Intervention de Dominique Pon

Réunion du jeudi 4 mars 2021 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Dominique Pon, responsable ministériel du numérique en santé :

Nous publions chaque année un document de bilan portant sur l'ensemble de la feuille de route du numérique en santé. Nous nous astreignons chaque année à la transparence quant aux engagements que nous avons pris en avril 2019. Nous tenons, à la semaine près, la totalité des engagements compris dans cette feuille de route qui regroupe cinq orientations et trente actions extrêmement concrètes. Nous dépensons, Mme Laura Létourneau, la totalité des équipes et moi-même, une énergie folle pour tenir, à la semaine près, les engagements pris. Cette feuille de route définit un cadre d'action et d'orientation allant jusqu'à la mi-2022. Nous irons au bout et nous ferons ce que nous avons promis.

Je rappellerai le principe général de la feuille de route. Son point de départ est le rapport présentant un état des lieux du numérique en santé en France préparé par Mme Annelore Coury et moi-même. Je m'occupe du pilotage national de la stratégie du numérique en santé et je suis également directeur d'établissement. Depuis vingt ans, je suis confronté à la réalité du numérique en santé en France. Je constate qu'en la matière, nous naviguons entre le fantasme et la frustration. Nous fantasmons les apports positifs du numérique en santé, mais nous sommes incapables d'être humbles, pragmatiques, de décider d'actions claires, d'avancer collectivement et dans la durée. Beaucoup d'autres pays ont adopté une approche beaucoup plus humble que la nôtre, ont moins fantasmé le numérique et avancent depuis quinze ans, brique après brique, pour construire un système numérique de santé cohérent.

Ces quinze dernières années, je constate qu'il n'y a eu aucune doctrine, aucun portage politique, aucun volontarisme : chacun a développé ce qu'il souhaitait – les régions, les hôpitaux, les professionnels de santé, les industriels, les start-up. Sans socle commun, sans référentiel commun, sans logiciels communiquant entre eux, aucune règle n'existe aujourd'hui pour garantir la sécurité suffisante des données de santé. Les professionnels de santé sont extrêmement frustrés car ils sont confrontés à des ruptures dans les parcours de soin, puisque les logiciels ne communiquent pas entre eux. Le citoyen, lui, n'a toujours pas accès à ses informations de base et à ses données de santé en ligne pour devenir acteur de sa santé.

Dans ce contexte, plusieurs choix étaient possibles. La feuille de route du numérique incarne le parti-pris selon lequel il n'existe pas d'homme, ni de femme, ni de logiciel providentiel pour résoudre la totalité des sujets du numérique en santé en France. La meilleure façon d'avancer est d'adopter une posture humble et extrêmement pragmatique. Il nous faut fixer un cadre de valeurs et une vision communs, dans lesquels nous obligerons l'ensemble des acteurs à s'inscrire. Nous sommes un peuple frondeur et dans l'autodénigrement permanent. Nous devons donc imposer une vision. L'État est le seul acteur capable de réguler, d'organiser tout cela et de proposer des services numériques socles.

Nous proposons donc le cadre de valeurs suivant :

– tout d'abord, nous devons être redevables d'une stratégie de résultats qui s'inscrit dans un cadre de valeurs souverain. Je crois à la souveraineté nationale et européenne en matière de numérique en santé ;

– ensuite, le numérique en santé ne doit pas concerner seulement les professionnels : il doit également concerner les citoyens. Le numérique en santé doit être directement orienté vers les citoyens. Nous devons proposer des plateformes numériques pour le citoyen français ;

– enfin, le cadre éthique du numérique en santé n'est pas seulement lié à la souveraineté et qu'au Règlement général sur la protection des données (RGPD). L'éthique doit être la marque européenne et française du développement du numérique en général, et du numérique en santé en particulier.

Notre cadre de valeur se résume donc par ces trois points clés : souveraineté, citoyenneté, éthique.

Nous portons également une vision. Elle consiste à demander à l'ensemble des acteurs qui développent des outils numériques de converger vers des référentiels-socles construits par l'État et imposés à l'ensemble des acteurs. Ces référentiels socles comprennent, par exemple, un téléservice permettant de créer une identité numérique de base pour chaque citoyen et de s'échanger des données de santé. Cela est désormais fait. Cela comprend également le référencement des professionnels de santé dans des annuaires proposés par l'État ainsi que des référentiels des terminologies de santé. L'État arbitre, il fixe le cadre – s'inscrivant pour cela dans un référentiel international et européen – et l'impose à tous les acteurs. L'État construit également des briques techniques en matière de cybersécurité imposées à l'ensemble de l'écosystème.

Le cœur du dispositif est l'espace numérique de santé. Il s'agit d'une plateforme souveraine portée par l'État, permettant à chaque citoyen français de gérer ses données de santé, de donner des consentements d'accès à ses données de santé, de posséder une adresse de messagerie sécurisée pour ses données de santé, de posséder un agenda santé et d'avoir accès à un catalogue numérique d'applications développées par l'écosystème et référencées par l'État dans l'espace numérique de santé du citoyen. Cette plateforme constitue réellement le point clé de toute notre stratégie. Pour être souverain, l'État doit créer les fondations du numérique en santé en France. Il doit construire la plateforme – le contenant –, ouverte et destinée au citoyen, et référencer les services numériques qui ont accès à cette plateforme. Je suis profondément convaincu que nous sommes en train de construire ce qui va nous permettre d'être souverains en matière de numérique en santé.

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