Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 16h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 4 novembre 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 05.

I. Audition de Mme Laura Codruța Kövesi, procureure générale du Parquet européen et de M. Frédéric Baab, procureur européen français

La Présidente Sabine Thillaye. Je souhaite la bienvenue à Mme Laura Codruta Kövesi, cheffe du Parquet européen, et M. Frédéric Baab, membre français du collège des procureurs.

Pour notre information à tous, je signale qu'en application des décisions de la conférence des présidents, notre réunion d'aujourd'hui se tient en format mixte, en salle et en visioconférence, parce que nous serons appelés à examiner et à voter sur une proposition de résolution européenne.

Mme Kövesi et M. Baab, nous sommes particulièrement intéressés par le fait de vous entendre car la France, avec son partenaire allemand, a joué un rôle actif dans l'installation de ce procureur européen. Sa mission fait l'unanimité, puisqu'il est chargé de lutter contre la fraude aux intérêts financiers de l'Union. Cette rencontre virtuelle est donc l'occasion de témoigner du soutien des parlementaires au Parquet européen.

Ses membres, qui ont été désignés au terme d'une procédure exigeante, ont prêté serment devant la Cour de justice de l'Union européenne le 28 septembre dernier. Cette institution toute neuve est très attendue, et il s'agit d'un grand pas dans l'intégration de l'espace de liberté, de sécurité et de justice européen. Nous avons tout à gagner à ce que ses débuts soient un succès : ce Parquet européen peut devenir la démonstration éclatante que la criminalité transfrontalière ne résiste pas à une coopération avancée entre des pays partenaires aux intérêts convergents. C'est le cas des vingt-deux États qui ont choisi de déléguer leurs pouvoirs de poursuite dans un champ bien défini.

Pour cela, la France doit adapter son droit interne à l'arrivée des procureurs européens délégués, qui seront les relais du Parquet européen dans les États. C'est l'objet du projet de loi relatif au Parquet européen, actuellement examiné à l'Assemblée nationale, qui fera la semaine prochaine l'objet d'un rapport pour observations de Liliana Tanguy.

Madame la Procureure générale, Monsieur le Procureur, pourriez-vous nous présenter vos attentes et vos priorités quant à la mise en place du Parquet européen ?

Quelles sont les dernières étapes avant qu'il puisse être pleinement opérationnel ? On pense par exemple à la transposition de la directive « PIF » de 2017, qui est relative à la protection des intérêts financiers de l'Union.

Je vous laisse désormais la parole depuis Luxembourg, où se trouve le siège du Parquet.

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Laura Codruța Kövesi, Procureur général du Parquet européen

. Je vous remercie, Madame la Présidente, pour cette opportunité que vous m'offrez d'engager le dialogue avec les parlementaires français. Aux côtés de la Cour de justice de l'Union européenne, le Parquet européen renforcera le pilier judiciaire européen. Lorsqu'il sera pleinement opérationnel, il protégera efficacement les valeurs, les citoyens et les intérêts financiers européens.

Pour la première fois, un organe européen sera en charge de réaliser des enquêtes, de poursuivre et de porter devant les juridictions les infractions pénales à l'encontre des intérêts financiers européens. À la différence d'Eurojust, le Parquet européen ne sera pas un simple outil de coopération judiciaire ; à la différence de l'OLAF, il n'émettra pas de simples recommandations. Parquet spécialisé, sa compétence sera obligatoire pour tout soupçon de fraude impliquant les fonds européens ou de fraude transfrontalière à la TVA. Les procureurs européens délégués seront des membres actifs de leur système judiciaire national au sein duquel ils engageront les poursuites nécessaires. Le Parquet européen est ainsi un projet sans précédent et c'est un défi enthousiasmant. Notre objectif est qu'il soit opérationnel à la fin de cette année.

Depuis plusieurs mois, nous échangeons intensément avec les autorités budgétaires s'agissant du budget du Parquet européen car il nous manque encore 18 millions d'euros pour remplir nos missions. Le risque d'un blocage de notre budget est réel et c'est pourquoi nous attendons votre soutien dans ces échanges. De notre côté, nous travaillons sans relâche à compléter notre régime juridique. J'attire votre attention sur le fait que le Parquet européen se voit chargé des dépenses liées à la sécurité sociale et à la retraite des procureurs, à la demande de plusieurs États membres, dont la France. Je regrette également que la France fasse partie des États membres avec lesquels nous n'avons pas encore d'accord formel sur le nombre de procureurs européens délégués et qui n'ont pas encore finalisé l'adaptation de leur droit interne. Je compte là aussi sur votre soutien pour accélérer le processus.

La question qui se pose est très simple. Souhaite-t-on avoir un Parquet européen pour le principe, ou le veut-on indépendant et efficace ? C'est mon cas. Je veux que cette institution soit une institution forte qui renforce l'Etat de droit et dans laquelle les citoyens européens ont confiance. Elle doit devenir un centre d'excellence pour la confiscation des avoirs criminels, la réparation des préjudices et changer la donne en matière de lutte contre la fraude transfrontalière à la TVA.

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Frédéric Baab, membre français du collège des procureurs

. Je suis heureux de ce premier contact avec vous alors que le Parquet européen est encore en phase d'installation et que toutes les adaptations législatives n'ont pas encore été faites en France.

Pour compléter le propos de Mme Kövesi, la création du Parquet européen représente d'abord un défi juridique. Il s'agit en effet de faire cohabiter deux niveaux décisionnels, un échelon central et un échelon décentralisé, celui des procureurs européens délégués, avec lesquels nous aurons à travailler au quotidien, qui dirigeront les enquêtes et exerceront des poursuites sur instruction de l'échelon central. Le Parquet européen inscrira ainsi son action dans le cadre de 22 procédures pénales différentes.

C'est également un défi institutionnel car il faudra inscrire le Parquet européen dans une galaxie déjà existante d'agences et de services européens, parmi lesquels l'OLAF, Europol et Eurojust. Nous sommes d'ores et déjà en train de négocier des accords de coopération avec ces trois organismes.

Enfin, nous aurons à relever le défi de l'opinion publique : soit nous parvenons à faire fonctionner le Parquet européen et à obtenir des résultats, notamment des condamnations, soit ce n'est pas le cas et alors, il nous sera très difficile de démontrer l'utilité et la nécessité du Parquet européen.

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. L'institution du Parquet européen est un grand pas dans la consolidation du principe de l'État de droit qui fait de l'UE une communauté de droit. En participant à la coopération renforcée, vingt-deux États dont la France ont fait le choix de lutter ensemble contre la fraude aux intérêts financiers européens. C'est une victoire pour le contribuable européen qui aura ainsi l'assurance que les fonds européens iront à ce à quoi ils sont destinés : projets réels, relance économique, formation des jeunes… Je me réjouis que ce projet de Parquet européen avance et qu'il soit composé de juristes reconnus, notamment Mme Kövesi dont la pugnacité en matière de lutte contre la fraude n'est plus à démontrer.

Il n'en reste pas moins que tous les États n'en sont pas au même point s'agissant de l'adaptation de leur droit national. Que pouvez-vous nous dire des choix de la France par rapport à ceux des autres États-membres ? En tant que rapporteure pour observations du projet de loi français, je suis attaché à ce qu'on avance en cohérence avec nos partenaires européens. Je souhaite que la France reste moteur, comme elle l'est depuis le début, dans le projet de Parquet européen. Comme toute nouvelle institution, elle devra faire ses preuves et, de fait, les moyens dont elle disposera seront déterminants. Pouvez-vous nous éclairer sur le budget du Parquet européen et sur ses perspectives ?

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. En ce qui concerne le budget du Parquet européen, vous avez indiqué qu'il manquait 18 millions d'euros : où en est-on pour la résolution de ce problème et quel budget espérez-vous obtenir ? D'autre part, quels sont les obstacles principaux à surmonter pour la mise en place du parquet, notamment du côté de la France ? Vous voulez que le Parquet européen soit une institution efficace et s'illustrant par des résultats de nature opérationnelle. Quels sont selon vous les critères clé qui permettront de mesurer le succès de cette nouvelle institution ?

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Je suis heureux de ce dialogue car nous sommes nombreux à avoir voulu cette institution, et à œuvrer pour la faire aboutir. Je me réjouis de voir que vous prenez votre essor.

Je voudrais vous interroger sur la triple amputation que suppose ce mandat. D'abord sur la première, qui était voulue et nous semblait gérable au Parlement européen, et qui consiste en la séparation entre un parquet de l'Union européenne et des formations de jugement qui restent nationales. Où en êtes-vous de l'articulation concrète de vos relations avec les parquets nationaux ?

La deuxième amputation est celle du champ de compétence, limité par le règlement aux intérêts financiers, ce qui reste une notion un peu floue. Ainsi, la chute de la Commission Santer était partie d'une fraude par la direction ECHO qui a abouti à une crise politique générale. Comment comptez-vous gérer cette limitation ?

La troisième amputation tient à l'existence d'une coopération renforcée, puisque vous comprenez la majorité des États membres mais certains restent encore à l'extérieur du système. Vous allez poursuivre des infractions de caractère transfrontalier et vous retrouver en conséquence avec des acteurs situés, soit dans, soit hors du système. Enfin, nous souhaitons savoir comment vous aider pour faire de cette institution, comme nous le souhaitons dans cette commission, un vrai succès.

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Vous avez le 28 septembre tenu une séance d'installation pour marquer les débuts officiels du Parquet européen. C'est à cette occasion que nous avons appris que cette nouvelle juridiction était prête à travailler en anglais, ce qui ne manque pas de sel au moment où nos amis britanniques quittent définitivement l'Union européenne.

Sur le fond, nous regardons avec bienveillance l'émergence de cette institution dans la version collégiale actuelle, même s'il reste à nous convaincre sur la question de l'inamovibilité des magistrats français qui seront détachés pour endosser les fonctions de procureur européen délégué. Nous demeurons dubitatifs sur ce point, comme sur celui de la procédure inventée pour s'adapter au Parquet européen : les États membres sont pour la plupart inscrits dans une tradition inquisitoire avec un juge représentant l'intérêt général, avec un pouvoir d'investigation, avec des procédures écrites, souvent secrètes, non contradictoire, contrairement à la tradition contradictoire d'autres pays. Nous pensons, à l'instar du Syndicat de la magistrature, que cette évolution pourrait nous conduire à terme vers la suppression du juge d'instruction.

Mais notre plus grande inquiétude concerne l'avenir d'un Parquet européen aujourd'hui heureusement cantonné aux affaires financières, dont nous craignons que le champ de compétence soit élargi à l'avenir, au risque d'une perte de souveraineté. Permettez-moi donc de ne pas partager l'enthousiasme de la professeure du Collège de France Mireille Delmas‑Marty. Nous pensons en ce qui nous concerne que la priorité doit demeurer en nos institutions nationales. Nous souhaitons que le Parquet européen reste concentré dans le champ précité, escroqueries à la TVA, faits de corruption, détournement de fonds publics, abus de confiance, blanchiment d'argent et délits douaniers. La tâche est déjà conséquente comme la manne financière à récupérer, plusieurs milliards par exemple pour la France, qui pourraient servir à la résolution de la crise que nous traversons. Pour la feuille de route, vous avez en partie répondu et j'ai noté vos trois objectifs prioritaires d'indépendance, d'efficacité et de fiabilité : avez-vous les moyens nécessaires pour assurer cette mission ?

