Il est extrêmement difficile de faire des généralités : je ne me prononcerai donc pas. Je vous répondrai par un exemple. Les personnes qui s'expriment sur le numérique dans le secteur de la santé expriment tout d'abord des frustrations.
Il y a dix-huit ans, j'ai été embauché à la clinique Pasteur de Toulouse comme informaticien. Un schéma directeur du numérique avait été élaboré par la société de conseil Ernst & Young. J'y ai opposé une autre solution : j'ai proposé de construire notre propre dossier patient informatisé, d'en faire une start-up, d'industrialiser cette solution, puis de la déployer dans d'autres établissements en France. Nous l'avons fait. L'ensemble des professionnels de santé ne croyait pas possible de créer notre propre dossier patient informatisé. Ce processus a pris du temps, il a donc fallu rester humble et gérer les frustrations des professionnels de santé. Plusieurs années après, les médecins considèrent cet outil comme indispensable et se prononcent tous en faveur de la numérisation. La première phase est donc la résistance, puis s'en suivent la frustration et enfin la réussite et la capacité à développer une activité.
Ensuite, nous avons proposé de développer un outil pour les patients. À nouveau, les professionnels de santé ont opposé de la résistance. Le taux d'adhésion des patients à cet outil a été d'environ 90%, alors même que la moyenne d'âge des patients se situait autour de 65 ans. L'outil leur a simplifié la vie et nous avons mis en place des métiers numériques de soignants qui humanisent l'outil. La résistance s'est donc dissipée, alors que le lancement du projet avait suscité un tollé auprès des professionnels de santé.
Dès lors qu'ils constatent la sincérité dans les engagements et les valeurs, et dès lors qu'ils sentent que l'outil dispose d'une vraie capacité à être utilisé dans le réel, les professionnels de santé accompagnent le changement. Il faut cependant faire preuve de sincérité, d'engagement et montrer des valeurs humanistes et de terrain. Cela est vrai dans le numérique et cela est vrai dans tous les secteurs. Il faut recréer la confiance collective dans le fait que nous allons nous en sortir.