Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • deep
  • entrepreneur
  • investisseur
  • souveraineté
  • start-up
  • tech
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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

La séance est ouverte à 11 heures.

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.

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L'audition de M. Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de la banque publique d'investissement Bpifrance, doit nous permettre d'évoquer le financement des entreprises technologiques qui est évidemment un levier essentiel pour la création de licornes et pour la protection de la souveraineté numérique française et européenne.

Je pense que notre rapporteur sera également très intéressé par la façon dont Bpifrance soutient l'innovation dans le plan d'investissements d'avenir (PIA) et par son expérience durant la crise sanitaire. Comment ces financements ont-ils continué à se mobiliser ?

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Je souhaite vous interroger sur trois sujets. Le premier concerne votre approche de la notion de souveraineté numérique. Il s'agit d'une question rituelle lors de nos auditions qui provient de la grande diversité des définitions de cette notion. Comment définissez-vous cette notion et, surtout, comment est-elle prise en compte dans votre action de soutien et de financement des entreprises ? Je voudrais que vous nous fassiez part des différents instruments mobilisés ou gérés par Bpifrance, dont le fonds « French Tech Souveraineté ».

Ma deuxième question porte sur le plan Deeptech dont Bpifrance est l'un des principaux artisans. Je voudrais faire avec vous un bilan de sa mise en œuvre, notamment dans la crise sanitaire, et vous entendre sur les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises technologiques pour se financer. Plusieurs interlocuteurs ont en effet mentionné lors des précédents échanges la nécessité de passer par le marché américain pour se financer faute de l'habitude, de la part des investisseurs français, de composer un portefeuille comportant des actifs au contenu technologique important. Je voudrais savoir si nous avons, selon vous, une véritable difficulté pour garder nos pépites comme cela nous est assez souvent indiqué.

Enfin, je ne peux pas ne pas revenir sur la polémique qui a concerné Bpifrance au sujet de son usage du cloud d'Amazon pour héberger les données du prêt garanti par l'État (PGE). Au-delà des critiques dans lesquelles je ne veux pas que nous rentrions, je voudrais savoir quelle analyse vous faites a posteriori de ce choix et comment vous voyez les géants du Web (GAFAM) dans l'environnement des start-up et des entreprises du numérique.

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

La souveraineté est une problématique qui revient assez fortement dans le débat public depuis quelques mois et quelques années, en particulier avec la crise, mais qui était déjà présente auparavant et revêt, selon les interlocuteurs, des caractéristiques assez diverses. De façon générale, il s'agit de maîtriser un certain nombre d'outils ou d'éléments de production.

Notre vision de ce sujet est résolument offensive. Depuis la création de Bpifrance, nous sommes convaincus qu'innovation et souveraineté sont intimement liées et que, pour être souverain, il faut avoir une logique de puissance technologique, donc des écosystèmes aussi efficaces et puissants que possible dans la technologie.

Suite à ce constat et avec le soutien de l'État, nous avons pris avec M. Nicolas Dufourcq une option très forte au moment de la création de Bpifrance en constatant que l'innovation a beaucoup changé en France depuis une vingtaine d'années. Nous avons vécu une période très riche avec de grandes filières industrielles très innovantes dans les années 1970 et 1980. Nous avions de grands groupes, de grands centres de recherche et développement (R&D) qui avaient le monopole de l'innovation. Avec le digital, l'innovation a complètement changé et le modèle le plus créateur de valeur est maintenant celui des start-up. Même si les filières traditionnelles continuent à être innovantes, les start-up sont aujourd'hui l'outil de création de valeur au début du processus d'innovation. Nous avons donc mis en place, avec l'État, une action très volontariste pour le financement des start-up autour de deux axes.

Le premier axe consiste à faciliter la création de start-up. Nous mettons en place des financements très significatifs au travers de dispositifs tels que les bourses French Tech, des avances remboursables, des prêts « innovation » ou des prêts d'amorçage pour donner aux jeunes et moins jeunes entrepreneurs le signal que la puissance publique accompagne ce processus de création. Nous avons ainsi presque triplé depuis 2013-2014 le nombre de start-up que nous finançons, aujourd'hui proche de mille entreprises par an. Nous avons donc une politique de diffusion de la création de start-up. Un point important pour nous est le changement de regard des jeunes ingénieurs, chercheurs ou entrepreneurs dans les écoles d'ingénieurs ou de commerce qui, aujourd'hui, considèrent la voie de la création de start-up comme une voie importante.

Le deuxième axe, pour que ces entreprises ne restent pas une forêt de bonsaïs, nécessite que nous disposions d'un écosystème dynamique d'investissement de capital-risque, donc de fonds d'investissement dynamiques et puissants, pour accompagner la croissance de ces entreprises. Suivant l'exemple de Londres, nous pensons que la France doit devenir un grand pays de l'industrie du capital-risque au niveau européen. Depuis cinq ou six ans maintenant, nous avons mené avec l'écosystème des fonds une action volontariste de croissance et de développement de la taille des fonds pour leur permettre d'accompagner la croissance de ces entreprises avec des moyens significatifs, notamment grâce aux programmes d'investissements d'avenir.