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Chargé de rechercher, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs d'infraction portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, le Parquet européen se bâtit sur une ligne de crête entre une nouvelle volonté d'intégration européenne et le respect de la souveraineté des États. Lors de la première crise du coronavirus, des instruments de coopération judiciaire telles que les décisions d'enquêtes européennes ou les demandes d'entraide judiciaire ont pu être affectées par les contraintes liées au confinement et au télétravail avec des ordinateurs personnels non sécurisés. Ces difficultés ont par exemple conduit à la mise en place d'un groupe de gestion de crise sur le mandat d'arrêt européen en coopération avec Eurojust et le réseau judiciaire européen.

Alors que l'Europe connaît une résurgence de l'épidémie et de nouveaux confinements, quelles mesures concrètes prendrez-vous pour que le Parquet européen ne connaisse pas dès son installation les mêmes difficultés ?

Il est désormais acté que la langue de travail sera l'anglais, bien qu'aucun des pays membres de cette institution ne soit anglophone, alors que ce choix linguistique aura des conséquences très concrètes. Une langue véhicule en effet des concepts, et le droit anglo-saxon est très différent de celui pratiqué dans les autres pays continentaux, notamment au regard des mesures d'instruction ou des mesures privatives de liberté. Comment comptez-vous pallier les possibles difficultés liées à l'interprétation et aux références juridiques ?

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Laura Codruța Kövesi, procureure générale du Parquet européen

Concernant le montant nécessaire au lancement des opérations du parquet et nos moyens, il faut que nous ayons des procureurs européens délégués dans l'ensemble des vingt-deux États membres : on ne pourra pas commencer à fonctionner dans certains pays et pas d'autres. Il faut aussi que la directive « PIF » soit mise en place dans tous les États membres, avec une transposition effective dans la procédure nationale.

Pour les procureurs européens délégués, il y a la question de leur nombre, puis de leur mode de travail dans chaque État membre. Le nombre de procureurs européens délégués est établi par le procureur général sur la base de consultations et d'accords avec chacun des États. Pour établir le bon nombre, un des critères est celui du nombre d'affaires. Quand j'ai commencé mes travaux, ma première lettre a été envoyée aux ministères de la justice pour qu'on m'envoie les statistiques concernant le nombre d'affaires ouvertes au cours des quatre dernières années relevant des compétences du Parquet européen.

J'ai déjà un accord avec une majorité d'États membres, mais pas avec la France, puisque nos discussions en sont à leurs débuts. J'ai rencontré en France plusieurs ministres, ainsi que le procureur du parquet national financier.

Deuxième problème à traiter : le fonctionnement des procureurs européens délégués. Les procureurs délégués pourraient travailler à temps plein ou à mi-temps. Notre souhait serait d'avoir uniquement des procureurs travaillant à temps plein, car ce serait la meilleure façon d'assurer leur efficacité et leur indépendance.

Troisième point qui est à traiter : le budget. La Commission a proposé un budget de 37,5 millions d'euros, mais selon nos estimations nous aurions besoin de 55 millions d'euros pour être véritablement efficace dans notre travail. Nous avons une compétence de juridiction obligatoire : tous les délits relevant de la compétence du Parquet européen doivent faire l'objet d'une instruction. Nous devons nous saisir de toutes ces affaires, ce qui devrait représenter environ trois cent mille affaires.

Une autre question portait sur les critères de notre succès. L'enjeu est d'instaurer une véritable confiance avec les citoyens européens. Je pense que notre efficacité ne pourra être mesurée qu'à horizon deux ou trois ans. Car même si nous commençons rapidement nos instructions, aucune décision ne saurait être rendue en moins d'un an, du fait de nos spécificités et de notre obligation de respecter les droits fondamentaux. Toute décision de la Cour devra impliquer le Tribunal de première instance.

Sur la répartition des magistrats entre le parquet et le siège, nous serons en relation avec les parquets des vingt-deux États participants. Toutes les personnes appelées devant les tribunaux devront pouvoir utiliser leur langue, ce qui constitue un défi pour la traduction.

Certaines dispositions du règlement devront être interprétées par la Cour européenne de justice. Mais la compétence du Parquet européen est clairement établie dans le règlement : elle couvre la protection des intérêts financiers et la lutte contre les fraudes à la TVA transfrontalières à partir de dix millions d'euros.

Nous devrons prendre en compte de nombreux acteurs, y compris les États de l'Union européenne ne participant pas au Parquet européen, et les États tiers comme le Royaume-Uni. Il existait déjà des outils de coopération à l'échelle européenne : d'autres outils pourraient également être créés afin d'intégrer les États ne participant pas à la coopération renforcée.

Je souhaiterais parvenir à un accord avec la France sur le nombre de procureurs européens délégués. Je souhaiterais aussi que le processus de sélection de ces procureurs soit lancé : il faudrait que ces procureurs délégués soient nommés dans tous les États concernés d'ici la fin de l'année. Pour ce qui est du droit interne français, il pourrait y avoir des difficultés liées au rôle du juge d'instruction et à son articulation avec les missions du parquet.

À propos de l'indépendance du Parquet européen, mon devoir sera de m'assurer que tous les procureurs européens délégués sont effectivement indépendants et qu'il n'y aura aucune interférence avec leurs activités. Nous avons des chambres permanentes qui garantiront l'indépendance des instructions. Ces chambres représentent un nouveau système ; elles seront constituées d'au moins trois procureurs européens : par exemple un Français, un Allemand et un Slovaque, et ces trois procureurs vont superviser une instruction en Roumanie.

Du point de vue des moyens, nous disposons pour l'instant de tous les moyens juridiques dont nous avons besoin : c'est plutôt les moyens budgétaires qui risquent d'être insuffisants.

En ces temps de pandémie, nous prenons nos dispositions pour fonctionner de manière hybride, en présentiel et à distance, comme cela se passe d'ailleurs dans les États membres.

Selon l'article 1er de la décision du collège du 30 septembre, l'anglais sera la langue de travail pour les activités opérationnelles et administratives et le français sera utilisé, aux côtés de l'anglais, dans les relations avec la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette décision a fait l'objet de vifs débats, mais elle a été prise pour des raisons pragmatiques et d'efficacité. Notre travail consiste à mener des travaux d'instruction dans vingt-deux pays. Nous ne pouvons pas nous permettre de créer des délais supplémentaires qui auraient un impact sur les procédures judiciaires. Le parquet doit par exemple trancher le droit d'évocation en cinq jours. Si l'on devait traduire l'ensemble des informations dans une deuxième langue de travail, le Parquet européen ne pourrait pas remplir sa mission dans les délais impartis. Nous avons également dû tenir compte de considérations budgétaires : avec une seule langue de travail, nous estimons que les coûts de traduction s'élèveront déjà à 8,3 millions d'euros par an, alors que le projet de budget ne nous en accorde que 5,2 millions.

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Frédéric Baab, procureur européen français

Plusieurs députés ont rappelé que la création du Parquet européen représentait un transfert de souveraineté à l'échelon européen. Transférer à l'échelon européen toutes les prérogatives d'action publique des parquets nationaux dans le domaine de la défense des intérêts financiers de l'Union européenne est en effet le premier objectif du Parquet européen.

Lors du lancement de l'initiative, en mars 2013, nous avons souhaité que les États membres ne disparaissent pas entièrement dans cette nouvelle structure de l'Union européenne. C'est pourquoi nous avons proposé, d'une part, que le Parquet européen ait une organisation collégiale, ce qui permet à chaque État membre d'y être représenté, et, d'autre part, que son action s'inscrive dans le cadre des procédures pénales nationales. Si nous avions fait de l'adoption d'une procédure pénale européenne le préalable à l'adoption du règlement sur le Parquet européen, nous n'aurions pas obtenu d'accord politique.

Dans le fonctionnement du Parquet européen, les enquêtes conduites dans chaque État membre seront supervisées par le procureur européen de l'État membre concerné. Le lien national entre le Parquet européen et les États membres sera donc conservé, même si la décision sur l'exercice ou non des poursuites sera prise à l'échelon européen par les chambres permanentes.

M. Bourlanges a demandé comment nous aider. Le premier moyen est d'adopter le cadre légal français dans les meilleurs délais.

Il faut aussi nous aider à résoudre la difficulté dans laquelle nous nous trouvons avec les procureurs européens délégués français. Le garde des Sceaux a récemment adressé une réponse à la Commission européenne expliquant que nous étions dans une situation de blocage en raison du statut particulier des procureurs européens délégués, qui a pour conséquence d'obliger les États membres à financer l'ensemble de leurs cotisations sociales, alors qu'ils travailleront pour le compte de l'Union européenne. En conséquence, la France ne pourra recruter des procureurs européens délégués qu'avec une ancienneté inférieure à 8 ans. Cela n'est pas compatible avec la mission du Parquet européen, qui requiert une compétence reconnue en matière économique et financière. D'ailleurs, aucun vice-procureur du parquet national financier n'a une ancienneté aussi faible.

Nous avons par ailleurs besoin d'un chef de service. Les procureurs européens délégués devront travailler en coopération étroite avec des autorités judiciaires de très haut niveau en France. Pour avoir un dialogue équilibré avec ces autorités, nous avons besoin d'avoir à la tête du service un magistrat d'un niveau hiérarchique suffisant.

Aujourd'hui, compte tenu de la position de la France, nous ne sommes pas en mesure de recruter des procureurs européens délégués et un chef de service qui aient la compétence et l'autorité nécessaires pour remplir leur mission.

Je reviens sur la question de la langue de travail. Le choix de l'anglais comme langue de travail étant sans doute la seule solution pour permettre au Parquet européen de fonctionner. Je prends l'exemple de la coopération judiciaire au sein des vingt-deux États participant au Parquet européen. La coopération entre les procureurs européens délégués sera beaucoup plus directe que dans le cadre commun de l'espace judiciaire européen : chacun devra travailler pour le compte de l'autre. Dans un système intégré, nous avons besoin d'une langue de travail unique. Nous avons été confrontés à cette question lorsque nous avons réfléchi aux conditions de recrutement des procureurs européens délégués. La première condition était les connaissances des candidats en matière économique et financière, mais la deuxième était qu'ils aient une connaissance suffisante d'une langue de travail commune qui leur permette de coopérer directement, entre eux et avec les chambres permanentes. Si nous avions exigé que le français soit la deuxième langue de travail pour le travail opérationnel, nous n'aurions eu quasiment aucun candidat.

Nous avons cependant tenu à ce que le français soit maintenu, de manière obligatoire, dans les relations du Parquet européen avec la CJUE.

Troisième sujet, la question du juge d'instruction et la manière dont sera transposé le règlement en droit français. En 2013, lorsque nous avons commencé à réfléchir à l'idée d'un Parquet européen, j'ai informé Christiane Taubira, dont j'étais le conseiller, que si nous soutenions le projet d'un Parquet européen, alors nous devrions accepter que le juge d'instruction français soit écarté de son champ de compétences. En effet, l'idée même d'un Parquet européen implique que les décisions d'action publique ainsi que le contrôle de l'enquête soient pleinement exercés au niveau européen. Or, si nous avions maintenu le juge d'instruction dans le système, nous aurions dû accepter que le Parquet européen délègue son pouvoir au profit du juge d'instruction qui aurait dirigé l'enquête et qui aurait pris lui-même la décision concernant l'exercice des poursuites. Ainsi, le maintien du juge d'instruction n'était pas compatible avec l'établissement d'un Parquet européen.

