Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PIA
  • souveraineté
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  MoDem    UDI & indépendants  

La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de Mme Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI), et de M. Clément Jakymiw, directeur adjoint du programme industries et services du secrétariat général pour l'investissement

La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

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Nous recevons Mme Naomi Peres, secrétaire générale adjointe, et M. Clément Jakymiw, directeur adjoint du programme industries et services, du secrétariat général pour l'investissement (SGPI).

Le secrétariat général pour l'investissement est chargé, sous l'autorité du Premier ministre, de mettre en œuvre le programme d'investissements d'avenir (PIA). Ce programme soutient les projets d'excellence dans les filières structurantes pour la France et fait l'objet d'un suivi attentif par le Parlement. Trois programmes d'investissements d'avenir ont été initiés depuis 2010. Un quatrième PIA, d'un montant total de 20 milliards d'euros sur cinq ans, a été créé par la loi de finances pour 2021.

Nous partageons, Mme la secrétaire générale adjointe et M. le directeur adjoint, bon nombre de problématiques : le soutien aux projets technologiques critiques est en effet nécessaire pour construire une forme de souveraineté numérique nationale et européenne – c'est l'objet du plan de relance et du PIA 4 dont votre service est chargé. Nous souhaitons donc vous interroger sur votre vision dans ce domaine et sur la façon dont vos activités s'articulent avec celles du Haut-commissaire au Plan.

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Je souhaite vous interroger sur trois points en particulier.

Nous aimerions d'abord vous entendre sur ce que la souveraineté numérique recouvre, selon vous. Ce sujet fait l'objet d'une attention croissante, de la part des pouvoirs publics, notamment depuis la crise sanitaire. Au cours de nos auditions, nous avons eu l'occasion de recueillir plusieurs définitions de cette notion très large, que certains rapprochent parfois d'une forme d'autonomie stratégique ou décisionnelle. J'aimerais donc savoir comment vous appréhendez cette notion et de quelle façon les investissements d'avenir contribuent à promouvoir une forme de souveraineté numérique nationale ou européenne.

Je souhaiterais ensuite vous interroger sur les forces et faiblesses françaises dans les technologies stratégiques pour notre avenir, puisque vous disposez d'une vision très large de ces enjeux. Diverses initiatives ont d'ores et déjà été mises en œuvre au niveau européen, comme le plan intelligence artificielle présenté en 2018, le plan quantique annoncé plus récemment ainsi que le plan nano 2022. Nous souhaiterions connaître l'état des lieux des initiatives suivies par le SGPI et prendre connaissance des segments dans lesquels il nous faudrait, selon vous, renforcer notre action.

Enfin, j'aimerais que nous échangions sur le financement de l'innovation en France et sur la question des brevets. Nous avons auditionné France Brevets, structure créée en 2011 dans le cadre du PIA 1. Ses représentants nous ont indiqué que les entreprises françaises ont intérêt à se protéger des stratégies d'agression en achetant un certain nombre de brevets impactant leurs concurrents. La protection de nos pépites et les opportunités d'acquisitions d'acteurs clés semblent être un enjeu économique important. Je souhaiterais recueillir votre avis sur ce sujet, qui renvoie à une approche assez offensive de la souveraineté numérique.

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Nous nous sommes intéressés à la notion de souveraineté avant la crise, lorsque nous avons commencé à préparer le quatrième PIA, en 2019. Nous avions alors convenu que la doctrine ou le principe d'investissement du PIA ne pouvait plus être la seule croissance – évidemment, le PIA vise à investir pour l'avenir, à créer des emplois et à développer la croissance, mais plus seulement. Nous avons donc réfléchi à compléter les principes d'investissement du PIA avec, d'une part, la transition écologique et, d'autre part, un concept rassemblant les aspects de résilience, de souveraineté et d'autonomie. Je vous rejoins sur le fait que la définition de la souveraineté n'est pas si simple. Nous retenons la définition suivante : la capacité d'apprécier une situation et de décider et d'agir sans contrainte et sans influence extérieure. Cette définition s'applique à l'État souverain. Nous lui avons préféré, dans le PIA 4, la notion de résilience, qui est à nos yeux plus large et emporte aussi une notion de souveraineté et d'autonomie. La résilience est la capacité d'un pays ou d'une organisation à résister aux conséquences d'une crise ou d'une agression et à retrouver le plus rapidement possible un fonctionnement normal, même si celui-ci est différent du fonctionnement précédent. La notion de résilience emporte donc mécaniquement la notion de souveraineté, en particulier en matière numérique. Les principes d'investissements du PIA sont donc constitués des trois concepts suivants : croissance potentielle, transition écologique et résilience des organisations socio-économiques au sens large.

