Intervention de Frans Timmermans

Réunion du mercredi 17 juin 2020 à 17h00
Commission des affaires européennes

Frans Timmermans, Premier vice-président exécutif de la Commission européenne en charge du Pacte vert pour l'Europe :

. C'est un grand plaisir que d'être aujourd'hui avec vous. J'ai toujours beaucoup apprécié, dans mes autres fonctions, les relations avec le Parlement français car, pour développer nos politiques, nous devons pouvoir compter sur votre soutien et votre aide dans la définition de ces politiques.

Le coronavirus a plongé notre économie dans une récession inédite. Nous devons réagir fortement et de manière solidaire, afin que cette crise n'ait pas un coût social, politique et économique exorbitant. L'Union européenne a déjà pris des décisions importantes pour aider les gouvernements, les entreprises et les citoyens, par exemple grâce à l'assouplissement de l'utilisation des fonds structurels ou au soutien aux mécanismes de chômage partiel.

Le 27 mai dernier, la Commission a proposé un plan de relance européen ambitieux, s'appuyant sur un endettement commun et le cadre financier pluriannuel pour apporter des réponses communes à la hauteur de la crise exceptionnelle que nous connaissons. Ce plan met l'accent sur trois enjeux essentiels pour l'avenir de l'économie européenne : la transition verte, la transition numérique et la résilience de nos économies. Comme vous le savez, il sera discuté cette semaine par les chefs d'État ou de gouvernement. J'espère qu'une décision sera prise au mois de juillet, car si nous perdons trop de temps, nous ne serons pas en mesure de réagir à temps aux difficultés économiques.

Notre stratégie vise à transformer l'Union européenne en une société prospère et juste, dotée d'une économie moderne, compétitive et efficace dans l'utilisation des ressources, et capable d'atteindre l'objectif de neutralité carbone en 2050. Le Pacte vert reste notre boussole. Rien n'a changé : il est même encore plus urgent d'agir en ce sens.

Nous publierons en septembre notre étude d'impact afin de réviser l'objectif de réduction des émissions à l'horizon 2030, qui s'établira entre - 50 % et - 55 %. Nous n'irons pas au-delà. D'abord parce que je n'ai pas de mandat pour faire une autre proposition. Ensuite parce qu'il serait impossible de trouver un accord sur un objectif plus ambitieux, au Parlement européen comme au Conseil. En réponse aux réserves du Sénat sur l'instrument juridique que nous avons proposé, j'indique que ce qui compte pour la Commission est de pouvoir établir une trajectoire permettant de réduire les émissions de 55 % en 2030 et d'atteindre la neutralité en 2050, mais également de pouvoir adapter notre trajectoire si nécessaire. Nous avons proposé de le faire par actes délégués, mais ce n'est pas l'élément central de la proposition. Si le Parlement européen et les parlements nationaux, comme le Sénat, s'y opposent, je ne vois pas d'inconvénient à changer d'instrument. Néanmoins, il faut pouvoir parvenir à un accord sur la trajectoire sans que cela puisse être empêché par un État membre : il est donc nécessaire qu'un tel accord puisse être pris à la majorité qualifiée. À défaut, nous risquerions de ne pas réussir à définir une trajectoire.

Notre projet de relance propose de placer la double transition, verte et numérique, au cœur des investissements à réaliser. Pour bénéficier des fonds de la facilité pour la reprise et la résilience, qui représentent 560 milliards d'euros, les plans nationaux devront notamment se conformer aux plans nationaux énergie climat traduisant au niveau national les objectifs 2030. La puissance de feu de notre programme d'investissement, InvestEU, qui sert de catalyseur pour l'investissement privé, sera accrue pour financer les infrastructures durables et les investissements dans les secteurs stratégiques. Le Fonds de transition juste sera porté à 40 milliards d'euros. Les fonds structurels seront également renforcés et contribueront à atteindre les objectifs du Pacte vert.

Je vois l'agriculture comme un allié, et non comme un adversaire. On doit donner à nos agriculteurs une perspective bien meilleure car l'argent de la PAC, notamment dans le cadre du premier pilier, est bien souvent perçu, non par les agriculteurs, mais par les propriétaires.

Nous ne pouvons pas nous permettre de reconstituer simplement l'économie du monde d'avant. Faire des investissements qui deviendront, dans quelques années, des « actifs échoués », car ils ne sont pas compatibles avec notre objectif de neutralité climatique et la protection de l'environnement, n'aurait pas de sens : ce serait un gâchis considérable, pour nous comme pour les générations futures. Nous faisons certes des emprunts qui nous engagent pour l'avenir, mais avec l'objectif d'établir une société plus juste et soutenable. Nous avons le devoir de reconstruire notre économie sur des bases plus saines et respectueuses des limites de notre planète. Il s'agit non seulement de protéger notre santé et notre environnement, mais aussi de moderniser notre appareil productif pour positionner l'Europe en leader dans les secteurs qui feront l'économie de demain.

Nous travaillons avec Thierry Breton pour renforcer la résilience européenne et rendre l'Europe moins naïve : nous devons pouvoir défendre notre industrie quand elle va dans la bonne direction et que les autres ne le font pas. Disposer d'un mécanisme d'ajustement aux frontières est indispensable : nous tiendrons les délais et examinerons, secteur par secteur, les mesures nécessaires pour éviter les « fuites de carbone » et empêcher une concurrence faussée sur la base de politiques ne contribuant pas à l'objectif de neutralité climatique.

Dans le secteur de l'énergie, nous devons faire des énergies renouvelables une priorité des plans d'investissement, car elles risqueraient sinon de souffrir de la crise. Nous présenterons d'ici quinze jours une stratégie sur l'hydrogène propre. Je précise que nous n'avons rien contre le nucléaire, mais, d'un point de vue économique, est-ce un investissement rationnel, compte tenu de la baisse continue du coût des énergies renouvelables ?

La mobilité propre constitue un autre axe essentiel. Je pense notamment au soutien aux véhicules propres, à la mise en place de points de recharge pour les véhicules électriques et aux transports urbains en commun qui doivent être relancés.

Enfin, nous devons investir dans l'économie circulaire, afin que notre économie soit sobre en ressources et plus résiliente. Le discours du Président de la République de dimanche dernier m'a encouragé à insister sur le Pacte vert et les projets de la Commission. Je vois la France comme l'un des alliés les plus importants dans ce projet, qui sera fondamental pour l'avenir de notre société.

S'agissant des futurs accords commerciaux, il faudra repenser le système et exiger de nos partenaires internationaux le suivi d'une trajectoire qui mène à la neutralité climatique à l'horizon 2050.

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