COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Jeudi 26 novembre 2020
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission et de M. Roland Lescure, Président de la commission des affaires économiques
La séance est ouverte à 8 heures 35.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, nous sommes très heureux de vous accueillir pour cette audition organisée dans un format exceptionnel, compte tenu de l'enjeu. Nous discuterons en effet de la dernière étape de la réforme de la politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027, à la lumière, d'une part, des négociations en trilogue qui viennent de débuter, d'autre part, de la transition verte que tous les États membres appellent de leurs vœux et dont on commence tout juste à mesurer les implications.
Vous êtes auditionné par les commissions des affaires économiques et des affaires européennes du Sénat et de l'Assemblée nationale, réunies en visioconférence. Les députés français au Parlement européen ont également été invités à assister à nos échanges, s'ils le souhaitent.
Nous sommes ensemble pour une durée d'environ deux heures. Après votre propos liminaire, vingt parlementaires représentant les différentes sensibilités de nos deux assemblées vous interrogeront : dix députés et dix sénateurs ont été désignés par leur groupe politique, dans le respect des équilibres de chaque assemblée. Chacun disposera d'une minute trente pour s'exprimer. Vous nous excuserez de ne pas avoir tenu compte de la parité : cela aurait été beaucoup trop complexe !
Permettez-moi de commencer cette audition en dressant, au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, un constat général. Nous avons bien sûr observé avec satisfaction les efforts et les progrès accomplis dans cette négociation, mais nous avons surtout des inquiétudes assez fortes.
Bien que le budget ait été augmenté au cours de la négociation, il recule de 10 % en euros constants. Quand on annonce à un malade à qui l'on devait couper les deux jambes qu'on ne lui en coupe plus qu'une, il est content, bien sûr, mais cela reste quand même une mauvaise nouvelle.
Nous nous réjouissons du verdissement de la PAC, mais celui-ci s'accompagne, nous semble-t-il, d'une complexité accrue. Je rappelle que nos agriculteurs seront soumis à treize directives déjà existantes, à douze règlements dont cinq nouveaux, ainsi qu'à des eco‑schemes – éco-régimes – nationaux, une nouveauté dont nous reparlerons probablement.
Nous observons un risque de renationalisation, que nous avons souligné dans les quatre résolutions adoptées par le Sénat, via le plan stratégique national qui sera élaboré par chaque pays. Nous nous posons des questions sur la cohérence et le contrôle de ce dispositif.
Nous déplorons des possibilités extrêmement fortes de transferts libres entre les piliers, en vertu de recommandations récemment adoptées par le Conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne.
Nous dénonçons l'augmentation des écarts de compétitivité et donc des distorsions de concurrence intra-européennes, ainsi que la possibilité pour certains pays de s'exonérer d'une partie des nouvelles conditionnalités environnementales.
Le résultat est assez éloigné des résolutions adoptées par le Sénat. Je suis persuadée, Monsieur le ministre, que mes collègues vous poseront des questions en ce sens.
La politique agricole commune a été le vecteur privilégié de l'émancipation et, surtout, de la souveraineté de l'Union européenne après la seconde guerre mondiale. Face à la crise économique, sanitaire et sociale que nous traversons et qui est loin d'être terminée, nous devons entrer dans un nouvel âge de la souveraineté européenne, dont la PAC, soixante-dix ans après sa création, doit rester le vecteur privilégié. Vous avez souvent le mot « souveraineté » à la bouche, Monsieur le ministre ; ce n'est pas un vain mot, et nous allons sans doute l'entendre encore ce matin.
Il faut nourrir les Européens, avec une alimentation de qualité. Il faut aussi faire en sorte que les agriculteurs aient les moyens de se nourrir. Voilà les défis que devra relever cette nouvelle politique agricole commune. Je serai évidemment moins sévère que Mme Primas à l'égard des efforts que vous avez déployés pour préserver un budget ambitieux et des résultats que vous avez obtenus jusqu'à présent. Le travail ne fait que commencer. Nous sommes impatients de vous entendre.
Comme l'a souligné Mme Primas, cette audition réunit les deux chambres du Parlement, mais un tel format n'est pas sans précédent sur ce sujet stratégique qu'est l'agriculture. Je fais référence ici au document de synthèse des résolutions de l'Assemblée nationale et du Sénat relatives à la réforme de la PAC, que nous avions établi ensemble en octobre 2019 et dont la portée politique et symbolique était alors inédite. Ce document était issu des échanges de vues entre les députés et les sénateurs de nos deux commissions des affaires européennes, élargies aux membres de la délégation française au Parlement européen. Notre démarche d'aujourd'hui participe fondamentalement du même objectif : sur un enjeu d'importance majeure comme la politique agricole commune, nous savons travailler ensemble, efficacement et de façon constructive, tout en conservant nos sensibilités respectives.
Monsieur le ministre, les parlementaires nationaux que nous sommes manquent encore de nombreuses informations pour étayer leur jugement sur les détails d'une réforme effroyablement complexe. S'y ajoutent de nombreuses interrogations et ambiguïtés, en particulier sur l'articulation entre la future PAC 2021-2027 et la transition verte, le fameux Green Deal. Les récentes déclarations de M. Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, ne nous ont d'ailleurs pas rassurés, car elles nous semblent implicitement fondées sur l'idée de décroissance. Que penser, en particulier, de l'absence de publication par la Commission européenne des études d'impact des stratégies « Biodiversité » et « De la ferme à la table » ? Le ministère de l'agriculture des États-Unis estime leur impact à une réduction de 12 % de la production agricole de l'Union européenne à l'horizon 2030. Est‑ce cela, l'avenir de l'agriculture européenne ? Que deviendrait, dans un tel contexte, l'objectif de souveraineté alimentaire européenne ?
Sur tous ces points, Monsieur le ministre, nous avons grandement besoin de vos éclairages.
Je me réjouis que nous continuions aujourd'hui notre travail commun. Il est très important que nous travaillions de manière transversale sur les questions européennes. Nous montrons ainsi combien nous soutenons les positions françaises. Les parlementaires de certains autres États membres de l'Union européenne savent très bien laisser de côté leurs divergences politiques pour promouvoir leur vision de l'agriculture.
Monsieur le ministre, j'aimerais vous interroger sur trois incertitudes majeures.
Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a-t-il travaillé à la définition des conditions agro-environnementales qui pourraient s'appliquer au versement des aides directes ? La compatibilité de la prochaine PAC avec les objectifs environnementaux reposera en effet sur des critères techniques qui doivent être analysés.
Quel niveau de contrôle la Commission européenne exercera-t-elle sur les futurs plans stratégiques nationaux ? Ce contrôle doit en effet permettre d'éviter toute distorsion de concurrence entre les États membres et nous assurer de progresser collectivement vers les objectifs ambitieux fixés dans la stratégie « De la ferme à la table » au mois de mai dernier.
Enfin, la position du Conseil ne prévoit pas d'avancées substantielles concernant les outils de gestion de crise. Dans une communication devant la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale en juillet dernier, nos collègues Jean-Baptiste Moreau et André Chassaigne ont demandé qu'une définition commune de la notion de « crise agricole » soit trouvée au niveau européen, afin de déclencher automatiquement certains dispositifs de soutien. Ils proposaient aussi de réformer la réserve de crise, jamais déclenchée car financée par le premier pilier. Quelle est la position de la France sur ce sujet ? Pensez-vous que ces thématiques pourraient être inscrites à l'ordre du jour des discussions ?
C'est la première fois que je m'exprime devant vos quatre commissions réunies ; ce format montre toute l'importance de la réforme de la politique agricole commune.
Avant de répondre aux premières questions, je voudrais revenir sur les événements des derniers mois. La politique agricole commune doit d'abord répondre à une vision politique ; l'erreur serait de ne voir que l'outil et d'en oublier la dimension politique. Or il existe tellement d'outils liés à la PAC que les débats se limitent souvent aux pourcentages de transfert ou de redistribution, aux mécanismes d'agroéquipement ou à la mise en œuvre de telle ou telle fonctionnalité. Il faut d'abord nous interroger sur la vision que la PAC doit traduire. Cette question est d'autant plus d'actualité que les Britanniques sont d'ores et déjà confrontés à la réalité que recouvre leur sortie de la PAC.
À mes yeux, la politique agricole commune présente deux avantages : la souveraineté et la protection.
Depuis la fin des années cinquante ou le début des années soixante, la PAC vise à assurer notre souveraineté agro-alimentaire, à savoir la possibilité pour les agriculteurs français de nourrir le peuple européen. Des progrès sont certes nécessaires – j'évoquerai un peu plus tard la souveraineté en matière de protéines –, mais c'est un fait que la souveraineté agroalimentaire et la résilience de l'agriculture européenne sont permises par la PAC, qui prévoit des financements, des débouchés – le marché commun – et des dispositifs d'accompagnement, notamment financier, des transitions.
Le deuxième apport de la PAC, qu'il ne faut jamais perdre de vue et que la crise de la covid-19 a justement mis en avant, est la protection. La PAC, dont la finalité initiale était simplement de nourrir le peuple, doit maintenant nourrir ce dernier dans des conditions sanitaires optimales. Cet objectif a un corollaire trop souvent oublié, parfois par naïveté : il s'agit non seulement d'imposer des normes aux agriculteurs européens, mais aussi de les accompagner et de les protéger contre des importations ne respectant pas les règles environnementales auxquelles ils sont eux-mêmes soumis.
Souveraineté et protection sont donc à mes yeux les deux piliers, les deux grandes finalités de la politique agricole commune. Nous ne devons jamais les perdre de vue.