Dans le projet de loi qui vous est soumis, et que vous aurez à discuter après son passage au Sénat, le ministère de la justice a fait le choix de ne pas créer un nouveau statut spécifique pour les procureurs européens délégués. Ce nouveau statut aurait en effet pu entrer en concurrence directe avec le statut du juge d'instruction. Le choix qui a été fait permet d'intégrer dans la loi de transposition le cadre procédural français actuel, c'est-à-dire en permettant au procureur européen délégué d'exercer à la fois les compétences d'un procureur et celles d'un juge d'instruction. Ainsi, dans la loi de transposition, l'institution même du juge d'instruction n'a pas été supprimée ni écarté au profit d'un nouveau statut, mais qu'elle a été au contraire intégrée dans le cadre procédural des procureurs européens délégués.

Dernier sujet : l'extension de compétences du Parquet européen à d'autres formes de criminalité, comme les infractions terroristes notamment. Nous sommes encore, pour le moment, dans une phase de mise en place, d'installation. Réfléchir à une extension de compétences ne pourra se faire que lorsque nous aurons un premier retour d'expérience permettant de valider la pertinence d'un Parquet européen d'un point de vue opérationnel. De plus, l'article 86 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que toute extension de compétences du Parquet européen à d'autres types d'infractions que la défense des intérêts financiers de l'Union devra être approuvée de manière unanime par le Conseil européen, autrement dit par les 22 pays participant au Parquet européen et les cinq autres États membres ne participant pas au projet. Pour obtenir un accord unanime du Conseil européen, il faudra alors que le projet d'extension des compétences du Parquet européen soit très sérieusement construit et motivé, et qu'il puisse s'appuyer sur un premier bilan d'activité.

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Concernant le budget alloué au Parquet européen, son montant initial était de 13 millions d'euros. Par la suite, son montant a été rehaussé à 37 millions d'euros et, tout à l'heure, Madame la procureure générale a annoncé un besoin de 55 millions d'euros. Comment est en réalité financé le Parquet européen ? S'agit-il d'une ligne budgétaire faisant partie du cadre financier pluriannuel ou s'agit-il d'un financement direct des 22 États membres ?

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Laura Codruța Kövesi, procureure générale du Parquet européen

L'année dernière, la proposition pour le budget initial du Parquet européen était de 13,2 millions d'euros. Pour moi, il était évident que cela n'était pas suffisant pour lancer les opérations d'un Parquet européen. Sur la base de nos estimations concernant le nombre de cas potentiels, du personnel nécessaire pour assister le procureur général et pour le fonctionnement du siège, nous avons proposé un budget de 55 millions d'euros. Finalement, la proposition de la Commission a fait état d'un budget de 37,7 millions d'euros pour le Parquet européen. Ce montant couvrirait le nombre précédemment retenu de procureurs européens délégués.

La différence entre un budget de 37,7 millions et de 55 millions aurait des conséquences sur le personnel dont nous aurions besoin au siège, notamment le personnel assistant les procureurs européens délégués et les procureurs européens dans le cadre des chambres permanentes. Les procureurs européens ne peuvent pas travailler sans assistance et superviser eux-mêmes les enquêtes dans leurs propres États membres respectifs. Chaque chambre permanente doit superviser les procureurs et prendre des décisions concernant les 200 ou 250 enquêtes potentielles dont le Parquet européen serait chargé. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé un budget de 55 millions d'euros au lieu des 37,7 millions proposés par la Commission.

En outre, nous ne pouvons pas nous permettre de commencer avec un budget de 37,7 millions d'euros et de voir par la suite pour une possible augmentation. Les affaires pénales du Parquet européen vont impliquer des personnes dotées de droits. Nous ne pouvons pas nous permettre de traiter ces affaires de manière superficielle du fait d'un manque de ressources financières.

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. Le projet d'élargissement des compétences du Parquet européen à la lutte contre le terrorisme a été évoqué. Je souhaite faire une observation sur ce point. D'une part, il faut l'unanimité pour qu'il y ait ce transfert de compétences. D'autre part, les États membres pourraient être moins enclins à concéder ce transfert.

Néanmoins, compte tenu du contexte dans lequel nous vivons de menace terroriste extrêmement élevée, je veux faire référence aux attaques qui ont eu lieu en Autriche et en France il y a quelques jours. Il apparaît à présent clairement qu'il s'agit d'une problématique européenne. Dans ce sens, l'exécutif français et les parlementaires européens du groupe Renew ont fait une proposition pour qu'il y ait une création d'un Parquet européen antiterroriste.

S'il faut une montée en compétences du parquet une fois qu'il sera mis en place et un retour d'expérience, nous avons intérêt à faire avancer ce sujet avant que d'autres drames ne se réalisent.

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Laura Codruța Kövesi, procureure générale du Parquet européen

. Je compléterai la réponse de mon collègue, qui a bien expliqué les raisons liées à l'élargissement du périmètre et de la compétence du Parquet européen. Bien entendu, en tant que procureurs nous souhaiterions enquêter sur toutes les affaires nécessaires. Mais, pour ce faire, nous avons besoin d'autorité policière et de services de renseignement dans le cadre de nos enquêtes.

Or, sur la base des ressources qui seront les nôtres les quatre prochaines années, il est très difficile de commencer nos activités en incluant également des affaires terroristes et autres délits et crimes. Pour que le Parquet européen fonctionne, nous devons nous concentrer sur l'efficacité, et nous avons besoin d'un budget qui soit adapté à nos besoins opérationnels.

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. J'aimerais faire une modulation de la question précédente. Je crois que notre rapporteure, Mme Tanguy, a en tête qu'il y a une zone grise. Je prends un exemple précis : l'argent qui est donné par l'Union européenne à l'action humanitaire peut très bien faire l'objet de détournements importants par des organisations à caractère terroriste.

Si nous nous intéressons à ces sujets, nous entrons là dans des domaines hautement régaliens. Je comprends très bien votre prudence qui consiste à dire que vous allez d'abord commencer par asseoir votre autorité, là où elle ne vous est pas disputée, et si possible continuer par la suite. C'est sagesse que de vouloir ménager sa monture.

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Laura Codruța Kövesi, procureure générale du Parquet européen

. Je souhaite simplement faire une observation : dans nos enquêtes, nous constaterons l'existence de liens entre des fraudes financières et certains actes terroristes. Mais il faut se souvenir que nous serons toujours en contact avec les parquets nationaux. Il y aura un échange de renseignements qui se fera en temps réel. Il est important de garder à l'esprit cet élément du point de vue des liens entre financement du terrorisme et fraude financière.

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Il me reste à vous remercier, Madame la chef du Parquet européen et Monsieur le membre français du collège des Procureurs. Je vous souhaite également beaucoup de réussite dans la mise en place de cette nouvelle structure qui est très importante. Nous avons bien noté les messages que vous nous avez passés et serons attentifs du côté français aux décisions qui seront prises.

II. Examen du rapport et des propositions de résolution européenne relatives aux questions agricoles (M. Jean‑Baptiste Moreau, rapporteur)

La commission examine la proposition de résolution européenne relative à l'avenir de la politique agricole commune, aux accords de libre-échange entre l'Union européenne et les États tiers, à la structuration des filières agricoles et à l'encouragement des circuits courts (M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur).

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Nous passons à l'examen, sur le rapport de Jean-Baptiste Moreau, de quatre propositions de résolution européenne (PPRE) : celle de MM. Jean-Louis Thiérot, Damien Abad, Thibault Bazin et plusieurs de leurs collègues sur l'accessibilité de l'agriculture de proximité aux marchés publics de restauration collective, celle de M. Jean-Baptiste Moreau et plusieurs de ses collègues relative aux accords de libre-échange entre l'Union européenne et les pays tiers et à l'encouragement de la structuration des filières agricoles dans le cadre de la politique agricole commune (2021-2027), celle de MM. Fabrice Brun, Julien Dive et plusieurs de leurs collègues relative à la souveraineté agricole et alimentaire européenne, et celle de MM. Fabrice Brun, Julien Dive et plusieurs de leurs collègues relative à la possibilité pour la France d'appliquer une TVA à un taux très réduit voire nul aux produits alimentaires issus des circuits courts.

Avant de donner la parole à notre rapporteur, je voudrais préciser un point de procédure. Comme il ne saurait être question pour notre commission d'adopter quatre propositions de résolution différentes sur des sujets voisins, la procédure de droit commun aurait consisté à examiner d'abord l'une de ces propositions de résolution, à l'amender pour intégrer certaines dispositions des trois autres, à l'adopter puis à rejeter les suivantes. Notre rapporteur a décidé, et je l'en félicite, de procéder autrement, à savoir fusionner les propositions de résolution en un texte unique qui sera seul soumis à notre examen. Cette procédure simplifiera le déroulement de nos travaux et sera plus respectueuse du travail des auteurs de propositions de résolution, puisqu'elle nous évitera d'avoir à en rejeter certaines.

Cette manière de faire comporte des précédents : il est déjà arrivé à plusieurs reprises que les commissions permanentes, saisies de propositions de loi couvrant des domaines identiques, les fusionnent en un texte unique. Ce qui est nouveau, c'est d'appliquer cette procédure à l'examen de propositions de résolution européenne.

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La proposition de résolution que je vais vous présenter fait donc la synthèse des travaux menés par Fabrice Brun, Julien Dive, Jean Louis Thiérot, Stéphane Travert, Frédéric Descrozaille, Pierre Venteau et d'autres collègues. C'est grâce au travail que nous avons mené en commun que nous avons réussi à fusionner les différentes propositions de résolution évoquées par Mme la présidente. Je pense que nous sommes parvenus à un texte de compromis, même s'il reste à examiner quelques amendements pouvant être pertinents. La présente proposition de résolution européenne est donc le symbole de la mobilisation et de l'engagement des députés, quel que soit leur bord politique, sur les questions agricoles et alimentaires et pour apporter un soutien à notre agriculture à l'échelon européen. Elle prend acte des conséquences qu'a eues la crise sanitaire sur l'agriculture française et européenne et s'inscrit dans la continuité d'un travail que j'ai mené avec André Chassaigne sur le soutien que l'Union européenne avait apporté au secteur agricole face à la pandémie – André Chassaigne, que je salue, a d'ailleurs déposé plusieurs amendements sur ce texte.

Si cette crise sans précédent a souligné la résilience et la flexibilité de notre agriculture, elle a également mis en exergue les difficultés auxquelles celle-ci était confrontée : une forte dépendance aux importations, une démographie agricole décroissante et l'existence de distorsions de concurrence au sein du marché commun. Cette proposition de résolution s'inscrit dans le cadre des négociations en cours à l'échelon européen en vue de définir la nouvelle politique agricole commune (PAC). Il y a deux semaines, les ministres européens de l'agriculture ont trouvé un accord qui assure, d'une part, le maintien du budget de la politique agricole commune, d'autre part, l'harmonisation des normes environnementales pour l'ensemble des agriculteurs de l'Union européenne, à travers notamment la généralisation des echo-scheme – éco-dispositifs –, à un taux minimum de 20 %. Ces deux décisions vont dans le bon sens. Dans un marché commun, en effet, les agriculteurs doivent se conformer aux mêmes règles.

L'objet du présent texte est d'émettre des propositions en vue des négociations sur la future politique agricole commune, en tirant les conséquences d'une crise sanitaire sans précédent. Le texte mentionne les sujets dont il nous semble impératif que l'Union européenne se saisisse pour soutenir les différentes filières agricoles européennes. Il souhaite réorienter la politique agricole commune suivant plusieurs axes.