En souhaitant appliquer cette notion à la matière numérique, nous avons réfléchi à trois grands aspects : le matériel, le logiciel et les usages. Ces trois éléments sont assez liés. Nous nous sommes posés la question suivante : dans quoi serait-il légitime d'investir, pas seulement dans une logique de retour sur investissement purement financier, mais extra-financier, c'est-à-dire dans une logique permettant d'augmenter notre autonomie, notre capacité à décider, notre capacité à rester maîtres de nos données, de nos logiciels et de nos matériels ?

Nous souhaitons appliquer cette notion à tous les domaines à chaque fois que nous bâtissons une stratégie, et pas seulement au numérique : la nouvelle logique du PIA 4 est construite autour de grandes stratégies d'investissement. Pour le PIA 4, nous avons souhaité prendre le temps de réunir l'ensemble des ministères compétents et de consulter assez largement, avant de lancer des appels à projets. Ainsi, nous associons largement les chercheurs, les parties prenantes, les collectivités territoriales, les entreprises. Avant de lancer un programme de recherche ou un programme d'investissement industriel, nous nous interrogeons de la manière suivante : dans ce domaine, quels sont les forces et faiblesses du pays, où se situent les besoins et un programme comme le PIA peut-il intervenir intelligemment ? Pour cela, nous essayons également d'articuler les outils normatifs, fiscaux et réglementaires, car nous avons plus de chances de réussir une transformation si nous nous sommes mis d'accord ensemble, auparavant, sur la feuille de route pour y arriver.

Nous avons travaillé de cette manière dans le secteur numérique. Les premières stratégies présentées par le Président de la République sont la stratégie quantique et la stratégie cyber. Plusieurs autres stratégies sont actuellement en cours d'élaboration, avec des consultations en ligne et des appels à manifestations d'intérêt. Nous tâchons d'appliquer cette notion de résilience et de souveraineté à tous les domaines. Nous l'avons, par exemple, appliquée à la stratégie hydrogène. Nous nous sommes interrogés de la manière suivante : quelle est la capacité de production d'hydrogène en France et à quel moment devons-nous déclencher le mécanisme d'aide à l'achat ? Il s'agit de trouver l'équilibre entre la volonté de développer rapidement l'hydrogène vert et bleu et le souci d'éviter d'acheter des catalyseurs chinois. Il y a donc un équilibre à trouver entre la volonté d'atteindre rapidement des objectifs et la volonté de garantir, grâce à ces investissements, notre autonomie et notre souveraineté.

En matière de numérique, cette logique est à l'œuvre dans les investissements conduits en faveur des matériels pour la 5G ou la 6G : nous veillons à ne pas être trop dépendants de matériels ou de composants dont nous ne maîtrisons pas la chaîne de production. Il en va de même pour le logiciel. Nous avons largement investi dans l'intelligence artificielle de confiance, avec le souci suivant : comment certifier les logiciels d'intelligence artificielle qui prendront peut-être, demain, une place prépondérante dans nos vies ?

Nous travaillons depuis trois ans à réaligner les investissements du PIA avec les activités de chaque ministère. Nous sommes un service du Premier ministre, afin de faire travailler ensemble toutes les parties prenantes avant de débloquer les fonds. Nous évitons d'adopter des prises de position et des points de vue qui ne seraient pas construits et partagés en interministériel. Le rôle du SGPI est très structurant dans le travail gouvernemental : il consiste à réunir tous les acteurs et à ouvrir la discussion avec des experts externes. Nous forgeons notre avis et nos convictions sur la base des avis d'experts, qu'ils soient issus des ministères, du Parlement ou de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le SGPI ne regroupe que trente personnes, nous avons donc besoin de recourir à des sources d'expertise extérieures. Ce que je vous livre est donc le fruit d'une réflexion collégiale et ouverte au-delà du seul SGPI.

Nous avons travaillé sur la notion de souveraineté avec le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et le Service de l'information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse). Lors de la préparation du PIA 4, nous avons abouti à la conclusion suivante : la croissance économique est très bien caractérisée ; la transition écologique commence à l'être également, en particulier quant aux sujets de décarbonation et de référentiels d'appréciation de la biodiversité ; en revanche, il existe moins de littérature sur la résilience et sur la souveraineté. Nous avons donc collaboré avec les services qui travaillent de longue date sur ces sujets, pour savoir comment transposer une logique de souveraineté ou d'autonomie à d'autres champs, par exemple à l'éducation ou à la vieillesse. La notion d'autonomie et de résilience peut exister dans de nombreux autres domaines et nous devons réfléchir à la façon de la caractériser.