Le premier étage de la fusée de la PAC est évidemment le budget. J'ai entendu les remarques de la présidente Primas, mais il faut voir d'où nous sommes partis. En octobre 2018, la Commission européenne a mis sur la table une proposition de budget doté de 365 milliards d'euros, une somme très inférieure au budget de la PAC actuelle. Souvenez-vous des discussions que nous avons eues alors, y compris au niveau national : nous espérions porter le budget de 365 à au moins 375 milliards d'euros. Grâce à notre action résolue et à celle du Président de la République, nous avons finalement obtenu une enveloppe de 386 milliards. Je connais bien la distinction entre euros courants et euros constants, mais en matière de PAC, on parle traditionnellement en euros courants car ce sont ces montants qui sont véritablement dépensés. En euros courants, donc, nous avons obtenu une stabilisation du budget de la PAC, avec une augmentation de 22 milliards d'euros par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne, dans un contexte qui n'est pas évident. La partie n'était vraiment pas gagnée d'avance, mais pour la France, c'était une priorité absolue. Je peux vous dire que nous avons mis tout notre poids politique dans la bataille pour obtenir ce maintien du budget de la PAC ; nous considérons en effet qu'il n'y a pas d'Europe forte sans agriculture européenne forte, et que la France est probablement l'un des principaux pays qui font la force de l'agriculture européenne.
Le deuxième étage de la fusée, tout aussi important, est le cadre politique de la PAC. Comment traduit-on les principes que j'ai évoqués – souveraineté et protection – dans les principales règles de fonctionnement de la PAC ? C'est le rôle des ministres européens de l'agriculture, dans le cadre du conseil « Agriculture et pêche », que de répondre à cette question. Les discussions ont duré plusieurs mois et se sont terminées fin octobre à Luxembourg, au terme de deux jours et deux nuits de débats ininterrompus. Un accord sur un cadre a été trouvé à la quasi-unanimité – un État membre s'y est opposé et deux ou trois autres se sont abstenus. Nous avons réussi soit à obtenir ce que nous voulions soit à empêcher que soient franchies des lignes rouges.
La première chose à laquelle nous tenions était d'inverser la tendance en matière de respect des engagements environnementaux. Jusqu'à présent, des « bons élèves » prenaient des engagements ambitieux en matière de transition environnementale ; les autres promettaient, la main sur le cœur, qu'ils feraient tout leur possible pour y arriver, mais ils n'y parvenaient pas et tout le monde finissait par s'en satisfaire. On creusait ainsi la différence, au sein même du marché commun, entre les modalités de production et donc, in fine, la qualité voire les coûts. Or les deux produits étaient présentés côte à côte sur les étals des supermarchés, et il faut bien admettre que rien ne ressemble plus à un concombre qu'un autre concombre…
Pour la première fois, nous avons réussi à obtenir non seulement que les mesures agro-environnementales traditionnelles soient maintenues et rendues obligatoires, mais aussi que des éco-régimes obligatoires soient mis en place dans le cadre du premier pilier, celui des paiements directs. Pour l'instant, le Conseil des ministres de l'agriculture prévoit de consacrer 20 % des aides du premier pilier à ces éco-régimes. Le Parlement européen parle de 30 % ; les discussions en trilogue vont s'engager mais, à ce stade, ce n'est pas tant le pourcentage qui importe que le principe, acté au niveau des ministres, selon lequel les éco-régimes seront obligatoires. Mais le diable se cache dans les détails : une fois que nous avions obtenu, dans la nuit, le caractère obligatoire des éco-régimes, il fallait empêcher que des dérogations puissent être accordées permettant de défaire ce que nous venions de faire. Nous avons été très vigilants sur ce point – nous pourrons y revenir.
Le deuxième grand principe que j'ai défendu dans la négociation, aux côtés des parlementaires européens, est celui de la souveraineté alimentaire et agroalimentaire. Vous savez à quel point cette notion m'est chère.
À cet égard, je voudrais développer l'exemple des protéines végétales. L'un des principes de la PAC est de soutenir spécialement les productions qui connaissent des difficultés ; les aides couplées, que vous connaissez bien, leur sont destinées. Or, dans notre bel espace européen, la filière des protéines n'est pas en difficulté, mais trop peu développée : il faudrait beaucoup plus de champs de protéagineux. Le problème, c'est que les outils de la PAC – les aides couplées, notamment – permettent de soutenir des surfaces existantes pour éviter qu'elles ne disparaissent, mais pas d'accroître ces surfaces. Nous sommes en position défensive ; nous perdons de vue notre souveraineté. Je suis donc parti en croisade, demandant que les aides couplées puissent être utilisées, en cas de besoin, pour accroître les surfaces. Nous avons finalement obtenu une déclaration des membres du Conseil des ministres de l'agriculture nous permettant de le faire.
Toujours en matière de souveraineté, il y a un deuxième résultat que nous avons obtenu à l'arraché, c'est-à-dire dans la phase finale de la discussion, vers trois heures et demie du matin : c'est la lisibilité pour le secteur vitivinicole. Du fait de la crise de la covid-19 et de la diminution des débouchés, il est nécessaire de prendre des mesures de marché pour éviter la chute des cours : concrètement, nous avons pris des mesures de stockage et des mesures de distillation. Or, au même moment, l'Europe envisageait de libéraliser les plantations de vignes à l'horizon 2030. Nous prenions donc, à l'échelon national, des mesures à contre-courant alors même qu'en termes de souveraineté, nous devions rassurer les viticulteurs et leur donner de la visibilité sur l'avenir des droits de plantation. Nous avons finalement obtenu que la situation actuelle soit prolongée et que l'échéance de libéralisation soit repoussée à 2040. Ce n'était pas forcément évident car l'Italie, par exemple, suit une autre logique consistant à étendre les vignobles, par exemple pour le prosecco. Il fallait donc trouver le juste équilibre.
La troisième position que nous voulions défendre est celle d'une politique agricole plus juste. Si les eco-schemes ont été rendus obligatoires, c'est précisément parce qu'il faut, d'une part, accompagner la transition agroécologique pour maintenir la qualité et la résilience du modèle agricole européen tout en permettant la création de valeur – n'oublions jamais que l'un ne va pas sans l'autre –, et, d'autre part, empêcher toute concurrence déloyale sur le marché commun.
Cette PAC plus juste doit aussi être une PAC du quotidien pour nos agriculteurs. Si vous demandez aux services déconcentrés de votre région la déclinaison régionale de la PAC, ils vous remettront de gros pavés. À l'échelle d'une exploitation, c'est un peu plus simple, mais cela reste tout de même très compliqué. Or un agriculteur n'a pas à soutenir une thèse sur les règlements européens avant d'aller dans ses champs pour exercer son métier. Nous avons donc voulu que cette PAC plus juste soit une PAC plus simple.
J'en profite pour m'adresser aux députés européens qui nous écoutent, car ce sujet reste ouvert dans le cadre du trilogue. Pour faire très simple, la réforme de la PAC consiste à passer d'un contrôle de la conformité à un contrôle de la performance : on ne cherche pas à savoir uniquement si l'exploitant a respecté toutes les règles, mais également s'il a été performant. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait, en France, pour le logement, dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), mais nous avons parallèlement arraché une page sur quatre du code de l'urbanisme – la présidente Primas est bien placée pour le savoir, puisque nous avons travaillé ensemble sur ce texte. Or, dans la réforme de la PAC, nous risquons de passer de la conformité à la performance sans simplifier les règles de conformité. Comme je le disais à la Commission et à mes homologues européens, ce n'est pas « fromage et dessert », mais « fromage ou dessert » ; nous ne voulons pas d'un double contrôle de la conformité et de la performance, qui n'aurait aucun sens et ne ferait qu'ajouter de la complexité. Il nous faut donc trouver le bon équilibre : c'est l'un des enjeux des discussions en trilogue.
J'ai également introduit la notion de droit à l'erreur. Quand vous êtes ministre, vous passez généralement vos week-ends à signer des courriers expliquant aux élus que la situation sur laquelle ils appellent votre attention est malheureusement incompréhensible, tragique, avec des conséquences familiales parfois très dures, mais que les règles sont les règles et que vous n'avez pas la possibilité d'y déroger. Vous êtes nombreux à m'avoir interpellé, par exemple, sur les remboursements de dotation demandés aux jeunes agriculteurs qui ont eu le malheur de dépasser, pour une raison indépendante de leur volonté, le plafond de revenus imposé par un règlement. La PAC actuelle ne donne pas droit à une deuxième chance. Dans la dernière ligne droite de la discussion, j'ai donc essayé d'introduire la notion de droit à l'erreur, qui existe déjà en droit français. Le Parlement européen m'a beaucoup aidé en adoptant un amendement allant dans ce sens, et j'ai obtenu de la part du Conseil des ministres de l'agriculture une déclaration en faveur du droit à l'erreur. Si nous arrivons finalement à introduire cette notion dans le texte, nous montrerons que la PAC n'est pas au-dessus des agriculteurs, mais à côté d'eux. J'appelle tous les parlementaires ici présents à pousser dans ce sens, car c'est un sujet très important.
Après la vision financière et la vision politique, je m'attarderai sur le troisième étage de la fusée : la déclinaison nationale de la PAC. La présidente Thillaye a raison de dire que cet aspect est essentiel. Nous commençons en effet à élaborer un plan stratégique national (PSN), avec l'objectif d'en envoyer à la Commission une première mouture à la fin du printemps ou au début de l'été. Le ministère de l'agriculture et de la pêche doit finaliser une première version de ce document en février ou mars, avant de lancer une consultation du public – ce qui est bien normal, la PAC étant l'un des éléments fondamentaux de l'Europe.