La taille moyenne des fonds dans lesquels Bpifrance était investisseur en 2012-2013 était de 80 millions d'euros. Aujourd'hui, la taille moyenne des fonds dans lesquels nous investissons est de plus de 200 millions d'euros, proche de 250 millions d'euros. Cet écosystème grandit donc. Le capital-risque français est passé de deux milliards d'euros en 2013‑2014 à plus de cinq milliards d'euros cette année et la France est l'un des rares pays à avoir été en croissance en 2020.

Ce capital-risque français est de plus en plus européen. Il compte des fonds de plus d'un milliard d'euros et nous avons bien l'intention de continuer. De plus, nous avons plus de dix milliards d'euros de dry powder, c'est-à-dire de capacité à investir dans les années à venir. Cela a permis en 2020, malgré la crise, de réaliser 80 levées de vingt millions d'euros, alors que nous n'en comptions qu'une quarantaine en 2016. Douze levées de plus de 100 millions d'euros ont eu lieu l'année dernière en pleine période de covid contre six en 2016. Nous voyons donc bien la dynamique et la maturité de cet écosystème.

Nous sommes convaincus d'être au début de cette dynamique, qu'il faut continuer. C'est un message important. Je fais souvent le parallèle avec Airbus : nous sommes en train de créer une nouvelle filière industrielle, comparable aux filières traditionnelles, mis à part que ce sont des filières de tech avec des entreprises jeunes qui deviennent des entreprises de taille intermédiaire (ETI) de technologie. Nous avons parfois le sentiment qu'il a fallu pour créer Airbus et la filière aéronautique française une décision politique de quelques semaines entre la France et l'Allemagne. Cela a, en réalité, pris plutôt vingt ou trente ans. Nous demandons une continuité de l'action publique. Même si, avec le digital, ce type de filière est plus rapide à créer, il faut du temps et nous sommes au début du processus de création d'une grande filière de technologie avec des entreprises de plus en plus matures.

La croissance de cet écosystème nous semble nécessaire dans les années à venir pour qu'il donne sa pleine puissance. Il est encore jeune puisqu'il n'a que cinq ou six ans. Je rappelle que le capital-risque américain est né dans les années 1950, que la Silicon Valley est née dans les années 1950. Je ne dis pas qu'il faudra soixante-dix ans mais cinq ans n'est qu'un début dans ce type de dynamique et il faut persévérer.

Nous souhaitons ajouter deux sujets importants pour la souveraineté à cette dynamique. Nous sommes d'abord convaincus que nous allons vers une révolution de la deep tech, c'est-à-dire que les industries traditionnelles connaîtront la même rupture que le digital, avec des start-up venant disrupter les industries traditionnelles. Nous le voyons très bien dans le spatial que je pensais pourtant être une industrie de grands groupes. De multiples briques technologiques arrivent des start-up. C'est aussi le cas dans de nombreux domaines tels que la cybersécurité ou la santé. Ce sont souvent des sujets en rapport avec la question de la souveraineté.

Nous devons, avec l'État, accompagner cette nouvelle vague d'innovation. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé voici deux ans un plan Deeptech qui vise à rapprocher notre écosystème de recherche de l'écosystème des entrepreneurs et investisseurs. Cet écosystème de recherche est de qualité au niveau mondial mais n'est pas suffisamment en connexion avec l'écosystème des entrepreneurs et des fonds d'investissement. D'une certaine façon, le jeune chercheur est comme le jeune ingénieur était voici cinq ans. Il faut qu'il considère la possibilité de valoriser le fruit de sa recherche par une start-up, sans en être forcément le patron, mais qu'il participe et réfléchisse avec l'écosystème des entrepreneurs.

Les priorités des années à venir sont ce changement culturel, l'accélération de la chaîne de financement, grâce aux sociétés d'accélération des transferts de technologie, l'adaptation des fonds de financement à ces sujets de deep tech, dont la nature est différente de celle des sujets du digital. Notre plan Deeptech a deux ans et des dynamiques commencent à émerger. Nous sommes au début d'un processus qui devrait nous permettre de créer de nouvelles entreprises, dans des domaines souvent souverains, souvent industriels. Nous espérons qu'ils nous permettront de créer de nouvelles entreprises françaises qui apporteront des solutions à ces problématiques d'avenir.

Il reste évidemment la question de la connexion avec les filières traditionnelles. Nous pensons que certaines de ces entreprises deviendront de grandes entreprises, comme cela est en train de se produire dans le digital. Certaines passent le cap des plusieurs milliards d'euros et, dans les années à venir, compte tenu de la dynamique en cours, nous pensons que des entreprises de la tech seront dans le CAC40 et vaudront huit ou dix milliards d'euros, qu'à un certain moment, certaines de ces entreprises pourront et devront être réintégrées dans les filières traditionnelles, car elles auront besoin de capacités de production, de savoir-faire de qualité d'usine ou de réseaux de distribution présents dans les filières traditionnelles ou parce qu'elles sont des briques de ces filières.

