Cependant, tout n'est bien entendu pas parfait. La législation pourrait d'abord être améliorée en adoptant une définition européenne de la « fraude alimentaire ». L'absence de définition harmonisée peut entraîner des retards de réaction de la part des États membres, ce qui a pu leur être reproché dans les derniers scandales alimentaires récents : la fraude à la viande polonaise avariée en 2019, le cas des œufs contaminés au fipronil, la crise du lait infantile en 2017 et bien entendu le scandale dit de « la viande de cheval » en 2013.
De plus, depuis 2002, date du début de la mise en œuvre de la législation alimentaire européenne, le contexte mondial a profondément évolué, notamment sous l'influence de ce que l'on peut appeler la « mondialisation alimentaire ». Celle-ci a induit un éclatement de la chaîne agroalimentaire dans le monde et une augmentation des échanges de denrées. L'Union européenne constitue ainsi le premier importateur et exportateur mondial de produits agroalimentaires.
Il nous faut donc être très vigilants sur le contrôle de la conformité des produits importés aux normes européennes. En effet, la mondialisation alimentaire accroît les risques en matière de production et de distribution des aliments. Or, des analyses montrent qu'entre 8 et 12 % des denrées alimentaires importées de pays tiers ne respectent pas les normes européennes. De plus, parmi les différents types de notification que les États membres envoient aux autres États lorsqu'un risque est détecté, ce sont les rejets aux frontières extérieures de l'UE qui sont majoritaires.
Encore très récemment, l'Union européenne a été confrontée à un cas de fraude alimentaire en lien avec des graines de sésame importées d'Inde et qui ont été contaminées avec un produit, l'oxyde d'éthylène, présent dans des doses mille fois supérieures aux normes européennes. Or, ce produit est considéré comme cancérogène et toxique pour la reproduction.
Le système d'alerte rapide a été déclenché par les autorités belges le 9 septembre dernier et 300 produits ont d'ores-et-déjà été rappelés en France. La Commission européenne a imposé une augmentation de 50 % de la fréquence des contrôles et chaque lot de graines de sésames originaires de l'Inde doit faire l'objet d'un certificat officiel et un lot sur deux fait l'objet d'un contrôle. Il s'agit d'un exemple typique de cette « mondialisation alimentaire » qui n'est pas sans risque pour la sécurité des aliments.
Or, en France, l'article 44 de la loi « Egalim » précise qu'il est proscrit de vendre des denrées alimentaires pour lesquelles il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne.
Nos auditions nous ont bien montré à quel point cet article ne peut pas aujourd'hui être appliqué. On le voit notamment avec l'accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada (CETA), pour lequel un audit de la Commission européenne a démontré qu'il existait des « défaillances » dans le contrôle de la traçabilité du bétail canadien. De la même manière, la commission d'experts qui était chargée par la France d'évaluer les impacts de l'accord avec les Etats du Mercosur a conclu que les garanties sanitaires n'étaient pas apportées.
Ainsi, l'arsenal juridique et technique de l'Union européenne pour contrôler les denrées alimentaires en provenance de pays tiers est encore très insuffisant. Pour l'instant, la Commission européenne renforce temporairement les contrôles de produits en provenance de certains pays tiers, jugés plus à risque.
C'est pourquoi nous proposons que l'Union européenne et les États membres se dotent de moyens techniques et financiers spécifiques pour le contrôle de la conformité des produits agroalimentaires importés. De plus, l'Union doit disposer d'une liste publique et actualisée des États tiers vis-à-vis desquels les contrôles aux frontières sont renforcés. Pour les États de cette liste, des interdictions d'importation pourraient être prononcées rapidement en cas de traçabilité insuffisante, même s'il existe un accord commercial.
Plus généralement, nous avons constaté que certains industriels et États membres rencontrent encore des difficultés pour démontrer une totale traçabilité des produits. C'est pourquoi nous proposons deux voies pour améliorer cette situation.
D'abord, il faut continuer à accroître l'étiquetage de l'origine. Le règlement INCO prévoit cet étiquetage pour certains aliments (viandes, miel, huile d'olive, fruits et les légumes frais) et des expérimentations ont lieu dans certains États membres pour d'autres produits, en particulier le lait. Toutefois, il ne faut pas s'arrêter à cette étape. Il nous faut plutôt une nouvelle réglementation européenne sur l'étiquetage de l'origine géographique, au sein du marché unique, des denrées alimentaires.
Ensuite, nous constatons un important retard européen en matière d'utilisation des nouvelles technologies pour renforcer la traçabilité. C'est pourquoi nous demandons à la Commission européenne de lancer des travaux sur la mise en place de « QR code » permettant de disposer de l'ensemble des informations de traçabilité.