Vous avez le 28 septembre tenu une séance d'installation pour marquer les débuts officiels du Parquet européen. C'est à cette occasion que nous avons appris que cette nouvelle juridiction était prête à travailler en anglais, ce qui ne manque pas de sel au moment où nos amis britanniques quittent définitivement l'Union européenne.
Sur le fond, nous regardons avec bienveillance l'émergence de cette institution dans la version collégiale actuelle, même s'il reste à nous convaincre sur la question de l'inamovibilité des magistrats français qui seront détachés pour endosser les fonctions de procureur européen délégué. Nous demeurons dubitatifs sur ce point, comme sur celui de la procédure inventée pour s'adapter au Parquet européen : les États membres sont pour la plupart inscrits dans une tradition inquisitoire avec un juge représentant l'intérêt général, avec un pouvoir d'investigation, avec des procédures écrites, souvent secrètes, non contradictoire, contrairement à la tradition contradictoire d'autres pays. Nous pensons, à l'instar du Syndicat de la magistrature, que cette évolution pourrait nous conduire à terme vers la suppression du juge d'instruction.
Mais notre plus grande inquiétude concerne l'avenir d'un Parquet européen aujourd'hui heureusement cantonné aux affaires financières, dont nous craignons que le champ de compétence soit élargi à l'avenir, au risque d'une perte de souveraineté. Permettez-moi donc de ne pas partager l'enthousiasme de la professeure du Collège de France Mireille Delmas‑Marty. Nous pensons en ce qui nous concerne que la priorité doit demeurer en nos institutions nationales. Nous souhaitons que le Parquet européen reste concentré dans le champ précité, escroqueries à la TVA, faits de corruption, détournement de fonds publics, abus de confiance, blanchiment d'argent et délits douaniers. La tâche est déjà conséquente comme la manne financière à récupérer, plusieurs milliards par exemple pour la France, qui pourraient servir à la résolution de la crise que nous traversons. Pour la feuille de route, vous avez en partie répondu et j'ai noté vos trois objectifs prioritaires d'indépendance, d'efficacité et de fiabilité : avez-vous les moyens nécessaires pour assurer cette mission ?