Nous nous efforçons d'apprécier les forces et faiblesses des différents secteurs en matière de souveraineté numérique. Nous considérons, par exemple, que la France dispose de toutes les compétences de haut niveau en matière quantique. Nous disposons de chercheurs compétents et nous réussissons à créer de formidables start-up dans ce domaine ; mais souvent, au moment où elles se mettent à grossir et qu'elles sont en capacité de conquérir des marchés, elles se heurtent à la fragmentation des marchés européens. Je pense que nous avons dépassé le sujet du financement en matière numérique : nous arrivons, à l'échelle européenne, à mobiliser les financements nécessaires pour permettre à ces entreprises de croître. Il se pose, en revanche, un sujet d'accès au marché en Europe. Il est plus facile, pour les entreprises, d'aller conquérir le marché américain que de s'adapter aux différents marchés européens. Nous essayons de mener ce diagnostic de forces et faiblesses, de manière très précise, pour chacune de nos stratégies. Les forces et faiblesses sont assez variables en fonction des secteurs considérés : en matière de cybersécurité, l'enjeu est de ne pas perdre l'avance gagnée ; en matière quantique, l'enjeu est d'abord d'investir dans l'amont, c'est-à-dire dans la recherche et le transfert technologique.

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Clément Jakymiw, directeur adjoint du programme industries et services du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

J'ajouterai un complément à propos du lien entre la notion de souveraineté et celles d'autonomie et de résilience. Ces notions sont différentes. On peut être souverain, sans nécessairement faire preuve d'autonomie ou d'une très forte résilience. Les enseignements de la crise sont extrêmement intéressants à cet égard : ils ont montré que les notions d'autonomie et de résilience sont bien plus prégnantes que l'on pouvait l'imaginer auparavant. Cela est particulièrement visible dans le domaine de la santé, en raison des débats soulevés à propos des masques, des respirateurs ou des vaccins. Il faut bien entendu généraliser cette réflexion au secteur du numérique. Cette notion de souveraineté, avec un double prisme d'autonomie et de résilience, est au cœur des attentions médiatiques et des industriels.

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Petite équipe d'une trentaine de personnes, placée sous l'autorité du Premier ministre, ce format vous apporte-t-il de l'agilité, et cette agilité est-elle une force dans l'exercice de votre mission ? Le fait d'être placé sous l'autorité directe du Premier ministre vous donne-t-il une capacité à mobiliser, beaucoup plus importante ?

D'autre part, ne nous manque-t-il pas aujourd'hui une administration spécialisée dans l'innovation et le numérique ? Le secrétaire d'État au numérique est à Bercy ; la ministre déléguée à l'innovation l'est également. Les activités ne devraient-elle pas être plus transversales ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Il n'est pas facile de trouver le juste milieu entre une « agencisation » sur le format de l'Agence d'innovation de défense (AID) et notre format actuel. L' « agencisation » aurait beaucoup d'avantages, car les moyens de mise en œuvre des crédits seraient concentrés. Cela nous rendrait également plus visibles. Notre service est peu connu des bénéficiaires finaux. Nos grands opérateurs sont Bpifrance, la Caisse des dépôts et consignations, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et l'Agence nationale de la recherche (ANR) – nos bénéficiaires les connaissent beaucoup mieux que nous. Ce modèle a été décidé il y a dix ans : il explique que ce sont souvent ces grands opérateurs qui sont identifiés comme les acteurs de l'innovation dans leur domaine. Nous avons capitalisé sur l'image et sur la force de ces grands opérateurs.

Le fait d'être placés à Matignon nous offre effectivement une grande agilité. Ce rattachement est, à mes yeux, extrêmement important. Nous sommes un petit service, rassemblant des directeurs « métiers », experts dans leurs domaines et fonctionnant quasiment sous la forme d'un cabinet. Nous bénéficions d'une grande liberté d'accès aux administrations et aux ministères. En ce qui concerne la construction des stratégies et des politiques d'innovation, notre force est de pouvoir réunir des acteurs multiples pour les faire travailler ensemble à la construction d'un projet commun. Il est parfois difficile de garantir l'équilibre des arbitrages. Notre responsabilité est de proposer au Premier ministre des arbitrages et des décisions de financement. Il n'y a pas de lieu plus neutre que Matignon pour faire valoir les différents points de vue. In fine, Matignon arbitre et c'est son rôle. Le rattachement au Premier ministre est, à mes yeux, fondamental.

Ce sujet est un petit peu différent de la forme. L'équilibre du modèle entre, d'une part, « l'agencisation », sur le modèle de l'agence de l'innovation, et, d'autre part, un petit secrétariat, sur le format du secrétariat général à l'investissement qui s'appuie sur les opérateurs, pose une vraie question. Les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. Cette question a été en partie développée dans le rapport de notre comité de surveillance. Le rapport a développé les différents modèles d'organisation possibles. Chacun des modèles suppose des moyens différents en administration centrale. Chaque modèle a également des impacts en matière d'appropriation des stratégies d'investissement par les ministres. Cela n'aurait pas beaucoup de sens de financer une stratégie cloud qui ne serait pas articulée avec ce qui est en train d'être négocié, par le secrétariat d'État au numérique, au niveau européen, sur la sécurisation du cloud, ou avec la stratégie de l'État en matière de cloud. Aujourd'hui, notre service est discret et ne concurrence pas les ministres, en termes de visibilité et de portage.

Cela est important, si l'on réfléchit au fait que ces actions doivent essaimer dans le temps. Le PIA est un programme d'innovation qui intervient dans beaucoup de secteurs et dont le rôle est de faire la preuve de concept. Ce programme ne sera jamais capable de gérer un déploiement. Si l'on centralise trop et que les ministères ne s'approprient pas le travail sur l'innovation, on risque alors, quand l'innovation aura fait ses preuves, que les ministères ne s'en emparent pas et ne lèvent pas les derniers verrous réglementaires à son déploiement. Il n'est pas si simple de trouver le bon modèle en matière d'innovation.

S'agissant du rattachement du secrétariat d'État au numérique à Matignon ou à Bercy, nous travaillons avec tous les ministres et les secrétaires d'État, quel que soit leur rattachement. Si le positionnement à Matignon aide dans la discussion interministérielle, en revanche, les moyens d'administration sont à Bercy. Il n'y a donc pas de réponse évidente, s'agissant du positionnement du secrétariat d'État au numérique. Nous nous attachons à faire vivre cette notion d'innovation en interministériel : un seul comité interministériel suit l'ensemble des stratégies d'investissements. Il est important de garder une dynamique collective : tous les ministères sont présents autour de la table, même quand nous discutons de sujets pointus, comme la 5G ou le cloud. Petit à petit, la transversalité se construit. Depuis dix ans, le PIA a toujours été capable de travailler en interministériel.

Le PIA 1 a financé France Brevets, dont le modèle économique et le format sont actuellement en cours d'examen. Le gouvernement ne s'est pas encore prononcé à ce sujet. Nous avons veillé à traiter du mieux possible la composante propriété intellectuelle au sein de chacune de ces stratégies d'accélération. Tout un chapitre lui est consacré dans les stratégies cyber et quantique. Nous nous demandons comment mobiliser les bonnes expertises. L'achat de brevets, qui est une stratégie agressive, n'est pas la seule solution. Nous réfléchissons également à accompagner nos start-up pour les amener à protéger leurs technologies, au bon moment, avant d'en acheter d'autres. Un défaut d'accompagnement persiste aujourd'hui à ce sujet et nous travaillons avec Bpifrance pour construire cette offre de services. Ce sujet est identifié, à la fois sur la base du retour d'expérience et des expertises de France Brevets, et du rôle d'accompagnement de Bpifrance auprès des start-up. Nous essayons de construire une offre de services, dont une partie sera quasiment assurée par du service public, et une autre partie recouvrira l'activité concurrentielle de France Brevets. L'intervention de l'État ne peut donc pas être la même dans les deux cas. Le PIA 4 accordera les moyens nécessaires afin que la protection de la propriété intellectuelle, et éventuellement, par la suite, les stratégies d'acquisition, puissent être mises en œuvre, si elles sont pertinentes dans le domaine considéré.

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Vous avez exprimé, dans votre propos liminaire, l'idée selon laquelle il est nécessaire d'arbitrer entre la volonté de développer rapidement la filière de l'hydrogène et la volonté de ne pas acheter des catalyseurs chinois : il faut donc trouver un moyen de promouvoir la filière en achetant des produits français ou européens. Dans le numérique, les entreprises françaises font part de leurs difficultés à accéder aux marchés publics. Dans le même temps, les acteurs publics mettent en avant la simplicité du recours à des solutions intégrées américaines, qui fournissent des prestations de cloud et les outils logiciels les accompagnant. Cela traduit une sorte de dissonance cognitive : d'un côté, les pouvoirs publics veulent promouvoir les solutions françaises et européennes et y investissent beaucoup d'argent ; de l'autre, les marchés publics sont construits de telle façon que seuls les grands acteurs peuvent y répondre. Comment voyez-vous les choses ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Il faut distinguer les sujets sur lesquels l'offre est déjà présente (ce qui n'est pas le champ d'intervention du PIA) et les sujets sur lesquels elle ne l'est pas. L'offre des géants du Web – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM) – ne recouvre pas le champ d'intervention du PIA. Le PIA s'intéresse à des solutions futures. En matière de cyber, par exemple, la bataille n'est pas perdue : il est encore temps de construire une offre française, qui constituerait une troisième ou quatrième voie. Nos services publics, demain, pourraient recourir à des solutions de cybersécurité issues d'une offre industrielle française. Cette offre n'existe pas encore. Les entreprises reconnaissent que le marché constitué par les collectivités territoriales, les hôpitaux, les ports, les gares est considérable, mais il n'est pas du tout organisé pour leur parler.

