Intervention de Julien Denormandie

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 8h30
Commission des affaires européennes

Julien Denormandie, ministre :

Monsieur Menonville, c'est le PSN qui déterminera les équivalences au titre de l'eco-scheme. Ainsi, nous faisons en sorte que la certification environnementale de niveau 3 – haute valeur environnementale, HVE –, soit reconnue. Nous envisageons aussi de créer un niveau 2+. Ces équivalences n'ont pas été discutées au niveau du conseil des ministres de l'agriculture, elles feront l'objet de nos travaux ces six ou huit prochains mois.

Monsieur Dive, j'ai réagi aux propos de M. Timmermans lors du dernier conseil des ministres de l'agriculture, rappelant la souveraineté démocratique du Conseil de l'Union et celle du Parlement. La PAC, au cœur de la politique européenne, est fondamentalement démocratique. Ce sont des instances démocratiques qui ont établi ces mandats de négociation, confiés aux représentants du Conseil, du Parlement et de la Commission ; je ne saurais imaginer qu'elles puissent, de près ou de loin, être remises en cause.

Vous avez raison, le plan stratégique national doit respecter le cadre de l'accord politique obtenu le 27 octobre. À ce titre, il s'agit d'un document politique : on ne peut se satisfaire d'une simple négociation bilatérale entre la Commission et l'État membre, il doit pouvoir être présenté au conseil des ministres de l'agriculture. Je veux pouvoir m'assurer, en effet, que les PSN des autres États seront conformes à ce que nous avons fixé. Je me bats en ce sens, mais cela dépendra du calendrier de conclusion des PSN. Ayez à l'esprit que je présiderai le conseil des ministres de l'agriculture à partir du 1er janvier 2022 et que je m'attacherai à inscrire ce point à l'ordre du jour.

Monsieur Chassaigne, il est vrai que la France importe de plus en plus, et le fait que l'Allemagne nous dépasse désormais en termes d'exportations agricoles nous interroge. Mais ce n'est pas la PAC qui aggrave la dépendance agro-alimentaire européenne, bien au contraire. Quelle aurait été la situation sans politique agricole commune, sans marché commun ?

Il faut faire preuve de lucidité, nous n'y arriverons pas si nous ne considérons pas l'agroécologie sous l'angle de la création de valeur. Nous devons créer de la valeur, et dans le même temps protéger. Je ne parle pas de protectionnisme, mais de règles du jeu équitables – ce que les Anglo-saxons appellent le Level playing field –, d'autant plus nécessaires dans un marché commun. J'ai beaucoup poussé pour que la PAC soit plus verte, grâce aux eco-schemes, mais il faut que les mêmes obligations s'imposent à tous.

Monsieur Gremillet, vous êtes plusieurs à vous être fait l'écho d'une étude américaine – ce qui peut paraître étrange. Cette étude montre que le Green Deal entraînera une réduction du volume de production, avec des répercussions sur le statut de puissance exportatrice, nourricière, de l'Europe. Vous y voyez la preuve que la stratégie européenne de transition écologique va trop loin – sans parler de la trajectoire française, plus ambitieuse encore –, quand d'autres disent qu'il n'y a pas du tout de transition. Pour ma part, je suis résolument favorable à cette démarche écologique, mais je pense que la seule solution, pour aller vite, est de créer de la valeur et d'imposer les mêmes règles à tous.

Monsieur Molac, il n'y aura pas de renationalisation du second pilier. Avec Régions de France, nous sommes convenus d'une nouvelle gouvernance à partir de 2023 : les régions auront autorité de gestion sur les aides non surfaciques, l'État aura autorité de gestion sur les aides surfaciques du second pilier. Le modus operandi qui existe aujourd'hui pour les mesures financées par le FEADER, impliquant un comité État-régions, restera inchangé.

Monsieur Labbé, le Green Deal n'est pas une obligation faite aux États membres, comme le sont les eco-schemes. Il s'impose à eux en tant que vision politique, beaucoup plus large d'ailleurs que le champ de la PAC, et doit être traduit dans le cadre du PSN.

La pandémie actuelle nous montre que l'homme, espèce du monde animal, est un élément de l'écosystème du vivant, sujet aux interactions – les zoonoses, ça existe. Je pense qu'aujourd'hui, tout responsable politique doit faire sienne l'approche One Health. Je sais que vos deux chambres sont sensibles à cette initiative, puisqu'elles ont conduit des travaux et organisé des colloques sur ce sujet.

