Il y a différentes couches qui visent différentes réalités. L'individualisme, en synonyme d'égoïsme, et l'individuation de la société, qui est une forme de désinstitutionalisation, sont deux choses un peu différentes. Pour ce qui est de la désinstitutionalisation, c'est bien tout le problème de gouvernance actuel : les organes qui permettaient d'organiser le social et de le conduire sont dans une crise de confiance et de défiance. Ce n'est pas définitif et l'une des manières est de s'appuyer sur des corps intermédiaires plus ou moins constitués, comme les associations ou la société civile. D'où l'intérêt de ne pas leur mettre le couteau sous la gorge et de continuer à les faire vivre - ils ont en effet une capacité d'entraînement et de représentation - et de laisser advenir des collectifs plus éphémères (collectifs de riverains, porte-paroles, communauté internet). Il s'agit vraiment de s'appuyer sur d'autres émergences de corps intermédiaires. Un certain nombre de dispositifs politiques permet de continuer à donner un cap et une direction. Ce qui est sûr, c'est que quel que soit le niveau d'individuation de la société ou d'égoïsme, l'individu est de toute façon un être social pris dans un faisceau de contraintes sociales et matérielles. Qu'il en soit conscient ou non, il sera déterminé par ce qu'il a comme offre commerciale dans son supermarché et comme offre d'infrastructures autour de chez lui. Il y a donc une action à faire sur les aménagements, les dispositifs, la régulation de la sphère économique qui va cadrer les agir, aussi individuels ou égoïstes soient-ils. De toute manière, cela ne dispense pas de tenter de le faire.