Le PIA 4 va permettre de mettre en place des démonstrateurs territoriaux. Nous avons voulu contrecarrer la critique récurrente adressée au PIA, selon laquelle le programme produit de l'innovation sur étagère, sans aller au bout de la preuve de concept et sans tester cette innovation dans des conditions réelles. Nous avons donc créé un nouvel instrument, intitulé « soutien au déploiement », qui a vocation à financer des formations et à tester, dans des conditions réelles, les technologies en pré-déploiement.

En ce qui concerne la cybersécurité, les démonstrateurs territoriaux vont identifier des territoires pilotes, en avance sur le sujet, qui vont nous aider à qualifier l'offre industrielle française. Ensuite, nous financerons le surcoût de développement ou d'adaptation de cette offre pour qu'elle puisse se retrouver sur le marché. L'enjeu est de créer des solutions industrielles correspondant aux besoins des acteurs publics, collectivités locales, hôpitaux ou ports. Si nous ne faisons pas, aujourd'hui, les efforts nécessaires pour faire dialoguer les parties prenantes sur le sujet, un acteur extérieur viendra, demain, développer cette offre. Il serait très frustrant que cette offre ne soit pas française, car nous avons tout ce qu'il faut pour la développer.

La question s'est également posée, de manière très concrète, en matière éducative. En préfiguration de la stratégie sur l'éducation et le numérique qui sera annoncée par le Premier ministre à la fin du mois de mars, nous avons développé un certain nombre d'actions en 2020, pour un budget total de 300 millions d'euros de PIA. Nous optons pour une approche intégrée par territoire, et non plus par grand plan. Nous avons identifié quelques territoires pilotes et nous y avons investi dans la formation des professeurs et des parents ainsi que dans les équipements. Les start-up et les entreprises des technologies de l'éducation (EdTech) ne veulent plus de financements, elles veulent que nous les aidions à faire sauter le verrou d'accès au marché de l'Éducation nationale. Sur ces démonstrateurs financés par le PIA, nous avons pu faire « sauter les verrous ». Avec les vingt démonstrateurs territoriaux du PIA 4, nous espérons montrer que donner aux acteurs de terrain la liberté de choisir eux-mêmes des solutions – dont on sait, grâce à l'ANSSI, qu'elles sont solides – fonctionne. Nous souhaitons casser la logique de passer par d'énormes marchés publics qui ne peuvent être obtenus que par d'énormes entreprises, alors que de petits marchés peuvent être satisfaits par de petites entreprises.

Dans le PIA 4, nous avons souhaité que les procédures compétitives et ouvertes puissent prendre d'autres formes, y compris celle des partenariats d'innovation. Les marchés publics permettent beaucoup de choses. Nous sommes frileux à l'idée d'utiliser les outils à disposition : les partenariats d'innovation sont un outil formidable, qui est très peu mis en œuvre. Il est toujours plus facile et moins risqué de mettre en œuvre des marchés publics classiques. Les partenariats d'innovation permettent de travailler avec de plus petits partenaires sous la forme du dialogue compétitif. Ils permettent également de travailler en direct, en faisant appel à plusieurs entreprises pour des sommes inférieures à 40 000 euros. Nous y avons régulièrement recours pour les besoins très spécifiques du SGPI. Il est facile de blâmer les marchés publics : le droit des marchés publics autorise beaucoup d'outils, que nous n'utilisons pas encore assez.

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En matière éducative, vous vous êtes rendus compte que les envies et les besoins du fournisseur et du client convergeaient, et que les marchés publics centralisés posaient problème. Est-ce le cas dans d'autres domaines que l'éducation ? Comment, à terme, mettre en œuvre cette liberté et cette territorialisation à plus grande échelle ? Comptez-vous sur des outils législatifs et réglementaires ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

En la matière, il est important d'« embarquer » tout de suite les ministères. Il est difficile de centraliser ces dynamiques dans une agence de l'innovation. Il a fallu du temps pour mettre au point cette stratégie et travailler avec tous les services du ministère de l'Éducation nationale et du ministère de l'Enseignement supérieur. Cela nécessite une forte volonté des ministres concernés.

Aujourd'hui, nous ne voulons plus débloquer des moyens du PIA, si nous n'avons pas répondu à la question : « que se passera-t-il si cela marche ? ». La réponse à cette question nécessite un engagement mutuel entre les ministères : les ministères doivent identifier les moyens qu'ils réorienteront et mobiliseront, si la stratégie d'innovation fonctionne. Ils doivent s'engager quant à leurs actions, si la preuve de concept est faite. Ensuite, il faut espérer que la ligne soit tenue. Cette discussion a eu lieu, y compris avec les opérateurs du ministère de l'Éducation nationale, comme le réseau Canopé.