Nous avons donc annoncé, avec France Industrie, une plateforme nommée Tech In Fab qui vise à rapprocher les industries traditionnelles et ces pépites de la tech pour qu'elles fassent du commerce ensemble et, éventuellement, que ces grands groupes ou ces ETI les rachètent pour moderniser leurs entreprises.

Notre métier est d'apporter et de développer des opportunités afin que les filières françaises et l'État aient le maximum d'options pour choisir des solutions françaises. Pour que ces solutions soient efficaces, il faut souvent que ces entreprises deviennent internationales et, pour certaines d'entre elles, qu'elles s'attaquent au marché américain qui reste un marché extrêmement important et dynamique.

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Comment Bpifrance gère-t-elle le continuum de l'accompagnement de ces start-up, depuis le sourcing d'une entreprise propriétaire d'une technologie qu'elle souhaite développer jusqu'à ce que cette entreprise devienne incontournable pour cette technologie ? Comment intervenez-vous ? Comment sourcez-vous les entreprises ? Comment les accompagnez-vous, lors des premières phases, puis lorsqu'elles grandissent ?

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

Nous disposons de trois outils très complémentaires : le financement de l'innovation ou l'aide à l'innovation, l'investissement et l'accompagnement.

Le premier outil est à la base de notre métier en ce qui concerne le sourcing. L'État au travers des programmes d'investissements d'avenir ou l'Europe nous donnent des moyens nous permettant de proposer aux très jeunes entrepreneurs des outils de financement, le premier étant une bourse French Tech pour un entrepreneur au moment de la création de son entreprise. Il s'agit en fait d'une subvention pour lui permettre de commencer, de créer son entreprise et d'aller chercher les premiers financements dits des friends and family, ou des family offices et des gens autour de lui qui peuvent l'aider. Cette bourse peut aller jusqu'à 50 00 euros ou 90 000 euros dans le domaine de la deep tech en lien avec le monde de la recherche.

Nous avons ensuite des dispositifs de prêts, tels que le prêt d'amorçage ou le prêt innovation. Ils nous permettent, au fur et à mesure que l'entreprise grandit, de lui prendre du risque. C'est notre rôle et il est assez significatif pour ces prêts. C'est pourquoi ils sont garantis par l'État. Ils nous permettent de financer le début de la vie de l'entreprise pour qu'elle accoste le monde essentiel de l'investissement. C'est le deuxième pilier qui prendra alors le relais.

Cette première partie du financement est extrêmement importante et extrêmement territoriale. Je pense que c'est une des forces de Bpifrance, comparée à un certain nombre d'acteurs européens ou mondiaux dans le financement de l'innovation. Nous avons cinquante implantations régionales que vos collègues connaissent et côtoient je l'espère. Nous avons des équipes spécialisées d'ingénieurs, au plus près des écosystèmes d'incubateurs, des pôles de compétitivité. Nous sommes aux côtés des régions qui nous confient des moyens. Nos trois donneurs d'ordres sont en effet l'État, les régions et de plus en plus l'Europe.

Notre première étape est donc un accompagnement avec un financement dans lequel nous prenons un fort risque, assumé. Il s'agit en général au départ d'une petite subvention, puis de prêts pour aider l'entreprise à trouver les premiers fonds.

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Faites-vous du préfinancement de crédit impôt recherche ? C'est un outil plébiscité par l'ensemble des interlocuteurs que nous avons entendus. Ils disent qu'il ne faut pas y porter atteinte mais que le processus est un peu lent. Les banques classiques ne savent pas trop faire. Avez-vous cette expertise et cette compétence ?

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

Nous le faisons même si la mobilisation du crédit impôt recherche est un processus un peu long car il faut que l'État valide l'enveloppe. Nous essayons de le faire de plus en plus, mais tous nos financements permettent justement d'avoir les moyens d'attendre le délai de remboursement du crédit impôt recherche.

De façon générale, tous nos moyens permettent de trouver des financements, que ce soit du montant du crédit impôt recherche lui-même ou que ce ne soit pas lié à ce crédit, ce qui simplifie la situation en nous permettant d'aller plus vite dans le financement de l'entreprise, sans entrer dans la logique administrative de la mobilisation du crédit impôt recherche. Inversement, notre conviction est qu'il faut regarder pourquoi nous ne pourrions pas aller plus vite. C'était une des demandes régulières des entrepreneurs : pouvoir mobiliser plus rapidement et avoir des remboursements plus rapides du crédit impôt recherche.

Après les premiers financements qui servent à lancer l'entreprise et à trouver des financements autour de soi, il faut que l'entreprise parvienne à convaincre un fonds d'investissement qui prendra la relève. Nous continuerons à aider au financement, mais le fonds est tout de même l'outil qui donnera les moyens. Il faut aussi reconnaître que c'est lui qui sélectionne les entreprises puisque le dispositif des start-up fonctionne avec une sélectivité progressive pour que les moyens soient donnés aux entreprises les plus prometteuses. Nous finançons massivement les fonds d'investissement et, tout d'abord, les fonds d'amorçage.