Le premier a trait à la stratégie Farm to Fork (« de la ferme à la table ») présentée par la Commission européenne et qui a vocation à provoquer des changements structurels très importants pour notre agriculture, en particulier pour ce qui concerne les intrants. La stratégie prévoit en effet une réduction drastique de l'utilisation des produits phytosanitaires, fertilisants et antimicrobiens, non seulement dans les élevages, mais dans l'ensemble des exploitations agricoles. Si cette évolution obéit à une logique de verdissement de notre agriculture réclamée par les consommateurs européens, elle doit impérativement être conditionnée à un accompagnement des agriculteurs. La transition agroécologique ne pourra se faire sans eux. Si l'on admet les bonnes intentions de la Commission européenne et l'impérieuse nécessité de réduire notre dépendance aux intrants, on peut toutefois s'interroger sur l'absence d'étude d'impact ; il est urgent d'évaluer les gains et les coûts que de telles mesures auraient pour nos agriculteurs. C'est une première étape indispensable avant de s'orienter vers des méthodes alternatives.

La proposition de résolution aborde également la question du renouvellement générationnel de nos agriculteurs. Elle incite à soutenir plus massivement les jeunes agriculteurs et les reprises d'exploitation. La stratégie de renouvellement générationnel proposée par la Commission européenne en 2018 est insuffisante. Il est urgent d'enrayer la chute démographique des agriculteurs, phénomène que l'on constate partout en Europe. Le renouvellement générationnel est indispensable pour garantir la souveraineté agricole et agroalimentaire européenne. À ce jour, plus d'un tiers des exploitations agricoles européennes sont gérées par des agriculteurs de plus de 65 ans et un agriculteur sur trois en France partira à la retraite d'ici deux ans. S'il existe déjà un paiement découplé additionnel pour les jeunes agriculteurs, ses critères d'attribution sont trop contraignants pour inciter les jeunes à s'installer. C'est pourquoi nous proposons d'appliquer un bonus substantiel aux aides du premier pilier de la politique agricole commune. Cette mesure, à destination tant des jeunes agriculteurs que des primo-installants et des repreneurs d'exploitation, devrait permettre d'étendre le champ des bénéficiaires et d'encourager les reprises.

Le suivi de la concurrence est un des sujets brûlants de la politique agricole commune. Si l'on veut mieux valoriser nos produits et nos producteurs, il est indispensable d'inciter les producteurs à se regrouper pour peser davantage. Le renforcement des prérogatives des organisations de producteurs est une des actions envisagées à cette fin. La proposition de résolution suggère qu'une partie des aides du premier pilier, voire du second pilier soit subordonnée à l'adhésion à une organisation de producteurs. Le constat est le même à l'échelle européenne et en France : pour avoir du poids, les agriculteurs doivent se rassembler. Cela suppose qu'ils ne se retrouvent pas victimes d'une concurrence déloyale, avec des produits de qualité sous-rémunérés.

C'est pourquoi la proposition de résolution préconise d'exclure des traités de libre-échange les filières les plus exposées à la déflation, notamment les filières ovine et bovine. Cela répondrait en outre à la demande croissante de qualité et de proximité de la part des consommateurs. L'exclusion de certaines filières fait écho à l'audit que la Commission européenne a mené sur le bétail canadien et qui fait état de nombreuses failles dans la traçabilité de la viande. Dans le même sens, la proposition de résolution appelle à étendre à l'échelle européenne la mesure prévue à l'article 44 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM – dont je fus le rapporteur –, à savoir l'interdiction à la vente et à la circulation de toute denrée ne répondant pas aux normes minimales européennes : nous ne pouvons décemment pas consommer des produits aux normes sanitaires et environnementales moins strictes que celles imposées au sein de notre marché commun. Il est donc demandé un moratoire sur l'ensemble des accords de libre-échange en cours de négociation. Nous ne sommes plus aujourd'hui dans la même situation qu'avant la crise sanitaire ; les mandats qui ont été donnés il y a plus de dix ans à la Commission doivent être révisés en profondeur.

Enfin, la crise a montré que les circuits courts étaient plébiscités par des consommateurs en quête de traçabilité et de qualité. En dépit de cet engouement, l'Union européenne s'est fort peu souciée de cette nouvelle tendance, alors qu'il s'agit incontestablement d'un levier qui permettrait aux agriculteurs de reprendre la main sur la valeur de leurs produits et de limiter le transport des denrées. En 2015, 15 % des agriculteurs seulement ont vendu la moitié de leur production en circuit court. De son côté, la politique agricole commune n'incite que très peu à valoriser les productions de proximité. Nous appelons donc à agir par l'intermédiaire de la commande publique et à modifier la directive de 2014/24 relative à la passation des marchés publics, en vue d'assouplir le droit des marchés publics, dans l'objectif de permettre aux établissements de restauration collective de se fournir plus facilement auprès des exploitations pratiquant les circuits courts.

Une modification de la directive 2006/112 permettrait en outre de jouer sur les produits et services pouvant bénéficier d'un taux réduit de TVA. C'est pourquoi, tout en étant conscients de la nécessité d'un consensus pour prendre ce type de mesures, nous proposons d'étudier la possibilité d'appliquer un taux de TVA spécifique aux denrées agricoles qui seraient produites à l'extérieur des territoires et en fonction des kilomètres parcourus.

La proposition de résolution livre donc une vision claire et nette de la position des parlementaires en faveur d'une politique agricole commune plus protectrice, plus durable et plus juste. Elle réaffirme la nécessité d'une souveraineté alimentaire européenne. Pour cela, il ne faut pas mettre notre agriculture en concurrence avec des agricultures « moins-disantes » d'un point de vue social et environnemental.

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Nous portons une voix singulière au sein des instances européennes, tout en tant déterminés à accélérer le processus d'intégration et à harmoniser les règles applicables, secteur par secteur. C'est une trajectoire ambitieuse, et je remercie le rapporteur et les auteurs des propositions de résolution pour leur travail. M. Bernard Deflesselles et moi-même avons déposé une proposition de résolution européenne relative à la proposition de loi européenne sur le climat, qui porte sur l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050. J'ai auditionné à cette occasion plusieurs acteurs du monde agricole ; pour atteindre nos objectifs, celui-ci appelle à créer, comme vous l'avez souligné, les conditions d'une concurrence juste et loyale. Nos agriculteurs accepteront la transformation si, par ailleurs, ils sont protégés face aux producteurs qui ne respectent pas les mêmes règles. Dans votre projet de résolution, vous préconisez la généralisation de la mesure prévue à l'article 44 de la loi EGALIM, qui interdit de proposer des denrées alimentaires ou agricoles pour lesquelles il a été fait usage de produits non autorisés par la réglementation européenne, et cela, dans le strict respect des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en particulier de l'article XX de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). Si je soutiens totalement cette proposition, je m'interroge sur sa réception. Pourriez-vous nous présenter l'état actuel des discussions, ainsi que la position de nos partenaires ?

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Au préalable, je veux saluer le travail effectué lors du premier confinement, au sein de cette commission, par André Chassaigne et Jean-Baptiste Moreau sur le secteur agricole français dans l'Union européenne et, au sein de la commission des affaires économiques, par le groupe de suivi de la crise sanitaire sur les questions d'agriculture, d'alimentation et de pêche, animé par Stéphane Travert, Sébastien Jumel, Dominique Potier, Richard Ramos et moi-même, et dont les propositions ont été relayées par M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation à l'occasion du plan de relance.

Vous avez rappelé, madame la présidente, que quatre propositions de résolution avaient été déposées sur des thèmes voisins : la première le fut par Fabrice Brun le 23 juin 2020, la deuxième par Jean-Baptiste Moreau le 1er juillet 2020, la troisième par Jean-Louis Thiériot le 8 juillet 2020 et la dernière, relative à la TVA, par moi-même le 20 juillet. Il était tout à fait pertinent de regrouper ces différentes propositions en un seul et même texte, et si cela a pu se faire, c'est parce que l'ensemble de leurs auteurs l'ont accepté. Je regrette donc que Fabrice Brun, qui fut le premier à avoir déposé une proposition de résolution, ne soit pas rapporteur de ce texte aux côtés de M. Moreau.

Nous subissons actuellement une crise sanitaire sans précédent, avec des effets sur le plan économique et social, et une crise alimentaire qui commence à sévir en France. Notre objectif est de faire en sorte que les Français se tournent davantage vers des produits de qualité, en fonction de leurs moyens. La crise sanitaire a montré, notamment à l'occasion du premier confinement, qu'ils étaient prêts à changer leurs habitudes, en privilégiant les circuits courts, en dépassant certaines idées reçues, en se fournissant auprès des producteurs et artisans locaux, lesquels n'étaient d'ailleurs pas aussi chers qu'ils l'imaginaient. Néanmoins, la priorité donnée aux produits locaux ne peut dépendre des moyens dont on dispose ; il ne faut pas créer une consommation de classe. Tout le monde doit avoir accès à une alimentation saine et de qualité.

Ces propositions de résolution visent à apporter trois types de réponses. D'abord, s'agissant des effets économiques négatifs, les agriculteurs français doivent faire face à une concurrence internationale bien souvent déloyale, dans la mesure où ils sont soumis à des règles sanitaires et environnementales beaucoup plus exigeantes que leurs homologues étrangers. Ensuite, sur le plan sanitaire, les consommateurs, en particulier les plus modestes, sont souvent contraints de se tourner vers des produits étrangers importés qui ne respectent pas les normes européennes. Enfin, du point de vue écologique, le fait d'importer des produits qui traversent les océans et sont transportés sur des milliers de kilomètres accentue l'empreinte carbone que nous essayons pourtant de réduire. D'où ma volonté d'apporter, à travers la proposition de résolution que j'avais déposée, un soutien aux circuits courts, dont on note le regain d'intérêt. L'objectif était de leur donner un « coup de pouce » en autorisant notamment l'application sur certains produits d'un taux de TVA réduit inférieur à celui de 5,5 % actuellement admis par la réglementation européenne.

Je précise que je soutiens également la généralisation de la mesure prévue à l'article 44 de la loi EGALIM, proposition qui pourrait, à mon sens, faire l'unanimité sur tous les bancs.

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Je m'associe aux compliments adressés au rapporteur et aux auteurs des propositions de résolution. Non seulement nous avons été saisis de textes intéressants et de qualité, mais nous avons assisté à travers cette procédure à un travail en commun, à une coopération entre les parlementaires : c'est très exactement ce que nous appelons de nos vœux.

J'approuve l'orientation générale du texte qui nous est soumis. En particulier, je crois qu'il était absolument nécessaire de mettre l'accent sur la question de la transmission de la fonction d'exploitant agricole ; il convient d'améliorer les conditions d'installation des jeunes. C'est encore plus vrai dans la période actuelle, l'une des conséquences de la pandémie étant que, dans tous les domaines, il y a rupture de la transmission, les jeunes n'ayant plus la possibilité d'accéder à l'activité. Des centaines de milliers de jeunes se retrouvent dans l'impossibilité de faire ce que toutes les générations précédentes ont eu le droit de faire, à savoir trouver un emploi à l'issue de leur formation.

En tant que défenseur de la politique agricole commune, j'ai pour ma part toujours été favorable aux organisations de producteurs. Je trouve donc que c'est une très bonne chose que d'encourager leur développement.

Je suis également d'accord, en tout cas sur le principe, avec la volonté de soutenir les circuits courts. Je crois que chacun d'entre nous a pris conscience que ceux-ci présentent des avantages en matière de sécurité comme de qualité alimentaires. Des rapports ont montré aussi combien cela pouvait influer sur le bien-être des animaux, certains transports s'effectuant dans des conditions très déplaisantes. Je suis en revanche sceptique quant à la possibilité de le faire par la TVA ; je crois que c'est irréaliste. On ne peut pas moduler le taux de TVA en fonction du nombre d'intermédiaires intervenant dans un circuit. Il faut trouver une autre solution.

