Concernant le montant nécessaire au lancement des opérations du parquet et nos moyens, il faut que nous ayons des procureurs européens délégués dans l'ensemble des vingt-deux États membres : on ne pourra pas commencer à fonctionner dans certains pays et pas d'autres. Il faut aussi que la directive « PIF » soit mise en place dans tous les États membres, avec une transposition effective dans la procédure nationale.
Pour les procureurs européens délégués, il y a la question de leur nombre, puis de leur mode de travail dans chaque État membre. Le nombre de procureurs européens délégués est établi par le procureur général sur la base de consultations et d'accords avec chacun des États. Pour établir le bon nombre, un des critères est celui du nombre d'affaires. Quand j'ai commencé mes travaux, ma première lettre a été envoyée aux ministères de la justice pour qu'on m'envoie les statistiques concernant le nombre d'affaires ouvertes au cours des quatre dernières années relevant des compétences du Parquet européen.
J'ai déjà un accord avec une majorité d'États membres, mais pas avec la France, puisque nos discussions en sont à leurs débuts. J'ai rencontré en France plusieurs ministres, ainsi que le procureur du parquet national financier.
Deuxième problème à traiter : le fonctionnement des procureurs européens délégués. Les procureurs délégués pourraient travailler à temps plein ou à mi-temps. Notre souhait serait d'avoir uniquement des procureurs travaillant à temps plein, car ce serait la meilleure façon d'assurer leur efficacité et leur indépendance.
Troisième point qui est à traiter : le budget. La Commission a proposé un budget de 37,5 millions d'euros, mais selon nos estimations nous aurions besoin de 55 millions d'euros pour être véritablement efficace dans notre travail. Nous avons une compétence de juridiction obligatoire : tous les délits relevant de la compétence du Parquet européen doivent faire l'objet d'une instruction. Nous devons nous saisir de toutes ces affaires, ce qui devrait représenter environ trois cent mille affaires.
Une autre question portait sur les critères de notre succès. L'enjeu est d'instaurer une véritable confiance avec les citoyens européens. Je pense que notre efficacité ne pourra être mesurée qu'à horizon deux ou trois ans. Car même si nous commençons rapidement nos instructions, aucune décision ne saurait être rendue en moins d'un an, du fait de nos spécificités et de notre obligation de respecter les droits fondamentaux. Toute décision de la Cour devra impliquer le Tribunal de première instance.
Sur la répartition des magistrats entre le parquet et le siège, nous serons en relation avec les parquets des vingt-deux États participants. Toutes les personnes appelées devant les tribunaux devront pouvoir utiliser leur langue, ce qui constitue un défi pour la traduction.
Certaines dispositions du règlement devront être interprétées par la Cour européenne de justice. Mais la compétence du Parquet européen est clairement établie dans le règlement : elle couvre la protection des intérêts financiers et la lutte contre les fraudes à la TVA transfrontalières à partir de dix millions d'euros.
Nous devrons prendre en compte de nombreux acteurs, y compris les États de l'Union européenne ne participant pas au Parquet européen, et les États tiers comme le Royaume-Uni. Il existait déjà des outils de coopération à l'échelle européenne : d'autres outils pourraient également être créés afin d'intégrer les États ne participant pas à la coopération renforcée.
Je souhaiterais parvenir à un accord avec la France sur le nombre de procureurs européens délégués. Je souhaiterais aussi que le processus de sélection de ces procureurs soit lancé : il faudrait que ces procureurs délégués soient nommés dans tous les États concernés d'ici la fin de l'année. Pour ce qui est du droit interne français, il pourrait y avoir des difficultés liées au rôle du juge d'instruction et à son articulation avec les missions du parquet.
À propos de l'indépendance du Parquet européen, mon devoir sera de m'assurer que tous les procureurs européens délégués sont effectivement indépendants et qu'il n'y aura aucune interférence avec leurs activités. Nous avons des chambres permanentes qui garantiront l'indépendance des instructions. Ces chambres représentent un nouveau système ; elles seront constituées d'au moins trois procureurs européens : par exemple un Français, un Allemand et un Slovaque, et ces trois procureurs vont superviser une instruction en Roumanie.
Du point de vue des moyens, nous disposons pour l'instant de tous les moyens juridiques dont nous avons besoin : c'est plutôt les moyens budgétaires qui risquent d'être insuffisants.
En ces temps de pandémie, nous prenons nos dispositions pour fonctionner de manière hybride, en présentiel et à distance, comme cela se passe d'ailleurs dans les États membres.
Selon l'article 1er de la décision du collège du 30 septembre, l'anglais sera la langue de travail pour les activités opérationnelles et administratives et le français sera utilisé, aux côtés de l'anglais, dans les relations avec la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette décision a fait l'objet de vifs débats, mais elle a été prise pour des raisons pragmatiques et d'efficacité. Notre travail consiste à mener des travaux d'instruction dans vingt-deux pays. Nous ne pouvons pas nous permettre de créer des délais supplémentaires qui auraient un impact sur les procédures judiciaires. Le parquet doit par exemple trancher le droit d'évocation en cinq jours. Si l'on devait traduire l'ensemble des informations dans une deuxième langue de travail, le Parquet européen ne pourrait pas remplir sa mission dans les délais impartis. Nous avons également dû tenir compte de considérations budgétaires : avec une seule langue de travail, nous estimons que les coûts de traduction s'élèveront déjà à 8,3 millions d'euros par an, alors que le projet de budget ne nous en accorde que 5,2 millions.