En matière de PAC, le diable se cache dans les détails, notamment dans ce PSN. Par exemple, quel sera le pourcentage des transferts autorisés entre les deux piliers ? Je pense aussi aux effets de redistribution, ainsi qu'à la détermination des aides couplées. Dans l'élaboration de ce document, nous devons tenir le même raisonnement que pendant les négociations sur la PAC : pour faire de vrais choix politiques, nous ne devons pas traiter le sujet par le prisme des outils, mais plutôt nous demander quelle agriculture française nous voulons en 2027. Si nous avons un gros problème en matière de protéines, alors nous devrons mettre le paquet. Si nous reconnaissons que les élevages apportent beaucoup plus que la production de viande dans certains territoires, alors nous devons les soutenir et les reconnaître à leur juste valeur. J'ai demandé aux organisations professionnelles de participer à ce travail, afin que nous nous mettions d'accord sur les fondamentaux de notre vision politique de l'agriculture française à l'horizon 2027. Une fois que nous aurons mené cette réflexion, le plus dur sera fait : il suffira alors de concrétiser notre vision politique en utilisant les outils de la PAC. L'un de mes prédécesseurs, Edgard Pisani, avait coutume de dire que la mauvaise politique se limite aux outils, alors que la bonne politique, et même la très bonne politique, part d'une vision pour transformer le quotidien. Voilà ce que doit être le PSN !
Nous avons d'ores et déjà obtenu le maintien d'un certain nombre de dispositifs. Je pense à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), qui a fait l'objet d'âpres discussions, ou encore aux mesures sur le bio, qui sont très importantes.
La nouvelle PAC prévoira certaines évolutions, y compris en termes de gouvernance. À partir de 2023, les aides du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) feront l'objet d'une nouvelle répartition, précisée dans le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière récemment adopté par l'Assemblée nationale en lecture définitive.
Au moment où je vous parle, quelques sujets ne sont pas encore bouclés. Par exemple, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) fait toujours l'objet de discussions. Nous tenons à maintenir cette spécificité des territoires ultramarins. Ce n'est pas tant une question de financement que de vision politique : nous voulons que l'Europe montre qu'elle considère ces territoires comme une richesse en leur consacrant une politique spécifique, identifiée comme telle.
La marque de fabrique de cette PAC, c'est une vision politique sur laquelle nous nous sommes mis d'accord. Il faudra absolument décliner ce socle de principes environnementaux dans le cadre de notre politique commerciale. Par exemple, les supermarchés français vendent principalement des poulets français, mais 80 % des poulets consommés en dehors du domicile ne sont pas des poulets européens. Nous devons donc travailler à une révision des accords commerciaux et à une meilleure information du consommateur. Sur ce dernier point, nous sommes en train de finaliser un décret, qui sera sans doute publié au début de l'année prochaine, visant à ce que l'origine des produits soit indiquée non seulement dans les supermarchés, mais également dans le secteur de la restauration.
J'ai cette conviction chevillée au corps : les principes de souveraineté et de protection doivent guider la transition environnementale de la PAC, mais celle-ci ne sera possible que si l'on crée de la valeur. Il ne faut jamais l'oublier. Or, dans le monde agricole, la création de valeur est moins liée à la compétitivité coût – aux charges, au temps de travail, à la fiscalité – qu'à la compétitivité hors coût, qui passe notamment par l'information du consommateur et, plus largement, par la crédibilité de notre action.
Avant de donner la parole à M. Jean Bizet, je précise que ce sera sa dernière intervention officielle en tant que sénateur. M. Bizet a été un remarquable président de la commission des affaires européennes du Sénat : qu'il me soit permis de lui rendre un petit hommage sympathique.
(Applaudissements.)
Chacun convient désormais que l'action pour l'environnement et le climat n'est plus une option. Que l'agriculture prenne sa juste part de l'effort collectif ne fait plus débat. Mais n'oublions pas que la PAC est une politique avant tout économique et que son verdissement, au fil des réformes, est source de profondes préoccupations pour l'économie agricole européenne et surtout française.
Certaines études auraient démontré que, mises bout à bout, les ambitions de la nouvelle architecture verte de la PAC et du Green Deal via les stratégies « Biodiversité » et « De la ferme à la table » pourraient se traduire par une baisse de productivité allant jusqu'à 15 %, voire plus pour certaines filières. J'observe que cette décroissance vient se conjuguer à un nouveau modèle de mise en œuvre de la PAC qui, malgré les aménagements utiles proposés par le Parlement européen, n'est pas remis en cause par les colégislateurs. Nous en connaissons tous les dangers, en premier lieu desquels une renationalisation rampante de la PAC qui renforcerait les distorsions de concurrence entre les États membres, notamment au niveau environnemental car certains – je pense en particulier à la France – ne pourront s'empêcher de laver plus vert que vert tout en refusant d'utiliser certaines avancées techniques mises à leur disposition par la recherche scientifique. Vous savez l'attachement que je porte à la new breeding technology, qui peut être une très belle réponse mais dont la mise en œuvre demande un certain courage politique. Dans ce contexte, je crains que nous nous dirigions vers une double peine pour les agriculteurs français, dont le niveau de revenus est déjà catastrophique, et que nous nous éloignions de notre nécessaire ambition en matière de souveraineté alimentaire.
Si les comptes publics ne sont pas en mesure d'absorber tous les surcoûts créés pour nos agriculteurs par ces choix de politique publique, alors c'est le marché qui devra le faire un jour ou l'autre. Or nous savons bien qu'il ne le fera pas spontanément. Les règles européennes en matière de concurrence doivent évoluer beaucoup plus profondément pour tenir compte des spécificités agricoles et permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail. Au Sénat, nous avons rédigé plusieurs rapports sur ce sujet. Encore une fois, je fais un clin d'œil au modèle américain et au Capper Volstead Act.
Au nom de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, je remercie notre collègue Jean Bizet. Nous avons bien travaillé ensemble. Merci pour cette bonne entente, notamment lors de tous les voyages au cours desquels nous avons défendu ensemble les positions françaises, de manière transpartisane. Merci aussi, cher Jean, pour l'accueil que tu m'as réservé en 2017.
( Applaudissements.)
Monsieur le ministre, je salue votre détermination et votre engagement en faveur de nos agriculteurs, qui se sont particulièrement manifestés lors des négociations sur la réforme de la politique agricole commune. Celle-ci sera décisive pour notre agriculture, d'autant que les négociations s'inscrivent dans un contexte particulier de crise sanitaire qui a rebattu les cartes au niveau européen, s'agissant notamment de la nécessité de préserver notre souveraineté agricole et alimentaire. Notre agriculture est résiliente, elle s'adapte bien, mais le secteur est aussi très fragile et subit une forte chute démographique au niveau européen.
Je salue l'accord que vous avez signé le 20 octobre dernier avec vos homologues européens, qui prévoit notamment une harmonisation des normes environnementales. Cet accord montre l'engagement des pays européens, en particulier de la France, en faveur d'une PAC plus verte et plus durable, grâce notamment à de nouveaux outils comme les programmes écologiques et à une conditionnalité des aides renforcée. Ainsi, tous les agriculteurs du marché européen seront tenus de respecter un socle minimal de normes environnementales. Ces eco-schemes devraient être rendus obligatoires et représenter 20 % des aides du premier pilier – le Parlement européen propose 30 %, nous verrons ce qui ressortira des négociations en trilogue. Les agriculteurs pourront recevoir des primes pour leur participation à des programmes environnementaux plus exigeants. Tout cela prouve qu'agriculture et environnement ne sont pas inconciliables ; au contraire, c'est en les alliant que nous irons dans le bon sens.
Une étude de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et d'AgroParisTech, commandée par le Parlement européen et publiée cette semaine, estime qu'il sera très difficile d'atteindre les objectifs environnementaux et climatiques européens sans une inflexion très forte de la PAC. Comment traduire les objectifs de la PAC en matière environnementale sans léser notre agriculture et réduire son efficacité économique ?
Comme vous l'avez dit, Monsieur le ministre, en vous référant au passage à Edgard Pisani, la nouvelle PAC devrait avoir trois objectifs : soutenir le revenu des agriculteurs – dans un contexte marqué par l'échec, sur ce point, de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM) ; poursuivre la transition agroécologique et préserver le modèle de l'exploitation familiale, avec comme enjeu essentiel l'installation de jeunes agriculteurs ; assurer la souveraineté alimentaire nationale et européenne.
Or le budget devrait connaître une diminution de 10 % à 12 % en euros constants : s'agissant du revenu, le compte n'y est pas. Comment envisagez-vous de faire mieux sur ce point ? Je note qu'en matière de gestion des risques, par exemple – aspect tout à fait essentiel et qui affecte le revenu des agriculteurs –, les discussions n'ont à peu près rien apporté. La question reste un angle mort de la politique européenne, mais aussi de la politique nationale.
Concernant la transition agroécologique, vous avez évoqué le pourcentage des transferts du P1 vers le P2, et inversement. Pourriez-vous préciser votre position ? Certains pays, en particulier ceux de l'est du continent, vont jouer sur cette possibilité, notamment pour soutenir le revenu de leurs agriculteurs.
