Intervention de Damien Siess

Réunion du jeudi 27 septembre 2018 à 9h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Damien Siess, directeur de la stratégie et de la prospective de l'Union française de l'électricité (UFE) :

S'agissant de l'industrie, plusieurs facteurs ont joué sur les baisses d'émissions.

Un certain nombre est structurel, c'est-à-dire hors énergie. Je pense au volume d'activité et à la tertiarisation de l'industrie dont les effets jouent structurellement sur la baisse d'énergie et la baisse d'émissions carbone. Le secteur tertiaire n'a pas la même intensité carbone que le secteur secondaire.

Nous avons également bénéficié d'une tendance longue : dans l'industrie, on cherche à baisser ses coûts, on fait des efforts et on investit régulièrement. Donc, en fait, nous sommes sur un trend assez régulier, qui ne s'est pas particulièrement accéléré mais qui n'a pas non plus ralenti, de gains d'efficacité énergétique de 1,5 % par an, systématiquement. Cela ne signifie pas que cela va se poursuivre facilement et sans effort car, au fur et à mesure que l'on avance, il devient de plus en plus difficile d'atteindre les « gisements » suivants.

Le sujet essentiel dans l'industrie, qui pourrait être un frein pour les prochaines étapes, c'est la visibilité, c'est-à-dire la pérennité pour un acteur industriel. Quand les temps de retour deviennent de plus en plus longs, l'industriel se dit qu'il n'est pas sûr d'être encore « vivant » dans dix ans. Il ne répond pas à la même logique qu'une collectivité qui sait qu'elle aura, malgré tout, une école, un hôpital ou autre, même si, pour certaines, des questions se posent. En tout cas, ce n'est pas le même sujet et nous allons connaître de plus en plus de freins de ce type. Donc, bien que nous ayons constaté pour l'instant une trajectoire assez continue, il est vrai qu'il faudra s'interroger, notamment sur les questions de déconsolidation d'investissement, par exemple, par rapport à la visibilité pour des industries d'investir dans ce qui n'est pas forcément leur cœur de métier, c'est-à-dire leurs lignes de production.

Les C2E, vous avez raison, sont particulièrement complexes et ne sont pas toujours très incitatifs en montant. Pour notre part, nous appelons à une refonte assez complète du dispositif : que veut-on faire des C2E, et quelle est leur efficacité ?

Aujourd'hui, l'hétérogénéité entre les niveaux de soutien que représentent les C2E en fonction des différentes actions engagées est très marquée. Certes, il y a une certaine logique puisqu'en théorie, les C2E sont censés rémunérer l'économie d'énergie de la même façon, quelles que soient les actions. Cependant, dans de nombreux cas, il s'agit d'un effet d'aubaine, car soit l'aide est trop peu incitative et n'a en rien accéléré la décision – ce ne sont pas les 2 000 euros qui vous ont fait prendre une décision que vous auriez prise de toute façon ; il s'agit donc d'un dispositif qui vient s'ajouter – ; soit, dans d'autres cas extrêmes, l'aide est tellement élevée qu'en étant dimensionnée de façon différente elle resterait malgré tout incitative.

Donc, à mesure que l'on arrive dans le « dur » des objectifs et que l'on atteint des montants très élevés, il faut regarder la situation en face et être capable de se poser des questions qui, pour certaines, reviennent à l'origine des C2E, à leur objectif initial. Au départ, c'était un dispositif annexe qui, souvent, pour les particuliers notamment, venait s'ajouter au crédit d'impôt : quand vous faisiez un geste, vous pouviez bénéficier d'une aide de 2 000 euros par le crédit d'impôt, et ce qui était accordé au titre du C2E, c'était le « passager embarqué » ! Si la situation s'inverse, que le crédit d'impôt est réduit sur un certain nombre d'actions et que l'on considère qu'il revient au consommateur d'énergie de payer l'efficacité plutôt qu'au contribuable, la question doit forcément être traitée différemment.

Nous avons un certain nombre de pistes de réflexion mais, honnêtement, nous ne sommes pas sûrs de détenir toutes les réponses. La question est trop complexe. Il faut mettre tout le monde autour de la table pour traiter de ces sujets.

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