Intervention de Valérie Hayer

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 16h00
Commission des affaires européennes

Valérie Hayer, députée européenne, rapporteure sur les ressources propres de l'Union :

Il est difficile de se projeter sur le budget 2021 parce que le Brexit rend difficiles les comparaisons avec l'actuelle programmation, mais également parce que les négociations sur le cadre financier pluriannuel ne sont pas terminées. Cette situation rend les discussions difficiles en interne, au Parlement européen, et avec le Conseil et la Commission.

Concernant les ressources propres, il s'agit d'un sujet technique mais avant tout politique. Il ne s'agit pas d'un sujet de bulle, d'une bataille entre les trois grandes institutions européennes à Bruxelles. Il s'agit d'un sujet clé pour l'avenir de notre Union et pour les finances nationales des 27 États membres.

Nous avons adopté notre rapport en plénière à la mi-septembre, par 455 voix en faveur, 146 contre et 88 abstentions, après une course contre la montre durant l'été. Il était absolument nécessaire, pour nous et pour l'Union, d'adopter au plus vite notre texte afin de permettre à la procédure de se poursuivre, c'est-à-dire de permettre au Conseil d'adopter son rapport final et d'envoyer le texte aux Parlements nationaux pour ratification. Le plan de relance a été ajouté au texte en tant que nouvel élément. Les 390 milliards de subventions sont un bond en avant sans précédent dans l'histoire des finances européennes ; jamais l'Union ne s'est financé sur les marchés pour fournir des subventions. Elle le fait déjà pour fournir des prêts aux États faisant face à des difficultés économiques, mais jamais pour des subventions ; c'est en ce sens inédit, tant dans la forme que dans le montant. Le Parlement européen dans son ensemble a soutenu ce grand emprunt, lequel est permis par la décision sur les ressources propres qui doit maintenant être adoptée au Conseil puis ratifiée par les Parlements nationaux. Je crois savoir que cette ratification sera mise à l'agenda de l'Assemblée nationale à la mi-novembre, c'est une excellente nouvelle. L'adoption de cette décision par les Parlements nationaux est la condition permettant à la Commission de se financer sur les marchés.

Le Parlement européen est historiquement très favorable aux ressources propres. Nous constatons en effet que depuis l'instauration de la contribution basée sur le RNB, les contributions nationales ont pris le dessus sur les autres ressources dites « traditionnelles », réellement européennes, à savoir les droits de douane. Aujourd'hui, l'Union européenne est financée à 80 % par des contributions nationales, c'est-à-dire la somme des ressources venant du RNB et des ressources venant de la TVA. Cependant, tous les 7 ans, le scénario reste le même : les États s'écharpent sur le montant des contributions financières communes par rapport aux montants qu'ils percevront en retour de la part de l'Union. L'intérêt général européen est aujourd'hui la victime de ces batailles entre États membres et cela doit cesser.

Notre inquiétude porte aujourd'hui aussi sur la question du remboursement de l'emprunt européen. Nous devons éviter que les contributions nationales augmentent ou que les programmes européens soient revus à la baisse pour dégager les moyens nécessaires pour rembourser l'emprunt. L'accord politique du Conseil européen de juillet dernier va dans ce sens. Nous souhaitons transformer cet accord politique en engagement juridiquement contraignant. C'est la raison pour laquelle nous avons adopté une position claire à ce sujet dans notre rapport avec mon collègue, José Manuel Fernandes, député portugais membre du PPE : de nouvelles ressources propres devront être créées sur la période 2021-2027, avec un niveau de recettes suffisant pour rembourser au moins l'intégralité du capital et des intérêts.

Concrètement, nous demandons la création de six nouvelles ressources propres selon un calendrier en trois étapes. Pour 2021, la première étape reposera sur la contribution « plastiques », déjà prévue dans la décision sur les ressources propres. Il s'agira aussi de faire du système ETS d'échange des quotas d'émissions de gaz à effet de serre un contributeur aux recettes générales du budget, permettant ainsi de ne pas passer par une nouvelle décision sur les ressources propres mais par un ajustement de la directive courant 2021. Toute extension du système ETS, à savoir extension géographique ou en secteurs économiques, devra faire partie des recettes européennes. La deuxième étape aura lieu au cours des années 2023 et 2024. En 2023, il s'agira d'introduire la taxe sur le numérique ainsi que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières à partir d'une proposition de la Commission qui sera soumise en 2021. Puis, en 2024, il s'agira de mettre en œuvre la taxe sur les transactions financières, préférablement en accord avec tous les États membres. La troisième étape, en 2026, consistera en l'introduction de l'assiette commune consolidée sur l'impôt sur les sociétés (ACCIS).

Ce calendrier devra être juridiquement contraignant et inclus dans un accord interinstitutionnel adopté avant le 1er janvier 2021 qui en détaillera les aspects techniques. Le calendrier est également le reflet d'une volonté politique : il s'agit d'avancer vers davantage de justice fiscale dans le remboursement de l'emprunt. L'emprunt ne doit pas être remboursé par les citoyens européens mais par ceux qui ne paient pas leur juste part d'impôt aujourd'hui, à savoir les géants du numérique, les entreprises chinoises polluantes, et les institutions financières qui spéculent.

Suite au vote positif sur notre rapport, nous avons pu commencer les négociations sur les ressources propres avec la présidence allemande. L'accord du Conseil en juillet avait tracé la voie pour débuter les négociations, sachant que le Parlement européen faisait de sa décision sur les ressources propres un point clé et nécessaire pour l'accord sur le cadre financier pluriannuel. Cinq des six ressources propres sont déjà citées dans l'accord conclu au Conseil en juillet dernier. Le rôle du Parlement européen est d'inscrire ces six nouvelles ressources propres dans un accord interinstitutionnel qui rendra contraignant ce calendrier. Nous souhaitons ainsi instaurer une obligation de moyens afin d'éviter que certains États soient tentés de se décharger de leurs responsabilités de 2021 à 2028. Nous souhaitons également renforcer certains programmes du cadre financier pluriannuel qui ont une vraie valeur ajoutée européenne.

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