Quels éléments allez-vous prendre en compte dans le plan stratégique national ? Ne pensez-vous pas qu'il serait opportun d'introduire comme critère, pour la répartition des aides, celui du rendement historique ? Certaines régions sont mal dotées naturellement, pour des raisons agronomiques ou encore pédoclimatiques : il pourrait être intéressant, au-delà de l'ICHN, de prendre en compte la notion de zones intermédiaires.
Enfin, quel contenu entendez-vous donner à l'eco-scheme français ? Envisagez-vous de mettre en œuvre, par exemple, des prestations pour services environnementaux ?
Le président Lescure évoquait un nouvel âge ; selon nous, ce nouvel âge est moins celui de la souveraineté alimentaire que celui de la sécurité alimentaire, à l'échelle de la planète. J'aimerais que, dans notre discours politique commun, nous adoptions l'idée de « souveraineté solidaire », incluant la notion de réciprocité à l'égard des pays tiers, notamment de nos partenaires africains.
Le nouvel âge, c'est aussi celui de la valeur ajoutée. À notre sens, celle-ci passe par le renouvellement des générations. Ce n'est plus en grossissant mais en grandissant dans la valeur ajoutée que nous gagnerons et, pour ce faire, nous avons besoin qu'une nouvelle génération de paysans s'installe.
Par ailleurs, je répondrai à M. Bizet qu'il n'y aura pas d'économie agricole sans une agroécologie durable.
La nouvelle PAC ne prévoit pas de limitation des prix. La prime à l'agrandissement continue donc. Sans limitation ni redistribution, nous continuerons à avoir des fermes qui s'agrandissent et un territoire qui s'appauvrit : quand les fermes deviennent des firmes, c'est la ferme France qui s'appauvrit. Pourrait-on militer pour des mécanismes de redistribution – comme nous avions commencé à le faire lors du dernier quinquennat – adossés à une politique de partage du foncier créatrice de valeur ?
L'agroécologie nous semble extrêmement menacée par la renationalisation. Nous risquons d'avoir une course au moins-disant environnemental, ou un greenwashing superficiel. Pourrait-on envisager un mécanisme de couplage renforcé pour les protéines végétales et, au-delà, un programme d'aide systémique pour l'agroécologie, au lieu d'un catalogue de mesures superficielles ? Cela nous permettrait de développer une agronomie préparant la prospérité future de notre agriculture.
Enfin, la valeur ajoutée s'étiole lorsque les marchés sont bêtement concurrentiels. Une réforme de l'organisation commune des marchés a été proposée par notre collègue Éric Andrieu, notamment ; elle pourrait s'adosser à une réforme des organisations de producteurs consistant à permettre à ces dernières de gérer les volumes. Soutenez-vous une telle proposition, Monsieur le ministre ?
La promotion de la recherche et de l'innovation est un volet important de l'agriculture commune. Jean Bizet parlait tout à l'heure de new breeding technology, mais il y a aussi un nombre important d'agriculteurs – dans l'agriculture conventionnelle comme dans l'agriculture de conservation des sols et dans l'agriculture bio – qui travaillent en équipe pour mener une vraie recherche grandeur nature. Or ils se sentent bien seuls : peu ou pas accompagnés par l'INRAE, ils ne sont plus soutenus par les groupes de développement des chambres d'agriculture, car ces derniers n'ont plus de moyens. Ces agriculteurs pourront-ils s'appuyer sur un réseau pour opérer de vraies évolutions technologiques concernant les méthodes de culture et la réduction des intrants ?
Comme vous l'avez souligné, Monsieur le ministre, l'accord trouvé lors du dernier conseil des ministres de l'agriculture sur la future PAC revêt une importance majeure, car il permet de relever l'ambition en matière environnementale de ce qui constitue l'une des politiques publiques les plus importantes de l'Union européenne. C'est d'autant plus vrai que cette ambition, qui consiste à répondre aux enjeux environnementaux et climatiques sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, repose sur des critères communs à tous les États membres : cela permettra d'éviter des distorsions de concurrence liées aux différences de modes de production entre États.
Au groupe MODEM et démocrates apparentés, nous défendons de longue date les pratiques vertueuses d'un point de vue environnemental, notamment celle consistant à limiter les intrants chimiques, et à mettre fin aux distorsions de concurrence inhérentes à l'utilisation disparate de ces produits.
Au nombre de ces pratiques vertueuses, figure la reconstitution des haies bocagères, si typiques de notre patrimoine et de notre paysage agricoles. C'est d'ailleurs la position que nous avons défendue lors de l'examen du projet de loi permettant l'utilisation de néonicotinoïdes dans la filière de la betterave sucrière. Mon collègue Nicolas Turquois défend – et pratique – lui aussi la reconstitution des haies bocagères.
Le volet du plan de relance consacré à la transition agricole, à l'alimentation et à la forêt prévoit également de favoriser la biodiversité autour des cultures via le programme « Plantons des haies ! », qui soutiendra les agriculteurs souhaitant s'engager dans cette voie. L'objectif que nous nous sommes fixé est ambitieux : il est prévu de planter 7 000 kilomètres de haies et d'assurer la gestion durable de 90 000 kilomètres de haies existantes.
Je souhaiterais savoir, Monsieur le ministre, si la future politique agricole commune prévoit des éléments particuliers pour soutenir la replantation et la gestion des haies bocagères, tant au niveau français qu'au niveau européen.
Par ailleurs, l'accord prévoit un éco-régime obligatoire pour tous les États membres, représentant au moins 20 % des paiements directs. Vous avez souligné l'importance de ce projet. Quelles conséquences aura-t-il sur les déclarations Telepac, sur le montant des aides reçues par les agriculteurs et sur leurs critères d'attribution ?
Les exploitants agricoles français dans leur ensemble saluent la réforme de la politique agricole commune. Comme vous l'avez souligné, Monsieur le ministre, cette nouvelle PAC se veut ambitieuse sur le plan écologique – avec les éco-régimes, entre autres –, mais aussi plus juste, en tentant de limiter autant que possible les distorsions de concurrence. Il est en effet essentiel que l'ensemble des acteurs européens jouent le jeu, sans quoi la pertinence et l'ambition de nos propositions risqueraient, encore une fois, de se retourner contre nous.
Nous avons la chance de construire une nouvelle politique agricole commune à un moment où, comme cela vient d'être souligné, la connaissance scientifique a beaucoup avancé. Le Green Deal rassemble des enjeux de sécurité sanitaire, de baisse des émissions de gaz à effet de serre et de préservation de la biodiversité. La recherche sera essentielle, notamment pour atteindre la souveraineté agroalimentaire, tant souhaitée.
Le Green Deal présente également l'avantage de donner une vision claire de ce que veut l'Union européenne. La prise en compte du réchauffement climatique n'est plus une éventualité : c'est tout simplement une nécessité. J'aime à rappeler que l'agriculture est l'occupante principale des territoires ; elle doit, à ce titre, s'emparer des thématiques liées à la biodiversité et au climat. La stratégie « De la ferme à la table », quant à elle, s'empare de la question de la sécurité alimentaire, en prenant en compte notamment la qualité de l'air et de l'eau, et fixe pour objectif une diminution de 50 % de l'utilisation des produits phytosanitaires.
J'ajoute que ces différentes mesures n'ont de sens que dans la perspective d'une ambition forte en matière de souveraineté alimentaire. Je sais, Monsieur le ministre, que vous vous êtes emparé de la question de l'autonomie protéique au sein de l'Union. Je vous en remercie, car c'est un enjeu essentiel. En effet, à quoi bon s'infliger des efforts si les importations restent libres, seulement soumises à la loi de l'offre et de la demande ?
S'agissant de la demande, en l'occurrence de la consommation, je voudrais vous interpeller, Monsieur le ministre, sur une autre question dont on parle trop peu, à mon avis, alors qu'elle est très importante : je veux parler de la démographie. La population mondiale a été multipliée par trois en cinquante ans. Dans les années à venir, c'est la dimension qualitative qui sera privilégiée à travers les programmes que j'ai évoqués ; on ne peut que s'en réjouir, mais la croissance démographique appelle plutôt à faire du quantitatif.
Comment trouver un bon équilibre, Monsieur le ministre, entre, d'une part, la préservation de la biodiversité et des terres agricoles en Europe et, d'autre part, le souhait d'assurer la souveraineté agroalimentaire, en limitant les importations, dans un contexte où la demande alimentaire mondiale ne cesse de croître ?
Permettez-moi de saluer à mon tour, Monsieur le ministre, votre engagement pour cette politique agricole commune du futur.
Il est à craindre que les programmes environnementaux se traduisent, une fois de plus, par un surcroît de bureaucratie, ce qui serait contraire à votre souci d'assurer la compétitivité de l'agriculture, en particulier s'agissant du coût. Par ailleurs, on pourrait imaginer un versant positif : je pense en particulier à une politique qui encouragerait la captation du carbone par les activités agricoles. Non seulement cela participerait à la logique de la neutralité carbone, mais cela ouvrirait une nouvelle perspective pour les activités agricoles. Pourriez-vous envisager un développement dans ce sens, s'adossant à la politique agricole commune ?
En ce qui concerne le renouvellement des générations, le Parlement européen a beaucoup insisté sur la nécessité d'encourager l'installation des jeunes agriculteurs. C'est un enjeu important, en France comme en Europe. Comment voyez-vous les évolutions de notre politique nationale en matière d'accompagnement des jeunes agriculteurs, notamment dans le domaine de la formation ?
En juillet dernier, les chefs d'État ont négocié le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 et ont obtenu la stabilisation en euros courants du budget de la PAC. La légère diminution du premier pilier – en recul de 1,9 % – est compensée par une augmentation du second pilier.
