Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mardi 23 juin 2020 à 17h25
Commission des affaires européennes

Amélie de Montchalin, secrétaire d'État aux affaires européennes :

Concernant les flexibilités, un équilibre est à trouver entre les garanties que l'on se donne pour avoir de la visibilité et notre capacité à gérer des événements imprévus ou de nouvelles priorités politiques. La Commission prévoit la possibilité d'une révision à mi-parcours si de nouvelles priorités émergent. Nous avons proposé de rationaliser les flexibilités internes au budget entre les rubriques et les programmes pour les faire remonter dans un pot commun de flexibilité. L'idée serait aussi d'encadrer ces flexibilités à un niveau raisonnable, pour éviter de mobiliser des sommes théoriques trop importantes sans déploiement concret associé. L'enjeu d'un budget est d'avoir des objectifs politiques clairs et de mobiliser les moyens nécessaires pour les atteindre. La perspective d'une révision possible à mi-parcours et la rationalisation des flexibilités nous permettront d'y arriver.

Les négociations relatives au Brexit n'ont pas d'incidence directe sur la négociation du CFP – même si nous sommes conscients de faire face à une crise économique majeure, et de la double peine que représenterait l'absence d'accord commercial avec le Royaume-Uni.

Monsieur Lambert, je vous remercie pour votre soutien. Nous avons besoin de clarté sur l'unité de notre soutien politique pour assurer la crédibilité de la parole française. Au Parlement européen, certaines expressions françaises sont contraires au plan de relance – je pense au président de la délégation française au Parti populaire européen (PPE), François-Xavier Bellamy, qui se dit pourtant pro-européen. Il y a là une clarification à apporter. Le vote qui sera le vôtre sur la décision relative aux ressources propres sera aussi l'occasion d'une clarification politique. Chacun aura à se prononcer sur la manière dont l'Europe se construit. Lors du vote relatif à la contribution française à l'Union européenne, certaines voix s'étaient abstenues – notamment chez Les Républicains. J'espère que nous pourrons montrer que notre parole est unie, dans l'intérêt de la France.

L'engagement du Président de la République est clair : pour construire une souveraineté européenne technologique, numérique, alimentaire, agricole, des investissements sont nécessaires. Il faut accélérer nos capacités à innover, à garder nos parts de marché, à faire revenir les industries sur le continent européen. Il faut également créer des emplois pérennes compatibles avec la transition écologique. La relance n'a pas pour but de reconstruire à l'identique. Le monde change. Plusieurs entreprises étaient déjà fragilisées par une concurrence extérieure forte. Le plan de relance est en soi un plan d'investissement pour l'avenir.

La négociation en cours est historique et, par définition, complexe. Une partie de ce qui est dit publiquement par les uns et les autres ne reflète pas exactement les discussions que nous avons au plan bilatéral.

Il n'est pas honnête de présenter la négociation comme une logique de blocs. Les frugaux se présentent comme un bloc à quatre alors qu'ils ont des positions différentes. De même, le groupe de Visegrád n'est pas un bloc. Des ratifications étant nécessaires dans les parlements nationaux, ceux qui négocient ce projet européen doivent pouvoir montrer à leurs opinions publiques que ce plan leur est bénéfique. Il sera impossible de continuer à le défendre si certains ont l'impression que ce plan est contraire à leurs intérêts.

La logique du « juste retour » n'anime plus les discussions. L'arrêt brutal du marché intérieur nous a permis de mesurer nos interdépendances. À titre d'exemple, les Pays‑Bas enregistrent chaque année un excédent commercial de 12 milliards d'euros avec l'Italie, et y réalisent 72 milliards d'investissements directs. Ces montants sont bien plus élevés que la part de garantie néerlandaise apportée au plan de relance.

Les Pays-Bas, le Danemark, la Suède et l'Autriche connaissent des dynamiques politiques intérieures différentes. Ils s'inscrivent moins dans une logique de juste retour que dans un souhait de limiter la hausse et l'imprévisibilité de leurs contributions nationales, ce qui permet d'ouvrir un débat intéressant sur les ressources propres. La meilleure manière d'éviter que les ménages et les entreprises subissent une charge fiscale supplémentaire pour rembourser l'emprunt que nous aurons levé ensemble pour notre prospérité collective, c'est de faire contribuer ceux qui ne contribuent pas assez. L'Autriche avait été très engagée en 2018 sur la taxe numérique. Nous souhaitons poursuivre ce combat. La Finlande demande une prévisibilité du coût budgétaire que représentera pour elle le plan dans les années à venir. La Hongrie et la République tchèque s'inquiètent de leurs capacités d'absorption de ce plan de relance dans leurs écosystèmes. Elles souhaitent que la durée d'accessibilité des fonds de relance soit allongée, donc que, plutôt que de mobiliser un outil spécifique, on rehausse les fonds européens dans le cadre du budget. La France ne demande pas un juste retour, mais souhaite avoir la conviction que l'enveloppe a été dimensionnée à la hauteur des besoins issus de la crise.

