Intervention de Arnaud Castaignet

Réunion du mardi 1er juin 2021 à 10h00
Mission d'information sur le thème « bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »

Arnaud Castaignet, directeur de la communication et des affaires publiques de Skeleton Technologies, ancien directeur des relations publiques du programme e-Residency du gouvernement estonien :

L'État estonien n'est pas intervenu dans la création de Skeleton Technologies en 2009. Toutefois, du fait du plan de relance et du pacte vert (ou green deal ) européens, les cleantech et les technologies visant à réduire l'empreinte carbone figurent désormais parmi les priorités stratégiques de l'Estonie. La politique industrielle revient partout à la mode, au point qu'elle est maintenant perçue comme une nécessité. Les débats autour de la question en Europe et même en France l'attestent. Ce n'était pas le cas voici dix ans. Le gouvernement estonien base sa relance économique sur le respect de l'environnement et la décarbonation. Une entreprise comme Skeleton Technologies passe donc aujourd'hui pour plus importante, sur le plan stratégique, que par le passé. Comme en France, les priorités politiques en Estonie vont à présent au numérique et au verdissement de l'économie.

Il existe en Estonie des aides pour les start-up. Des institutions telles que KredEx ou Enterprise Estonia assurent un soutien financier aux start-up dans la toute première phase de leur développement. Un tel système apparaît particulièrement pertinent pour les entreprises de hardware. La deep tech, terme en vogue, désigne des technologies de rupture alliant la science et la recherche au monde des affaires. C'est sur ce champ que se livreront les futures batailles économiques et industrielles à l'échelle mondiale. Son développement nécessite un soutien public important, car beaucoup de temps s'écoule en général entre la création d'une société et l'apparition sur le marché de la technologie qu'elle souhaite mettre au point. Il a fallu près de cinq ans à Skeleton Technologies avant de proposer à la vente ses produits. Nous générons désormais un chiffre d'affaires, ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'entreprises spécialisées dans le stockage d'énergie.

Dans le même ordre d'idées, nous pourrions mentionner BioNTech, qui produit des vaccins à ARN messager. Cette société a eu besoin d'un soutien financier, principalement public, à ses débuts. Les investisseurs privés ne désirent pas forcément subventionner des technologies sans la certitude d'en tirer un profit à court terme, ce qui explique la nécessité d'un investissement européen direct dans l'économie, suivi d'un achat des innovations. Il faudrait transposer au niveau européen ce qui a été mis en place aux États-Unis avec un outil tel que HyperPASS.

En Estonie, les sommes réinvesties dans une start-up sont exemptées de l'impôt sur les sociétés. Cette mesure favorise l'investissement. L'Estonie est toutefois loin de s'apparenter à un paradis fiscal. Les entreprises créées en Estonie n'y conservent pas forcément leur siège. Bolt et notre société ont gardé le leur en Estonie, bien que notre usine soit implantée en Allemagne, mais il n'en va pas de même de TransferWise. Recruter des talents dans un aussi petit pays n'est pas aisé. Ce problème de personnel qualifié se pose d'ailleurs partout, y compris en France.

Le gouvernement estonien n'entrerait pas dans une logique défensive, au cas où un acteur étranger tenterait de s'approprier Skeleton Technologies, pour la simple raison que l'État n'y a pas investi, contrairement à l'Institut européen d'innovation et de technologie ( European institute of technology ou EIT ). Nous avons également bénéficié du soutien de la Banque européenne d'investissement. Au fur et à mesure de nos levées de fonds, nous avons toutefois plutôt fait appel à des investisseurs privés. L'Estonie est un trop petit pays pour que son gouvernement intervienne vis-à-vis d'un acteur étranger qui adopterait un comportement prédateur à l'égard de notre entreprise. Malheureusement, l'Estonie ne dispose pas de l'équivalent de Bpifrance, perçue là-bas comme un modèle à suivre pour le développement de nouvelles industries, et que la France gagnerait à promouvoir davantage. Il faudrait, au niveau de l'Union européenne, un équivalent de Bpifrance, plus important encore que le Conseil européen de l'innovation, capable d'investir dans des start-up en phase initiale de développement en vue d'acquérir, à terme, les fruits de l'innovation. Rien ne favoriserait mieux le développement de technologies de rupture comme l'ordinateur quantique ou la 6G qu'une telle sorte de fonds souverain. Il faudra que l'Europe se dote davantage d'outils pour piloter sa stratégie industrielle, ce qui suppose un état d'esprit favorable à la prise de risque, hélas difficile à cultiver lors de la création d'une agence européenne.

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