Intervention de Thierry Breton

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 14h35
Commission des affaires européennes

Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur :

Nous travaillons avec Josep Borrell au développement d'une culture stratégique de sécurité et d'une gouvernance associée. Nous assistons systématiquement aux réunions des ministres de la défense, pour une meilleure coordination des prises de décision en situation critique. La défense est l'affaire des États, mais nous tâchons d'améliorer la coordination et avons beaucoup progressé. Plusieurs projets sont à l'étude, notamment la création d'un conseil européen de sécurité évoquée par le Président de la République. Nous essayons de développer un intérêt commun, une affectio societatis. Chaque État aura intérêt à mutualiser les produits, services et applications développés à partir du FEDef car chacun y aura participé. Certains pays disposent historiquement de capacités industrielles de défense de qualité, les autres se sentaient un peu exclus. L'idée est de les associer davantage.

Je m'efforce également de réaligner la gouvernance opérationnelle européenne entre l' European Space Agency, l' European Global Navigation Satellite Systems Agency et les agences nationales – comme, en France, le Centre national d'études spatiales (CNES). La politique spatiale s'appuie sur trois piliers. Le premier est la souveraineté, notamment numérique, à travers la surveillance assurée par Copernicus, la géolocalisation et la connectivité. Le deuxième pilier est l'exploration, notamment de systèmes solaires : par l'envoi de sondes sur des lunes de Jupiter ou de Saturne et sur des comètes et le projet de détecteur d'ondes gravitationnelles Laser Interferometer Space Antenna (LISA), nous contribuons au progrès scientifique de l'humanité. Le troisième pilier a trait aux lanceurs, sur lesquels l'Europe dispose d'un véritable savoir-faire, notamment à travers Ariane 6.

Les règles de concurrence sont en cours d'évolution, conformément à la lettre de mission de Mme Vestager. Plutôt que de « champions », je préfère parler d'entreprises leaders. Nous aurons de grands groupes leaders sur le marché intérieur et sur le marché mondial, chacun devant entraîner un vaste écosystème de PME, sous-traitants, centres de recherche, etc. La notion de marché pertinent devra effectivement être revue en fonction de l'évolution des entreprises et des marchés, notamment dans le monde du numérique.

Madame Karamanli, les chiffres que vous donnez sont tirés d'un rapport que j'avais commis en 2016. Ma proposition était de mutualiser les dettes de défense. Nous n'en sommes pas encore là, mais le fonds européen de relance a introduit la mutualisation des dettes. L'on distingue souvent en Europe les États frugaux, au Nord, et les États du Sud, plus dépensiers. Mais les premiers n'ont dépensé que 1 000 milliards d'euros pour la défense du continent et les autres, 2 000 milliards.

Concernant Nokia, le commissaire que je suis n'a pas de commentaire à faire sur les politiques nationales. L'absence d'ingérence fait partie de mes obligations. Afin d'accompagner les États membres dans leurs plans de relance, nous veillerons, avec Nicolas Schmit, commissaire à l'emploi et aux droits sociaux, à préserver les compétences critiques.

La protection des actifs stratégiques est un sujet important. De nombreuses entreprises étant fragilisées, nous pouvons assister à des phénomènes de prédation économique sur certains actifs stratégiques. Au-delà des aspects légaux, je me suis battu pour que nous ayons la capacité financière d'intervenir pour aider les entreprises potentiellement visées. Le montant de cette fenêtre stratégique peut monter jusqu'à 150 milliards d'euros d'investissements. Des interventions directes de la Commission ou des États pourraient être envisagées dans ce cadre.

L'unanimité est requise pour décider une harmonisation de la fiscalité. Nous étudions la possibilité de faire passer cette décision à la majorité qualifiée, mais ce changement même nécessite un vote unanime. Pour l'instant, nous nous focalisons sur l'adoption en Conseil européen du plan de relance et du budget de l'Union. Tous les projets d'amélioration de la gouvernance seront ensuite mis sur la table. Cela sera certainement l'un des sujets de la conférence sur l'avenir de l'Europe.

Monsieur Chassaigne, vous voulez plus d'Europe, plus de défense, et plus d'efficacité. Chaque pays définit sa stratégie en matière de capacités spatiales et militaires. Certaines décisions peuvent nous heurter, notamment si elles portent sur des choix d'équipements non-européens. C'est précisément ce que l'on veut éviter avec le fonds de défense. J'ai demandé à nos équipes d'identifier dans chaque pays les entreprises susceptibles de s'engager dans ce domaine. Si chacun contribue à l'une des composantes du système de protection de notre continent, cela nous aidera.

Le drone MALE est un projet emblématique de la coopération européenne, impliquant la France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, financé à hauteur de 100 millions. Nous avons identifié dans le cadre du FEDef des projets susceptibles de le faire avancer : un cinquième des projets du fonds ainsi que plusieurs PESCO ont été mobilisés là-dessus.

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