Intervention de André Chassaigne

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 10h40
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je remercie à mon tour les rapporteurs ainsi que M. Daniel Gutmann pour son intervention. La question de la fiscalité européenne est aujourd'hui au cœur du débat. Thierry Breton, commissaire chargé du Marché intérieur, a récemment indiqué que pour rembourser la dette du plan de relance, la Commission voudrait se voir doter de la capacité de lever directement l'impôt, pensant par exemple à la taxe carbone aux frontières ou à la taxe GAFA. Ces déclarations sont passées sous le radar médiatique mais elles méritent notre attention car elles annoncent un changement de paradigme. En effet, le consentement à l'impôt est au cœur de la citoyenneté et la fiscalité est un attribut essentiel de la souveraineté des États, comme l'a montré Norbert Elias. Or, en dépit de toutes les divergences idéologiques, tout le monde s'accorde sur le fait que l'Union n'est pas un État, tout au plus un objectif politique non identifié, pour reprendre la boutade de Jacques Delors. D'où ma question : cet OPNI peut-il lever l'impôt ?

L'Union européenne est un espace de compétition économique régi par les traités de libre-échange, qui tente de mettre un terme aux nombreux abus fiscaux en son sein. C'est ainsi, faut-il le rappeler, qu'Apple a pu bénéficier d'une réduction d'impôt à hauteur de 13 milliards d'euros grâce à un accord avec l'Irlande. De même, il y a une liste européenne des paradis fiscaux mais elle ne comprend aucun État-membre, faisant fi de paradis fiscaux comme les Pays-Bas. Enfin, le projet d'ACCIS, malgré une bonne volonté parfois naïve, n'empêche en rien les Etats-membres de mettre en place diverses niches fiscales pour attirer les entreprises.

Cette incapacité des Etats-membres à mettre fin aux abus a une cause bien connue : c'est la philosophie des traités et l'idée que la libre concurrence permet l'efficacité des marchés, reléguant l'harmonisation fiscale et sociale au second plan. Je me rappelle à ce propos une audition du professeur Catherine Prieto. Alors que d'habitude, je diabolise la libre concurrence, elle nous a expliqué qu'au contraire, le droit de la concurrence se voulait protecteur et un instrument de lutte contre les distorsions de concurrence. Mais alors, comment se fait-il qu'on ne puisse s'appuyer sur lui lutter contre les distorsions de concurrence en matière fiscale ou sociale ?

Au final, force est de reconnaître qu'aujourd'hui, l'harmonisation fiscale est une chimère car les institutions européennes reposent sur des présupposés libéraux d'inspiration hobbesienne : l'homme est un loup pour l'homme, loin de toute idée d'intérêt général.

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