Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 16h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

. Je ne vais sans doute pas vous étonner en tenant un discours – mais c'est notre fonctionnement démocratique – diamétralement opposé. Ce n'est pas vous que je mets en cause, naturellement, mais le système dans lequel nous vivons. À écouter votre exposé et votre état des lieux, je suis effaré. Je suis persuadé qu'avec la direction prise aujourd'hui, nous allons à la catastrophe dans quelques années. On dit que l'Union européenne est au bord du gouffre. J'en suis convaincu.

Dans les arguments avancés, que je comprends et qui sont une réalité, on dit qu'il faut respecter les partenaires, que les négociations sont difficiles, qu'il y a des contraintes politiques dans les différences d'approche, qu'il y a des différentes d'approche. Ce qu'on ne dit pas, c'est que cette Union européenne est bâtie sur une économie extrêmement libérale. Dans les faits, même si c'est un non-dit, elle est sous l'emprise des marchés financiers, des multinationales, des intérêts égoïstes, à court terme, de quelques-uns.

On voit bien que toutes les réponses apportées sont formatées par rapport à cet état de fait. Le discours que je tiens peut paraître décalé parce que je me place dans une autre perspective, mais je vais tout de même apporter quelques arguments.

Sur les recettes, M. Jerretie affirmait que différentes recettes avancées ont été refusées. À chaque fois que des recettes peuvent aggraver la pression fiscale sur les entreprises, par principe, idéologiquement, on rejette l'idée. Or, chaque année, je regarde les dividendes versés. Les entreprises françaises du CAC 40 ont versé, sur l'année 2019, près de 50 milliards d'euros de dividendes, qui ont augmenté de 15 % par rapport à l'année précédente. Parallèlement, ces entreprises ont baissé leurs investissements. Bien évidemment, cela coupe les recettes possibles. On s'oriente alors vers les marchés financiers, vers une dette qu'il faudrait rembourser.

Sur les dépenses, j'ai des propositions à l'opposé, si ce n'est, peut-être, la première. Je pense notamment que, dans le cadre financier pluriannuel, les programmes doivent être dotés pour traiter les questions écologiques et sociales. On parle beaucoup de questions écologiques et beaucoup moins de questions sociales. Il y a une tendance, aujourd'hui, à ignorer qu'il ne sera pas possible d'évoluer au niveau de la transition écologique sans prendre à bras-le-corps la question sociale. Je pense notamment aux questions de formation.

Nous avons eu une audition intéressante avec la Banque européenne d'investissement (BEI). Il a été question que les prêts de la BEI se fassent sur la base de critères sociaux et écologiques. Je pense que cela va dans le bon sens. Il faudra bien surveiller la manière donc ce sera fait.

Le deuxième impératif fondamental que je vois est à l'opposé de ce que vous venez de dire. Pour moi il faut renoncer à toute forme de politique austéritaire. Il suit de ce que vous venez de dire que les États se verront imposer des conditions, notamment l'obligation de réforme structurelles pour « remédier aux faiblesses ». Cela signifie que l'on va s'attaquer aux services publics nécessaires pour répondre aux besoins sociaux. On s'oriente donc vers une conditionnalité qui va en réalité aggraver la pauvreté. C'est ce qui nous a conduits aux pires difficultés dans beaucoup de pays ; les politiques d'austérité sont un remède pire que le mal. Quelle sera l'attitude de la Commission devant des pays qui voudront recruter des personnels de santé, développer des services publics sur leurs territoires ? C'était un argument de nos amis italiens et espagnols.

J'aimerais aussi revenir sur la question de la dette. On considère qu'une dette publique doit être remboursée. Or aujourd'hui, de nombreux économistes disent qu'on utilise cet argument idéologique pour mettre en œuvre des politiques d'austérité. Chacun sait qu'au final la dette ne sera pas remboursée dans sa totalité. Mario Draghi lui-même, ancien président de la BCE, a dit qu'il ne fallait pas exclure l'hypothèse d'un non-remboursement d'une partie de la dette. En 2015, la BCE a racheté 2 320 milliards d'euros de dette de l'ensemble de l'Union européenne. Si la BCE pouvait aller vers l'annulation de la dette, cela donnerait à la France la possibilité d'injecter 17 % de son PIB de 2019 pour financer l'écologie, la santé etc. Quand je dis « annulation de la dette », je ne parle évidemment pas de la dette détenue par les banques ou les fonds de pension, car cela déstabiliserait le système financier, mais de la dette détenue par la BCE.

Seule une annulation de la dette publique détenue par la BCE permettrait de mobiliser suffisamment d'argent. Par ailleurs, la conditionnalité des aides mènera j'en suis sûr à la catastrophe. Si je tiens ces propos, c'est parce que je veux d'abord sauver l'Union européenne.

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