Quelques 36 fonds d'amorçage sont répartis sur l'ensemble du territoire français. Il s'agit d'une vraie richesse française, grâce aux programmes d'investissements d'avenir. Ces fonds d'amorçage sont extrêmement territorialisés : près de 60 % de leurs financements proviennent des territoires, en dehors de l'Ile-de-France. C'est la première validation tierce permettant de s'assurer que d'autres acteurs que nous sont convaincus de l'intérêt du projet.

Nous finançons au début mais nous jugeons qu'il faut ensuite que d'autres financent et c'est l'objet de l'amorçage : s'assurer que d'autres acteurs mettent des moyens. En l'absence d'autres acteurs, les règles européennes font que l'État ne peut pas continuer à financer seul au travers de Bpifrance une entreprise sur laquelle personne d'autre ne met un minimum de moyens de financement privés et c'est conforme à notre conviction.

Il existe aussi un réseau de fonds sectoriels thématiques, parfois régionalisés. Nous finançons cet écosystème de près de 120 fonds français qui devient de plus en plus puissant et important. Il peut de mieux en mieux accompagner les entreprises, en termes de développement mais aussi pour avoir les moyens d'aller à l'international ou de faire des acquisitions pour grandir

Nous travaillons avec Business France et des dispositifs de diagnostic d'innovation. Ce sont de petites missions de conseil, très concrètes, comme « Pitch&Win » pour apprendre à « pitcher », en anglais mais pas uniquement, c'est-à-dire pour savoir expliquer en dix minutes son entreprise. C'est un exercice absolument essentiel pour se faire comprendre. Nous faisons aussi des diagnostics sur la stratégie, sur l'industrialisation et nous avons beaucoup de missions d'accompagnement à l'international pour permettre aux entreprises d'accoster en Europe ou aux États-Unis. Dans certains domaines, c'est absolument essentiel.

Enfin, un enjeu important et complexe consiste à tisser le lien avec les filières traditionnelles pour faire travailler les grands groupes français, les ETI ou les PME avec cet écosystème de start-up. Il s'agit à la fois de faire en sorte que ces start-up aient des clients, qu'elles trouvent de vrais marchés et de vrais clients et, pour les grands groupes, d'avoir l'opportunité de travailler avec des start-up proches de chez eux, qui leur permettent d'accélérer leur digitalisation ou d'intégrer une nouvelle brique technologique et de rendre plus compétitive leur offre. Ce maillage est un grand enjeu des années à venir pour ré-innover dans ces filières.

Nous sommes donc très heureux que France Industrie parraine avec nous cette plateforme Tech In Fab et commence, dans la deep tech, à créer des liens de plus en plus étroits entre les start-up et les grands fleurons industriels. Ces start-up deviennent de véritables éléments de la filière et permettront de créer des solutions, de retrouver de nouveaux marchés. Elles pourront rester indépendantes ou intégrer des groupes ou des ETI ayant besoin de ces briques technologiques.

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Qui co-investit dans les fonds dans lesquels vous investissez ? S'agit-il de particuliers, de family offices, de fonds de fonds contenant des fonds étrangers ? Pensez-vous que le milieu bancaire et assuranciel est suffisamment présent dans ces fonds, qu'il a une culture de l'investissement dans les start-up et la deep tech ?

Les Français adorent l'assurance-vie, les fonds en euros qui sont constitués d'obligations d'État et d'immobilier. Les compagnies d'assurance ont-elles suffisamment intégré le virage technologique et la nécessité d'investir dans ces entreprises d'avenir ? En ce qui concerne les établissements bancaires avec leurs capitaux propres, jouent-ils le rôle d'investisseurs en capital et en risque, pas uniquement en prêts ?

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

Nous sommes un acteur important de ces fonds. Nous investissons une part minoritaire mais très importante dans ces fonds. Ce sont des sociétés de gestion qui captent des moyens financiers des acteurs du monde de l'assurance, de la banque, des family offices, des fonds de pensions, des banques publiques pour lever un fonds d'investissement. Leur première mission est de convaincre les investisseurs, souvent institutionnels ou family offices, d'investir dans leur fonds pour, ensuite, faire leur vrai métier : investir dans le capital des start-up.

Nous sommes un acteur important de cet écosystème puisque nous sommes volontaristes. Un de nos rôles consiste à être aux avant-postes pour aider à la transformation de l'écosystème, au travers des financements du programme d'investissements d'avenir. Nous avons incité les fonds à augmenter leur taille moyenne en investissant plus. Par exemple, nous leur demandons de passer leur fonds de 100 millions à 200 millions d'euros en les aidant à lever et en donnant le signal que nous sommes prêts à suivre. Nous investissons aussi plus dans des fonds d'amorçage, en particulier de la deep tech, car ce domaine est un peu plus risqué que la technologie. Nous mettons dans ces fonds régionaux ou ces fonds d'amorçage un peu plus que les 20 % que nous mettons en moyenne dans un fonds afin d'aider à monter les tours de table. Nous jouons un rôle « activiste » pour pousser l'écosystème à changer d'échelle.