L'initiative franco-allemande propose 500 milliards de subventions budgétaires – dans la ligne de la logique du budget européen, où chacun apporte en fonction de ses capacités contributives et reçoit en fonction de ses besoins. La Commission suggère d'y ajouter 250 milliards de prêts. Or les mêmes pays qui demandaient initialement uniquement des prêts trouvent cela excessif ! Ce point reste à résoudre.

Il faut en effet distinguer mutualisation de dettes et mise en commun d'investissements. Il n'est pas question de faire des transferts de pays à pays. Le plan de relance ne financera aucune dépense courante.

La logique du plan est la suivante : que chaque État membre, à partir d'une enveloppe allouée en fonction de sa capacité à rebondir après la crise et du choc qu'il a subi, présente à la Commission la manière dont il veut mobiliser cet argent européen en complément de sa politique nationale. La France pourra ainsi mettre en avant le plan aéronautique, un réinvestissement dans le système hospitalier, un complément de la politique de rénovation énergétique des bâtiments, ou encore des investissements dans le fret ferroviaire. Dans une logique de subsidiarité et de respect de la souveraineté, chaque État membre devra présenter la manière dont il entendra équilibrer relance et investissements.

Les fonds sont effectivement levés sur les marchés financiers. Je rappelle que la BCE rachète des titres de dette souveraine sur les marchés financiers, ce qui permet de limiter la hausse des taux d'intérêt et d'éviter une fragmentation de la zone euro.

La Commission propose d'allouer plus de 10 milliards à un nouveau programme européen pour la santé – gestion de stocks stratégiques, renforcement des capacités de veille sanitaire, relocalisation d'industries pharmaceutiques de base ou de pointe. De plus, l'enjeu du plan est de protéger l'emploi à très court terme – mise en commun de fonds pour refinancer le chômage partiel – comme à moyen terme. Nous devons pouvoir créer beaucoup d'emplois, durables, face au changement profond qu'impose la lutte contre le changement climatique. Des discussions ont eu lieu sur l'électrification du transport de marchandises.

L'agriculture n'est pas oubliée. L'engagement du Gouvernement a payé, le budget de la PAC est rehaussé dans le budget. Un abondement exceptionnel de 15 milliards d'euros du fonds européen agricole pour le développement rural a également été décidé.

Le mécanisme d'inclusion carbone est cité dans le règlement ETS. Cette accroche juridique existe donc déjà. L'accord de Paris prévoit une connexion entre les marchés du CO2 des États. Pour y parvenir, il faut soit créer un marché mondial du CO2 – impliquant des échanges de permis de polluer entre pays fortement émetteurs et pays peu pollueurs – soit agir aux frontières.

Avant la crise, le CO2 était à 25 euros la tonne dans l'Union. Dans certaines régions de Chine, la tonne est à 10 euros. Certains pays n'ont pas de marché de CO2. L'idée est donc, sur certaines matières premières basiques – ciment, aluminium, acier – dont la teneur en CO2 est connue car nous connaissons leurs usines de production et les technologies associées, de faire payer à la frontière la différence entre le coût de CO2 du pays d'arrivage de ces biens et le coût européen.

La France pousse en faveur d'une révision du contenu des accords commerciaux à venir, impliquant notamment le respect de l'accord de Paris. L'accord de libre-échange avec le Mexique doit encore être soumis au Conseil fin 2020, pour une adoption à l'unanimité des États membres. De plus, l'accord réserve à l'Union le droit d'appliquer ses propres normes à tous biens et services vendus en Europe. Des clauses de sauvegarde permettent de suspendre l'accord ou de revoir les volumes en cas d'effondrement des prix ou de surproduction dans certaines filières sensibles sur le marché européen. Nous sommes dans une logique de réciprocité et de concurrence loyale, comme dans les négociations avec les Britanniques.

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