Intervention de Naomi Peres

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 9h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI) :

Il n'est pas facile de trouver le juste milieu entre une « agencisation » sur le format de l'Agence d'innovation de défense (AID) et notre format actuel. L' « agencisation » aurait beaucoup d'avantages, car les moyens de mise en œuvre des crédits seraient concentrés. Cela nous rendrait également plus visibles. Notre service est peu connu des bénéficiaires finaux. Nos grands opérateurs sont Bpifrance, la Caisse des dépôts et consignations, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et l'Agence nationale de la recherche (ANR) – nos bénéficiaires les connaissent beaucoup mieux que nous. Ce modèle a été décidé il y a dix ans : il explique que ce sont souvent ces grands opérateurs qui sont identifiés comme les acteurs de l'innovation dans leur domaine. Nous avons capitalisé sur l'image et sur la force de ces grands opérateurs.

Le fait d'être placés à Matignon nous offre effectivement une grande agilité. Ce rattachement est, à mes yeux, extrêmement important. Nous sommes un petit service, rassemblant des directeurs « métiers », experts dans leurs domaines et fonctionnant quasiment sous la forme d'un cabinet. Nous bénéficions d'une grande liberté d'accès aux administrations et aux ministères. En ce qui concerne la construction des stratégies et des politiques d'innovation, notre force est de pouvoir réunir des acteurs multiples pour les faire travailler ensemble à la construction d'un projet commun. Il est parfois difficile de garantir l'équilibre des arbitrages. Notre responsabilité est de proposer au Premier ministre des arbitrages et des décisions de financement. Il n'y a pas de lieu plus neutre que Matignon pour faire valoir les différents points de vue. In fine, Matignon arbitre et c'est son rôle. Le rattachement au Premier ministre est, à mes yeux, fondamental.

Ce sujet est un petit peu différent de la forme. L'équilibre du modèle entre, d'une part, « l'agencisation », sur le modèle de l'agence de l'innovation, et, d'autre part, un petit secrétariat, sur le format du secrétariat général à l'investissement qui s'appuie sur les opérateurs, pose une vraie question. Les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. Cette question a été en partie développée dans le rapport de notre comité de surveillance. Le rapport a développé les différents modèles d'organisation possibles. Chacun des modèles suppose des moyens différents en administration centrale. Chaque modèle a également des impacts en matière d'appropriation des stratégies d'investissement par les ministres. Cela n'aurait pas beaucoup de sens de financer une stratégie cloud qui ne serait pas articulée avec ce qui est en train d'être négocié, par le secrétariat d'État au numérique, au niveau européen, sur la sécurisation du cloud, ou avec la stratégie de l'État en matière de cloud. Aujourd'hui, notre service est discret et ne concurrence pas les ministres, en termes de visibilité et de portage.

Cela est important, si l'on réfléchit au fait que ces actions doivent essaimer dans le temps. Le PIA est un programme d'innovation qui intervient dans beaucoup de secteurs et dont le rôle est de faire la preuve de concept. Ce programme ne sera jamais capable de gérer un déploiement. Si l'on centralise trop et que les ministères ne s'approprient pas le travail sur l'innovation, on risque alors, quand l'innovation aura fait ses preuves, que les ministères ne s'en emparent pas et ne lèvent pas les derniers verrous réglementaires à son déploiement. Il n'est pas si simple de trouver le bon modèle en matière d'innovation.

S'agissant du rattachement du secrétariat d'État au numérique à Matignon ou à Bercy, nous travaillons avec tous les ministres et les secrétaires d'État, quel que soit leur rattachement. Si le positionnement à Matignon aide dans la discussion interministérielle, en revanche, les moyens d'administration sont à Bercy. Il n'y a donc pas de réponse évidente, s'agissant du positionnement du secrétariat d'État au numérique. Nous nous attachons à faire vivre cette notion d'innovation en interministériel : un seul comité interministériel suit l'ensemble des stratégies d'investissements. Il est important de garder une dynamique collective : tous les ministères sont présents autour de la table, même quand nous discutons de sujets pointus, comme la 5G ou le cloud. Petit à petit, la transversalité se construit. Depuis dix ans, le PIA a toujours été capable de travailler en interministériel.

Le PIA 1 a financé France Brevets, dont le modèle économique et le format sont actuellement en cours d'examen. Le gouvernement ne s'est pas encore prononcé à ce sujet. Nous avons veillé à traiter du mieux possible la composante propriété intellectuelle au sein de chacune de ces stratégies d'accélération. Tout un chapitre lui est consacré dans les stratégies cyber et quantique. Nous nous demandons comment mobiliser les bonnes expertises. L'achat de brevets, qui est une stratégie agressive, n'est pas la seule solution. Nous réfléchissons également à accompagner nos start-up pour les amener à protéger leurs technologies, au bon moment, avant d'en acheter d'autres. Un défaut d'accompagnement persiste aujourd'hui à ce sujet et nous travaillons avec Bpifrance pour construire cette offre de services. Ce sujet est identifié, à la fois sur la base du retour d'expérience et des expertises de France Brevets, et du rôle d'accompagnement de Bpifrance auprès des start-up. Nous essayons de construire une offre de services, dont une partie sera quasiment assurée par du service public, et une autre partie recouvrira l'activité concurrentielle de France Brevets. L'intervention de l'État ne peut donc pas être la même dans les deux cas. Le PIA 4 accordera les moyens nécessaires afin que la protection de la propriété intellectuelle, et éventuellement, par la suite, les stratégies d'acquisition, puissent être mises en œuvre, si elles sont pertinentes dans le domaine considéré.

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