. Je vais commencer par répondre à la question de M. Pichereau sur le projet EastMed, qui touche à des intérêts géostratégiques très sensibles. Il y a des intérêts économiques, énergétiques et des intérêts politiques.
Je rappelle d'abord qu'il y a eu un premier projet, South Stream, né en 2007 et abandonné en 2014, qui passait par la mer Noire et par la mer Adriatique. Puis, il y a eu un deuxième projet, toujours en cours, Turkish Stream, qui relie la Russie – c'est toujours la Russie qui est en cause – à la Turquie en passant par la mer Noire pour transporter ainsi 31 milliards de mètres cubes de gaz. Ensuite il y a eu Northstream 1 et 2 qui a soulevé beaucoup de difficultés, aussi bien pour certains États de l'Union européenne que pour les États-Unis, qui ont menacé de sanctions les entreprises qui participeraient à ce projet. De fait, ce projet va voir le jour : à la fin de l'année, il devrait être mis en service.
En complément de cela, il y a le projet que vous mentionnez, et que nous n'avons pas évoqué dans notre rapport, qui résulte d'un accord entre Chypre, Israël et la Grèce. Ce projet va à l'encontre des intérêts de la Turquie et de la Russie. Il s'agit d'exploiter un bassin offshore au large de Chypre et de l'amener par des canalisations sous-marines jusqu'à la Grèce puis l'Italie. Ce projet représente 1872 kilomètres, avec une capacité d'acheminement de 9 à 11 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an. Son coût est évalué entre 6 et 9 milliards d'euros. Sur le plan de l'indépendance énergétique, il s'agit bien d'un gaz produit dans l'Union européenne, alors que dans les autres projets, il s'agit essentiellement d'un gaz russe.
L'Union européenne était plutôt favorable à ce dernier projet ; on peut néanmoins s'interroger sur sa pertinence aujourd'hui, eu égard aux coûts et aux risques qu'il représente et que la Commission va évaluer. Les objectifs de décarbonation de l'Union européenne seraient-ils favorisés par ce réseau ? Il y a d'autres alternatives, comme des terminaux méthaniers qui existent en Égypte, avec du gaz naturel liquide, et certains notent que les 6 à 9 milliards d'euros apparaissent comme extrêmement coûteux. Par conséquent, il n'est pas sûr que ce projet figure parmi les projets d'intérêt européen commun après le COVID.
Notons toutefois que la Russie vend à l'Union européenne 70 % de sa production de gaz, ce qui est énorme. Il y a donc une forme d'interdépendance entre la Russie et l'Europe : la Russie a beaucoup investi dans des infrastructures européennes : en un sens, elle dépend de nous autant que l'on dépend d'elle.