Intervention de Frédéric Precioso

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 12h10
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Frédéric Precioso, responsable scientifique « Intelligence artificielle » à l'agence nationale de la recherche (ANR) :

Une des actions immédiates des 3IA, qui perdure pendant leurs deux premières années d'existence, est l'attractivité à l'international, puisque chacun des quatre sites 3IA a réussi à attirer sur certains de ses postes des chercheurs internationaux. Nous avons donc fait revenir des gens des États-Unis ou d'autres pays européens. C'est un vrai succès, aussi bien en ce qui concerne la visibilité que le fait d'attirer des talents extérieurs.

Un certain nombre de talents vont toujours vers l'industrie, vers les grands acteurs des technologies en IA comme les GAFAM, mais pas seulement. Nombre des 43 chaires IA citées précédemment sont détachées, pour partie voire totalement, chez des industriels français tels que Safran, Valeo ou Criteo, donc nourrissent le tissu industriel français dans ce domaine.

En ce qui concerne l'aspect recherche, cette perméabilité entre le monde académique et le monde industriel n'est pas forcément négative et peut même être positive, puisque la plupart de ces collègues continuent à garder des liens forts avec leurs anciennes institutions académiques ou y restent à temps partiel. Ils continuent donc d'établir des collaborations de projets de recherche entre leur nouvelle entreprise et leur ancien employeur académique. Du point de vue de l'activité de recherche, retirer les trois cadres d'une équipe de recherche pour qu'ils aillent dans l'industrie oblige évidemment le reste de l'équipe à se réorganiser. Le coût est certes non nul pour l'établissement, mais cela ne coupe pas les liens. Pour la formation, c'est en revanche particulièrement impactant puisque ces collègues n'enseignent plus ou seulement très peu. Toutefois, les chaires IA hors institut ainsi que les chaires IA dans les instituts ont un volet d'enseignement associé à la chaire. Les titulaires de la chaire doivent enseigner ce qui signifie que toutes les chaires d'excellence dans les 3IA ou hors 3IA qui n'étaient pas enseignants-chercheurs auparavant contribueront à la force d'enseignement.

Nous sommes très loin de pouvoir couvrir les besoins : la demande est forte puisque ce domaine attire énormément, que le milieu industriel est très intéressé par monter en compétences sur ces thématiques. L'objectif du rapport de M. Cédric Villani de doubler le nombre de diplômés en IA, tous publics confondus, à trois ou quatre ans est compliqué à atteindre sans l'accompagner de vraies créations de postes, d'un vrai soutien par des postes d'enseignants dans ces thématiques. Nous manquons cruellement d'enseignants-chercheurs en informatique et en mathématiques appliquées pour soutenir la demande très importante, croissante, sur la thématique de l'IA.

Je parle de l'IA parce que je suis à mi-temps responsable de l'IA à l'ANR mais j'effectue mon autre mi-temps comme professeur à l'université de Côte d'Azur. J'enseigne, je mène des projets de recherche, j'encadre des étudiants et je vois le besoin accru de recrutement d'enseignants. Je pense que mes remarques sont aussi valables pour le futur plan quantique en cours de mise en place.

Toutes ces grandes stratégies sont très positives et contribuent à la souveraineté nationale mais il faut, si nous voulons construire et renforcer un domaine scientifique, aussi bien pour le milieu industriel que pour le milieu académique, l'accompagner du soutien d'enseignants-chercheurs pour que des enseignants soient présents devant les étudiants.

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