Madame la secrétaire d'État, je voudrais commencer par évoquer la notion de vision. Aujourd'hui, quand on parcourt la synthèse de la PPE, la première chose qui saute aux yeux est son manque de lisibilité. Depuis que notre mission a commencé ses travaux, il y a neuf mois, j'ai passé beaucoup de temps à lire cette synthèse de PPE, ce qui est très compliqué car il est question tantôt de production d'énergie, tantôt de consommation, et les unités utilisées ne sont jamais les mêmes ! Moi qui suis ingénieur de formation, je peux vous dire que je suis obligé d'avoir constamment à disposition un fichier Excel qui me permet de convertir facilement les unités afin de pouvoir disposer d'une vision globale des choses…
Je rappelle que l'un de nos sept thèmes est la capacité des grands groupes à se transformer et à s'imaginer dans vingt ou trente ans. D'un point de vue stratégique, la PPE ne devrait pas raisonner uniquement en termes de production d'énergie, mais aussi de consommation. Aujourd'hui, on consomme 1 800 térawattheures (TWh). Du point de vue des utilisateurs, l'origine de l'énergie consommée se répartit ainsi : plus de 60 % d'énergies fossiles, 20 % d'énergie nucléaire et 20 % d'énergies renouvelables.
Si on demande aujourd'hui à nos concitoyens quelle est la proportion d'énergie nucléaire dans notre mix, certains vont dire 70 % parce que c'est 70 % de l'énergie électrique produite, d'autres vont dire 40 %, parce que c'est 40 % de l'énergie produite. Or, l'énergie consommée n'est en fait qu'à 20 % d'origine nucléaire.
Ce que je veux dire, c'est que le manque de clarté sur ce sujet a pour conséquence de faire dériver la discussion sur le nucléaire, ce qui n'est pas grave en soi – je n'ai pas de problème avec l'objectif de 50 % de production d'électricité nucléaire –, mais nous fait perdre de vue un autre objectif, consistant à faire disparaître 60 % d'énergies fossiles et à les remplacer par autre chose.
En analysant les données dont on dispose, on se rend compte que, sur les 1 800 TWh consommés, 270 TWh sont dédiés à la mobilité. Si l'objectif était que tous les véhicules particuliers roulent à l'électricité – ce qui n'est pas le cas –, il nous faudrait ajouter 250 TWh aux 450 TWh actuellement produits, ce qui ferait 700 TWh.
Le mix actuel, comprenant les réacteurs nucléaires, ne permet de produire que 50 % de ce besoin, ce qui signifie que l'augmentation à venir de la consommation d'électricité va rendre impossible une réduction du nombre de réacteurs nucléaires.
Mon objectif n'est pas d'aligner les chiffres, mais d'essayer d'avoir une idée de ce que sera le mix de consommation à différents horizons – en 2035, en 2050, etc. – et de la façon dont nous voulons organiser l'énergie consommée. Un TWh d'électricité produite par le nucléaire, ce n'est pas la même chose qu'un TWh produit par l'éolien ou par le solaire. J'estime qu'en l'état actuel des choses, la PPE ne permet pas aux Français de voir facilement où nous allons et ce dont nous avons besoin – et je suis également assez frustré par le projet de loi énergie-climat, comme j'ai eu l'occasion de le dire en commission du développement durable.
Pour réussir une transition, il faut trois choses. Premièrement, il faut savoir pourquoi on change. Sur ce point, il n'y a aucun problème : quand on voit le résultat des élections et quand on voit les jeunes qui sont dans la rue, on sait pourquoi on change !
Deuxièmement, il faut savoir où on va, et là aussi, nous avons fait du bon boulot, notamment avec les objectifs de neutralité carbone à l'horizon 2050.
Troisièmement, il faut savoir comment on y va, et c'est là que, de mon point de vue, il nous manque quelque chose. Toutes les mesures que vous avez énoncées sont très bien, madame la secrétaire d'État, mais il nous manque un certain niveau de détail indiquant de combien d'énergie nous allons avoir besoin, quel est le chemin pour y arriver, combien de temps cela va nous prendre, et quelles économies nous allons pouvoir réaliser. À mon sens, tous ces renseignements nous font défaut – aussi bien dans la PPE que dans le projet de loi – et c'est ce que je voulais vous dire aujourd'hui, au terme de ces neuf mois de travail.