De même, il ne me semble pas nécessaire de mettre en cause la politique de concurrence et de prévoir une exception aux règles de marchés publics : il suffirait d'inclure dans les conditions d'attribution des marchés la prise en compte, non pas des circuits courts en tant que tels, mais des avantages en matière de sécurité et de qualité alimentaires liés aux circuits courts. Il vaudrait mieux s'orienter vers une réforme des marchés publics, avec l'introduction de critères nouveaux, plutôt que d'appliquer une exception au principe de concurrence.

Je pense que la politique agricole commune fut fondée à partir de deux objectifs fondamentaux. Le premier était d'assurer la suffisance alimentaire au sein de l'Union européenne après les grandes pénuries qui ont accompagné les conflits mondiaux. Je crois que cet objectif a été pleinement atteint ; on ne dira jamais assez que la politique agricole que la France a soutenue a été de ce point de vue un réel succès. Il est évident que nous devons maintenir cet objectif. Mais à travers le développement de l'agriculture européenne, nous nous sommes aussi signalés par nos grandes capacités à l'exportation, et je ne voudrais pas que nous nous inscrivions dans une démarche directement ou indirectement protectionniste.

L'agriculture française produit certes pour les Français, mais aussi pour les autres, et elle tire son profit de sa capacité d'exportation. C'est pourquoi, si je suis entièrement d'accord avec l'inspiration de M. Moreau et des autres auteurs de propositions de résolution sur la nécessité de tenir compte des nouvelles conditions dues la pandémie dans la négociation des accords commerciaux, que ce soit avec l'Amérique latine ou dans le Pacifique, il me semble que le terme moratoire n'est pas le bon. Demander un moratoire, on sait ce que ça veut dire : c'est une façon un peu hypocrite ou polie de s'y opposer. Le problème, ce n'est pas qu'il y aurait eu précipitation – la négociation se déroule plutôt lentement –, c'est de savoir si nous devons modifier le mandat que nous avons donné à nos négociateurs.

De même, le mot révision sous-entend que l'on juge, avant même examen, que le mandat précédent était mauvais et qu'il faut en changer – mais une négociation doit être stable ! Je pense, même si je partage l'objectif, qu'un peu de prudence serait bienvenue ; parlons plutôt de « réexamen du mandat de négociation » et d'une éventuelle adaptation dès lors que nous estimerions qu'il y aurait des modifications importantes à apporter, notamment en raison de la pandémie. Ce serait conforme à la logique qui a toujours été la nôtre, à savoir la fidélité à un principe d'ouverture aux autres, associée à une volonté d'adaptation aux circonstances. C'est pourquoi je proposerai, au nom du groupe MODEM et démocrates apparentés, des amendements allant dans ce sens : il s'agit de propositions de formulation plutôt que d'un désaccord sur le diagnostic.

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Je remercie à mon tour le rapporteur et les auteurs des propositions de résolution pour le travail accompli. Le milieu agricole joue un rôle essentiel dans la lutte contre le dérèglement climatique. Se pose donc la question de son adaptation pour répondre aux enjeux écologiques et aux demandes de plus en plus fortes des citoyens en matière de bien-être animal, d'alimentation de qualité et de préservation des paysages et des ressources.

Nous nous rejoignons sur le constat que notre pays a besoin d'adopter une position claire sur les questions soulevées dans la proposition de résolution, à savoir les nouvelles orientations à donner à la PAC, la demande d'un moratoire sur les accords de libre-échange et la valorisation des circuits courts, qui suppose la relocalisation et la diversification des productions. Il s'agit de trois points fondamentaux, sur lesquels je voudrais insister.

Le renouvellement générationnel est essentiel pour assurer la reprise des exploitations, afin que nous conservions un nombre suffisant d'exploitants agricoles. Il peut de surcroît, pour être plus optimiste, participer du changement des pratiques et d'un tournant vers l'agroécologie. Les chiffres indiqués dans le rapport sont édifiants ; ils mettent en évidence le problème qui se pose à nos territoires et pour le devenir des exploitations à modèle familial, le plus courant en France. Or, les exploitations de ce type sont aussi les plus adaptables aux transitions énergétique et écologique. La transition agroécologique que nous appelons de nos vœux est une occasion de dialogue intergénérationnel et inter-socioprofessionnel qu'il nous faut impérativement saisir. Cependant, il faut avoir en tête que cela implique un fort accompagnement financier et une facilitation de l'accès au foncier, premier outil de travail.

S'agissant des accords de libre-échange, si nous sommes d'accord avec la demande d'un moratoire, les raisons invoquées nous semblent insuffisantes. On ne peut solliciter un moratoire uniquement en évoquant les dangers pour nos filières agricoles. Les accords de libre-échange posent des problèmes, non seulement en matière d'écologie et d'alimentation, mais aussi concernant le modèle de développement. La logique libre-échangiste et mondialisée est écologiquement néfaste pour notre planète et pour les populations.

Quant à la politique de concurrence, s'il y a bien une politique qui fonctionne, malgré les effets néfastes qu'elle peut avoir, c'est celle-là. Or, elle érige des barrières à la territorialisation des productions, ce qui a des répercussions directes sur le développement des circuits courts. Il nous paraît par conséquent nécessaire d'envisager une adaptation de cette politique.

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Si je me réjouis de cette proposition de résolution européenne, je souhaite faire observer que cette commission a pour tradition de travailler collectivement à la recherche de l'intérêt général, en atténuant, autant que faire se peut, les différences de sensibilités politiques. J'aurais ainsi volontiers accepté d'être associé à l'élaboration de ce texte si la proposition m'en avait été faite. J'ai rendu un rapport sur la politique agricole commune avec notre collègue Alexandre Freschi ; j'ai rédigé une communication avec Jean-Baptiste Moreau ; je prépare un rapport avec Catherine Osson sur la sécurité alimentaire en Europe : il aurait été élégant de m'associer à ce travail. Il est certes très difficile de se dégager des oripeaux du vieux monde politique, qui conduisent à capter un travail collectif au bénéfice d'une seule majorité, mais cela n'est pas dans les traditions de cette commission. J'espère que nous parviendrons à un accord sur le texte.

J'ai déposé plusieurs amendements, suivant cinq axes. Premièrement, il s'agit d'inscrire clairement dans la proposition de résolution que l'objectif doit être de rémunérer le travail agricole et pas seulement de couvrir les coûts de production.

Deuxièmement, il convient de rappeler que les instruments d'intervention publique au niveau communautaire, qui disparaissent petit à petit, sont absolument nécessaires.

Troisièmement, nous devons faire preuve de lucidité sur la nouvelle politique agricole commune. S'il est bien normal que le ministre et la majorité se réjouissent des avancées en préparation, nous ne pouvons écarter le risque d'une renationalisation de cette politique. De plus, nous déplorons le manque de moyens de contrôle, notamment dans le domaine de la sécurité sanitaire.

Quatrièmement, il convient de combler un oubli dans la PAC en prenant davantage en compte la dimension alimentaire, qui n'est traitée que sous l'angle des circuits courts.

Enfin, cinquièmement, comme de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et de nombreux mouvements, je considère que l'alimentation et les produits agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres. Il faudrait les sortir des accords de libre-échange car nous savons qu'ils servent de monnaie d'échange : pour vendre des voitures ou des services, on consent à des sacrifices dans l'agriculture. Les échanges agricoles et alimentaires doivent être traités à part.

S'agissant de la TVA, je suis assez proche de l'analyse de mon collègue Jean-Louis Bourlanges, avec toutefois une préoccupation de classe qu'il ne partage pas forcément. La baisse de la TVA devrait être appliquée en priorité aux produits de première nécessité, dont l'alimentation. Une baisse ciblée sur les circuits courts répondrait-elle aux nécessités sociales actuelles, alors que nombre de familles ont beaucoup de difficultés à se nourrir ?

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Je remercie notre rapporteur, Jean-Baptiste Moreau, ainsi que les auteurs des propositions de résolution pour leur travail sur l'agriculture, particulièrement intéressant pour les députés des territoires ruraux.

Ce texte soulève plusieurs interrogations. La crise nous oblige à repenser tout à la fois notre autonomie alimentaire et les nécessaires coopérations alimentaires avec les autres pays. Il faut viser le juste échange plutôt que le libre-échange, pour reprendre les propos de l'ancien ministre M. Nicolas Hulot. Nous devons définir ce qu'est une coopération juste car si nous avons besoin d'échanger avec les autres, nous devons le faire dans un cadre beaucoup plus éthique.

Par ailleurs, si l'installation des jeunes agriculteurs est un sujet très important, celle de nouveaux agriculteurs l'est tout autant : un apport de sang neuf est toujours bénéfique pour les territoires ruraux. Le travail mené souligne la nécessité d'améliorer les synergies pour peser plus.

Enfin, les circuits courts permettent d'améliorer les revenus des agriculteurs. Il manque toutefois une définition de ce qu'est un « circuit court ». Dans ma circonscription, nous aurions du mal à consommer tous les fromages d'Époisses produits chez nous ; de même, nous pourrions difficilement manger toute la viande que nous produisons. Il est impossible de tout vendre en circuit court, même en fournissant les cantines. Comment peut-on organiser la vente directe ? Comment contractualiser avec les villes voisines, qui sont souvent à deux ou trois heures de route des producteurs ? Est-il envisageable de définir un circuit court d'une façon relativement large, à l'échelon régional, national, voire européen ?

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Conclu à l'été 2019 après vingt ans de discussion, l'accord commercial de l'Union européenne avec les pays du Mercosur est au point mort. Les parlements autrichien et néerlandais l'ont rejeté dans sa forme actuelle ; la Belgique, la France et l'Allemagne y sont très réticentes.

La France a considéré que la conclusion de cet accord était tributaire d'un équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières agricoles sensibles, comme celles du sucre et de l'éthanol. Nous sommes très loin du compte : la déforestation massive menée par le président Bolsonaro en Amazonie ne fait qu'amplifier les risques que fait peser cet accord sur notre modèle agricole et notre souveraineté agroalimentaire – je rappelle que nous avons quelque 730 kilomètres de frontière commune avec le Brésil. Je souscris donc pleinement à la demande d'un moratoire sur les négociations d'accord de libre-échange.

Je souhaite enfin connaître votre avis sur la possibilité d'inscrire expressément dans le mandat de la Commission européenne pour les négociations commerciales actuelles et futures la création d'une taxe carbone aux frontières de l'Union, afin que le prix des produits importés, y compris les denrées agricoles, intègre le coût environnemental.

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Avant de céder la parole au rapporteur, je ferai quelques petites remarques à la suite des interventions de MM. Dive et Chassaigne. Nous essayons toujours, dans cette commission, d'être le plus collégial possible. Si nous essayons toujours d'innover, comme le montre le travail accompli par notre rapporteur avec ces différentes propositions de résolutions, des règles existent pour ce qui est de la désignation des rapporteurs. Nous pourrons évoquer ce sujet lors d'une prochaine réunion du bureau de notre commission.

Pour en revenir au texte, la proposition de réduction du taux de TVA touche à des directives européennes et va au-delà de la question agricole puisque cela concerne aussi la passation des marchés publics. Il faut pour cela obtenir une décision à l'unanimité au niveau du Conseil : cela paraît très compliqué.

Quant à l'accord sur la PAC trouvé au Conseil, il eût été bon de souligner que cela ne suffit pas : il faut aussi tenir compte de la position du Parlement européen, qui est le colégislateur.

