Intervention de Vincent Bru

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 16h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Bru, rapporteur :

Au-delà du plan de relance, il convient de revoir le cadre législatif et réglementaire d'un certain nombre de politiques européennes pour les mettre en conformité avec les ambitions climatiques de l'Accord de Paris. Il s'agit d'abord de rehausser les objectifs de réduction de gaz à effet de serre à horizon 2040 et de faire de la neutralité climatique en 2050 un objectif contraignant, comme le prévoit la Commission dans le cadre de sa « loi climat ». Pour avoir une chance d'y parvenir, il est impératif de mettre fin aux politiques de soutien aux énergies fossiles et de remettre sur la table la question du prix du carbone. La chute des prix des énergies fossiles consécutive à la crise du COVID‑19 est une occasion en or pour le faire.

À cet égard, nous saluons l'engagement de la Banque européenne d'investissement de cesser de financer des projets énergétiques ayant trait aux combustibles fossiles d'ici à la fin 2021. Il conviendrait également de revenir sur les exonérations fiscales consenties en faveur des carburants d'aviation et des combustibles maritimes. Dans la même logique, la révision du règlement relatif au réseau transeuropéen d'énergie (RTE-E) prévue pour la fin de l'année 2020, devrait être l'occasion de rendre les projets européens d'infrastructures énergétiques compatibles avec l'objectif de neutralité climatique.

Surtout, la réussite de la transition est conditionnée à la mise en place d'une véritable politique de prix du carbone, qui s'articulerait autour de trois axes :

– l'instauration d'un prix plancher du carbone ;

– l'élargissement à d'autres secteurs du système d'échange de quotas d'émissions de l'Union européenne (SEQE-UE), dit « système ETS » ;

– l'introduction d'un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Union.

Enfin, nous assistons à l'émergence de nouvelles dépendances et vulnérabilités : l'interconnexion croissante des réseaux énergétiques européens peut présenter des risques systémiques, et la diffusion progressive de systèmes de gestion numériques des réseaux pose la question de la cybersécurité. Plus les réseaux sont interconnectés, plus ils sont résistants aux attaques mais, lorsqu'ils cèdent, ils sont moins résilients.

En outre, l'absence de réponse à la question industrielle fait peser une menace de dépendance matérielle et technologique. Les brevets des énergies renouvelables sont détenus à 29 % par la Chine et da ns nombre de secteurs industriels associés à la transition énergétique (métallurgie, chimie, etc.), les acteurs de l'Union européenne perdent progressivement en compétence. On le voit en particulier pour les batteries, jusqu'à ce que soit créée l'alliance européenne pour la batterie, et les transformateurs électriques, secteur dominé par la Chine.

Les règles de marché que l'Union européenne s'est imposée l'ont fragilisée face à l'appétit de certains pays tiers. Elle a affaibli les acteurs industriels européens dans un marché ouvert, face à des filières industrielles de pays tiers très organisés bénéficiant de l'appui de leurs gouvernements, qui ont pris de larges participations dans des secteurs stratégiques.

Ainsi, la Chine, qui affiche, dans sa stratégie des « nouvelles routes de la soie », une volonté de conquête dans le secteur de l'électricité aussi déterminée que dans celui des télécommunications, constitue une menace pour l'indépendance électrique de l'Union européenne, comme en témoignent les prises de participation de State Grid (l'équivalent de Huawei pour le secteur de l'électricité) dans le capital de quasiment tous les réseaux électriques mis en vente (Portugal, Grèce, Italie, Luxembourg.) Cette stratégie permet à la Chine de vendre ses équipements en Europe et d'exercer une influence au sein d'ENTSO-E, l'interprofession européenne des gestionnaires de réseau de transport, ce qui représente un vrai danger pour l'indépendance de l'Union européenne.

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