Intervention de André Chassaigne

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

L'hydrogène n'est pas seulement l'élément le plus abondant de l'univers, il est le plus espéré et le plus attendu par ceux qui, comme nous, désirent mettre en œuvre la reconstruction écologique. Les intervenants l'ont dit : pour décarboner l'économie mondiale, le recours à l'hydrogène apparaît aujourd'hui incontournable. Les industries chimiques et sidérurgiques, le raffinage, le transport maritime, l'aviation notamment, n'auront pas d'avenir sans son assistance. On ne peut donc que se féliciter des velléités européennes visant à développer l'hydrogène vert comme nouvelle source d'énergie pour les décennies à venir. C'est un choix politique heureux puisque, comme le soulignait Nicolas Hulot dans sa présentation du plan hydrogène : « l'hydrogène est aujourd'hui la seule technologie qui permet de stocker massivement et sur de longues périodes l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables intermittentes. C'est donc un élément clé de la stabilité du mix électrique de demain. »

Source d'enthousiasme, le développement de l'hydrogène n'est cependant pas sans poser de nombreuses questions scientifiques, environnementales et politiques, comme nos intervenants l'ont d'ailleurs souligné.

La première question concerne la façon dont est recueilli cet élément. En dépit de son abondance, l'hydrogène est difficilement accessible, puisqu'il se trouve toujours cramponné à d'autres atomes. Nous savons que dans l'immense majorité des cas, l'hydrogène est actuellement produit, contrairement à ce qui a pu être dit par certains, à 95 % à partir d'énergies fossiles, consommant 6 % du gaz naturel et 2 % du charbon dans le monde. Les émissions associées dépassent 800 millions de tonnes de CO2 par an, soit 2,3 % des émissions totales, autant que l'aviation et autant que le transport maritime. Aujourd'hui, les plus optimistes, dont vous êtes, aiment à parler du développement d'hydrogène vert, celui-ci n'émettant pas de CO2 lors de sa combustion et durant sa production, puisque le processus utilise des énergies renouvelables, notamment les énergies solaire et éolienne, ainsi que des intrants neutres en carbone.

Fort bien, mais un tel renversement des proportions et des pratiques nous oblige collectivement à placer cette question – cela a d'ailleurs été dit par M. Boucly – au cœur du débat public français, notamment en abordant la place du nucléaire dans notre stratégie hydrogène. Il serait en effet inconcevable que l'hydrogène gris ou l'hydrogène bleu, plus émetteurs de CO2, viennent se substituer à un hydrogène censé nous tirer de l'impasse écologique dans laquelle l'humanité se trouve.

Ce point m'amène à évoquer la deuxième question, liée au développement de l'hydrogène sur le continent européen. Vous n'êtes pas sans savoir que je suis député communiste, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Nous ne cessons de répéter que sans l'intervention de la puissance publique, il n'y aura pas de transition énergétique à la hauteur des enjeux climatiques. L'hydrogène n'échappe pas à la règle puisque, comme le rappelle fort justement l'ADEME : « le déploiement d'une filière hydrogène nécessite des investissements relativement lourds, tant pour la production, la distribution que le stockage de l'hydrogène. Ceci suppose un engagement d'acteurs industriels et une maîtrise du risque économique par le soutien des pouvoirs publics. »

En d'autres termes, si nous voulons que l'hydrogène soit la porte de notre salut, il faudra que les puissances publiques jouent les premiers rôles et s'affranchissent des restrictions budgétaires et concurrentielles imposées actuellement par le cadre européen. Si nous pensons, par exemple, que les véhicules à hydrogène sont notre avenir, alors nous devons mettre en œuvre une politique publique visant à l'installation d'un réseau de stations-service à hydrogène sur tout le territoire, et pas uniquement dans les métropoles où les opérateurs privés iront tout naturellement pour répondre à la demande, en laissant les territoires ruraux à l'abandon. Il en va de même pour notre stratégie industrielle. Si nous voulons constituer des champions européens de l'hydrogène, en particulier dans l'automobile, alors nous devons aller contre la philosophie politique qui anime le traité et le marché unique pour qu'enfin les États puissent jouer le rôle qui leur revient dans cet instant de notre histoire.

Je voudrais citer les propos tenus il y a quarante ans par Ronald Reagan, mais pour les contourner ensuite. Le 20 janvier 1981, Ronald Reagan tenait ces propos : « Dans cette crise actuelle, l'État n'est pas la solution à notre problème, il est le problème ». Moi, je dirais que dans la crise actuelle, sans l'État, sans les financements publics, l'hydrogène ne pourra pas être la solution à notre problème. Mais vous comprendrez que dans ma bouche, cela pose aussi la question de la maîtrise publique de l'hydrogène.

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