En revanche, nous devrions vraiment étudier la question de la restauration collective et des circuits courts. Dans ma circonscription, de nombreux maires ne peuvent offrir des produits frais à leurs cantines scolaires car ils ne peuvent pas se fournir auprès de leurs exploitants agricoles locaux.

Enfin, le mandat de négociation d'un traité de libre-échange est délivré par le Conseil. La seule chose que nous pouvons faire, c'est insister auprès de notre propre gouvernement pour connaître plus précisément sa position auprès du Conseil. J'ai ainsi envoyé un courrier au président de l'Assemblée nationale, M. Richard Ferrand, avec copie au Premier ministre, pour demander un débat en séance sur les questions européennes d'actualité au moins quatre fois par an, avant la tenue des Conseils européens. Il faudrait que tous les commissaires soutiennent cette demande.

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La TVA est un sujet compliqué, mais ce n'est pas une raison pour ne pas le faire, sinon on ne ferait pas grand-chose. Il en va de même pour les accords internationaux : leur négociation relève du Conseil mais cette PPRE a aussi pour but d'envoyer un message à l'exécutif. Nous échangeons régulièrement sur ces questions avec MM. Clément Beaune et Julien Denormandie ou même le Président de la République. Le Conseil décide mais cela n'empêche pas les parlementaires de s'exprimer, par exemple dans le cadre d'une PPRE.

Je partage l'avis de Jean-Louis Bourlanges : il sera sans doute très compliqué d'obtenir un taux réduit de TVA en faveur des circuits courts, mais ce n'est pas une raison pour ne pas essayer. Nous souhaitons envoyer un signal fort, raison pour laquelle nous avons inclus cette possibilité dans la PPRE.

Quant à la définition des « circuits courts », nous y avons longuement réfléchi. Le principe est de rapprocher le plus possible le consommateur du producteur, et même d'assurer un contact direct entre eux. Cela implique un nombre d'intermédiaires limité à un, voire deux si l'un des deux est l'organisation de producteurs. Le critère n'est pas forcément géographique, comme le faisait remarquer Yolaine de Courson : si seuls les Creusois mangeaient la viande charolaise et limousine produite dans la Creuse, le système atteindrait rapidement ses limites – ou alors il faudrait que chaque Creusois mange quatre vaches par jour !

Des discussions ont été entamées concernant la taxe carbone aux frontières de l'Europe. Le Président de la République a affirmé sa volonté d'avancer sur ce sujet. Appliquer une taxe carbone dans tous les pays européens ne sera pas simple mais c'est impératif si l'on veut éviter la concurrence avec des agricultures qui n'ont absolument pas les mêmes normes de production. Cette taxe carbone devrait permettre de rééquilibrer les coûts de production entre, d'une part, les pays « moins-disants » sur le plan environnemental et social et, d'autre part, les pays de l'Union européenne, qui convergent de plus en plus vers une meilleure prise en considération de l'environnement.

Les agricultures française et européenne ont besoin d'exporter. Fermer les frontières n'est pas la solution : une agriculture en autarcie serait condamnée à très court terme. Certains produits ou sous-produits ne sont pas consommés en France ni en Europe et doivent être exportés, faute de quoi des filières entières seraient déstabilisées et ne seraient plus viables économiquement. Mettre des barbelés ne ferait que condamner l'agriculture.

Les filières les plus sensibles, comme la viande, doivent toutefois être protégées. L'agriculture française et européenne est une anomalie mondiale car elle n'est faite que de fermes familiales et non de fermes industrielles, comme en Amérique du Nord ou en Amérique du Sud. Les coûts de production et les prix de vente ne peuvent pas être les mêmes que ceux des agricultures hyper-intensives. Nos agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur production : puisqu'on leur impose des contraintes environnementales, il est normal que l'on n'importe pas des produits qui ne respecteraient pas ces normes. La taxe carbone peut être un moyen de réguler la concurrence sur le marché européen et d'appliquer à tous les mêmes règles du jeu.

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Concernant l'engagement de la Commission européenne en faveur de l'agroécologie dans le cadre du pacte vert pour l'Europe, vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la stratégie « De la ferme à la table ». Dans quelle mesure celle-ci concourt-elle aux ambitions environnementales européennes ?

L'agroécologie est un élément central de la politique agricole française. Le groupe de travail sur la concrétisation des propositions de la convention citoyenne pour le climat dont je suis membre est en train de réfléchir à la transcription dans notre législation des propositions sur la thématique « se nourrir », consacrée en grande partie aux pratiques agroécologiques. L'objectif est d'atteindre 50 % d'exploitations en agroécologie d'ici à 2040. La sensibilité citoyenne française, qui s'exprime au travers de la convention citoyenne pour le climat, a-t-elle été bien entendue par l'Union européenne dans la définition de la nouvelle PAC ? Pensez-vous que de telles mesures législatives et réglementaires pourraient concourir à l'application de la stratégie « De la ferme à la table » ?

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C'est bien l'un des problèmes que nous rencontrons actuellement : la stratégie Farm to Fork a été publiée indépendamment de la politique agricole commune, dont les négociations sont en cours au Parlement européen. Des avancées sur la conversion agroécologique ont été actées par le Parlement à l'initiative de différents groupes. Mais il faudrait d'abord s'entendre au niveau européen sur ce qu'est l'agroécologie car, selon que l'on soit en France ou en Pologne, les enjeux environnementaux ne sont pas pris en compte de la même manière. Il n'existe pas une seule définition de l'agroécologie, ce qui complique un peu les choses.

La stratégie Farm to Fork vise à diminuer le recours aux intrants, engrais et produits phytosanitaires. C'est très intéressant mais il faudrait être sûr que tous les agriculteurs européens enregistrent l'utilisation qu'ils en font, ce qui est loin d'être le cas. Chaque agriculteur français doit préciser ses pratiques – nature des produits, quantités utilisées, parcelles concernées – dans des documents qui peuvent être contrôlés dans le cadre de la politique agricole commune, en application de la conditionnalité des aides. Il n'est pas certain que cela soit fait dans certains pays européens.

La stratégie Farm to Fork vise à réduire de 50 % l'usage des intrants : c'est très bien, mais quel est le point de départ ? Les Français ont déjà fait des efforts concernant les produits phytosanitaires, dont l'utilisation, pour certains, a déjà été réduite de 50 % depuis 2010. Certains pays européens, notamment à l'est de l'Europe, ne sont pas au même niveau.

J'ai du mal à voir comment on peut articuler la PAC avec la stratégie Farm to Fork. L' eco-scheme du 1er pilier à 20 % doit être respecté par chaque État européen mais ce ne sera pas suffisant pour arriver au bout de la stratégie Farm to Fork. J'ai fait part de mes interrogations au ministère de l'agriculture et à un certain nombre de collègues du Parlement européen : ils n'ont pas beaucoup plus de visibilité que nous sur ces questions. La sensibilité des consommateurs européens converge de plus en plus et leurs demandes sont presque les mêmes, quel que soit le pays : c'est leur prise en compte qui diffère selon les pays.

La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.

La commission examine l'amendement n° 1 de M. André Chassaigne.

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Cet amendement porte sur l'alinéa 18. Ne comprenant pas le sens des mots : « entraîne, de ce fait, une modification profonde du contexte des échanges internationaux et des priorités européennes », je propose de les remplacer par : « appelle, de ce fait, à une remise en cause du cadre européen des négociations commerciales ».

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Cet amendement permet de préciser une partie des enjeux de la proposition de résolution concernant la remise en cause du cadre actuel des négociations commerciales. Il apporte une précision bienvenue. Avis favorable.

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Ce n'est pas du tout la même chose ! Le texte initial ne conduit pas nécessairement à remettre en cause le cadre européen. Or cet amendement appelle à un changement. Je comprends très bien ce que propose André Chassaigne – cela correspond d'ailleurs à ses convictions – mais ce n'est pas la même chose. Je voterai contre l'amendement.

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Dans mon esprit, c'est vraiment cela : il faut remettre en cause le cadre dans lequel les accords internationaux sont négociés car il y a beaucoup trop d'opacité, à tous les niveaux. Nous ne refusons pas la conclusion d'accords, mais nous contestons la façon dont ils sont négociés et conclus, qui n'est pas démocratique.

La commission adopte l'amendement.

Elle en vient à l'amendement n° 2 de M. André Chassaigne.

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Cet amendement ne devrait pas susciter d'opposition. Il s'agit de préciser que le revenu ne doit pas seulement couvrir les coûts de production : il doit également assurer la rémunération du travail agricole.

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La rémunération du travail agricole est a priori incluse dans les coûts de production mais cette précision peut être utile. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement n° 3 de M. André Chassaigne, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 22 du rapporteur.

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L'objet de cet amendement est d'insérer, après l'alinéa 19, l'alinéa suivant : « Considérant la volatilité accrue des marchés agricoles et ses effets néfastes pour les agriculteurs, ainsi que la suppression des instruments d'intervention publique au profit de simples outils de gestion de crise qui ne sont ni assez efficaces, ni suffisamment réactifs ; ».

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Je serai favorable à l'amendement n° 3 sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 22 visant à remplacer, à l'alinéa 2 de l'amendement, « la suppression des instruments d'intervention publique au profit de simples outils de gestion de crise qui ne sont ni assez efficaces, ni suffisamment réactifs » par « la nécessité de compléter les outils de gestion de crise et de les rendre plus efficients par des outils de gestion de marché dont les différentes filières auraient la responsabilité ».

Il n'est pas possible de dire que tous les instruments de gestion de crise ont été supprimés, comme nous avons pu le constater lors de la première vague de l'épidémie. La Commission européenne a fourni une aide au stockage privé à six secteurs : viandes bovine, ovine et caprine, beurre, fromage, poudre de lait. Elle a aussi allégé la législation anti-trust pour permettre le versement d'aides d'État dans le domaine agricole et pour autoriser des cartels de crise en application de l'article 222 du règlement sur l'organisation commune des marchés (OCM).

Toutefois, le travail mené avec le président Chassaigne a permis de mettre en lumière les insuffisances de ces dispositifs. Le sous-amendement a donc pour objet de rendre ces outils plus efficients en les confiant aux filières, qui pourront ainsi y recourir plus rapidement et les adapter à la réalité des marchés.

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Je suis totalement d'accord avec ce sous-amendement.

La commission adopte le sous-amendement.

Elle adopte l'amendement modifié.

La commission examine l'amendement n°4 de M. André Chassaigne.

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Il convient d'éviter les risques que font peser toutes les distorsions réglementaires et les formes de renationalisation des politiques agricoles pouvant résulter des plans stratégiques nationaux. J'avais d'ailleurs présenté une proposition de résolution en ce sens.

Les nombreuses auditions que nous menons actuellement avec Catherine Osson sur la sécurité alimentaire en Europe montrent que de tels risques existent en raison de politiques à géométrie variable, en particulier sur le plan des objectifs environnementaux.

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Les premières propositions de la Commission européenne formulées par l'ancien commissaire européen à l'agriculture et au développement rural M. Phil Hogan auraient pu aboutir à une renationalisation partielle de la politique agricole commune à travers les plans stratégiques nationaux, chaque État étant invité à renégocier directement avec la Commission une partie de sa politique agricole, ce qu'avait souligné une résolution européenne d'Alexandre Freschi et d'André Chassaigne votée en juillet 2018.

Il est donc de bon aloi de préciser que la prochaine PAC doit éviter toute distorsion de concurrence à travers ces plans. Pour y parvenir, la Commission européenne doit rapidement préciser quel type de contrôle elle compte exercer. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine l'amendement n°5 de M. André Chassaigne.

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Après l'alinéa 25, il convient d'insérer un alinéa disposant que l'Assemblée nationale « regrette que la dimension alimentaire ne soit pas pleinement intégrée dans ce projet de réforme afin de définir une véritable politique agricole et alimentaire commune ».

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Avis de sagesse, car il ne s'agit pas de l'objectif initial de la proposition de résolution qui, en ce qui concerne la PAC, traite plutôt des outils d'intervention sur les marchés.

La dimension alimentaire de la politique agricole commune est toutefois importante et ne doit pas être omise. Notre commission y travaille dans le cadre de la mission du président Chassaigne et de Catherine Osson sur la sécurité alimentaire en Europe. Peut-être sera-t-elle l'occasion de préciser cet élément.

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Je suis très sensible au propos de M. Chassaigne mais je ne vois pas très bien ce qu'il vient faire ici. L'aspect alimentaire de la PAC est certes très important mais il y en a d'autres, dont l'aspect environnemental, et je me demande pourquoi on mettrait celui-là en exergue sans que nous disposions d'un alinéa général sur les objectifs de la politique agricole commune. J'interprète donc l'avis de sagesse de M. le rapporteur comme une invitation à ne pas suivre M. Chassaigne.

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Je comprends que ce terme vise en effet à ne pas me contrister. Sensible aux arguments avancés, je retire l'amendement.

L'amendement est retiré.

La commission examine l'amendement n°6 de M. André Chassaigne.

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Il convient de préciser, après l'alinéa 26, que l'Assemblée nationale « dénonce l'absence de nouveaux instruments et outils d'intervention publics communautaires en faveur de la gestion des volumes et des marchés, seuls aptes à agir efficacement et durablement sur la stabilité des prix et à prévenir les crises ». Je pense notamment à la crise de la filière sucrière française suite à la suppression des quotas. La question se serait posée différemment s'ils avaient été maintenus.

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Je suis d'accord avec vous à propos des quotas mais ce qui est fait est fait.

Mon avis sur cet amendement est plutôt défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées sur l'amendement n°3, auquel celui-ci fait écho, l'adoption de mon sous-amendement n°22 répondant par ailleurs en partie à la préoccupation du président Chassaigne.

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Je retire donc mon amendement car cette idée a en effet déjà été formulée.

L'amendement est retiré.

La commission examine l'amendement n°7 de M. André Chassaigne.

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L'alinéa 29 dispose que l'Assemblée nationale « suggère de faire de la structuration des filières agricoles l'un des objectifs de la prochaine politique agricole commune, en favorisant des modes d'organisation économique des producteurs efficaces ». Je propose de le compléter en précisant « afin de pouvoir faire face à la domination des grands groupes de l'agroalimentaire et de la distribution dans les négociations commerciales et dans la captation de la valeur ajoutée ». Je me situe ainsi dans une forme d'approche de classe que M. le rapporteur, la jugeant sans doute trop révolutionnaire, n'ose pas adopter quoiqu'elle soit celle souhaitée par l'ensemble des organisations syndicales agricoles.

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Je ne suis en effet ni marxiste ni trotskiste et je ne me serais pas tout à fait exprimé de la sorte mais j'émets un avis favorable, car l'esprit de la loi EGALIM tend bien au regroupement de la production pour faire face aux grands groupes agroalimentaires et de la distribution, en effet hyper-concentrés ou très regroupés. Toute la philosophie consiste à maintenir de la valeur ajoutée dans ce domaine.

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Il faut s'en féliciter dès lors que le président Chassaigne nous a épargné la formule de « captation de la plus-value » !

(Sourires)

La commission adopte l'amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements n°8 de M. André Chassaigne et n°16 de M. Jean-Louis Bourlanges.

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Le secteur agricole doit être exclu de la discussion des mandats de négociation de libre-échange, les productions agricoles n'étant pas des produits comme les autres.

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Le rapporteur Moreau a dû payer le président Chassaigne : celui-ci va d'un côté, je vais quant à moi de l'autre, et le rapporteur peut adopter une position médiane, ce qui est très avantageux pour lui.

Le juste milieu est préférable au point de vue de M. Chassaigne mais le mien me semble plus cohérent. Il me paraît donc souhaitable d'évoquer non une « révision régulière » mais un « réexamen » et une « adaptation éventuelle ». Jusqu'à présent, le mandat tient la route et une révision résulterait d'un réexamen. Mon vieil oncle disait qu'il résolvait les problèmes avant de se les poser. Je crois qu'il faut faire l'inverse ! La situation doit donc être examinée avant toute proposition de révision et, a fortiori d'exclusion.

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L'agriculture française et européenne a besoin d'échanges et d'exportations, je pense en particulier aux secteurs viticole ou céréalier, mais certaines filières, plus fragiles, comme celles de la viande bovine ou ovine, doivent sans doute être exclues d'un certain nombre de négociations internationales.

Avis défavorable à l'amendement n°8 et favorable au n°16 car un réexamen s'impose avant une adaptation ou une correction des mandats confiés à la Commission européenne.

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Je maintiens mon amendement.

Sortir les produits agricoles des accords de libre-échange ne signifie absolument pas qu'ils ne doivent pas être commercialisés mais qu'ils doivent l'être sur une autre base. Par exemple, je ne pense pas que vendre ou non les produits de notre viticulture doit servir de monnaie d'échange pour vendre des voitures ou d'autres produits.

La commission rejette l'amendement n°8.

Elle adopte l'amendement n°16.

La commission examine l'amendement n°17 de M. Jean-Louis Bourlanges.

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Le raisonnement est le même. Le succès politique du mot « moratoire » emporte tout mais je considère en l'occurrence que ce n'est pas le problème : la négociation est en panne. Comment voulez-vous l'arrêter alors qu'elle n'avance pas ? Il convient là encore de procéder à un réexamen du mandat de négociation et à une éventuelle adaptation, ce que je crois d'ailleurs nécessaire de faire d'une manière plus musclée avec tout ce qui se passe au Brésil.

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N'étant pas un fétichiste des mots, je suis plutôt favorable à cet amendement, qui se situe dans la logique du précédent. Il importe surtout de réexaminer l'ensemble des mandats, peu importe le mot utilisé, et de les adapter s'il le faut, comme je le crois.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine l'amendement n°9 de M. André Chassaigne.

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Nous demandons un moratoire sur l'ensemble des accords conclus, ratifiés ou en cours de négociation par la Commission européenne, y compris le CETA.

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Les accords comportent des clauses de revoyure et il est tout à fait possible de les réexaminer, même s'ils ont été ratifiés, dès lors que les conditions changent. Un contrôle effectué par la Commission européenne à propos du CETA a ainsi pointé un certain nombre d'incohérences par rapport à ce que nos amis canadiens avaient annoncé. Avis favorable.

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Le moratoire interdisait toute remise en cause mais, grâce au vote de l'amendement n°16, cet amendement n°9 se justifie plus. Néanmoins, dès lors que l'on juge indispensable de réexaminer « l'ensemble des mandats de négociation de la Commission européenne », on ne saurait considérer qu'il s'agirait d'accords conclus. Il conviendrait donc d'apporter une précision.

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Un sous-amendement rédactionnel est en effet nécessaire.

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Le mot « ratifiés » me choque un peu car il revient à prendre à rebrousse-poil tous les parlements qui ont ratifié bille en tête. Accords « conclus » me semble suffisamment clair.

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Je propose donc la rédaction suivante de l'alinéa 34 : « Juge indispensable de procéder à un réexamen global et à une adaptation éventuelle de l'ensemble des accords conclus et des mandats de négociation de la Commission européenne ». Le reste est sans changement.

La commission adopte l'amendement rectifié.

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Je suis obligé de partir mais je précise que mes amendements n°10, n°11 et n°12 sont défendus et que, quoi qu'il en soit, je voterai en faveur de cette proposition de résolution compte tenu de nos échanges.

La commission examine l'amendement n°13 de Mme Chantal Jourdan.

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Le réexamen doit prendre en compte les « effets néfastes du commerce international carboné sur le climat ».

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L'alinéa 34 ne vise pas à s'interroger sur les conséquences des accords de libre-échange sur le climat mais sur les agriculteurs européens et la souveraineté alimentaire de l'Union européenne. Cet amendement brouille un peu le message de la proposition de résolution. Avis défavorable, donc, ou demande de retrait – d'autant plus que Nicole Le Peih et Bernard Deflesselles ont déjà déposé un rapport d'information à ce sujet.

L'amendement est retiré.

La commission examine l'amendement n°10 de M. André Chassaigne.

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Avis favorable, l'acceptation de ces accords est impossible sans une validation des parlements nationaux, comme nous l'avons vu avec le CETA et le Mercosur. C'est une mauvaise idée de laisser de côté les parlements nationaux, tentation qui existe pourtant sur le plan européen.

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C'est en effet la sensibilité dominante sur ce sujet important mais les conséquences peuvent en être très graves. Je suis hostile à cet amendement pour une raison de principe : le Parlement européen existe, il représente les peuples et les citoyens. L'intervention de parlements nationaux et, même, infranationaux comme pour la Belgique, rendra tout accord impossible : il est impossible que des accords soient soumis à la ratification de trente ou trente-cinq assemblées parlementaires. Dès lors que la négociation de ces accords est déléguée sur le plan européen, les institutions européennes doivent avoir les moyens de négocier et de conclure, faute de quoi, ce serait hypocrite et cela reviendrait à procéder comme toujours, en commençant des négociations et en étant incapables de les conclure.

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Cet amendement et la réponse du rapporteur sont intéressants. Si le CETA a été validé par l'Assemblée nationale, il n'a pas été discuté au Sénat et, pourtant, il s'applique. Je vais même plus loin : cet amendement devrait exiger que les gouvernements présentent ces accords aux parlements avant leur application. N'étant pas membre de cette commission, je ne peux pas voter, mais je soutiens cet amendement de bon sens.

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Pour une fois, je suis en désaccord avec Jean-Louis Bourlanges.

Certes, un tel dispositif complique la procédure de ratification des accords mais avec la montée des populismes, confortée par le sentiment antieuropéen, comment expliquer aux citoyens que leur parlement national n'est pas légitime pour s'exprimer sur ces questions – ce qui n'empêche d'ailleurs pas la prédominance du Parlement européen ? Si nous laissons de côté les parlements nationaux, nos concitoyens n'accepteront plus aucun accord international.

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Il n'est pas question de laisser de côté les parlements nationaux, qui sont pleinement compétents pour contrôler leurs gouvernements et la position de ces derniers sur la définition du mandat, or, nous ne faisons pas ce travail. Le Gouvernement s'en moque ! Je suis un vieux gaulliste mais il est vrai que sous la Vème République, le parlement est laissé de côté et qu'à la différence, par exemple, du parlement danois, le Folketing, il ne tient pas la bride courte au Gouvernement. Or, c'est à ce niveau-là qu'il faut agir, pas lors de la conclusion de la négociation, où le pouvoir européen de ratification s'exerce.

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Je suis d'accord avec M. Bourlanges. C'est là qu'il faut intervenir pour peser sur les gouvernements. Je me suis rendue la semaine dernière auprès de nos homologues de la commission des affaires européennes autrichienne, lesquels mandatent leur Gouvernement. C'est la nature du mandat de négociation qui sera confié à la Commission européenne qui importe. À défaut, c'est l'articulation de notre rôle avec celui du Parlement européen qui est mis en cause.

