Intervention de Arnaud Castaignet

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 10h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Arnaud Castaignet, directeur de la communication et des affaires publiques de Skeleton Technologies, ancien directeur des relations publiques du programme e-Residency du gouvernement estonien :

Tout dépend de l'angle sous lequel on aborde la question. L'administration française se révèle beaucoup plus avancée que l'Estonie en matière de données ouvertes. L'Estonie ne considère pas ce sujet comme une priorité, à la différence de la France, comme l'a montré la gestion de la crise sanitaire dans notre pays. Les données publiques y sont présentées en toute transparence, de manière à ce que des experts en analyse de données puissent les réutiliser. Certains dispositifs français gagneraient à s'étendre à l'échelle européenne. Je serais ravi que l'Estonie s'en inspire.

Notre pays paraît moins avancé en ce qui concerne l'interopérabilité des données, pourtant essentielle en Estonie, où toute donnée transmise à une administration doit pouvoir être exploitée par une autre. La France accuse un retard dans ce domaine.

Les interactions avec l'administration, plus faciles en Estonie, passent par un seul et même portail « eesti.ee » permettant de se connecter à l'ensemble des services publics à l'aide de deux codes PIN et d'une carte d'identité numérique. Les citoyens estoniens utilisent ce portail aussi bien pour voter ou vendre leur voiture que pour consulter leurs prescriptions médicales en ligne. Par curiosité, j'ai entré dans mon navigateur l'adresse « france.fr ». Elle renvoie à une page qui propose la recette du clafoutis et répertorie les meilleures routes touristiques de notre pays.

L'habitude est vite prise de n'utiliser qu'un seul système d'authentification pour toutes les démarches, qu'elles relèvent du fisc ou de la santé, ce qui rend le recours à la version numérique des services publics estoniens particulièrement pratique. L'une des clés de la réussite de l'Estonie en matière d'administration numérique vient de la prise de conscience que la numérisation obligerait les agents à modifier leur façon de travailler. Sans verser dans les discours convenus préconisant une gestion du service public selon les mêmes principes qu'une entreprise privée, par l'imposition d'une culture du résultat, notamment, il faut bien comprendre que la dématérialisation des démarches peut aussi faciliter les échanges. En Estonie, quand je pose une question à un agent du service public, je reçois généralement une réponse sous deux ou trois jours. En France, la réactivité des agents n'est pas forcément perçue comme une priorité lorsqu'on envisage la dématérialisation des démarches. Il reste à former les fonctionnaires français pour qu'ils adaptent leur mode de travail au numérique de manière à favoriser les interactions avec le public. En réalité, le recours au numérique ne signifie pas forcément le recul de l'humain dans l'administration. Au contraire, la numérisation doit garantir une plus grande agilité dans les interactions entre les citoyens et leur administration.

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