Néanmoins, les fonds sectoriels n'ont pas été actés. L'enveloppe proposée par la Commission pour le programme national d'aide à la filière vitivinicole est en diminution de 3,9 % : 269 millions d'euros à compter de 2021, contre 280 millions à l'heure actuelle. Rappelons que ce programme national, qui existe depuis plus de dix ans, est reconnu comme étant un outil très efficace. Il permet à la filière de gagner en compétitivité, notamment via la mise en place de mesures structurantes – investissements dans les chais, campagnes de promotion du secteur à l'étranger, restructuration du vignoble.
Pour relancer son économie, fortement affectée par la crise sanitaire et les taxes américaines, la filière vitivinicole a besoin de ces mesures. Elle demande le maintien du budget de l'enveloppe, ou à tout le moins une baisse en corrélation avec la diminution qui a été actée pour le budget du premier pilier, à savoir de 1,9 %.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer la raison de cette diminution de près de 4 % envisagée pour l'enveloppe de l'organisation commune de marché (OCM) de la filière vitivinicole ? Pourquoi, dans la situation actuelle – la filière est particulièrement touchée par la crise –, ne pas garder a minima l'enveloppe de 280 millions d'euros, qui a été entièrement consommée cette année ?
Je salue à mon tour le sénateur Jean Bizet et lui souhaite bon vent pour ses nouvelles fonctions. Je suis sûr qu'il accompagnera avec beaucoup de brio ceux qu'il conseillera dorénavant. J'aurai seulement le regret de ne plus échanger avec lui sur les projets en cours – je pense notamment à notre combat commun contre les déserts vétérinaires, dans lequel il a tant œuvré.
En définitive, le sénateur Jean Bizet et le député Jean-Baptiste Moreau posent la même question : comment affirmer une ambition agro-environnementale tout en s'assurant que ces mesures puissent être mises en œuvre par les agriculteurs ? Je le dis comme je le pense – on peut rarement m'accuser de pratiquer la langue de bois –, une erreur a été faite dans le débat public : on ne parle jamais de la nécessité, pour s'engager plus vite dans l'agroécologie, de créer de la valeur. On a même tendance à dire bien trop facilement aux agriculteurs que, s'ils font de l'agroécologie, ils vont créer de la valeur.
Or, créer de la valeur, c'est quelque chose de très concret : il suffit de prendre le compte de résultat de l'exploitation pour voir ce qu'il en est. Il s'avère qu'un nombre très significatif d'agriculteurs gagnent 10 000 à 12 000 euros par an, sans parler de ceux qui ne gagnent rien du tout. Et l'on impose à ces personnes d'opérer telle ou telle transition, de respecter telle ou telle condition ; on leur interdit telle ou telle chose ; on leur reproche – ce qui m'horripile tout particulièrement – de ne pas en faire assez. Avec la nouvelle politique agricole commune, d'ici à 2027, entre 20 % et 30 % de leurs pratiques devront une nouvelle fois basculer dans le sens de mesures environnementales. Qui, dans cette salle, devra bouleverser ces six prochaines années presqu'un tiers de son quotidien ? Quand ce sont les agriculteurs qui sont concernés, on considère que c'est facile.
Tout est faisable, mais à condition de créer de la valeur. Je ne parle pas là capitalisme : c'est tout simplement la condition pour vivre de son travail et réussir à convaincre des jeunes d'exercer l'un de ces superbes métiers du vivant. Je condamne tous ceux qui prennent ainsi à légère la question de la création de valeur. C'est trop facile. Pire, certains tombent dans cette folie française consistant à dire que c'est l'État qui va financer. La seule question est de savoir comment créer de la valeur, car plus on en créera, plus la transition sera rapide.
Le glyphosate est un très bel exemple de ce que je cherche à démontrer. Comme vous le savez, nous avons décidé diminuer de moitié les autorisations de mise sur le marché (AMM) – nous sommes les premiers en Europe à opérer une telle transition ; je le dis sans intention d'entrer dans le débat agronomique ou sanitaire. Or, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), qui délivre les AMM, a prévenu que cette mesure affecterait l'excédent brut d'exploitation (EBE) des exploitations à raison de 5 % à 20 % selon les secteurs, et de 10 % en moyenne. Qui, alors, a levé la main pour demander si l'on se rendait bien compte de ce que l'on était en train de faire ? La sortie du glyphosate ne crée aucune valeur pour les agriculteurs – personne ne paiera plus cher leurs produits sous prétexte qu'ils portent la mention : « Sortie du glyphosate ». Comment réagiraient ces gens qui nous donnent des leçons de morale à longueur de journée si, au cours des trois prochaines années, ils voyaient leurs revenus ou leurs marges réduits de 5 % à 20 % ? Dans quel autre secteur accepterait-on une chose pareille ? Monsieur Cabanel, vous m'avez interrogé sur la viticulture, et ce que vous avez dit est vrai, mais regardez ce que l'ANSES prévoit pour la filière en termes de diminution de l'EBE. Après, vous allez me dire qu'il faut la soutenir.
Il n'y a que deux manières de créer de la valeur : soit on agit sur la compétitivité-coût soit on augmente la compétitivité hors-coût.
Ce qui détermine la compétitivité-coût, ce sont d'abord les charges sociales, patronales et salariales. Notre gouvernement, me semble-t-il, s'est attaché à montrer à quel point il voulait diminuer ces cotisations. Manque de chance, de nombreuses exploitations agricoles n'emploient pas de salariés : abaisser les charges sociales patronales n'augmente donc pas leur compétitivité.
Ensuite, on peut agir sur le temps de travail. Mais il est impossible, même si certains s'y sont risqués, de dire aux agriculteurs, qui travaillent déjà soixante-dix heures par semaine, d'aller jusqu'à soixante-quinze heures, voire d'y consacrer leurs nuits.
La fiscalité locale est un autre levier. À cet égard, nous avons diminué les impôts de production. Le problème est que les agriculteurs ne les payent pas : la seule taxe locale à laquelle ils sont assujettis, c'est celle sur le foncier non bâti, et encore seulement s'ils sont propriétaires de leur terre, ce qui parfois n'est pas le cas.
Conclusion, on peut toujours dire que l'on va créer de la compétitivité-coût, mais ce n'est pas vrai.
À côté de cela, il y a la compétitivité hors-coût. De quoi s'agit-il ? C'est de la création de valeur par le consommateur. Tous ceux qui défendent cette option n'achètent-ils que des produits au juste prix ?
À un moment donné – c'est ce que disaient le sénateur Jean Bizet et le député Jean-Baptiste Moreau –, la question n'est pas de savoir si on est pour ou contre l'agroécologie. Je l'ai toujours dit : les agriculteurs sont plus écologistes que les écolos. Je le pense sincèrement. Si j'ai fait des études d'ingénieur agronome il y a vingt-cinq ans, c'est parce que je crois profondément à la préservation de l'environnement. Mais l'écologie que nous devons mettre en œuvre, c'est une écologie de la raison. Il faut prendre les questions par le bon bout. En l'occurrence, plus vite on réglera le problème de la création de valeur, plus vite on réussira la transition. Or, quel que soit le sujet, qu'a-t-on fait depuis dix ou quinze ans ? On a versé des subventions et encouragé le machinisme agricole. Mais que se passe-t-il quand, pour aider les agriculteurs à abandonner telle ou telle molécule, on les oriente vers des machines ? Leurs charges augmentent, notamment à cause du gasoil, ainsi que leur temps de travail. Je suis désolé, mais ce n'est pas ce qui s'appelle créer de la valeur.
Le seul message que l'on devrait faire passer à nos concitoyens, en sortant des caricatures, c'est qu'il faut manger des produits frais issus de l'agriculture française et accepter de les payer au juste prix. C'est la seule façon de créer de la valeur. Et il est naïf de penser que l'on peut continuer, dans le même temps, à importer des produits. Toutefois, il faut aussi être lucide, et comprendre que le marché est mondialisé : le cours du blé n'est pas déterminé par l'Union européenne ; les concurrents du blé français, ce sont les blés ukrainien et biélorusse.
Monsieur Montaugé, j'ai déjà parlé du montant de la PAC : je n'y reviens pas. Vous avez raison de soulever la question de la gestion du risque ; elle est fondamentale. Au-delà du prix, le b.a-ba en agronomie, ce sont l'eau, le temps de la terre et la gestion des risques qui y sont afférents.
Pour ce faire, il faut commencer par investir dans ce qui permet de limiter les aléas. La meilleure des assurances pour la politique agricole française consiste à investir massivement dans le stockage de l'eau – à travers la construction de bassines, par exemple – et à élaborer des modèles d'irrigation. Encore faut-il que le courage politique soit au rendez-vous. Or, force est de constater que certains élus locaux ne jouent pas leur rôle. J'en connais un exemple frappant : un conseil régional devait financer la construction d'une bassine, mais il a suffi qu'une poignée de manifestants accompagnés de deux leaders politiques protestent pour qu'il retire sa contribution. C'est inacceptable. Les projets doivent être menés dans la concertation, mais l'eau, en agriculture, c'est la première des choses.
Faut-il créer un mécanisme assurantiel ? Je le crois, mais, pour l'instant, nous n'avons pas encore trouvé la martingale. Nous y travaillons depuis dix-huit mois – il y a quelques jours encore, j'avais un rendez-vous avec des représentants de Groupama. Pour dire les choses simplement, il faut réduire le coût de la police d'assurance, mais cela suppose d'élargir le volet assurantiel. Pour l'instant, n'y a pas de consensus dans la profession sur ce point. C'est un sujet compliqué, mais nous devons l'aborder.