La commission adopte l'amendement.

La commission examine l'amendement n° 11 de M. André Chassaigne.

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Je suis favorable à cet amendement. Dans le prolongement des déclarations du Président de la République sur l'application de l'article 44 de la loi EGALIM, il faudrait une véritable direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes au niveau européen pour vérifier la conformité des produits en circulation.

La commission adopte l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement n° 14 de Mme Chantal Jourdan.

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Je propose d'étendre l'interdiction de proposer à la vente ou à la distribution à titre gratuit, en vue de la consommation humaine ou animale, aux denrées alimentaires ou aux produits agricoles qui ne respecteraient pas les standards environnementaux en vigueur au plan européen.

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rapporteur . Avis favorable. Cet amendement préciserait utilement l'alinéa 36.

La commission adopte l'amendement.

Elle examine l'amendement n° 12 de M. André Chassaigne.

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Le droit de la concurrence et du commerce défini dans le cadre de l'OMC permet l'adoption de mesures de sauvegarde lorsque des importations menacent de causer un dommage grave à une branche de production nationale. Les États peuvent alors appliquer des restrictions quantitatives à l'importation ou relever des droits.

Ces mesures d'urgence entrent dans le cadre plus large des instruments de défense commerciale prévus par l'article 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En matière agricole comme dans d'autres domaines, l'Union européenne fait clairement un usage trop limité de ces instruments. Il serait bon de rappeler qu'elle peut les utiliser plus massivement. Par conséquent, avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement n° 18 de M. Jean-Louis Bourlanges.

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On ne peut pas définir les circuits courts en retenant un critère aussi précis qu'un seul intermédiaire. Il faut laisser de la marge à ceux qui établiront une éventuelle directive ou un éventuel règlement en la matière. C'est pourquoi je propose de faire référence à « un nombre restreint d'intermédiaires ». C'est simplement du bon sens ou de la prudence.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.

Elle examine l'amendement n° 19 de M. Jean-Louis Bourlanges.

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Une modulation de la taxation sur la valeur ajoutée en fonction du nombre d'intermédiaires serait un « casse-tête chinois ». Le rapporteur a dit tout à l'heure que ce n'est pas parce que quelque chose est compliqué à faire que cela ne doit pas être tenté. Je suis d'accord, mais il ne s'agit pas, pour autant, de faire des choses compliquées. On dit souvent que l'Europe fabrique des « usines à gaz », mais vous allez voir ce qui se passe si on se met à calculer la valeur ajoutée selon qu'il y a deux, trois ou quatre intermédiaires, en appliquant des taux différents. Ce serait absolument impraticable.

Comme la présidente l'a rappelé, par ailleurs, la TVA ne concerne pas seulement les questions agricoles. En l'état actuel du droit, nous sommes autorisés à modifier les taux appliqués aux différentes catégories de produits : nous pouvons les bouger en groupe, mais pas faire passer tel ou tel produit, selon son mode d'élaboration, par exemple, d'une catégorie à une autre. Vous vous rappelez l'affaire de la TVA appliquée au secteur de la restauration, qui a duré des années. Dans ce domaine, les décisions se prennent à l'unanimité au niveau européen : il faudrait l'accord des 27 États membres. Nous ne l'aurons pas, ou alors il faudrait le payer très cher – il faudrait « dédommager » certains pays pour qu'ils votent en ce sens. Cela reviendrait vraiment à employer un marteau-pilon pour écraser un moucheron.

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Votre amendement vise à supprimer l'alinéa 41, qui est une des principales dispositions du texte. Comme cette mesure figurait dans la proposition de résolution déposée par Julien Dive, je lui laisserai le soin d'en faire une présentation plus détaillée s'il le souhaite.

Le rapport liste l'ensemble des difficultés techniques qui se posent, en particulier compte tenu de l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui demande de respecter un principe d'équité fiscale. Néanmoins, nous ne disposons que de peu d'outils pour favoriser les circuits courts, qui sont une nécessité absolue – la crise actuelle semble le montrer. C'est pourquoi la voie de la TVA a été privilégiée. Dans son rapport sur les leçons à tirer de la crise sanitaire dans le domaine agricole, la commission des affaires économiques va également dans ce sens. S'il y avait un consensus sur une définition des circuits courts à l'échelle européenne, il n'y aurait pas de raison que la proposition formulée à l'alinéa 41 soit considérée comme une atteinte à l'égalité en matière de concurrence. Avis défavorable à l'amendement.

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Je suis sensible à l'argumentaire technique, très logique et très cohérent, de Jean-Louis Bourlanges. Néanmoins, il ne s'agit pas de moduler la TVA en fonction du nombre d'intermédiaires. Ce sera le cas, de fait, mais ce n'est pas ce critère qui sera appliqué : nous voulons moduler le taux de TVA selon que les produits sont issus ou non de circuits courts – eux-mêmes étant définis comme tels, il est vrai, en fonction du nombre d'intermédiaires.

Les produits issus des circuits courts sont reconnus comme étant de qualité, je l'ai dit tout à l'heure, et ils doivent être accessibles aussi largement que possible. Par ailleurs, ils impliquent souvent une catégorie d'acteurs économiques qui ont besoin d'un accompagnement, en particulier dans le contexte sanitaire actuel.

En outre, nous sommes là pour fixer de grands principes, pour faire part d'une volonté – c'est le sens des propositions de résolution, a fortiori en matière européenne. Il s'agit d'affirmer qu'on peut faire varier le prix final pour l'usager. Si nous n'y parvenons pas en forçant le distributeur, bien que des lois aient été adoptées à cet effet, on peut s'y prendre en agissant sur la part qui revient à l'État, par l'intermédiaire de la TVA.

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On nous dit d'abord qu'il ne faut pas être trop restrictif, trop précis, en ce qui concerne le nombre d'intermédiaires, et ensuite qu'on ne peut rien faire en matière de TVA parce qu'on est trop restrictif quant au nombre d'intermédiaires et qu'il ne faut pas adopter une solution trop compliquée. Cela ne tient pas la route.

L'amendement précédent a été adopté, mais je pense qu'il faudrait préciser un nombre maximal d'intermédiaires pour définir réellement ce que sont les circuits courts : un « nombre restreint » ne veut rien dire. Cela n'a pas le même sens en Pologne, en Espagne et en France, car les circuits de distribution ne sont pas identiques. Un circuit court est composé d'un producteur, éventuellement d'un metteur en marché puis d'une structure de transformation, et ensuite il y a le client.

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Le problème est que nous avons défini le circuit court, à l'alinéa 40, par une référence au nombre d'intermédiaires. C'est dans le texte, je n'invente rien. Nous pourrions adopter une autre définition, mais ce n'est pas ce que nous avons fait. Il faudrait quand même se souvenir de ce qui a été adopté à l'alinéa précédent ; sinon, le résultat risque d'être boiteux. Nous pourrions, en revanche, agir sur les marchés publics, comme le demande la proposition de résolution, et pas seulement sur eux.

Je me méfie toujours, en tant que parlementaire, du raisonnement consistant à dire qu'on n'est pas au point techniquement mais qu'il faut exprimer une volonté politique. On se déconsidère de la sorte. Un Parlement doit adopter des textes qui tiennent la route. Quand on exprime une volonté politique sans s'appuyer sur un dispositif correspondant à quelque chose, on se discrédite.

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Ce n'est pas parce qu'on défend des principes, comme c'est le cas presque quotidiennement dans cette assemblée, qu'on se déconsidère. Je ne me permettrais pas de porter un tel jugement de valeur à votre égard.

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Je vous présente mes excuses si vous vous estimez offensé : ce n'était pas du tout mon intention.

Vous avez dit, en substance, que même si le dispositif ne tient pas complètement la route, ce qui compte est de dire quelque chose de fort à propos des circuits courts. Je me suis inscrit en faux contre cette logique qui ne pousse pas à respecter le Parlement comme il se doit.

Tout le monde dit qu'il s'agit de faire de la politique, d'affirmer des principes, de dire ce qu'on pense, et puis qu'on verra ensuite ce qu'il en est techniquement. C'est cette position, très classique, que je mets en cause, même si je sais que tout le monde ne pense pas comme moi, loin de là. À mes yeux, c'est une question d'efficacité politique : quand on ne présente pas quelque chose qui est techniquement fondé, on n'est pas écouté.

La commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement n° 20 de M. Jean-Louis Bourlanges.

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C'est un amendement essentiellement rédactionnel. Les Français ont tendance à croire que la Commission fait tout, mais elle propose ; les gouvernements et le Parlement européen disposent.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.

Elle examine l'amendement n° 21 de M. Jean-Louis Bourlanges.

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Je plaide pour qu'on prenne en compte l'existence des circuits courts dans les marchés publics, mais il ne me paraît pas adéquat de se placer dans le cadre des exceptions aux règles de la concurrence. Il serait normal de pouvoir prendre en considération, dans les procédures d'attribution des marchés publics comme pour tous les marchés, les avantages liés aux circuits courts en matière de sécurité alimentaire et sanitaire, mais aussi de qualité des produits. Ce n'est pas faire insulte au principe de concurrence : la clause relative au prix n'est pas la seule qui compte. On peut agir en faveur des circuits courts sans brandir un étendard anti-concurrence.

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Ce changement de perspective, passant d'une évolution des exceptions à l'introduction de nouveaux critères, permettrait de rendre un changement normatif plus acceptable pour les institutions européennes. Il faut, de toute façon, demander une révision globale de la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics. Avis favorable.

La commission adopte l'amendement.

Elle adopte l'article unique de la proposition de résolution modifié.

La proposition de résolution est ainsi adoptée.

La réunion s'achève à dix-neuf heures cinq.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport Mme la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes actés

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

 Environnement dont santé environnementale

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à un programme d'action général de l'Union pour l'environnement à l'horizon 2030 ( COM(2020) 652 final- E 15232).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du conseil modifiant le règlement (CE) nº 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant l'application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ( COM(2020) 642 final- E 15254).

- Proposition de décision du conseil établissant la position à prendre, au nom de l'Union européenne, lors de la quarantième réunion du comité permanent de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe (convention de Berne) ( COM(2020) 654 final - E 15255).

 Marché intérieur, biens et services

- Proposition de règlement du Conseil établissant l'entreprise commune pour le calcul à haute performance européen ( COM(2020) 569 final- E 15246).

 Politique économique, budgétaire et monétaire

- Recommandation de décision du conseil modifiant la décision du Conseil du 23 novembre 1998 concernant les questions de change relatives au franc CFA et au franc comorien (98/683/CE) ( COM(2020) 658 final - E 15257).

 Santé

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, lors de la reconvocation de la soixante-troisième session de la Commission des stupéfiants, en ce qui concerne l'inscription de substances aux tableaux annexés à la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le protocole de 1972, et à la Convention sur les substances psychotropes de 1971 ( COM(2020) 659 final LIMITE- E 15233).

La Commission, a pris acte tacitement des documents suivants :

 Budget de l'union européenne

- Proposition de virement de crédits n° DEC 22/2020 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2020 ( DEC 22/2020- E 15249).

La séance est levée à 19 h 05.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. André Chassaigne, Mme Yolaine de Courson, M. Michel Herbillon, Mme Chantal Jourdan, Mme Marietta Karamanli, Mme Nicole Le Peih, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Vincent Bru, Mme Françoise Dumas, Mme Frédérique Dumas, M. Christophe Jerretie

Assistaient également à la réunion. - M. Frédéric Descrozaille, M. Julien Dive, M. Pierre Venteau