Un budget comme le PIA donne une capacité d'action rapide pour mettre en place des pilotes et des expérimentations. Cela permet au ministère de prendre le temps de construire sa stratégie sur la base d'une expérimentation qui a fonctionné. Les ministères témoignent d'une certaine aversion au risque : il est très difficile de réussir à préserver leurs budgets d'innovation. En période de crise, les premiers budgets que l'on coupe dans les entreprises sont ceux alloués à la communication et à l'innovation. L'État a donc repris à sa charge ces postes de dépenses : le budget du PIA 4 est ainsi passé de 10 à 20 milliards d'euros. Le PIA permet cette respiration. Des envies s'expriment au sein des ministères : notre travail consiste à les trouver, à les réunir et à les entraîner. L'« agencisation » permet d'aller plus vite sans forcément produire des résultats plus transformants. Les moyens réglementaires ne nous appartenant pas, il nous faut donc convaincre par la preuve.

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Dans votre travail de mutualisation, quels rapports entretenez-vous avec le Haut-commissaire au Plan ? Vous intervenez à la fois sur la prospective et sur la mise en œuvre. Comment mutualisez-vous les idées ?

Quels domaines du numérique n'avons-nous pas investi alors que nous le devrions, d'autres pays étant, eux, en train de les investir ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Un des principaux services du Haut-commissariat au Plan est France Stratégie, un service du Premier ministre avec lequel nous travaillons de longue date. Notre temporalité n'est pas la même que celle du Haut-commissariat au Plan. Nous sommes une petite équipe. Par conséquent, nous construisons notre capacité prospective sur la base de travaux existants, et notamment ceux élaborés par France Stratégie. Nous entretenons par ailleurs beaucoup de liens avec eux au titre d'une autre de nos missions : l'évaluation socio-économique des grands projets d'investissement. Le Haut-commissariat rend visible un travail de prospective que nous pouvons intégrer. Lorsque nous construisons une stratégie à cinq ans, il est extrêmement intéressant de savoir quelle est la stratégie de l'État à dix ans. Nos travaux s'articulent donc assez naturellement.

Nous avons voulu construire un PIA qui ne soit pas préprogrammé à l'avance. Notre PIA est désormais désectorisé. Il est construit avec des grands outils d'intervention, de l'amont à l'aval, mais nous n'indiquons plus à l'avance quel montant du budget sera consacré aux transports, à l'hydrogène ou à la cybersécurité. Nous disposons de moyens, nous avons construit une doctrine et des principes d'intervention, et nous les appliquons à différentes stratégies. Si demain, le Haut-commissaire au Plan identifie un sujet majeur de transformation publique qui nécessite des investissements dans l'innovation, le PIA peut intervenir. Nos travaux se répondent donc.

En ce qui concerne les secteurs du numérique, certaines stratégies sont déjà annoncées et une vingtaine, en cours d'élaboration, font l'objet de consultations publiques ou d'appels à manifestation d'intérêt. Ces stratégies en cours d'élaboration dans le numérique sont les suivantes : l'enseignement et le numérique ; la santé numérique ; la 5G et les technologies des réseaux de communications ; un complément à la stratégie d'intelligence artificielle concernant la confiance dans l'intelligence artificielle ; le cloud ; le verdissement du numérique ; la nanoélectronique à la suite du plan nano ; les transports pour le volet de digitalisation des mobilités ; la transition numérique des industries culturelles. Le numérique prend une très grande place dans le PIA 4 : indépendamment des sujets abordés d'un point de vue technologique, le numérique sera présent dans nombre des stratégies d'investissement que nous financerons. Le numérique est pour nous, à la fois, un secteur et un levier très transverses.

Tous ces domaines ont été identifiés après une large consultation. Si demain un domaine était identifié comme prioritaire – comme le quantique l'a été –, notre programme peut intervenir, du moment que l'on respecte sa doctrine et que l'on pense au déploiement des innovations. Il n'y a pas de restriction à cet égard.

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Que recouvre la stratégie relative à l'enseignement ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Je ne souhaite pas dévoiler les annonces prochaines. Nous pourrons vous faire connaître les actions conduites en préfiguration de cette stratégie, qui ont commencé dès 2020. En plus du dispositif des démonstrateurs territoriaux, nous avons œuvré à doter les universités de moyens pour hybrider les formations. Nous avons également couvert un volet de recherche, qui comprend la constitution de cohortes pour pouvoir suivre les élèves sur le long terme. Nous souhaitons transposer, dans l'éducation, la logique des grands équipements de recherche que sont les cohortes pour la santé. Nous avons également travaillé sur l'intelligence artificielle appliquée à l'éducation et ouvert un concours d'innovations pour débloquer des financements. Nous travaillons enfin énormément à la formation : nous avons travaillé sur les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) du futur ; nous avons également développé la formation à distance des enseignants.

La stratégie « Éducation et numérique » expose aussi, en plus des investissements du PIA, les actions du ministère et de ses opérateurs pour déployer les innovations. Cette stratégie apporte une visibilité sur les actions à venir pour les trois ou quatre prochaines années, qu'il s'agisse des investissements du PIA en faveur de l'innovation et des actions de déploiement et de généralisation du ministère et de ses opérateurs.