Les sommes versées par la politique agricole commune doivent-elles pouvoir financer un volet assurantiel ? C'est une vraie question. Pour l'instant, la France n'a pas fait ce choix. Les Italiens poussent dans ce sens. La question peut légitimement être posée dans le cadre du PSN. Mais si nous utilisons de cette manière une partie des fonds, nous financerons moins d'autres actions, qu'il s'agisse des paiements de base ou des mesures agro-environnementales, car l'enveloppe n'est pas extensible.
Vous avez évoqué les zones intermédiaires, ce dont je vous remercie car c'est un de mes principaux sujets de préoccupation. Elles connaissent des difficultés croissantes, notamment à la suite des redistributions. Un volet assurantiel serait une forme de redistribution en leur faveur. Nous devons avoir ce débat dans le cadre du PSN. C'est une question sacrément compliquée, mais je suis prêt à l'aborder pour pouvoir avancer.
Monsieur Potier, vous avez parlé de l'agrandissement des exploitations. Vous connaissez cela par cœur : là où la situation est très compliquée, c'est dans les zones intermédiaires. Si les exploitations ont continué à s'agrandir, ce n'était pas pour améliorer leur compétitivité : c'était la seule façon pour elles de survivre. Il a été décidé, il y a dix ou quinze ans, d'arrêter l'élevage dans ces zones. Était-ce une bonne idée ? La question est légitime, et je crois que vous connaissez ma réponse…
Je suis favorable aux mesures de marché que vous évoquez. La crise de la covid-19 a d'ailleurs montré que l'Europe n'allait pas suffisamment loin à cet égard. On l'a vu notamment à propos du vin – M. Cabanel le disait très justement. Il faut donc continuer à travailler sur le règlement OCM. C'est compliqué, évidemment, mais cela me paraît nécessaire. Par ailleurs, en ce qui concerne les organisations paysannes et rurales (OPR), je trouve que votre idée est bonne.
Monsieur Louault, vous avez raison : nos politiques de recherche doivent permettre d'accompagner les agriculteurs. L'INRAE et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) sont des trésors, de même d'ailleurs que les instituts techniques privés : nous sommes des leaders dans ce domaine. Toutefois, il est rare que des agriculteurs se réjouissent d'avoir pu tirer profit de leurs recherches. Le problème que vous soulevez est assez général : c'est celui du lien entre la recherche et ses applications concrètes. Nous devons accentuer le travail de vulgarisation. À moi, en tant que ministre, de donner des orientations, par exemple à propos de la betterave ou de la sortie du glyphosate – et il y a d'autres questions pour lesquelles nous risquons de nous trouver dans une impasse. Ne réitérons pas l'erreur qui a été commise avec la betterave, organisons-nous et accompagnons les agriculteurs. La diffusion des exemples est l'un des objectifs du plan Écophyto II+. Les fermes DEPHY – démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires –, par exemple, fonctionnent très bien ; l'enjeu est de faire en sorte que les résultats essaiment un peu partout.
Madame Crouzet, je partage vos propos concernant les haies. Celles-ci continueront d'ailleurs de compter au nombre des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). Dans le cadre du plan de relance, nous consacrons 50 millions d'euros à l'installation de haies – soit 7 000 kilomètres.
Monsieur Haye, la question démographique est essentielle. Toutefois, il ne faut surtout pas opposer les modes de production entre eux : la France doit rester une puissance exportatrice tout en favorisant la production en circuit court. Je ne pense pas que la solution à l'augmentation de la population mondiale réside dans la course à la production.
La France et l'Europe produisent trop peu de protéines végétales destinées à la nourriture des animaux. Le système qui consiste à les importer d'Amérique du Sud – en participant, au passage, à la déforestation du continent – est un non-sens ; mais il provient d'une série d'accords internationaux qui ont concouru à établir, depuis cinquante ans, deux grands blocs de production. En ce qui me concerne, je me bats en faveur d'une production européenne, et singulièrement française, de protéines végétales pour les animaux. Il est vrai qu'il existe de nouveaux modes de production de protéines, pour lesquels la France est d'ailleurs leader – je pense, par exemple, à l'utilisation d'insectes dans la pisciculture. Ces évolutions nous permettront de libérer de la surface agricole pour d'autres productions.
Monsieur Herth, vous parliez de la captation du carbone, question que j'ai à cœur de faire avancer. Comme je le disais, si l'on veut avancer plus vite dans la transition, il faut créer davantage de valeur. La captation de carbone dans le sol est une possibilité de valorisation qui, jusqu'à présent, n'a pas été suffisamment explorée. Dans le domaine énergétique et environnemental, les installations agricoles de méthanisation fonctionnent de mieux en mieux. En ce qui concerne le photovoltaïque, on pourrait aller plus loin. Le potentiel que possède le stockage du carbone dans les sols, en revanche, n'est pas du tout exploité.
Alors que l'agriculture de conservation permet de capter du carbone, les fameux certificats de captation de carbone n'ont jamais été diffusés. En fait, le marché du carbone qui s'est constitué depuis vingt ans intègre des projets d'agroforesterie, mais très peu de projets d'agronomie. C'est un sujet qu'il faut aborder, d'autant que, d'ici à l'été, les directives sur la question seront révisées au niveau européen.
Enfin, Monsieur Cabanel, je vous ai déjà répondu avec franchise à propos des OCM. Ce qui a posé problème, avec le vin, ce n'est pas tant le montant que les outils. Songez que, pour dispositif d'aide au stockage, par exemple, il a fallu attendre un acte délégué, qui vient tout juste d'être pris. Quoi qu'il en soit, j'ai la conviction que nous pouvons continuer à améliorer les mécanismes de marché.
Je voudrais évoquer les eco-schemes, ces mesures qui seront introduites dans le premier pilier à hauteur de 20 % à 30 %. À titre personnel, je considère que 20 % seraient le bon niveau. Les eco-schemes peuvent être un levier stratégique absolument essentiel pour l'agriculture si nous les mobilisons bien. Nous pourrions allier les eco-schemes à la dynamique du plan protéines végétales, les concevoir comme un outil d'allongement des rotations et leur donner une dimension agronomique avec les projets de captation de carbone dans le sol. Il est absolument indispensable de bâtir, dans le cadre des eco-schemes, des programmes qui soient à la portée des agriculteurs mais qui constituent aussi des leviers agronomiques et économiques.
Monsieur le ministre, cela fait plaisir de vous entendre dire que les agriculteurs sont les premiers écologistes. Les agriculteurs ont consenti des efforts importants ; surtout, ils sont les premiers en lien avec les enjeux de la terre.
Un accord a donc été trouvé à propos de l'introduction des eco-schemes dans les aides directes du premier pilier. Il convient de souligner un point de convergence entre les États membres les plus moteurs et ceux qui sont plus récalcitrants. Pour la France, cela se traduit par une baisse du montant des aides du premier pilier et un renforcement du second, particulièrement au travers du plan de relance. Des inquiétudes persistent néanmoins. L'INRAE, saisi par la commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement européen, indique dans un rapport que les objectifs du Green Deal ne seront pas atteints. Ensuite, la Commission européenne a laissé poindre une volonté de renationaliser la PAC. Par ailleurs, hier encore, le vice-président de la Commission européenne en charge du Green Deal, M. Timmermans, a évoqué, lors d'un échange avec certaines ONG, un possible retrait de la proposition de réforme de la PAC.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que le PSN, qui sera la prolongation de cette renationalisation, devait traduire une vision. Je vous rejoins sur ce point. Mais cette vision intègre-t-elle le fait que certains pays, notamment de l'Est, les plus récalcitrants à l'égard des eco-schemes, pourraient faire émerger des distorsions de concurrence et permettra-t-elle, le cas échéant, de réagir ?
Enfin, je partage avec vous la logique selon laquelle il ne faut pas d'interdiction sans solution – nous avons eu le débat récemment à propos des néonicotinoïdes et du glyphosate. Comment défendez-vous cette logique à l'échelon européen ?
Je constate que la PAC a fait une révolution copernicienne, puisqu'elle parle désormais en euros courants. Cela lui permet de remporter une victoire, mais à la Pyrrhus.
Le ministre, on le voit, est très attaché à l'ouverture des marchés et à la compétitivité. Soulignons tout de même qu'avec cette politique européenne, la France est passée de 90 à 190 milliards d'euros d'importations entre 2000 et 2016, et que l'excédent agricole français a été divisé par deux entre 2011 et 2017 – à ce rythme de décroissance, notre pays constatera son premier déficit agricole en 2023.
Non, les produits alimentaires agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres. Il faut conserver cette vision, sans quoi les contraintes que sont les eco-schemes tireront le secteur vers le bas. Les objectifs assignés à ces contraintes environnementales doivent être spécifiques et renforcés au niveau européen – baisse de l'utilisation des produits phytosanitaires, maintien ou progression du taux de matière organique dans les sols, diversité biologique des écosystèmes agricoles. Sans cela, je crains que l'on n'abandonne progressivement cette stratégie, au nom de la compétitivité.
Quels choix seront faits pour favoriser l'indépendance protéique ? Les aides seront-elles couplées et par hectare ? Compenseront-elles les surcoûts et manques à gagner ? Ou seront-elles découplées, sans condition de volume et de type de production ? Notre conception de l'agriculture en dépend. À mes yeux, l'agriculture doit être agroécologique et ne pas avoir pour seule obsession la compétitivité.
