J'estime pour ma part nécessaire que la transparence s'applique dans les deux sens. Pourquoi construire une infrastructure numérique ? Pour accroître l'efficacité du service public, mais aussi pour développer la confiance des citoyens en leur administration. Les dirigeants politiques ne bénéficient pas d'une meilleure image en Estonie qu'en France ou dans d'autres pays d'Europe. Les gouvernements qui se succèdent en Estonie doivent eux aussi relever le défi de gagner la confiance des citoyens. En revanche, les institutions, elles, sont davantage perçues comme transparentes, ce que l'on doit selon moi à la notion de redevabilité mutuelle.
Il n'existe pas, en Estonie, de base de données centralisée. Chaque administration dispose de la sienne. Cependant, les données sont interopérables et n'importe quel service public peut accéder à celles que détiennent les autres. Nul ne dispose malgré tout d'une vision globale des données relatives à une personne en particulier. Si un citoyen estime illégitime une consultation de ses données, il dispose de voies de recours et peut même déposer une plainte. Cela s'est déjà produit à l'encontre d'agents publics ayant récupéré des données qui ne les concernaient pas.
Chaque citoyen estonien peut obtenir, en temps réel, via le portail de l'administration, une liste semblable à un relevé bancaire indiquant quel service public a consulté lesquelles de ses données à quel moment et pour quel motif. Un tel dispositif implique d'éduquer la population à l'enjeu des données personnelles et de leur protection, mais aussi de sensibiliser aux bénéfices que peut occasionner leur traitement, dans la mesure où celui-ci facilite aussi la vie.
Je ne pense pas que les Estoniens accorderaient autant de confiance à leur modèle numérique sans la possibilité de vérifier qui accède à leurs données. Il faudrait accorder la priorité en France également à cette exigence de transparence réciproque, condition sine qua non d'une plus grande confiance dans le traitement des données par l'administration.