Intervention de Pierre Larrouturou

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 16h00
Commission des affaires européennes

Pierre Larrouturou, député européen, rapporteur sur le projet de budget général pour 2021 :

Je tiens à souligner que le Parlement européen ne sera pas disposé à trouver un accord sur le cadre financier pluriannuel en l'absence d'avancées réelles sur les ressources propres et, en tant que rapporteur pour le budget 2021, je serais incapable de trouver des financements pour les quinze priorités du budget de l'Union si nous n'arrivons pas à débloquer la question des ressources propres.

Le budget n'est pas un problème technique. Comme l'a souligné Valérie Hayer, c'est un problème avant tout politique. De plus, l'année 2020 est marquée par la crise économique suite à la crise sanitaire, mais également par la crise écologique : 2020 sera la pire année en termes d'émissions de gaz à effet de serre depuis les années 1960. Nous voterons demain le rapport sur le financement du Green Deal qui rappelle que la lutte contre le changement climatique nécessite, d'après la Commission européenne, 600 milliards d'euros annuels, que ce soit de sources publiques ou privées. La mise en œuvre de nouvelles ressources propres en Union européenne est donc un enjeu vital pour réussir la transition écologique en accord avec le Green Deal et le plan de relance, et ces nouvelles ressources propres devront au moins permettre le remboursement du capital et des intérêts de Next Generation EU. Cependant, le Green Deal nécessite également 100 milliards d'euros annuels supplémentaires ce qui sera inatteignable sans la création de nouvelles ressources propres pour l'Union européenne. Le Parlement européen est très uni et motivé.

Il y a trois raisons pour lesquelles il est vraiment nécessaire de prévoir un calendrier pour l'introduction de nouvelles ressources propres : faciliter la ratification de la décision sur les ressources propres en rassurant les parlements nationaux sur le remboursement de l'emprunt ; avoir un budget européen plus important en 2024, grâce à la taxe sur les transactions financières, pour éviter le risque de retomber en récession après la fin du plan de relance et le rétablissement des règles budgétaires ; financer le Green Deal et les quinze programmes prioritaires du budget de l'Union, notamment en matière de santé et de recherche.

Lors du Conseil du 21 juillet 2020, cinq ressources propres ont été proposées. Il s'agit d'abord de la contribution « plastiques », dont on espère 7 milliards d'euros par an qui ont vocation à diminuer si les comportements changent. La taxe carbone aux frontières devrait faire l'objet, selon Paolo Gentiloni, d'un texte d'ici l'année prochaine et susciter 2 ou 3 milliards de recettes par an. Ce n'est pas suffisant pour financer toutes les priorités. La ressource ETS est très intéressante, mais la négociation est compliquée : plusieurs pays souhaitent conserver les recettes au niveau national. Quant à la taxe sur le numérique, la Commission européenne en attend entre 1,3 et 5 milliards d'euros. Toutefois, plusieurs États sont déjà en train de la mettre en œuvre à leur niveau et disent qu'ils garderont l'argent pour alimenter le budget national.

Au Parlement européen, nous sommes nombreux à vouloir négocier l'ensemble du calendrier, même si nous avons des doutes sur son caractère réellement contraignant. La Commission devra faire des propositions, mais il restera au Conseil à les adopter.

On réfléchit à ce qui peut être enclenché en termes de dynamique. La taxe sur les transactions financières est la plus mûre politiquement et techniquement. On en parle depuis la proposition de directive de la Commission Barroso de 2011. L'année suivante, la Commission avait proposé d'en faire une ressource propre, qui pourrait rapporter 81 milliards d'euros chaque année.

Depuis, le Brexit entraîne la perte de 30 % de l'assiette de cette taxe, mais les marchés financiers vont très bien. L'économie réelle va très mal, mais d'après l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), au deuxième trimestre 2020, les volumes échangés sur les marchés financiers étaient 45 % plus importants que l'année qui avait servi de base aux calculs de la Commission Barroso.

Olaf Scholz a dit en avril vouloir relancer la coopération renforcée sur la taxe sur les transactions financières, de nouveaux pays veulent y participer, il faut relancer cette dynamique. Pour accélérer la négociation, puisque le Parlement européen veut des accords avant la fin du mois, je propose de relancer la coopération renforcée en prévoyant une grosse contrepartie : tous les pays qui y participent n'auront rien à payer pour Next Generation EU. Nous parlons bien sûr de la proposition de taxe équilibrée de 2011, et non celle proposée ultérieurement par Podemos. Aucun pays ne pourra bloquer cette coopération renforcée. L'Autriche et le Danemark, parmi les frugaux, soutiennent la relance de la négociation.

Si l'on obtient 50 milliards d'euros chaque année, 15 pourront rembourser la dette commune et 35 pour les autres programmes de l'Union, y compris le Green Deal.

Angela Merkel a rappelé que la taxe sur les transactions financières était une idée très populaire en Allemagne et que, en 2014, elle avait demandé au Royaume-Uni de lever leur veto. Il n'est plus membre de l'Union européenne et les 27 doivent trouver des ressources propres. En Allemagne, même au sein du gouvernement, certains soutiennent la relance du projet.

Au total, avec la taxe plastique et la taxe sur la transaction financière, on aurait plus de 200 milliards de ressources chaque année et on pourrait remonter les plafonds du cadre financier pluriannuel sans augmenter les contributions des États membres.

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