Les co-investisseurs dans ces fonds sont rarement des personnes physiques. Cet écosystème est peu accessible aux personnes physiques et c'est la raison pour laquelle nous avons lancé une première initiative avec le fonds « Bpifrance Entreprises 1 ». Toutefois, ce sont plutôt des family offices – c'est-à-dire des gens qui ont des moyens très significatifs – qui investissent dans ces fonds, les tickets allant en général de 500 000 euros à un million d'euros. Les investisseurs sont aussi des institutionnels : les assureurs, les banques et les fonds de pension étrangers qui, de plus en plus, viennent investir dans des fonds français. Je crois qu'il faut s'en réjouir. Beaucoup de fonds étrangers de capital-risque viennent sur la place française et c'est une bonne nouvelle mais le mieux est qu'ils investissent directement dans les fonds français avec nos investisseurs et nos sociétés de gestion françaises afin de booster notre filière française de la finance et de la faire croître.

Un des gros enjeux consiste à attirer les fonds de pensions, en particulier américains, pour qu'ils investissent directement dans les fonds français. Nous commençons à y parvenir. C'est un axe important pour faire croître notre écosystème de fonds français et l'aider à grandir.

La situation évolue bouge du côté des institutionnels, d'abord parce que l'État a joué un rôle d'incitation très significatif depuis quelques années. Vous avez déjà entendu parler de l'initiative de Philippe Tilly. Nous étions hier avec M. Nicolas Dufourcq et M. Philippe Tilly pour faire le point sur cette initiative. Il s'agit de pousser les principaux institutionnels français à investir beaucoup plus significativement dans les fonds importants, à 500 millions d'euros ou un milliard d'euros, pour accompagner les importantes levées de fonds en cours de développement en France. Ce processus est nouveau et la rentabilité n'était jusqu'à présent pas très bonne. Il est difficile de demander à quelqu'un, dont l'assurance-vie, avec une rentabilité maximale, est le métier, de prendre plus de risques dans un écosystème non encore mature.

La bonne nouvelle est que la mécanique mise en place collectivement produit ses effets. Chaque élément de l'écosystème nourrit l'autre et permet de faire grandir l'ensemble. Cette dynamique permet aux start-up de grandir, de lever plus de fonds et d'être plus rentables, donc plus attractives, en termes de retour sur investissement pour ces acteurs. La rentabilité de ces fonds est maintenant stable et aura tendance à s'accroître, puisque la technologie jouera un rôle de plus en plus important. Nous arrivons à une rentabilité qui permet d'attirer de plus en plus de capitaux français et étrangers pour parvenir, dans les années qui viennent, à un écosystème mature qui donne toute sa puissance.

La situation évolue. Il faut continuer car le mouvement est encore naissant mais les signaux sont plutôt positifs même s'il reste d'importants progrès à faire. Nous aurons besoin de beaucoup de capitaux dans l'avenir car notre potentiel de start-up est croissant. Nous avons de plus en plus de jeunes entreprises nées voici quelques années et, avec le plan Deeptech, nous en créerons de plus en plus. Elles auront massivement besoin de capitaux. Si tout fonctionne bien, nous aurons besoin de toujours plus de capitaux et ce sera plus facile si l'écosystème de la tech démontre qu'il crée de la valeur pour ces investisseurs institutionnels.

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Le fait que des fonds de pensions ou des fonds étrangers fassent partie des fonds ne serait-il pas, pour eux, une stratégie d'identification à moindre coût de pépites qu'ils pourraient ensuite acheter ? Participer à de tels fonds n'est-il pas, pour des fonds de pensions ou des fonds étrangers, un moyen assez facile de sourcer des pépites qu'ils pourraient acquérir ?

Par ailleurs, les entrepreneurs sont-ils aujourd'hui suffisamment ouverts à l'idée d'ouvrir leur capital à des fonds ? Cela signifie diluer leur capital, parfois décorréler la partie technique de la partie gestion financière. L'entrepreneur, dans une start-up ou une ETI de la tech, est-il suffisamment mature pour accepter ces investissements ?

Aux États-Unis, il a fallu du temps et cela fait maintenant partie de leur culture. Nos entrepreneurs ne préfèrent-ils pas plutôt avoir moins de fonds mais avec des personnes physiques qu'ils connaissent, faisant partie de leur environnement amical ou avec qui il existe un lien d'être humain à être humain ? Ce n'est pas tout à fait pareil avec un fonds.

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

Pour répondre à votre première question, je crois au contraire que les fonds de pensions, américains par exemple mais pas uniquement, constituent un formidable moyen d'aider notre écosystème français à grandir et à créer ces start-up sans que le risque soit avéré. Nous visitons ces fonds de pensions, une ou deux fois par an. Ce sont les fonds de retraites, des hôpitaux du Canada, du Québec ou de Pittsburg ou des pompiers d'Atlanta. Je les ai rencontrés et ils ne manifestent aucun intérêt pour l'avenir de l'entreprise. Le seul et unique regard qu'ils ont est le retour sur investissement, puisque ce sont les retraites de ces pompiers ou personnels soignants. En passant par ces fonds, le lien est uniquement financier pour la majorité de ces investissements.

