Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mardi 23 juin 2020 à 17h25
Commission des affaires européennes

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État aux affaires européennes :

L'Europe vit un moment important. Un accord doit être trouvé sur un plan de relance ainsi que sur le budget européen 2021-2027. L'épidémie n'a pas disparu. Les conséquences économiques et sociales de la crise sont devant nous. La réunion du 19 juin a marqué un démarrage officiel des négociations. Nous avons fortement avancé collectivement en quelques semaines. Plus personne ne remet en cause le principe d'un plan de relance européen ambitieux. Chacun a pris conscience du fait que personne ne pourrait sortir seul de la plus grave crise économique depuis la seconde guerre mondiale. Personne ne conteste plus le besoin de répartir dans le temps long les coûts de la crise ni la nécessité d'un emprunt commun pour investir.

Cette première réunion a mis en évidence les positions, attentes et sujets de préoccupation de chacun. Une réunion en présentiel aura lieu les 17 et 18 juillet. Il est indispensable qu'un accord soit trouvé au cours du mois prochain. Cette urgence a été rappelée récemment par le Président de la République ainsi que par la chancelière Angela Merkel. Si nous n'agissons pas vite et ensemble, nous risquons une récession durable, qui entraînerait l'aggravation des inégalités entre États membres, fragmenterait le marché intérieur, conduirait probablement au déclassement économique de l'Europe face à ses concurrents extérieurs et aurait des coûts sociaux difficiles à dépasser.

La France et l'Allemagne ont présenté le 18 mai un outil de relance fondé sur la solidarité, comportant un objectif de souveraineté européenne. C'est l'aboutissement d'un long travail de conviction mené depuis 2017 par le Président avec la chancelière. Cette proposition reçoit depuis le 18 mai le soutien explicite de nombreux États membres.

Les propositions présentées par la Commission le 27 mai sont à la hauteur de l'enjeu et démontrent la réalité de la Commission géopolitique qu'Ursula von der Leyen appelait de ses vœux.

Notre responsabilité est de créer les conditions d'un accord et, pour cela, de prendre en compte les besoins légitimes exprimés par chacun. Chaque gouvernement aura à présenter cet accord comme un bon accord pour les citoyens qu'il représente. La proposition franco-allemande nous oblige. Il faut que l'accord respecte l'esprit de compromis qui nous anime. C'est pourquoi nous multiplions les échanges bilatéraux avec nos partenaires.

Pour faire émerger un consensus acceptable, il convient de se détacher de la logique de blocs. On oppose trop facilement frugaux et pays de la cohésion, nord et sud, est et ouest. Or chaque pays a ses propres réalités, une expérience de la crise et des attentes sociales différentes. Il faut parler à tout le monde, et tenir compte des intérêts et des besoins de chacun quelle que soit la taille du pays.

Nous sommes au début d'une crise économique inédite. Les premières personnes concernées sont les salariés, les travailleurs, les entrepreneurs, et les personnes sans emploi ou qui pourraient le devenir. Je déploie une énergie particulière à échanger avec les partenaires sociaux. Syndicats européens et représentants d'entreprises soutiennent unanimement le plan de relance, important pour faire redémarrer des économies interdépendantes. Il n'y aura de relance dans aucun pays sans relance pour tous. Notre priorité est de sauvegarder des emplois, dans une logique de reconstruction, de reconquête et d'investissement économique.

Nous avons cinq messages clés dans cette négociation. Le premier est l'urgence. Pour une mise en œuvre au 1er janvier 2021, il faut un accord en juillet. Le deuxième est la crédibilité. Nous devons avoir des dotations budgétaires significatives – les 500 milliards de l'initiative franco-allemande sont indispensables pour être à la hauteur des besoins d'investissement provoqués par la crise et remplir les objectifs fixés avant la crise en matière de transition écologique et numérique.

Le troisième enjeu est la solidarité. Réduire la relance à un système de prêts ne ferait qu'alourdir la charge sur des pays déjà très touchés et potentiellement aggraverait les distorsions au sein du marché intérieur. Nous ne mutualisons pas les dettes du passé. Nous investissons ensemble dans les secteurs les plus touchés, pour le bon fonctionnement du marché intérieur. Le quatrième enjeu est l'efficacité. Il existe un lien entre les politiques économiques nationales, les réformes qui seront menées et le plan de relance. Il n'est pas question de conditionnalités, mais de cohérence entre le plan de relance et les recommandations par pays et pour la zone euro du semestre européen. Il n'est pas question de retomber dans un fonctionnement de type « troïka », inadapté à la situation. C'est une question d'action collective et de confiance.

Un deuxième enjeu d'efficacité porte sur la capacité à décaisser les fonds rapidement pour les utiliser massivement – nous l'espérons, d'ici fin 2022 – dans une logique de relance. Cela renvoie à l'engagement du Gouvernement en faveur d'une simplification de l'accès aux fonds européens, sur lequel travaillent les inspections de plusieurs ministères. Il faudra également assurer l'articulation entre les plans de relance nationaux et le plan européen, par la mobilisation des autorités régionales, de Bpifrance, de la Caisse des dépôts. Enfin, le dernier point est la cohérence du plan. Nos priorités sont une Europe plus forte, plus solidaire et plus souveraine ; l'investissement dans la transition écologique et numérique ; la protection de la santé et l'autonomie en matière sanitaire, industrielle et agricole.

Ce paquet s'appuie sur deux piliers : la reconstruction, par le plan de relance, et l'investissement, par le budget européen 2021-2027. Je pense notamment à la PAC et au fonds européen de défense. Nous sommes attentifs au revenu des agriculteurs et accompagnons leurs capacités à prendre des risques pour faire évoluer leurs pratiques dans un environnement difficile. Les montants du fonds européen de défense et consacrés à l'espace doivent être rehaussés pour asseoir la crédibilité européenne sur ces enjeux stratégiques.

Le financement de l'Union doit être mis en cohérence avec nos objectifs. Nous devons réformer nos ressources propres, rendre le système plus lisible, et réduire dans le temps le coût du remboursement de l'emprunt commun. Le système de rabais doit arriver à son terme. Une contribution sur la ressource Emissions Trading System (ETS) et sur le plastique devra être instaurée dès 2021. Un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières devra être déployé d'ici 2028. La taxe numérique ou la taxe sur les transactions financières sont d'autres ressources possibles. Cette logique de « paquet » est essentielle pour l'équilibre de l'accord final et pour que ceux qui ne contribuent pas assez au marché intérieur et bénéficieront de la relance européenne puissent y contribuer à hauteur de leurs capacités.

Les parlementaires devront se prononcer sur ce paquet d'ici fin 2020, en ratifiant la décision relative aux ressources propres. Ce sera un moment de clarification politique dans notre propre Parlement concernant les positions de chacun en matière européenne. Vous aurez aussi un rôle à jouer dans l'élaboration du plan de relance national – avec les entreprises, les territoires, et les citoyens. Vous pouvez compter sur mon engagement ainsi que sur celui de tous les membres du Gouvernement.

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