Dans un rapport sur la réforme de la PAC de février 2019, les sénateurs ont relevé deux contradictions majeures dans les propositions présentées en 2018 par la Commission européenne – malfaçons qui n'ont jamais été corrigées depuis. La publication de la feuille de route du Green Deal en fait apparaître une troisième, tout aussi grave.
Si la Commission européenne rechigne à publier les études d'impact de la stratégie de transition, le ministère américain de l'agriculture table, de son côté, sur une diminution de 12 % de la production agricole de l'Union d'ici à 2030. Il est quand même incroyable que ce soient les Américains qui nous expliquent ce qui va se passer, et le profit qu'ils en tireront ! Face à une décroissance d'une telle ampleur, à un horizon aussi rapproché, que deviendra l'objectif de souveraineté alimentaire ?
Pourquoi créer, par des décisions fondées sur des considérations idéologiques, les conditions d'un accroissement massif des importations de substitution ? Pourquoi renoncer à notre indépendance alimentaire au moment même où l'Europe ambitionne de retrouver sa souveraineté en matière de production pharmaceutique ?
La région Bretagne a proposé de gérer elle-même les premier et second piliers de la PAC. Nous souhaitons soutenir le modèle familial d'exploitation, favoriser la transition écologique, fixer un montant minimum et plafonner les aides, monter en gamme et en valeur par la transition écologique – nous avons d'ailleurs des propositions à faire pour l'approvisionnement en poulet de la filière de la restauration hors-domicile –, et garder une agriculture qui soit productive.
Vous proposez de renationaliser le second pilier de la PAC, qui était pourtant bien utile pour développer les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) – nous avons réussi à entraîner un quart des exploitations agricoles bretonnes, notamment dans la production de matières azotées, et les agriculteurs en sont relativement satisfaits. Sans ce deuxième pilier, nous ne pourrons plus les accompagner et c'est vers le ministère qu'ils devront se tourner. Cela pose problème.
Nous nous sommes engagés dans une modification du modèle agricole breton, typique de la France du quart Nord-Ouest. La puissance publique est importante – la même avait poussé à l'arrachage des haies dans les années 1970-1980 – ; son rôle est essentiel, tant pour la structuration des nouvelles exploitations agricoles, selon les exigences de la transition écologique, que pour la structuration des marchés, qu'il faut fournir avec les produits nationaux. Les régions doivent faire à l'Europe des propositions qui tiennent la route ; dans bien des pays, ce sont elles qui gèrent directement les deux piliers de la PAC.
Je rappelle, à l'intention de ceux qui parlent d'idéologie, que le contexte dans lequel nous devons nous placer est celui du péril climatique et de l'effondrement de la biodiversité.
À ce stade des négociations, il n'est pas garanti que la réforme de la PAC sera cohérente avec les objectifs déclinés dans le Pacte vert pour l'Europe. Une étude commandée par le Parlement européen montre même le contraire.
La France devra remettre à la Commission son plan stratégique national en 2021. Alors que les négociations se poursuivent, le Gouvernement pourrait s'engager dès à présent à ce que le PSN soit conforme à la nouvelle stratégie de croissance européenne, mais il n'a toujours pas adopté de position sur ce sujet. Pourtant, en mai, le Président de la République avait estimé que le Green Deal ne devait pas être remis en cause, mais accéléré.
La déclinaison nationale de la PAC doit être ambitieuse, notamment dans le soutien à l'agriculture biologique et à l'agroécologie. Il reste beaucoup à faire pour respecter le Pacte vert, comme le montre une lettre adressée par la Commission, pointant les efforts insuffisants de la France dans ce domaine, notamment en matière d'utilisation des pesticides, et l'enjoignant d'utiliser son plan stratégique national pour respecter le Pacte vert. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à ce que le PSN soit conforme au Green Deal ?
À ses débuts, la PAC a encouragé, et c'était sans doute nécessaire, l'agrandissement des exploitations ; elle est aujourd'hui conduite au détriment des installations et d'une juste redistribution. Ma question porte sur la déclinaison nationale de la PAC, alors que nous faisons aujourd'hui le constat de la diminution du nombre de paysans et de la nécessité de soutenir les installations. Êtes-vous favorable à l'augmentation du montant des primes aux premiers hectares, dont bénéficient davantage les petites fermes ou les maraîchers ? Approuvez-vous le plafonnement des paiements directs ?
Vous avez évoqué les filières de qualité, créatrices de valeurs. La filière « vaches allaitantes » exporte les bovins maigres destinés à l'engraissement, alors que la production de bovins de qualité – bœufs, génisses –, qui existe dans nos territoires, n'est pas valorisée. De la même manière, la laine est considérée comme un déchet et le fil importé à bas coût, alors que les entreprises françaises sont demandeuses de fil local.
Enfin, évoquant l'agrandissement des surfaces destinées à la production d'oléoprotéagineux, vous avez parlé de souveraineté et de protection de nos concitoyens. Comment y parvenir après avoir signé des accords d'échanges contraires à ces objectifs ?
On parle de la stratégie « De la ferme à la fourchette », je voudrais pour ma part vous parler « de la vigne au verre ». Je souhaiterais connaître votre position sur les droits de plantation qui viendront à échéance en 2030. Pouvons-nous espérer votre soutien pour obtenir une prorogation de ces droits jusqu'en 2050, et non jusqu'en 2040, conformément à une proposition de résolution européenne adoptée par le Sénat, à mon initiative ?
Plaidez-vous pour que la filière oléicole, à l'instar de la filière viticole, dispose d'une gestion interprofessionnelle de l'offre d'huile d'olive ?
Enfin, les chambres d'agriculture nous alertent sur la situation des éleveurs de poules, de canards et de lapins, qui pourraient ne plus être autorisés à abattre leurs animaux à la ferme, dans le respect des normes sanitaires et de bien-être animal, la dérogation prenant fin le 31 décembre 2020. Ne plus pouvoir vendre leur production en circuit court placerait ces éleveurs dans une situation difficile, d'autant que dans plusieurs territoires déclassés, ils ne perçoivent plus l'ICHN.
La politique agricole commune a cette particularité qu'elle doit être commune.
Vous vous félicitez d'avoir arraché au conseil des ministres de l'agriculture un accord sur la part de 20 % que les États devront consacrer aux éco-régimes dans le premier pilier, rendant ainsi la PAC plus juste et mieux harmonisée. Mais ce que vous taisez, c'est que vous avez laissé augmenter les capacités de transfert d'un pilier vers l'autre.
J'ai fait mes calculs, et je les tiens à votre disposition. La France percevait jusqu'ici 7 milliards d'euros sur le premier pilier, 1,4 milliard sur le second. Si le taux de transfert du premier vers le second pilier est maintenu à 7,53 % – une part des fonds destinés aux éco-régimes pourra être transférée vers des mesures environnementales –, elle disposera de 4,8 milliards sur le premier pilier, de 3,5 milliards sur le second.
Alors que la Commission avait limité les transferts du second pilier vers le premier à 15 % et que le Parlement les avait limités à 5 %, vous avez accepté qu'ils soient portés à 25 %, et jusqu'à 30 % pour les États membres dont les paiements directs par hectare sont inférieurs à 90 % de la moyenne communautaire. Pour les pays de l'Est, dont la Pologne, mais aussi pour l'Espagne et le Portugal – qui, au passage, présidera le Conseil de l'Union à partir de janvier – cela reviendrait, pour un budget équivalent, à disposer de 6 milliards sur le premier pilier et de 2,7 milliards sur le second.
Alors que l'on augmente les contraintes pour la France, ces pays se serviront de ces transferts de crédits pour s'accorder des marges de manœuvre, soutenir leurs agriculteurs et accroître leur compétitivité. Ma question est simple : à quel niveau fixerez-vous le taux de transfert vers le second pilier ? Comment pensez-vous faire respecter à ces pays les engagements qu'ils auront pris dans leur PSN, notamment sur les éco-régimes ? Comment compenserez-vous les distorsions de concurrence nées des transferts de crédits vers le premier pilier ?
J'ai écouté vos déclarations avec beaucoup d'attention, votre vision du modèle de développement de l'agriculture mérite d'être interrogée.
La baisse envisagée de l'enveloppe du POSEI, de 3,9 %, représenterait une perte de l'ordre de 77 millions d'euros pour les outremers. Je sais les efforts que vous avez déployés, Monsieur le ministre, pour défendre ce budget. C'est demain que se réunira le trilogue. Pouvez‑vous nous éclairer sur les options qui restent en discussion ?
Les agriculteurs d'outre-mer se trouvent dans une impasse phytosanitaire : 75 % des maladies tropicales – greening ou encore mosaïque – ne sont pas traitées et, en l'absence de solution, la culture de la canne, de la banane et des agrumes aura disparu avant dix ans. Les firmes privées ne déposent plus de demande d'autorisation de mise sur le marché. Que fait la recherche publique ? Les maladies sont au Sud, les remèdes au Nord.
Monsieur Menonville, c'est le PSN qui déterminera les équivalences au titre de l'eco-scheme. Ainsi, nous faisons en sorte que la certification environnementale de niveau 3 – haute valeur environnementale, HVE –, soit reconnue. Nous envisageons aussi de créer un niveau 2+. Ces équivalences n'ont pas été discutées au niveau du conseil des ministres de l'agriculture, elles feront l'objet de nos travaux ces six ou huit prochains mois.