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Votre démarche apporte des financements et des solutions technologiques. Comment le ministère vous accompagne-t-il par un mouvement de fond, permettant l'intégration de ces technologies dans les formations des professeurs ou dans la scolarité des élèves ? Avez-vous un effet d'entraînement sur les ministères ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Nous essayons d'avoir un effet d'entraînement. Nous évaluons beaucoup nos actions. L'effet d'entraînement se mesure différemment en fonction des secteurs. Il est assez nouveau, pour nous, d'intervenir dans l'éducation avec cette ampleur. Nous n'avions jamais pu, par le passé, construire une stratégie d'innovation avec le ministère. Sur ce sujet, notre démarche ne peut fonctionner que s'il existe un très fort alignement avec la stratégie du ministère. Par exemple, nous finançons quatre Inspé du futur, à charge ensuite, pour le ministère, de généraliser les dispositifs qui auront fonctionné.

De manière générale, nous appliquons à la sélection de nos projets un critère de réplicabilité. Nous nous posons la question suivante : les projets que nous finançons ont-ils la capacité à être généralisés ? S'il s'agit d'une technologie, nous nous interrogeons sur la demande existante pour cette technologie et sur la capacité des industriels à l'insérer dans leurs processus de production.

Les projets territoriaux supposent de complètement renverser cette approche. Par l'action « Territoires d'innovation » par exemple, nous avons cherché des porteurs de projets aux idées novatrices. Nous avons donc identifié des sujets, aussi bien dans la santé que dans l'agriculture. Nous souhaitons accompagner les acteurs à agir différemment. Ce programme est novateur et il a été difficile à monter.

Notre logique pour convaincre de généraliser les innovations que nous finançons est la suivante :

– tout d'abord, associer le ministère, en amont, dans l'élaboration de la stratégie – cela est plus long car nous prenons le temps de nous mettre d'accord sur une feuille de route ;

– ensuite, démontrer que les solutions fonctionnent.

Nous avons la chance d'être rattachés au Premier ministre. Le PIA 4 est allé un cran plus loin : nous apportons désormais un soutien au déploiement en finançant des formations et de l'ingénierie de formation. Nous sommes prêts à aller jusqu'au bout de la preuve de concept. Une fois que cette preuve de concept est faite, il n'appartient plus au SGPI de la déployer. Parfois, il revient au marché de prendre le relais. Parfois, le ministère doit prendre le relais pour faire « sauter les derniers verrous ». Parfois, enfin, les opérateurs comme la Caisse des dépôts et consignations prennent le relais. Cela peut très bien fonctionner. Le premier financement est souvent le plus difficile – c'est pourquoi nous sommes là.

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Y'a-t-il des ministères ou des secteurs d'activité dans lesquels vous n'êtes jamais sollicités ? Ou à l'inverse, vient-on vous solliciter avec de nombreux projets – qui ne sont pas tous innovants – et êtes-vous obligés de faire un tri ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Le PIA 4 a beaucoup élargi notre champ d'intervention. Cela ne veut pas dire que nous interviendrons dans tous les domaines. Nous souhaitons avant tout élaborer une stratégie conjointe avant de lancer un appel à projets. Les situations sont très hétérogènes. Certains ministères sont très mûrs et l'élaboration d'une stratégie d'innovation peut aller très vite. Pour certains ministères, cette démarche est nouvelle : elle prend plus de temps – car il s'agit des ministères avec lesquels nous travaillions moins, le PIA ayant historiquement moins investi dans leurs secteurs d'intervention.

Il n'y a pas de ministère avec lequel nous ne travaillons pas du tout. En revanche, nous travaillons davantage avec certains ministères : le ministère de l'industrie et le ministère de la recherche sont de grands « clients ». Nous essayons même d'articuler nos interventions avec le ministère de la défense en matière de technologies duales. Nous ne travaillons en revanche pas beaucoup avec le ministère de la justice.

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Je m'interrogeais justement sur deux ministères : le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur.

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Le PIA 4 est ouvert. Si un ministère présente une stratégie d'intervention qui procure des retombées en matière de transition écologique ou de résilience, le PIA peut intervenir. Nous avons souhaité renforcer encore davantage sa dimension interministérielle et ouvrir le champ à de nouveaux secteurs, dans la limite des conditions d'intervention du programme.

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Y a-t-il des sujets que nous n'avons pas abordés et que vous souhaiteriez porter à notre connaissance ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Je reviendrai sur la formation, qui est un domaine dans lequel le PIA a déjà beaucoup travaillé par le passé. L'intervention du PIA est très connue en ce qui concerne le regroupement d'universités. Nous avons également récemment conduit beaucoup d'investissements dans le champ de l'innovation pédagogique, par exemple, par les campus des métiers et des qualifications. Le PIA intervient aussi bien pour les masters et les thèses que pour l'ingénierie de formation professionnelle ou pour la formation initiale. Nous souhaitons renforcer cette dimension dans le PIA 4. L'enveloppe consacrée au soutien au déploiement s'élève à trois milliards d'euros sur cinq ans. Une bonne partie de ce budget concernera l'ingénierie de formation. Ce levier est extrêmement important.