Pour les corporate, le risque peut exister et nécessite probablement une vigilance ponctuelle pour certains fonds très sectoriels. Sans rentrer dans les détails, cette vigilance existe. Elle permet parfois de se demander si le fait qu'un industriel de tel ou tel pays entre dans un fonds d'investissement pose une question d'accès à du savoir. Le niveau de risque est moins important que lorsqu'ils investissent directement dans l'entreprise mais il existe une vigilance, de notre part et de celle de l'État. Il est déjà arrivé quelquefois que des investissements ne se fassent pas pour des raisons de souveraineté sur certaines thématiques.

La difficulté provient de ce que nous ne croyons pas pouvoir construire un écosystème qui ne soit pas un minimum ouvert sur le reste du monde. C'est là toute la complexité de la souveraineté. Avoir des entreprises qui soient de vraies solutions technologiques pour moderniser des filières nécessite souvent qu'elles soient très innovantes donc puissantes et compétitives au niveau mondial. L'accès à des capitaux est essentiel pour les faire croître puisque, même si beaucoup d'argent dort dans les bas de laine, beaucoup d'argent se trouve aussi à l'international et permet de réduire notre déficit du commerce extérieur. Il ne s'agit pas seulement de pétrole, mais aussi d'argent investi dans nos start-up. Parfois, des fonds américains ou étrangers européens qui co-investissent dans des entreprises peuvent aussi donner à l'entreprise un accès à un réseau de compétences ou à un réseau de relations qui a de la valeur.

Pour nous, il faut garder ce chemin de crête entre un écosystème de fonds français puissants que nous développons, qui soient connectés à des fonds étrangers équilibrés pour permettre aux entreprises de se développer sur les marchés internationaux et de devenir de grandes entreprises innovantes, concurrentielles par rapport à leurs homologues internationaux. Cet équilibre est compliqué. Nous y travaillons tous les jours mais nous ne croyons pas qu'un écosystème français uniquement financé sur les fonds français soit pérenne. Nous pensons que ces entreprises doivent s'ouvrir à l'international pour être puissantes et apporter des réponses efficaces à notre écosystème.

En ce qui concerne la culture, nous avons beaucoup progressé. Je comprends l'impatience sur ces sujets de souveraineté technologique : nous sommes sur la bonne voie. Il faut reconnaître que nous avons pris un peu de retard durant ces quinze ou vingt dernières années mais nous sommes sur une dynamique plutôt positive.

Dans la tech traditionnelle, dans le digital, nous avons maintenant plusieurs générations – ce qui participe à la qualité de l'écosystème – avec des entrepreneurs qui ont réussi et réinvestissent dans les start-up ou recréent des start-up. Il nous semble que cet ensemble est à un niveau tout à fait conforme aux références internationales. Cet actif a été bâti collectivement depuis une dizaine d'années.

Lorsqu'un entrepreneur dit ne pas vouloir des fonds, c'est en général un souci d'ambition ou de modèle, mais l'ensemble des entrepreneurs considèrent qu'intégrer un investisseur est un moyen considérable de grandir et nous les accompagnons dans cette logique. Nous poussons aussi les fonds d'investissement à avoir une culture de l'accompagnement, c'est-à-dire à ne pas seulement regarder l'argent mais à créer un écosystème avec des talents, des managing partners. Ce sont souvent d'anciens entrepreneurs qui accompagnent l'entrepreneur pour lui permettre d'accélérer et de capitaliser sur les succès et les échecs de ses prédécesseurs.

Dans la deep tech, nous sommes au début du changement culturel. Nous avons annoncé voici deux jours un rapport avec le Boston Consulting Group (BCG), Bio-Up et France Biotech. Notre écosystème d'entreprises de biotechnologie est important mais la crise a montré un certain nombre de limites. C'est l'occasion de faire croître notre ambition. Un axe important concerne les talents. Pour ces entreprises de deep tech, les marchés sont plus complexes et l'accès aux marchés est souvent plus complexe parce que la science elle-même est plus complexe que dans le digital. Le financement est parfois plus long parce qu'il faut plus de capitaux.

Nous avons encore du travail pour l'acculturation des uns et des autres, y compris des fonds d'investissement, des accompagnateurs, des chercheurs qui envisagent l'entreprenariat. Il faut savoir comment attirer des talents. Nous avons appris ces dernières années que la solution est en général dans la constitution d'une équipe de co-fondateurs, des binômes ou des trinômes où chacun a des éléments de compétences complémentaires pour couvrir le spectre des besoins de ces entreprises. Cela nous a été confirmé par notre rapport sur la biotech qui est en quelque sorte la partie émergée de ce monde des entreprises de technologie.

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Lors des auditions précédentes, nombre d'entrepreneurs ont dit ne pas souhaiter des subventions – même si elles sont utiles au départ – mais avoir surtout besoin de clients. Ils jugent une relation de client à fournisseur plus intéressante que des subventions. Le client a des exigences auxquelles il faut savoir répondre ; il faut savoir négocier un contrat…

Bpifrance a un remarquable carnet d'adresses d'entreprises innovantes. Comment êtes‑vous prescripteur de ces entreprises auprès des grands comptes ? Vous avez parlé des grandes entreprises et dit que vous les mettiez en relation mais vous faites, indirectement, partie de l'État. Comment arrivez-vous à devenir prescripteur de ces entreprises auprès de l'État ?

Je donne un exemple : nous avons entendu une entreprise très innovante dans le domaine de la sécurisation des cartes du type cartes d'identité, soutenue par vous, retenue par des pays étrangers mais pas par la France. Pourtant, c'est une pépite française que vous avez identifiée, qui a été identifiée par tous, qui a eu des prix d'innovation. Cela pose des questions sur la suite, sur « l'après-BPI ».

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

C'est une question au cœur de nos sujets actuels. Vous avez raison et nous sommes de ce point de vue très clairs : nous pensons qu'un euro de client vaut plus qu'un euro d'investissement ou de financement de Bpifrance. Nous ne minimisons pas notre action, mais notre enjeu est d'aider l'entreprise, de créer des conditions permettant qu'un écosystème de capital-risque les fasse croître. Mais, à la fin, une entreprise vit de ses clients et de sa capacité à se développer. Comme les fonds, nous sommes convaincus que notre écosystème doit être propice à ce développement.

Je pense que nous n'avons jusqu'à présent pas complètement réussi à réaliser ce tissage entre l'écosystème du digital et l'écosystème des entreprises françaises. Nous y mettons beaucoup d'énergie. Nous nous appliquons à nous-mêmes cette logique. Vous avez certes parlé du PGE mais nous travaillons avec cent start-up françaises. C'est parfois difficile car, même si nous ne sommes pas une très grande entreprise, nous avons nos contraintes, nos modes de fonctionnement. Nous sommes bien conscients de l'importance de ce sujet. Nous avons créé voici cinq ans le hub avec la conviction que le moment viendrait un jour de connecter l'écosystème. Nous avons relancé voici quelques jours la plateforme Tech In Fab. Nous déployons tous nos efforts pour que les filières et les grands groupes s'intéressent aux start-up.

Je pense que nous franchissons actuellement une étape, que nous passons en fait la troisième étape de la maturité de l'écosystème des start-up et de ses rapports avec les grandes entreprises. La première étape fut de l'ordre de l'amusement, chacun créant son incubateur tandis que les grands groupes invitaient les start-up un peu comme on invite un pauvre pour l'aider. Lors de la deuxième étape, nous avons vu plus de scepticisme sur la capacité de ces entreprises à intégrer du business, le sentiment étant que nous en faisions trop sur les start-up. Je pense que les grandes entreprises sont maintenant convaincues que ces start-up deviennent de vraies entreprises et ne sont plus une mode, mais de véritables solutions. La meilleure preuve en est le partenariat que nous avons signé avec France Industrie. Il est assez symbolique, très important et a été suivi par une trentaine de grands groupes industriels, ce qui montre que la situation évolue.

Des dizaines d'entreprises valent déjà entre 500 millions et un milliard d'euros, ont plusieurs millions de chiffre d'affaires et des dizaines d'autres suivront, je vous le promets. Ce ne sont plus de petites start-up, mais des entreprises capables de résoudre les problèmes industriels de très grandes entreprises et d'apporter des solutions industrielles. Leur puissance financière et leur exposition internationale leur permettent de trouver des solutions.

Il reste un énorme travail d'acculturation. C'est parfois une de nos inquiétudes mais nous essayons de faire évoluer les mentalités avec ces plateformes, avec des partenariats, par de la communication au travers de nos évènements à l'occasion desquels nous mettons en valeur les succès de ces entreprises.

Je souhaite revenir sur un point important pour la souveraineté : les acquisitions de start-up par l'étranger. Notre ambition, en tant que financeur, est que des entreprises deviennent de très grandes entreprises et recréent des usines comme Ynsect à Amiens ou Aledia à Grenoble. Ces start-up recréent donc de l'industrialisation et nous espérons que certaines d'entre elles seront au CAC 40 dans cinq ou dix ans. Toutefois, une bonne part d'entre elles arriveront – c'est la règle du jeu – à une limite en capacité de réseau de distribution ou seront une vraie opportunité pour ces filières. L'enjeu est alors qu'elles puissent être rachetées. Il s'agit que les filières traditionnelles rachètent ces entreprises pour les intégrer et leur donner toute leur puissance grâce à leur propre réseau de distribution ou à leur savoir-faire industriel.

Nous regardons cet enjeu par le prisme des acquisitions étrangères de ces start-up, ce qui nous interpelle à chaque fois. L'État et nous-mêmes sommes vigilants sur ces sujets, en particulier sur des sujets souverains. Pourtant, nous oublions parfois de nous demander pourquoi nos filières traditionnelles ne choisissent pas d'acquérir ces start-up. Lorsque nous regardons les chiffres de nos fonds d'investissement, les acquisitions de start-up en 2019 par des fonds dans lesquels nous sommes investisseurs se font pour 60 % auprès d'investisseurs français. La grosse majorité des sorties se font donc avec des investisseurs français. 12 % des sorties se font auprès d'investisseurs européens donc près des trois quarts sont des acquisitions par des investisseurs européens. 17 % des sorties sont des acquisitions par des investisseurs américains. C'est beaucoup mais ce n'est que 17 %. Par contre, parmi les 60 % acquises par des investisseurs français, la moyenne de la valorisation est le tiers de la valorisation faite par les acquisitions des investisseurs américains.

Nous devons nous interroger sur le fait que ces entreprises sont rachetées aux États-Unis, mais nous avons aussi besoin d'avoir en France des opportunités d'acquérir ces entreprises. Il faut faire en sorte que les moyens soient mis pour consolider ces acteurs en France. Le fait que nous ayons des acteurs importants qui nous permettent de devenir des consolidateurs est probablement un des moyens pour le digital. Pour la deep tech, il faudra également que nos grands groupes rachètent ces belles entreprises, en particulier les plus belles d'entre elles, pas uniquement les moins valorisées.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez en partie répondu à ma question. Je me permets de demander à nouveau comment vous pouvez prescrire auprès de l'État et des collectivités territoriales. La commande publique est un formidable levier de financement par la relation client. Comment ces entreprises qui pourraient mettre leurs technologies au service de l'État peuvent-elle être référencées à ce niveau ? Quand l'État a envie d'investir dans une solution informatique, il préfère de grands acteurs parce que c'est plus simple, qu'il suffit de passer un seul marché public et une seule commande publique. Or, il faut faire émerger des acteurs de taille beaucoup plus petite. Comment Bpifrance est-elle un prescripteur de ces entreprises auprès de l'État pour qu'elles aient accès à la commande publique ?

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

Nos plateformes telles que Tech In Fab ou la plateforme du hub qui porte sur une dimension plus deep tech nous permettent de travailler avec l'union des groupements d'achats publics (UGAP) ou avec l'État et les acheteurs de l'État. Il m'est arrivé plusieurs fois d'intervenir auprès des acheteurs de l'UGAP pour leur expliquer la dynamique des start-up et comment faire.

Il faut reconnaître que la commande publique n'est probablement pas le meilleur moyen de faire de l'innovation. Les politiques d'achat sont parfois contradictoires avec la capacité d'innovation et il faut trouver des moyens de traiter le sujet de l'innovation, souvent différent de l'achat de produits matures. Sur des sujets de souveraineté ou de développement de l'innovation, il faut avoir les moyens de sortir de la seule logique à court terme des moyens pour donner sa chance à une start-up.

Plus globalement, nous faisons tout ce que nous pouvons, mais, à un moment, nous arrivons au bout de nos capacités. Notre métier est de financer les entreprises. Nous le faisons le mieux que nous pouvons, mais nous avons nos propres enjeux d'efficacité. Notre rôle est de donner de la visibilité à ces start-up, mais je ne crois pas raisonnable que nous devenions l'agent de transformation de l'État dans sa commande publique. Nous sommes un opérateur résolument centré sur la culture de l'entreprise pour apporter à l'État une proximité avec l'entreprise et une capacité à déployer des moyens simples de financement. Je ne nous sens pas devenir une agence de transformation de l'État.

Nous militons pour un modèle qui a commencé à donner ses fruits, celui de l'agence de l'innovation de la défense. Elle est notre interlocuteur potentiel vis-à-vis de la défense. Dans la santé, nous avons proposé avec le Boston Consulting Group et France Biotech la création d'une agence de l'innovation de la santé.

Ces agences doivent être l'aiguilleur, l'agent de la transformation et le parti pris des start-up, dans l'écosystème de la santé ou de la défense. Quel que soit son nom, nous avons besoin d'une structure qui nous donne des priorités dans le domaine de la santé et qui puisse accompagner les entreprises, être leur avocat pour simplifier les processus administratifs. Cette structure doit aussi être un acheteur de produits innovants, ici des produits de santé, mais c'est valable dans de nombreux autres domaines. Son regard doit être innovant et probablement plus souverain. Nous avons de plus en plus besoin de ce type d'interlocuteur qui soit la voix de l'État client et la voix des entreprises françaises à l'intérieur de l'administration, en particulier des entreprises innovantes qui sont plus fragiles et ne disposent pas forcément de lobbyistes pour leur permettre de comprendre les méandres des cabinets et des administrations. Une telle agence, en plus de guider les entreprises, pourrait leur donner un vrai modèle économique, puisqu'elles ont besoin de plus de visibilité qu'une structure traditionnelle.

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Paul-François Fournier, directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance

J'insiste sur notre conviction que la souveraineté est aussi un acte très offensif consistant à continuer à développer nos écosystèmes d'innovation pour multiplier les opportunités en ayant de plus en plus de très belles entreprises de tech internationales, dans le digital et, demain, dans la santé ou la deep tech. Les acheteurs et les partenaires des filières traditionnelles auront alors de plus en plus d'opportunités de trouver des solutions efficaces à intégrer dans leur propre filière. Nous bâtirons ainsi ce cercle vertueux de la puissance qui permettra de rayonner et de créer de la valeur en France.

La séance est levée à 12 h 10.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur le thème « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Réunion du Réunion du jeudi 15 avril à onze heures

Présents. – MM. Philippe Latombe, Jean-Luc Warsmann