Monsieur Dive, j'ai réagi aux propos de M. Timmermans lors du dernier conseil des ministres de l'agriculture, rappelant la souveraineté démocratique du Conseil de l'Union et celle du Parlement. La PAC, au cœur de la politique européenne, est fondamentalement démocratique. Ce sont des instances démocratiques qui ont établi ces mandats de négociation, confiés aux représentants du Conseil, du Parlement et de la Commission ; je ne saurais imaginer qu'elles puissent, de près ou de loin, être remises en cause.
Vous avez raison, le plan stratégique national doit respecter le cadre de l'accord politique obtenu le 27 octobre. À ce titre, il s'agit d'un document politique : on ne peut se satisfaire d'une simple négociation bilatérale entre la Commission et l'État membre, il doit pouvoir être présenté au conseil des ministres de l'agriculture. Je veux pouvoir m'assurer, en effet, que les PSN des autres États seront conformes à ce que nous avons fixé. Je me bats en ce sens, mais cela dépendra du calendrier de conclusion des PSN. Ayez à l'esprit que je présiderai le conseil des ministres de l'agriculture à partir du 1er janvier 2022 et que je m'attacherai à inscrire ce point à l'ordre du jour.
Monsieur Chassaigne, il est vrai que la France importe de plus en plus, et le fait que l'Allemagne nous dépasse désormais en termes d'exportations agricoles nous interroge. Mais ce n'est pas la PAC qui aggrave la dépendance agro-alimentaire européenne, bien au contraire. Quelle aurait été la situation sans politique agricole commune, sans marché commun ?
Il faut faire preuve de lucidité, nous n'y arriverons pas si nous ne considérons pas l'agroécologie sous l'angle de la création de valeur. Nous devons créer de la valeur, et dans le même temps protéger. Je ne parle pas de protectionnisme, mais de règles du jeu équitables – ce que les Anglo-saxons appellent le Level playing field –, d'autant plus nécessaires dans un marché commun. J'ai beaucoup poussé pour que la PAC soit plus verte, grâce aux eco-schemes, mais il faut que les mêmes obligations s'imposent à tous.
Monsieur Gremillet, vous êtes plusieurs à vous être fait l'écho d'une étude américaine – ce qui peut paraître étrange. Cette étude montre que le Green Deal entraînera une réduction du volume de production, avec des répercussions sur le statut de puissance exportatrice, nourricière, de l'Europe. Vous y voyez la preuve que la stratégie européenne de transition écologique va trop loin – sans parler de la trajectoire française, plus ambitieuse encore –, quand d'autres disent qu'il n'y a pas du tout de transition. Pour ma part, je suis résolument favorable à cette démarche écologique, mais je pense que la seule solution, pour aller vite, est de créer de la valeur et d'imposer les mêmes règles à tous.
Monsieur Molac, il n'y aura pas de renationalisation du second pilier. Avec Régions de France, nous sommes convenus d'une nouvelle gouvernance à partir de 2023 : les régions auront autorité de gestion sur les aides non surfaciques, l'État aura autorité de gestion sur les aides surfaciques du second pilier. Le modus operandi qui existe aujourd'hui pour les mesures financées par le FEADER, impliquant un comité État-régions, restera inchangé.
Monsieur Labbé, le Green Deal n'est pas une obligation faite aux États membres, comme le sont les eco-schemes. Il s'impose à eux en tant que vision politique, beaucoup plus large d'ailleurs que le champ de la PAC, et doit être traduit dans le cadre du PSN.
La pandémie actuelle nous montre que l'homme, espèce du monde animal, est un élément de l'écosystème du vivant, sujet aux interactions – les zoonoses, ça existe. Je pense qu'aujourd'hui, tout responsable politique doit faire sienne l'approche One Health. Je sais que vos deux chambres sont sensibles à cette initiative, puisqu'elles ont conduit des travaux et organisé des colloques sur ce sujet.
Madame Taurine, la question du remplacement de l'aide à l'hectare par une aide à l'actif, qui avantagerait les petites exploitations, est complexe. Je pense qu'il faut faire très attention sur ce sujet, car la notion d'« actif » n'est même pas définie au niveau européen. Par ailleurs, une aide basée sur le salaire risquerait d'exclure d'autres formes de rémunération, comme le paiement des services environnementaux rendus.
On a souvent tendance à lier taille de l'exploitation et productivisme, donc rentabilité. Je pense que c'est un tort. Dans les zones intermédiaires, à faible potentiel agronomique, les exploitations céréalières dépendent des cours mondiaux : la rentabilité à l'hectare est si faible qu'elles doivent être de taille conséquente pour survivre. On ne gagne pas des hectares pour améliorer sa marge, mais pour maintenir l'exploitation. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un fait, depuis au moins trente ans. Promouvoir les exploitations de petite taille, c'est très bien, mais il faut aussi des agriculteurs. La passion qu'ils entretiennent pour leur métier est grande, elle n'est pas suffisante pour nourrir une famille. Vous ne trouverez pas deux agriculteurs pour reprendre une exploitation en zone intermédiaire, simplement parce que deux familles ne peuvent pas vivre dessus – c'est aussi basique que cela. Je pose une question qui est loin d'être anodine : que va-t-il se passer dans ces territoires ? Y fera-t-on de l'agroforesterie ? Il faut avoir un peu de bon sens territorial, savoir d'où l'on part, et vers quoi l'on va. Je ne vous en fais pas grief, Madame la députée, car je connais le sérieux et la qualité de votre travail.
Madame Jourda, pour tout vous dire, à 3 h 27 du matin, je n'avais rien obtenu sur la prorogation des droits de plantations, car le conseil des ministres de l'agriculture ne voulait pas rouvrir la question des mécanismes de régulation du marché. In extremis, nous avons obtenu une prorogation jusqu'en 2040, ce que je considère déjà comme une avancée. Il reviendra au trilogue de déterminer la date et de la repousser éventuellement à 2050.
S'agissant des abattoirs de toute petite taille, je suis intervenu auprès du Conseil et de la Commission pour trouver une solution et tenter de reporter la fin de la dérogation.
Monsieur Duplomb, la France déterminera ses taux de transfert entre piliers dans le cadre du PSN.
Au conseil des ministres de l'agriculture, nous avons décidé que les taux de transfert – qui étaient de 15 %, avec un maximum de 25 % – seraient portés à 25 % dans la nouvelle PAC. Pour les transferts du P2 vers le P1, le taux pourra aller jusqu'à 30 %. Une erreur de traduction du document nous a laissé craindre un moment qu'il s'agissait d'une augmentation de 30 % du plafond, ce qui portait le taux à presque 33 %, voire que les deux taux s'additionnaient, ce qui revenait à autoriser le transfert de 55 % des montants ! Cette crainte a vite été dissipée et les choses sont désormais claires.
Ces transferts permettent de compenser les différences très importantes entre États membres. La réalité, c'est que le montant du P1 français, comparé à celui du P2, est très élevé : la France disposera de 7,2 milliards d'euros sur le P1 et de 1,4 milliard sur le P2, soit un rapport de 1 à 5, tandis que le rapport sera de 1 à 3 pour la Pologne, avec 3,1 milliards sur le P1 et 1,3 milliard sur le P2. Pour réaliser la convergence, ces pays demandent à pouvoir transférer 30 % des sommes du P2 vers le P1. Une autre solution aurait consisté à réallouer les enveloppes entre les États membres... Inutile de dire que ce n'était pas mon choix.
Les taux de transfert seront fixés dans les PSN. J'en reviens à mon point : le PSN est un document politique. Si des États membres décidaient de prendre une direction totalement opposée, il faudrait que les ministres puissent en être informés, qu'ils aient la possibilité d'en discuter et de faire part de leurs critiques. L'un de mes objectifs, au-delà des négociations du trilogue et de la définition des indicateurs, est d'organiser la présentation des PSN au conseil des ministres de l'agriculture.
Monsieur Lurel, il est très important de financer la recherche dans le domaine phytosanitaire – nous avons tous à l'esprit le scandale du chlordécone et les obligations qui nous incombent désormais.
La baisse de l'enveloppe du POSEI est un message politique qui nous est adressé. Nous avons mouillé la chemise, auprès des ministres de l'agriculture, du Conseil, de la présidence, de la Commission. Les parlementaires européens, au premier rang desquels Stéphane Bijoux, se sont mobilisés et ont organisé un rassemblement devant le Parlement. En effet, c'est demain qu'un trilogue se réunira et qu'une réponse sera apportée à nos demandes. Je sais les parlementaires très attachés au POSEI, mais nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir.
Je vous remercie, Monsieur le ministre. Nous avons compris que le plan stratégique national était un document politique ; à ce titre, il serait souhaitable qu'il soit examiné par le Parlement.
La séance est levée à 10 heures 35.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Yolaine de Courson, Mme Typhanie Degois, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Chantal Jourdan, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Nicole Le Peih, M. David Lorion, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Liliana Tanguy
Excusée. - Mme Frédérique Dumas
Assistaient également à la réunion. - M. Pascal Allizard, Mme Delphine Batho, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Martine Berthet, Mme Florence Blatrix Contat, Mme Marta de Cidrac, Mme Michèle Crouzet, M. Rémi Delatte, M. Gilbert-Luc Devinaz, M. Julien Dive, M. José Evrard, M. Daniel Laurent, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Claude Malhuret, Mme Jacqueline Maquet, Mme Colette Mélot, M. Jean-Pierre Moga, M. Paul Molac, M. Philippe Naillet, Mme Sylviane Noël, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, Mme Patricia Schillinger, M. Jean-Bernard Sempastous, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna