Intervention de Bruno Sportisse

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 11h30
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Bruno Sportisse, président-directeur général de l'Inria :

L'Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique occupe, du fait de certaines de ses spécificités, une place unique dans le paysage français et européen de la recherche, où il n'existe pas d'autre organisme national de recherche entièrement dédié au numérique. Placé sous la double tutelle des ministères de la recherche et de l'industrie, il porte, de longue date, une attention soutenue à sa mission en matière de souveraineté. Il repose sur un modèle organisationnel unique d'une extrême fécondité dans le champ du numérique.

L'unité de base n'en est autre que l'équipe-projet. Cette structure de petite taille, groupant quinze à vingt personnes, se concentre sur un projet de recherche et d'innovation, explicité par une feuille de route, pendant une période de quatre ans, à l'issue de laquelle ses travaux sont évalués. Son agilité permet à l'équipe-projet d'avancer sur un sujet précis en produisant des résultats. Elle se prête en outre aux partenariats aussi bien académiques qu'industriels. L'Inria compte 220 de ces équipes-projets, dont 90 % communes aux grandes universités de recherche françaises. Elles emploient près de 3 500 chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, doctorants et post-doctorants, répartis sur neuf centres de recherche dans tout le territoire.

En plus de ces équipes-projets, l'INRIA porte des dispositifs destinés :

– à exercer un impact, notamment économique, sur l'ensemble de la recherche publique, dont nos partenaires ;

– à la production de contenu en ligne massif de type massive online open course (MOOC) au travers de l'Inria Learning Lab ;

– au développement de plateformes technologiques (InriaSoft) ;

– à la formation continue au logiciel à destination du tissu industriel avec Inria Academy ;

– et, enfin, à l'accompagnement à la création de start-up technologiques par le biais d'Inria Startup Studio.

L'actualité de l'Inria est marquée par deux dynamiques cohérentes.

La première n'est autre que la signature, le 18 février 2020, par Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et M. Cédric O, secrétaire d'État en charge du numérique, d'un nouveau plan stratégique de l'Inria, sous la forme d'un contrat d'objectifs et de performance couvrant la période de 2019 à 2023.

L'Inria y est présenté comme le bras armé de l'État pour construire, par la recherche, la souveraineté numérique de la nation, comme l'indique le préambule : « l'ambition stratégique de l'Inria est d'accélérer la construction d'un leadership scientifique, technologique et industriel, dans et par le numérique, de la France engagée dans la dynamique européenne. L'Inria doit ainsi assumer qu'il est un outil de la souveraineté et de l'autonomie stratégique numérique de la nation. ». Ce positionnement n'est pas anodin dans le contexte académique aussi bien national qu'international. Quatre axes structurent ce plan stratégique :

– La cristallisation de moyens, en fonction de choix scientifiques, sur des thèmes stratégiques à la composante technologique pleinement assumée : la cybersécurité, une Intelligence artificielle de confiance au bénéfice de notre industrie et l'informatique quantique. À ces thèmes d'actualité dans le plan de relance, s'en ajoutent d'autres, d'application du numérique à la santé et aux objectifs de développement durable. Ceci pose d'ailleurs le problème de la frugalité du numérique et de son empreinte énergétique sur l'environnement ;

– L'Inria doit accorder la priorité à son impact économique sur le tissu industriel français au travers de ses partenariats bilatéraux, de ses équipes-projets communes avec des industriels français, de la formation continue par le transfert de compétences et, enfin, de son ambition entrepreneuriale renouvelée. L'Inria compte en effet accompagner 100 projets de start-up de logiciels par an à partir de 2023 ;

– L'appui aux politiques publiques passe par le développement d'infrastructures logicielles critiques grâce à des unités conjointes avec des départements ministériels en pleine transformation numérique. Un bon exemple en est le projet pilote Regalia, en appui de la direction générale des entreprises, en vue de la régulation des plateformes numériques. L'Inria assume en outre un rôle d'assistance à maîtrise d'ouvrage auprès de l'administration et notamment auprès de la direction générale de la santé dans sa gestion numérique de la crise à travers le projet TousAntiCovid, piloté par un consortium public/privé inédit. Les opérations menées par le LabIA conjointement avec la direction interministérielle du numérique ont apporté une expertise scientifique et technologique à des projets portés par des départements ministériels et tournant autour de l'Intelligence artificielle. La mission Inria Défense incarne notre volonté de nouer un partenariat ambitieux répondant aux besoins numériques, et plus largement scientifiques et technologiques liés au numérique, du ministère des armées, en accord avec l'Agence de l'innovation de défense et la toute nouvelle Agence du numérique de défense. Ces exemples montrent qu'il n'existe pas de recette unique en matière de numérique pour soutenir les politiques publiques et qu'on ne saurait se passer d'une pluralité d'approches largement expérimentales ;

– L'axe territorial, d'une importance considérable, place l'Inria au service du développement des grandes universités de recherche sur chacun des sites d'implantation de l'institut. Avant l'été, nos centres de recherche deviendront des centres Inria des universités qui les hébergent, ce qui souligne l'intense participation de notre organisme national de recherche à la dynamique universitaire, en matière, notamment, de formation. Celle-ci constitue l'une des clés de construction de la souveraineté technologique.

La seconde dynamique à se manifester dans l'actualité de l'Inria est bien sûr liée à la forte implication de notre institut dans le plan de relance. L'Inria pilote la partie recherche de la stratégie nationale sur l'Intelligence artificielle, tout en s'engageant pleinement dans les stratégies nationales d'accélération où le numérique joue un rôle clé. À ce titre, l'Inria copilote avec d'autres acteurs, comme le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les programmes prioritaires de recherche associés aux stratégies nationales d'accélération en matière de cybersécurité ou encore d'informatique quantique. L'Inria copilote également avec le CNRS et l'université d'Aix-Marseille un programme prioritaire de recherche dédié à la transformation numérique de l'enseignement. L'implication structurante de l'Inria dans les réflexions au long cours sur les stratégies d'accélération (et les programmes de recherche associés en cours d'élaboration) en matière de santé numérique, de cloud et de mobilité intelligente est parfaitement cohérente avec les perspectives stratégiques ouvertes par notre nouveau contrat d'objectifs et de performance.

En somme, notre actualité entre tout à fait en résonance avec les questions qui agitent la mission parlementaire sur la souveraineté technologique et numérique.

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