Intervention de Fanélie Carrey-Conte

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 11h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Fanélie Carrey-Conte, directrice du pôle coopération d'Enercoop :

. Bonjour à toutes et à tous. Je vous remercie également pour l'invitation. À travers l'exemple d'Enercoop, je vais insister sur l'idée qu'à notre sens, le soutien aux démarches citoyennes et coopératives de transition énergétique est une condition indispensable à sa réussite. De ce point de vue, je m'associe à ce que disait Géraud Guibert sur la méthode de travail de votre mission d'information et comme tout le monde ici, je tiens à la saluer.

Enercoop, vous l'avez dit, est un fournisseur d'électricité qui a été créé en 2005 au moment de l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité, avec cette idée centrale qui est au cœur de notre projet, permettre aux citoyens de se réapproprier la transition énergétique et d'en être acteurs, à travers notamment leurs factures d'électricité et les choix qu'ils font en matière de financement de l'électricité à travers leur consommation.

Notre entreprise a plusieurs spécificités. La première, c'est notre offre en électricité puisque nous fournissons, chez Enercoop, une offre d'énergie 100 % renouvelable souscrite en contrat direct avec les producteurs d'énergies renouvelables, ce qui est une vraie différence avec la plupart de nos concurrents qui achètent l'électricité sur le marché de gros et y accolent des garanties d'origine. Ce sont des certificats financiers qui permettent aujourd'hui dans la réglementation de se prévaloir d'une offre "verte" et qui, pour autant, ne garantissent pas la traçabilité de l'électricité achetée physiquement au producteur. Nous, nous le faisons.

Notre deuxième spécificité, c'est d'être une coopérative, mais pas n'importe quelle coopérative puisque nous sommes une SIC (société coopérative d'intérêt collectif). Elle a un statut que l'on dit innovant mais plus les années passent, moins il l'est. En tout cas, il reste innovant dans sa philosophie. L'idée de la SIC est d'associer comme coopérateurs différentes parties prenantes. Dans notre cas, ce sont les différentes parties prenantes de la chaîne énergétique qui sont sociétaires : les consommateurs, les clients, les producteurs, les salariés de la coopérative, les partenaires et les collectivités territoriales. En effet, la spécificité des SIC, c'est que les collectivités peuvent être sociétaires au même titre que les personnes privées ou publiques. L'idée est donc de regrouper des personnes et des catégories qui, a priori, pourraient avoir des intérêts qui ne sont pas les mêmes pour les dépasser et construire l'intérêt collectif autour des questions énergétiques.

Enfin, nous sommes un réseau de coopératives avec une coopérative nationale historique et dix coopératives locales dans les régions. Notre enjeu, en tant que modèle Enercoop, est aussi de permettre un ancrage territorial qui permet une mise en lien des producteurs, des consommateurs, des partenaires, au plus près des territoires pour développer localement la transition énergétique.

Pour remettre à jour les chiffres que vous avez cités, Enercoop, c'est aujourd'hui 70 000 clients sur l'ensemble du territoire national, un réseau de 38 000 sociétaires, 47 millions d'euros de chiffre d'affaires et plus de 240 producteurs avec lesquels nous contractualisons sur tout le territoire.

Nos enjeux sont de sensibiliser les citoyens au fait qu'ils peuvent être acteurs de la transition énergétique et d'avoir un impact accru sur le développement des énergies renouvelables, et en particulier, les énergies renouvelables citoyennes - je vais y revenir tout à l'heure. C'est pour cela qu'il y a bien dans Enercoop l'idée, à travers ces contrats directs, de pouvoir soutenir davantage les producteurs d'énergies renouvelables. Nous proposons aujourd'hui un certain nombre de tarifs de soutien, à des prix bien plus élevés que ceux pratiqués aujourd'hui sur le marché de l'électricité, pour permettre à des projets de production d'énergies renouvelables que nous appelons "exemplaires", portés par des citoyens ou des collectivités locales, de se développer. Ainsi, des projets qui ne pouvaient pas bénéficier des mécanismes de soutien public ont pu voir le jour à travers ces tarifs de soutien proposés par Enercoop.