Madame Taurine, la question du remplacement de l'aide à l'hectare par une aide à l'actif, qui avantagerait les petites exploitations, est complexe. Je pense qu'il faut faire très attention sur ce sujet, car la notion d'« actif » n'est même pas définie au niveau européen. Par ailleurs, une aide basée sur le salaire risquerait d'exclure d'autres formes de rémunération, comme le paiement des services environnementaux rendus.

On a souvent tendance à lier taille de l'exploitation et productivisme, donc rentabilité. Je pense que c'est un tort. Dans les zones intermédiaires, à faible potentiel agronomique, les exploitations céréalières dépendent des cours mondiaux : la rentabilité à l'hectare est si faible qu'elles doivent être de taille conséquente pour survivre. On ne gagne pas des hectares pour améliorer sa marge, mais pour maintenir l'exploitation. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un fait, depuis au moins trente ans. Promouvoir les exploitations de petite taille, c'est très bien, mais il faut aussi des agriculteurs. La passion qu'ils entretiennent pour leur métier est grande, elle n'est pas suffisante pour nourrir une famille. Vous ne trouverez pas deux agriculteurs pour reprendre une exploitation en zone intermédiaire, simplement parce que deux familles ne peuvent pas vivre dessus – c'est aussi basique que cela. Je pose une question qui est loin d'être anodine : que va-t-il se passer dans ces territoires ? Y fera-t-on de l'agroforesterie ? Il faut avoir un peu de bon sens territorial, savoir d'où l'on part, et vers quoi l'on va. Je ne vous en fais pas grief, Madame la députée, car je connais le sérieux et la qualité de votre travail.

Madame Jourda, pour tout vous dire, à 3 h 27 du matin, je n'avais rien obtenu sur la prorogation des droits de plantations, car le conseil des ministres de l'agriculture ne voulait pas rouvrir la question des mécanismes de régulation du marché. In extremis, nous avons obtenu une prorogation jusqu'en 2040, ce que je considère déjà comme une avancée. Il reviendra au trilogue de déterminer la date et de la repousser éventuellement à 2050.

S'agissant des abattoirs de toute petite taille, je suis intervenu auprès du Conseil et de la Commission pour trouver une solution et tenter de reporter la fin de la dérogation.

Monsieur Duplomb, la France déterminera ses taux de transfert entre piliers dans le cadre du PSN.

Au conseil des ministres de l'agriculture, nous avons décidé que les taux de transfert – qui étaient de 15 %, avec un maximum de 25 % – seraient portés à 25 % dans la nouvelle PAC. Pour les transferts du P2 vers le P1, le taux pourra aller jusqu'à 30 %. Une erreur de traduction du document nous a laissé craindre un moment qu'il s'agissait d'une augmentation de 30 % du plafond, ce qui portait le taux à presque 33 %, voire que les deux taux s'additionnaient, ce qui revenait à autoriser le transfert de 55 % des montants ! Cette crainte a vite été dissipée et les choses sont désormais claires.

Ces transferts permettent de compenser les différences très importantes entre États membres. La réalité, c'est que le montant du P1 français, comparé à celui du P2, est très élevé : la France disposera de 7,2 milliards d'euros sur le P1 et de 1,4 milliard sur le P2, soit un rapport de 1 à 5, tandis que le rapport sera de 1 à 3 pour la Pologne, avec 3,1 milliards sur le P1 et 1,3 milliard sur le P2. Pour réaliser la convergence, ces pays demandent à pouvoir transférer 30 % des sommes du P2 vers le P1. Une autre solution aurait consisté à réallouer les enveloppes entre les États membres... Inutile de dire que ce n'était pas mon choix.

Les taux de transfert seront fixés dans les PSN. J'en reviens à mon point : le PSN est un document politique. Si des États membres décidaient de prendre une direction totalement opposée, il faudrait que les ministres puissent en être informés, qu'ils aient la possibilité d'en discuter et de faire part de leurs critiques. L'un de mes objectifs, au-delà des négociations du trilogue et de la définition des indicateurs, est d'organiser la présentation des PSN au conseil des ministres de l'agriculture.

Monsieur Lurel, il est très important de financer la recherche dans le domaine phytosanitaire – nous avons tous à l'esprit le scandale du chlordécone et les obligations qui nous incombent désormais.

La baisse de l'enveloppe du POSEI est un message politique qui nous est adressé. Nous avons mouillé la chemise, auprès des ministres de l'agriculture, du Conseil, de la présidence, de la Commission. Les parlementaires européens, au premier rang desquels Stéphane Bijoux, se sont mobilisés et ont organisé un rassemblement devant le Parlement. En effet, c'est demain qu'un trilogue se réunira et qu'une réponse sera apportée à nos demandes. Je sais les parlementaires très attachés au POSEI, mais nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir.

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