40, d'une part, et les TPE et PME, d'autre part.
Les TPE et les PME traditionnelles sont confrontées au sujet de la transformation numérique. Ce sujet n'est pas spécifique à la France, mais il n'a jamais été une priorité des politiques publiques dans notre pays. Les Allemands, eux, ont pris cette question très au sérieux. La France accuse donc aujourd'hui un retard en la matière. Je prendrai pour exemple le dossier de demande d'aides au titre de la transformation digitale des entreprises qu'une commerçante de la région de Nantes m'a fait suivre. Le dossier que les pouvoirs publics demandent aux commerçants de remplir est extrêmement conséquent et détaillé. Qui plus est, ces aides doivent nécessairement couvrir des dépenses supérieures à 5 000 euros – alors que certains commerçants souhaitent seulement créer un site Internet. Cela est problématique, d'autant que l'on sait que la moyenne d'âge des patrons de PME en France se situe autour de 55 ans. La puissance publique prend donc progressivement conscience du besoin de digitalisation des TPE et PME, mais les petites entreprises sont confrontées à des situations folles.
Je suis beaucoup plus dur à l'égard des sociétés du CAC40. Elles ont une responsabilité historique dans le retard de notre pays en matière de numérique. Nous attendons souvent des lobbies qu'ils soient très sévères à l'égard de l'État – France Digitale est également extrêmement sévère à l'égard du CAC40. La situation est affligeante. Je ne comprends pas comment les dirigeants du CAC40 peuvent être aussi peu visionnaires. Ils adoptent des comportements de rentiers et ne voient pas venir les dangers de la transformation numérique pour leur business model. Cette situation se traduit par un sous-investissement chronique des entreprises du CAC40 dans le numérique et dans les technologies en général. À titre d'exemple, les débats sur la 5G ont fait rage tout l'été. Quel opérateur de télécommunications français investit aujourd'hui dans les communications quantiques ? Deutsche Telekom et South Korea Telecom sont en train d'investir des millions dans ce sujet et de déployer les premiers réseaux de télécommunications quantiques – alors que nos opérateurs français sont encore en train de déployer les pylônes 4G. Je constate donc un sujet de sous-investissement chronique dans les nouvelles technologies chez les entreprises du CAC40.
La situation se traduit également par le rachat de start-up. Sans se soucier de nouer des collaborations avec les start-up, les grandes entreprises se contentent de les racheter très cher. J'en veux pour exemple les quelques rachats de start-up à plus de 100 millions d'euros en France : cela est indigent – d'autant que les grandes entreprises n'en font rien.
S'agissant de la cybersécurité, je rappellerai que la France est le deuxième budget de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Nos grands groupes sont « biberonnés » à la commande publique : Safran, Thales, Dassault Systèmes. Aucune de nos pépites de la cybersécurité ne travaille avec eux ni n'est rachetée par eux. Il n'est pas étonnant alors que les Américains nous dament le pion et que nous ayons du mal à construire une autonomie stratégique.
L'on dit souvent que le poisson pourrit par la tête ; je pense que cela est absolument vrai en matière de transformation digitale de l'économie française. Les réponses devraient se traduire par davantage d'investissements technologiques par les grandes entreprises et surtout par la croissance externe via le rachat de pépites technologiques françaises.