Intervention de Sabine Thillaye

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 16h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Thillaye, Présidente :

Avant d'examiner le rapport de nos collègues sur l'indépendance énergétique, je voudrais en quelques minutes vous dresser un bilan de la réunion extraordinaire de la COSAC qui s'est tenue le 16 juin dernier par visioconférence.

Le premier thème a permis de faire le point sur la réponse européenne à la crise du COVID‑19 et ses implications sur le prochain cadre financier pluriannuel. Globalement, le plupart des représentants des parlements nationaux a salué la proposition de la Commission européenne, régulièrement qualifiée de « projet audacieux », témoignant d'un véritable leadership européen dans cette crise. Ce projet a toutefois soulevé quatre questions principales.

D'abord, le montant du plan de relance : certains, notamment la République Tchèque, la Finlande ou la Slovaquie, le considèrent trop élevé, interrogeant notamment la « capacité d'absorption » des économies européennes. Ensuite, la clé de répartition de ces montants : il faudra veiller à ce qu'ils aillent aux entreprises et aux États les plus en difficulté. La répartition entre prêts et subventions a également été questionnée, certains États comme la Suède souhaitant une large part de prêts. Enfin, certains s'inquiètent de la compatibilité entre ces subventions et les objectifs de l'Union, en particulier en matière de transition écologique : certaines délégations ont appelé à ce que ces investissements soient neutres en carbone.

Globalement, les débats ont donc été à l'image de l'espoir mais aussi des divisions potentielles que ce plan de relance audacieux peut créer. Les représentants de la Commission ont attiré l'attention sur la nécessaire ratification par les parlements nationaux, de préférence avant décembre. Nous devrons veiller à la compatibilité des objectifs nationaux et européens.

Le second thème avait traité à la Conférence sur l'avenir de l'Europe. J'ai porté une position très claire dans ces débats : il ne faut surtout pas que cette conférence soit abandonnée, car ses objectifs sont plus que jamais d'actualité : mener une réflexion stratégique sur l'après-crise et penser l'avenir de l'Europe après le choc qu'elle a vécu.

Cette Conférence doit aussi nous permettre de discuter des sujets qui n'ont pas été effacés par la crise : l'efficacité européenne, la défiance démocratique, la transition écologique et le numérique. Plusieurs délégations présentes à la COSAC ont insisté sur l'idée que la Conférence doit permettre de moderniser les politiques et les modes de prises de décisions dans l'Union.

La Présidence croate n'est pas encore parvenue à définir une position du Conseil sur ce sujet même si les retours des discussions en cours au COREPER laissent entrevoir un accord prochainement autour de cinq thématiques (environnement, défis sociétaux dont la santé, la transformation numérique, les valeurs fondamentales et le rôle international de l'UE).

Deux points principaux cristallisent les oppositions.

L'issue de la Conférence et la possibilité ou non de réviser les traités. La France, bien que semblant initialement réticente à l'idée d'une révision des traités, a finalement soutenu, avec d'autres États, une formulation neutre à ce sujet.

La gouvernance de la Conférence fait également l'objet d'un désaccord institutionnel. Le Parlement européen propose en effet une gouvernance assez complexe, qui comprendrait une assemblée plénière (comprenant des députés européens, des citoyens, les États membres et des parlementaires nationaux), mais également un comité de pilotage représentant les institutions européennes et un conseil d'administration, sous la direction du Parlement européen, chargé de gérer la Conférence au quotidien. En plus de tout cela, le Parlement européen propose des agoras citoyennes thématiques.

La Commission européenne, quant à elle, a proposé une gouvernance plus resserrée, composée d'un forum public de citoyens, laissant une place aux parlements nationaux, assisté par des groupes de travail thématiques et une plateforme numérique donnant un accès large aux travaux de la Conférence.

Le Conseil, quant à lui, défend l'idée d'un groupe de pilotage composé des représentants de chaque institution européenne sur un pied d'égalité (le Conseil étant représenté par les États membres exerçant la présidence tournante pendant la période des travaux de la conférence) ainsi que, et ce point est essentiel, les présidences tournantes actuelles et futures de la COSAC. Cette position du Conseil répond donc à la revendication d'une participation des parlements nationaux à l'organe de pilotage de la Conférence.

Un autre point de désaccord concerne la présidence de la Conférence. Le Parlement européen et le Conseil semblent d'accord sur l'idée de placer la Conférence sous l'autorité d'une personnalité indépendante mais divergent sur l'identité de ce dernier. Le Parlement européen avance le nom de M. Guy Verhofstadt qui semble susciter des objections de la part de certains États membres.

L'enjeu pour la présidence allemande est donc de parvenir à un accord interinstitutionnel d'ici la pause estivale sur la gouvernance de la Conférence afin que cette dernière puisse commencer ses travaux à l'automne.

Lors de la réunion de la COSAC, j'ai rappelé une double exigence : celle que la gouvernance ne soit pas trop lourde et complexe afin de ne pas nuire à l'efficacité et à la lisibilité de la Conférence ; et qu'elle associe étroitement les parlements nationaux à la fois dans son pilotage global et dans le déroulement de ses travaux dans les États membres. Cette association des parlements nationaux est rendue d'autant plus nécessaire dans l'éventualité où les traités devraient être révisés : il faudrait alors que tous les parlements en soient saisis. Elle est aussi nécessaire parce que nous, parlementaires nationaux, serons les relais naturels, partout sur nos territoires, des débats que cette Conférence va soulever. Il faudra que nous puissions faire remonter les thématiques du terrain.

La présidence croate a élaboré un courrier adressé aux trois institutions européennes qui demande une association des parlements nationaux dans les « organes de direction » sur une base égalitaire avec les autres membres du Parlement européen.

En conclusion, il ne faut donc surtout pas que les débats dans les États membres soient dilués dans des consultations éparses et sans unité. Il faut qu'ils soient structurés et que les citoyens aient vraiment le sentiment que ces débats vont être utiles pour définir l'avenir de l'Europe.

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