Monsieur Anglade, deux initiatives distinctes devraient être prises concernant les conventions citoyennes. Tout d'abord, nous souhaitons lancer rapidement la conférence sur l'avenir de l'Europe – nous avons, hélas, pris du retard car nous sommes toujours à la recherche de la personne idoine pour en assurer la présidence. Cette conférence devrait voir le jour sous la présidence portugaise et se conclure sous la présidence française. Il est prévu, conformément aux propositions du Parlement européen et de la Commission, que des panels citoyens apportent leurs contributions au même titre que les institutions, les associations et les ONG, sur des thèmes tels que la réforme des politiques européennes, notamment dans les domaines migratoire, climatique et commercial. Des citoyens européens, éclairés par des experts ou des associations, travailleront ensemble à élaborer des propositions communes. Cet exercice était inédit au niveau européen.
Par ailleurs, le Président de la République a évoqué, hier soir, la possibilité d'organiser, sous la présidence française, un exercice similaire à celui de notre convention citoyenne sur le climat. Ce sera l'occasion de défendre des propositions européennes au niveau international, notamment lors de l'événement de l'Organisation des nations unies, Stockholm + 50, qui sera, en 2022, un grand moment de débat sur les objectifs climatiques et environnementaux mondiaux.
Monsieur Dumont, je ne sais pas si cela est de nature à vous rassurer, mais je partage votre frustration et votre impatience face à tant d'incertitudes : les pêcheurs, les entreprises et les citoyens français et européens ont besoin de savoir comment les choses vont se passer. Je peux dire deux choses à sujet. Premièrement, nous savons que, pour nombre d'activités et de déplacements, des changements interviendront au 1er janvier, quoi qu'il arrive ; c'est une certitude que nous devons, tous ensemble, marteler. Nous nous y sommes préparés – c'était l'objet de la visite du Premier ministre à Boulogne et à Calais –, en renforçant les effectifs des douanes, qui bénéficieront de 700 personnels supplémentaires, les effectifs de la police aux frontières, qui bénéficiera de presque 300 personnels supplémentaires, et en recrutant plus de 300 vétérinaires chargés de contrôler le respect de nos normes alimentaires par les Britanniques dans le cadre de leurs exportations vers la France et l'Union européenne. De fait, qu'un accord ait été conclu ou non, le Royaume-Uni sera pleinement un pays tiers à partir du 1er janvier à minuit.
Deuxièmement, au-delà de ces changements inéluctables, l'incertitude demeure quant à l'activité économique, en particulier la pêche. Des droits de douane seront-ils appliqués ? Ce sera le cas si aucun accord n'est conclu.
Nous nous donnons encore quelques jours pour parvenir à un accord – tout cela a parfois des airs de grand théâtre, j'en suis conscient, mais les enjeux sont si importants. Ce faisant, nous ne faisons pas montre de faiblesse : nous avons tout intérêt à conclure un bon accord, qui respecte les intérêts de nos pêcheurs – nous les évaluerons de manière transparente – et les conditions d'une concurrence équitable. Si nous pouvons y parvenir – encore une fois, pas à n'importe quelles conditions : nous n'agissons pas sous la pression du calendrier –, comme Michel Barnier, notre négociateur, en qui nous avons une totale confiance, et la présidente de la Commission européenne elle-même l'a indiqué aux chefs d'États et de gouvernement à la fin du Conseil européen, cela vaut le coup, me semble-t-il, de poursuivre les négociations. Jusqu'à quand ? Sur ce point, je serai prudent : tous ceux qui ont fait des prédictions sur le Brexit se sont trompés… Mais cela se jouera d'ici à la fin de la semaine – la présidente de la Commission souhaitait même que ce soit un peu plus tôt. Nous sommes déjà dans le temps additionnel. Nos pêcheurs, nos entreprises, doivent savoir ce qui se passera le 1er janvier. C'est pourquoi, au-delà des questions de ratification, qui sont importantes, nous avons besoin de quelques jours de délai pour la préparation et l'organisation. Quoi qu'il soit, deal ou no deal, des dispositifs d'accompagnement financier, notamment pour la pêche, sont prévus.
Je suis conscient des frustrations ; je ne dis pas que tout va bien. Du reste, il est encore possible que nous échouions à aboutir à un accord, ce qui ne serait pas satisfaisant, notamment pour les pêcheurs. Mais si nous nous donnons encore quelques jours, c'est parce que nous pensons, malgré tout, qu'il est mieux d'essayer encore, sans pour autant céder sur le fond. J'ajoute – et ce n'est ni une excuse ni une justification – que si cet accord intervient, sa négociation aura pris moins de temps que celles qui ont précédé tous les autres accords commerciaux, bien moins ambitieux et importants, que l'Union européenne a discutés avec des partenaires bien moins importants, qu'il s'agisse du Comprehensive economic and trade agreement (CETA), de l'accord avec le Mercosur ou de l'accord avec le Vietnam. C'est aussi la raison pour laquelle nous nous donnons cette chance supplémentaire de réussir.
Je veux croire que l'évocation de la présence de la Royal Navy dans les eaux britanniques n'est qu'une provocation et une théâtralisation malvenue. Je n'imagine pas une seconde que l'Europe et le Royaume Uni en arrivent à entretenir ce type de relations. Calme et détermination donc, plutôt que provocation et théâtralisation.
Monsieur Bourlanges, nous n'avons pas remis en cause – du reste, nous ne le souhaitions pas – le mécanisme législatif relatif au respect de l'État de droit. Dans sa déclaration, le Conseil évoque essentiellement deux points. Premièrement, il rappelle un fait : tout État membre a le droit d'intenter un recours contre un texte législatif devant la Cour de justice ; je me réjouis d'ailleurs que la Pologne et la Hongrie lui accordent tant de crédit et d'importance ! Deuxièmement, la Commission définira les lignes directrices qui régiront le fonctionnement pratique du mécanisme législatif – leur élaboration prendra quelques semaines ou quelques mois – et attendra le résultat de la procédure juridictionnelle, si elle était déclenchée, pour les appliquer et, le cas échéant, proposer au Conseil une suspension des financements européens ou des sanctions. Pour être honnête, cela ne change pas grand-chose dans les faits : il faudra de toute façon compter plusieurs mois pour rassembler des faits et instruire un dossier. Le mécanisme, qui perdurera au-delà du plan de relance et du budget, ne sera donc pas ralenti ; il sera même conforté, puisque la Cour de justice se sera prononcée et la Commission aura pu engager le travail technique en attendant. Même si la Cour de justice se prononce, par exemple, le 1er janvier 2022, les atteintes à l'État de droit constatées à partir du 1er janvier 2021 pourront être sanctionnées.