Pour citer quelques-uns de nos enjeux, sur lesquels nous pensons qu'un certain nombre d'évolutions ou de réglementations, notamment de la part des pouvoirs publics, pourraient être utile. Le premier sujet, ce sont les aspects d'amélioration de la transparence et de l'information sur le marché de l'électricité. Aujourd'hui, le marché de l'électricité est de plus en plus concurrentiel. On a aujourd'hui près d'une quarantaine de fournisseurs d'électricité et six nouveaux sont arrivés cette année. De plus en plus d'offres sont présentées comme des offres vertes, sans la possibilité pour le consommateur de pouvoir vraiment distinguer ce qui relève d'une offre comme la nôtre, c'est-à-dire une offre dont on peut garantir la traçabilité. En effet, il est également possible aujourd'hui pour un fournisseur d'électricité de s'approvisionner sur le marché de l'ARENH (accès régulé à l'énergie nucléaire historique) qui est l'obligation faite à EDF de rendre accessible à ses concurrents une partie de son approvisionnement nucléaire, à des prix beaucoup plus compétitifs, d'y apposer des garanties d'origine et de la présenter comme une offre verte.

Pour nous, c'est un vrai sujet de problème de transparence vis-à-vis du consommateur qui pense de bonne foi soutenir la transition énergétique à travers sa facture d'électricité mais ne va pas pouvoir faire la différence entre les offres. De la même manière, il ne peut pas vraiment voir aujourd'hui quelles sont les offres qui auront un impact plus ou moins important sur le développement de nouveaux projets d'énergies renouvelables.

Aujourd'hui, l'ADEME a rendu un avis sur cette différence entre les offres vertes et réfléchit à la mise en place d'un label pour mieux distinguer les offres premium, comme l'offre d'Enercoop, d'autres offres. Nous considérons qu'il est important que les pouvoirs publics s'emparent également de cette question. D'ailleurs, la DGEC est sensibilisée à la question et de nombreuses réflexions sont en cours. Si on veut permettre une véritable modification des pratiques et des comportements des citoyens, il faut qu'ils puissent bénéficier de toutes les informations pour leur permettre de se comporter de la manière la plus éclairée possible sur leurs choix de consommation, notamment à travers leur facture d'électricité.

Le deuxième point, c'est la question du développement des énergies renouvelables citoyennes. Enercoop et le mouvement Énergie partagée, que nous avons créé, un fond d'investissement et de collecte des épargnes citoyennes pour financer des projets d'énergies renouvelables. Nous considérons qu'il y a un vrai enjeu à ce que des projets détenus, soit à majorité de capital soit avec une minorité de blocage, par des collectifs citoyens ou par des collectivités locales, puissent se développer. C'est un élément extrêmement important sur l'appropriation des projets d'énergies renouvelables sur les territoires.

Lorsque des projets sont portés par des citoyens, depuis la conception même du projet, le choix de la localisation, etc., ils sont acceptés avec beaucoup moins de recours et les retombées locales en termes de développement, d'emploi, de dynamique de mobilisation à la transition sont beaucoup plus importantes. Les projets détenus par des fonds d'investissement, des acteurs privés lucratifs n'ont pas nécessairement le même impact sur le territoire. Il y a donc pas mal de choses à faire aujourd'hui pour développer ces énergies citoyennes. Nous portons beaucoup l'idée qu'il puisse y avoir une planification d'objectifs de création et de développement d'énergies citoyennes.

Ce sujet n'est pas uniquement national. Il est aujourd'hui européen. Certains pays, comme les Pays Bas ont un objectif dans leur trajectoire énergétique que 50 % des projets d'énergies renouvelables soient détenus pour partie par des citoyens. Nous aimerions au niveau de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), que l'on puisse avoir une trajectoire d'énergies citoyennes.

Par ailleurs, dans le paquet « Énergie propre » au niveau européen, est apparue la notion de communauté d'énergies citoyennes qu'il va falloir à présent retranscrire dans le droit français. Vous serez saisis en tant que parlementaires sur cette retranscription. Une consultation sera ouverte par la DGEC. Pour nous, ces communautés énergétiques citoyennes sont un élément important pour soutenir des démarches citoyennes et coopératives sur les territoires, pour développer cet investissement, ce soutien des citoyens, avec derrière, un vrai vecteur de modification des pratiques sociales. C'est aussi un enjeu sur les économies d'énergie. Un certain nombre d'études démontrent qu'aujourd'hui, quand des citoyens sont sociétaires ou investissent dans des démarches comme celles-ci, ils sont beaucoup plus sensibles à la problématique de la maîtrise de l'énergie, des consommations d'énergie.

C'est un système global pour faire progresser et réussir cette transition énergétique.

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