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Comment articulez-vous l'action du PIA avec l'action menée au niveau européen ? Cela concerne à la fois la gestion des moyens et les orientations stratégiques. Couvrez-vous des domaines que l'Europe ne couvre pas, ou inversement ?

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

Le PIA est intégré, pour une partie de ses crédits, dans le plan de relance. Le PIA porte ainsi la majeure partie du plan de relance dans le secteur du numérique. Le travail est en cours avec la Commission pour définir le contenu du plan de relance français : nous devons aligner les axes d'intervention en matière de numérique. Par ailleurs, nous travaillons au quotidien avec la direction générale du numérique, dont la mission principale est d'aligner les orientations de l'État sur celles de la Commission. L'alignement stratégique en matière de numérique est également très suivi par l'Élysée. Nous n'éprouvons donc pas de grande difficulté à comprendre les grandes orientations stratégiques dans ce domaine.

Nous devons néanmoins les mettre en œuvre. Nous avons travaillé en amont avec la Commission sur un appel à projets à destinations des universités européennes de recherche. Plutôt que de lancer un appel à projets français et un appel à projets européen, nous avons opéré de la manière suivante : puisque nous savons que le processus de sélection européen est extrêmement exigeant, nous nous sommes engagés à financer toutes les universités françaises retenues par la Commission. Nous avons travaillé en amont avec la Commission sur le cahier des charges et nous savons que leur processus de sélection est extrêmement exigeant, il est donc normal que nous nous alignions sur leur sélection. Nous pourrions dupliquer cette approche à des entreprises.

Nous travaillons également sur les régimes des important projects of common european interest (IPCEI) qui impliquent nécessairement deux pays au minimum. Nous travaillons sur plusieurs IPCEI avec l'Allemagne ; nous participons également à un IPCEI réunissant quatre pays sur le sujet du cloud.

De manière générale, la subsidiarité est une question intéressante. Considérant les volumes consacrés au numérique et les difficultés d'accès au marché européen, nous pourrions agir en subsidiarité, et décider de financer ce que l'Europe ne finance pas. Mais honnêtement, si les projets ne sont pas cofinancés par plusieurs États, je ne suis pas sûre que l'on puisse arriver à aligner les financements suffisants pour des projets numériques. Je ne sais pas si nous y aurions intérêt. Nous tentons plutôt de bien nous articuler avec l'action européenne et de simplifier au maximum les démarches pour les entreprises.

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Clément Jakymiw, directeur adjoint du programme industries et services du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

En ce qui concerne le partage des feuilles de route, nous nous posons systématiquement la question de l'articulation des dossiers qui nous parviennent avec le programme Horizon 2020. Nous devons comprendre comment les projets s'intègrent dans une dynamique de structuration des filières à l'échelle européenne, afin de soutenir des projets qui, à terme, pourront s'insérer sur le marché européen, parce qu'ils seront considérés par la Commission européenne. Cela est important. La notion de marché européen est critique dans le déploiement des entreprises en ce qui concerne le volet numérique. Nous nous posons donc systématiquement la question de l'articulation de la feuille de route nationale et de ses filières avec la feuille de route européenne, afin qu'il n'y ait pas de solution de continuité, mais qu'au contraire un biseau se crée, au niveau national, transnational et européen.

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Naomi Peres, secrétaire générale adjointe du secrétariat général pour l'investissement (SGPI)

J'ajouterai un élément sur le nouvel instrument French Tech Souveraineté. Nous y avons consacré des fonds propres. Les précédents PIA ont eu un vrai rôle de structuration du marché du financement, en particulier dans le numérique. Le PIA intervient en fonds de fonds pour la structuration du marché. Il intervient également en fonds direct en cas de faille de marché. Le nouvel instrument French Tech Souveraineté n'est pas un fonds d'investissement, il est une poche d'intervention à la main de l'État. Il permet, par exemple, de se défendre contre les comportements agressifs d'achats de start-up. Cette enveloppe d'intervention peut permettre de racheter des start-up, à la manière d'une petite agence des participations de l'État (APE) des entreprises technologiques. Nous avons donc renforcé l'arsenal des outils du PIA pour que nos pépites ne subissent pas la préemption d'un investisseur étranger.

La séance est levée à 10 heures 50.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le thème « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Réunion du jeudi 11 mars 2021 à 9 heures trente

Présents. – MM. Philippe Latombe, Jean-Luc Warsmann

Excusées. – Mme Frédérique Dumas, Mme Nathalie Serre