Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Réunion du mercredi 15 juillet 2020 à 11h35
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau :

Enfin, et il faut vraiment insister sur ce point, la crise a mis en lumière une nouvelle fois la totale inutilité de la réserve de crise de la PAC. D'un montant d'environ 400 millions d'euros, elle n'a jamais été utilisée depuis sa création en 2013 (malgré la crise du lait en 2015 ou l'embargo russe de 2014) et elle doit être repensée urgemment dans le cadre de la prochaine PAC.

Cette réserve de crise souffre de trois problèmes principaux.

D'abord, son financement : elle est financée chaque année sur les aides directes du premier pilier de la PAC et la somme, si elle n'est pas dépensée, est reversée aux agriculteurs l'année suivante. Si elle était utilisée, cela reviendrait donc à retirer 400 millions d'euros d'aides directes l'année suivante !

Ensuite, son périmètre pose également problème : elle ne bénéficie pas aux filières des fruits et légumes et du vin, qui disposent de règlements spécifiques.

Enfin, ses modalités de déclenchement sont également non-opérationnelles : comme il n'y a pas de définition au préalable de ce qu'est une crise agricole, les États membres doivent d'abord se mettre d'accord sur le fait qu'il s'agit d'une crise avant de déclencher la réserve. Jusqu'à présent, ils n'ont jamais réellement réussi à le faire.

Après tous ces constats, que faire ? Il faut tirer urgemment les leçons de cette crise, ce que l'Union européenne ne fait quasiment jamais en matière agricole. Nous formulons donc neuf propositions pour y remédier.

D'abord, il faut compléter rapidement les mesures d'urgence au niveau européen pour les secteurs qui en ont encore fortement besoin, en particulier la viticulture et l'horticulture, en y allouant de véritables moyens budgétaires, à l'image de ce que certains autres États ont pu faire

Ensuite, il faudrait créer un grand observatoire européen des marchés agricoles, qui soit beaucoup plus en lien avec les professionnels et formuler des constats à quelques semaines ou quelques mois, sur le modèle de ce que fait France Agrimer, afin d'avoir une réelle évaluation des marchés et de leurs évolutions. Il existe de multiples structures, mais aucun grand observatoire européen sur les tendances des marchés agricoles.

Nous pensons également que cette crise doit nous conduire à avoir une réflexion globale sur le statut des travailleurs saisonniers, sur tous les sujets et pas seulement le salaire. Une harmonisation de ce statut à l'échelle européenne paraît désormais indispensable.

Surtout, nous considérons qu'il est urgent de travailler à une définition commune d'une « crise agricole », permettant de déclencher automatiquement les dispositifs de soutien lorsque certains critères sont remplis, notamment en terme de variation de prix. Cela éviterait à l'avenir des longues discussions qui créent un retard à l'allumage pouvant s'avérer fatal. Cette définition pourrait s'appuyer sur l'observatoire européen des marchés agricoles, qui mesurerait l'évolution des prix et des volumes.

Il nous paraît également indispensable de réformer la réserve de crise, en la finançant en dehors des crédits de la PAC et en la dotant beaucoup plus massivement : les besoins sont évalués à environ 1,5 milliards d'euros pour qu'elle puisse avoir une efficacité. La définition commune de la crise permettrait de déclencher automatiquement cette réserve.

Il faut également compléter la liste des secteurs pouvant bénéficier des mesures de marché, notamment le stockage privé, par exemple pour les filières « veaux » et « volailles ».

Par ailleurs, nous avons vu que l'Union européenne a mis en œuvre des mesures d'aide au stockage privé : il va bien falloir que tous ces produits soient déstockés un jour ! C'est pourquoi nous proposons un plan européen harmonisé de déstockage sur la fin de l'année 2020 et sur l'année 2021, afin d'éviter un afflux massif de marchandises au même moment sur le marché européen.

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