C'est à l'aune des défis du dérèglement climatique et des nouvelles pollutions qu'il faut donc examiner la politique européenne de l'eau. Le projet de révision de la directive eau potable, qui pourrait faire l'objet d'un accord avant la fin de l'année, et le projet de règlement relatif à la réutilisation des eaux usées, qui a fait l'objet d'un accord lors du trilogue du 2 décembre dernier, sont une première réponse.
En premier lieu, le projet de révision de la directive eau potable marque le passage d'une logique de traitement de l'eau à une logique de prévention des risques. Il prévoit notamment de renforcer la surveillance du plomb, des perturbateurs endocriniens et des microplastiques. Les négociations sont difficiles, mais un accord avant la fin de l'année n'est pas exclu, sur la base de la proposition qui prévoit de placer les perturbateurs endocriniens sur une liste de vigilance renforcée.
En second lieu, le projet de règlement sur la réutilisation des eaux usées inscrit l'eau dans une logique d'économie circulaire et de gestion durable de la ressource. Dans un contexte de réchauffement climatique, cette pratique a un grand potentiel de développement : l'objectif de la Commission européenne est de multiplier par six le volume d'eaux usées réutilisées en 2025. Le moindre recours aux prises d'eau dans les cours d'eau et les nappes aura, en outre, un impact positif sur la biodiversité. Nous disposons désormais d'un cadre harmonisé pour développer la pratique, dans le respect des exigences sanitaires.
Au-delà de ces deux projets, le Green Deal nous semble l'occasion de repenser la politique européenne de l'eau de façon plus transversale. Dans cette optique, nos propositions s'articulent autour de trois axes.
Premièrement, il faut conforter les objectifs ambitieux et les principes de la directive-cadre, qui sont des boussoles stimulantes pour les politiques publiques. Une révision du texte fondateur nous semble trop risquée : elle pourrait conduire à la remise en question des ambitions initiale. Il nous semble cependant que certaines dispositions méritent d'être précisées : l'évaluation doit se faire à thermomètre constant, et l'élément déclassant, selon lequel l'état de l'eau est qualifié de mauvais lorsqu'un seul paramètre vient à manquer, doit être corrigé, car il est décourageant pour les acteurs.
Deuxièmement, il convient de lutter contre les nouveaux polluants en réduisant les émissions à la source. Dans cette optique, la recherche sur les conséquences des plastiques et des perturbateurs endocriniens sur les milieux aquatiques doit être approfondie. En outre, il convient de renforcer la réglementation européenne qui encadre l'usage des produits chimiques (le règlement REACh), afin de prendre davantage en compte le principe de précaution et d'interdire les microplastiques ajoutés intentionnellement dans certains produits.
Troisièmement, il convient de mettre en cohérence les politiques européennes sectorielles avec l'objectif de préservation de la ressource en eau. Cela passe d'abord par l'évolution de la politique agricole commune. Nous proposons notamment d'autoriser les États membres à refuser l'entrée sur leur territoire de fruits et de légumes issus d'États tiers ayant été traités avec des produits phytosanitaires susceptibles de dégrader la qualité de l'eau, et d'assigner à la PAC un objectif quantifié de réduction des produits phytosanitaires.
Il convient également de mettre en cohérence politique de l'eau et politique de l'énergie, en autorisant le développement de barrages hydroélectriques lorsque les bénéfices environnementaux, notamment en matière de réduction de gaz à effets de serre, sont supérieurs aux coûts.