Intervention de Paul-François Fournier

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 11h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance :

Pour répondre à votre première question, je crois au contraire que les fonds de pensions, américains par exemple mais pas uniquement, constituent un formidable moyen d'aider notre écosystème français à grandir et à créer ces start-up sans que le risque soit avéré. Nous visitons ces fonds de pensions, une ou deux fois par an. Ce sont les fonds de retraites, des hôpitaux du Canada, du Québec ou de Pittsburg ou des pompiers d'Atlanta. Je les ai rencontrés et ils ne manifestent aucun intérêt pour l'avenir de l'entreprise. Le seul et unique regard qu'ils ont est le retour sur investissement, puisque ce sont les retraites de ces pompiers ou personnels soignants. En passant par ces fonds, le lien est uniquement financier pour la majorité de ces investissements.

Pour les corporate, le risque peut exister et nécessite probablement une vigilance ponctuelle pour certains fonds très sectoriels. Sans rentrer dans les détails, cette vigilance existe. Elle permet parfois de se demander si le fait qu'un industriel de tel ou tel pays entre dans un fonds d'investissement pose une question d'accès à du savoir. Le niveau de risque est moins important que lorsqu'ils investissent directement dans l'entreprise mais il existe une vigilance, de notre part et de celle de l'État. Il est déjà arrivé quelquefois que des investissements ne se fassent pas pour des raisons de souveraineté sur certaines thématiques.

La difficulté provient de ce que nous ne croyons pas pouvoir construire un écosystème qui ne soit pas un minimum ouvert sur le reste du monde. C'est là toute la complexité de la souveraineté. Avoir des entreprises qui soient de vraies solutions technologiques pour moderniser des filières nécessite souvent qu'elles soient très innovantes donc puissantes et compétitives au niveau mondial. L'accès à des capitaux est essentiel pour les faire croître puisque, même si beaucoup d'argent dort dans les bas de laine, beaucoup d'argent se trouve aussi à l'international et permet de réduire notre déficit du commerce extérieur. Il ne s'agit pas seulement de pétrole, mais aussi d'argent investi dans nos start-up. Parfois, des fonds américains ou étrangers européens qui co-investissent dans des entreprises peuvent aussi donner à l'entreprise un accès à un réseau de compétences ou à un réseau de relations qui a de la valeur.

Pour nous, il faut garder ce chemin de crête entre un écosystème de fonds français puissants que nous développons, qui soient connectés à des fonds étrangers équilibrés pour permettre aux entreprises de se développer sur les marchés internationaux et de devenir de grandes entreprises innovantes, concurrentielles par rapport à leurs homologues internationaux. Cet équilibre est compliqué. Nous y travaillons tous les jours mais nous ne croyons pas qu'un écosystème français uniquement financé sur les fonds français soit pérenne. Nous pensons que ces entreprises doivent s'ouvrir à l'international pour être puissantes et apporter des réponses efficaces à notre écosystème.

En ce qui concerne la culture, nous avons beaucoup progressé. Je comprends l'impatience sur ces sujets de souveraineté technologique : nous sommes sur la bonne voie. Il faut reconnaître que nous avons pris un peu de retard durant ces quinze ou vingt dernières années mais nous sommes sur une dynamique plutôt positive.

Dans la tech traditionnelle, dans le digital, nous avons maintenant plusieurs générations – ce qui participe à la qualité de l'écosystème – avec des entrepreneurs qui ont réussi et réinvestissent dans les start-up ou recréent des start-up. Il nous semble que cet ensemble est à un niveau tout à fait conforme aux références internationales. Cet actif a été bâti collectivement depuis une dizaine d'années.

Lorsqu'un entrepreneur dit ne pas vouloir des fonds, c'est en général un souci d'ambition ou de modèle, mais l'ensemble des entrepreneurs considèrent qu'intégrer un investisseur est un moyen considérable de grandir et nous les accompagnons dans cette logique. Nous poussons aussi les fonds d'investissement à avoir une culture de l'accompagnement, c'est-à-dire à ne pas seulement regarder l'argent mais à créer un écosystème avec des talents, des managing partners. Ce sont souvent d'anciens entrepreneurs qui accompagnent l'entrepreneur pour lui permettre d'accélérer et de capitaliser sur les succès et les échecs de ses prédécesseurs.

Dans la deep tech, nous sommes au début du changement culturel. Nous avons annoncé voici deux jours un rapport avec le Boston Consulting Group (BCG), Bio-Up et France Biotech. Notre écosystème d'entreprises de biotechnologie est important mais la crise a montré un certain nombre de limites. C'est l'occasion de faire croître notre ambition. Un axe important concerne les talents. Pour ces entreprises de deep tech, les marchés sont plus complexes et l'accès aux marchés est souvent plus complexe parce que la science elle-même est plus complexe que dans le digital. Le financement est parfois plus long parce qu'il faut plus de capitaux.

Nous avons encore du travail pour l'acculturation des uns et des autres, y compris des fonds d'investissement, des accompagnateurs, des chercheurs qui envisagent l'entreprenariat. Il faut savoir comment attirer des talents. Nous avons appris ces dernières années que la solution est en général dans la constitution d'une équipe de co-fondateurs, des binômes ou des trinômes où chacun a des éléments de compétences complémentaires pour couvrir le spectre des besoins de ces entreprises. Cela nous a été confirmé par notre rapport sur la biotech qui est en quelque sorte la partie émergée de ce monde des entreprises de technologie.

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