Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 16h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Je m'associe aux compliments adressés au rapporteur et aux auteurs des propositions de résolution. Non seulement nous avons été saisis de textes intéressants et de qualité, mais nous avons assisté à travers cette procédure à un travail en commun, à une coopération entre les parlementaires : c'est très exactement ce que nous appelons de nos vœux.

J'approuve l'orientation générale du texte qui nous est soumis. En particulier, je crois qu'il était absolument nécessaire de mettre l'accent sur la question de la transmission de la fonction d'exploitant agricole ; il convient d'améliorer les conditions d'installation des jeunes. C'est encore plus vrai dans la période actuelle, l'une des conséquences de la pandémie étant que, dans tous les domaines, il y a rupture de la transmission, les jeunes n'ayant plus la possibilité d'accéder à l'activité. Des centaines de milliers de jeunes se retrouvent dans l'impossibilité de faire ce que toutes les générations précédentes ont eu le droit de faire, à savoir trouver un emploi à l'issue de leur formation.

En tant que défenseur de la politique agricole commune, j'ai pour ma part toujours été favorable aux organisations de producteurs. Je trouve donc que c'est une très bonne chose que d'encourager leur développement.

Je suis également d'accord, en tout cas sur le principe, avec la volonté de soutenir les circuits courts. Je crois que chacun d'entre nous a pris conscience que ceux-ci présentent des avantages en matière de sécurité comme de qualité alimentaires. Des rapports ont montré aussi combien cela pouvait influer sur le bien-être des animaux, certains transports s'effectuant dans des conditions très déplaisantes. Je suis en revanche sceptique quant à la possibilité de le faire par la TVA ; je crois que c'est irréaliste. On ne peut pas moduler le taux de TVA en fonction du nombre d'intermédiaires intervenant dans un circuit. Il faut trouver une autre solution.

De même, il ne me semble pas nécessaire de mettre en cause la politique de concurrence et de prévoir une exception aux règles de marchés publics : il suffirait d'inclure dans les conditions d'attribution des marchés la prise en compte, non pas des circuits courts en tant que tels, mais des avantages en matière de sécurité et de qualité alimentaires liés aux circuits courts. Il vaudrait mieux s'orienter vers une réforme des marchés publics, avec l'introduction de critères nouveaux, plutôt que d'appliquer une exception au principe de concurrence.

Je pense que la politique agricole commune fut fondée à partir de deux objectifs fondamentaux. Le premier était d'assurer la suffisance alimentaire au sein de l'Union européenne après les grandes pénuries qui ont accompagné les conflits mondiaux. Je crois que cet objectif a été pleinement atteint ; on ne dira jamais assez que la politique agricole que la France a soutenue a été de ce point de vue un réel succès. Il est évident que nous devons maintenir cet objectif. Mais à travers le développement de l'agriculture européenne, nous nous sommes aussi signalés par nos grandes capacités à l'exportation, et je ne voudrais pas que nous nous inscrivions dans une démarche directement ou indirectement protectionniste.

L'agriculture française produit certes pour les Français, mais aussi pour les autres, et elle tire son profit de sa capacité d'exportation. C'est pourquoi, si je suis entièrement d'accord avec l'inspiration de M. Moreau et des autres auteurs de propositions de résolution sur la nécessité de tenir compte des nouvelles conditions dues la pandémie dans la négociation des accords commerciaux, que ce soit avec l'Amérique latine ou dans le Pacifique, il me semble que le terme moratoire n'est pas le bon. Demander un moratoire, on sait ce que ça veut dire : c'est une façon un peu hypocrite ou polie de s'y opposer. Le problème, ce n'est pas qu'il y aurait eu précipitation – la négociation se déroule plutôt lentement –, c'est de savoir si nous devons modifier le mandat que nous avons donné à nos négociateurs.

De même, le mot révision sous-entend que l'on juge, avant même examen, que le mandat précédent était mauvais et qu'il faut en changer – mais une négociation doit être stable ! Je pense, même si je partage l'objectif, qu'un peu de prudence serait bienvenue ; parlons plutôt de « réexamen du mandat de négociation » et d'une éventuelle adaptation dès lors que nous estimerions qu'il y aurait des modifications importantes à apporter, notamment en raison de la pandémie. Ce serait conforme à la logique qui a toujours été la nôtre, à savoir la fidélité à un principe d'ouverture aux autres, associée à une volonté d'adaptation aux circonstances. C'est pourquoi je proposerai, au nom du groupe MODEM et démocrates apparentés, des amendements allant dans ce sens : il s'agit de propositions de formulation plutôt que d'un désaccord sur le diagnostic.

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