J'éprouve respect et tristesse pour la grande femme politique qu'était Marielle de Sarnez, qui restera une référence en matière européenne.
La semaine prochaine, nous discuterons en séance de la décision sur ressources propres de l'Union européenne. C'est un sujet dont nous avons beaucoup parlé ces dernières années, dans le cadre des discussions sur le cadre financier pluriannuel et à l'occasion des débats sur le prélèvement sur les recettes de l'État. Je ferai le mois prochain un point sur l'avancée de la mise en œuvre du cadre financier pluriannuel.
Je partirai de l'article 1er de la décision sur les ressources propres, qui énonce l'objet même du rapport : « la présente décision établit les règles d'attribution des ressources propres de l'Union en vue d'assurer le financement du budget annuel de l'Union européenne ».
L'article 3 de la décision fixe le nouveau plafond des ressources propres. Par rapport à la décision de 2014, le montant maximum que l'Union peut appeler chaque année pour financer ses crédits de paiements est relevé de 1,2 à 1,4 % de la somme du revenu national brut de tous les États membres. Cette augmentation s'explique par trois facteurs : le Brexit, la crise économique que nous vivons et le changement de périmètre du budget européen, avec l'intégration dans le budget européen du fonds européen de développement, jusqu'ici financé par des contributions nationales. Cette augmentation était nécessaire pour la continuité des politiques européennes.
L'article 2 porte à quatre le nombre de ressources propres du budget de l'Union européenne. Outre les ressources propres traditionnelles, la ressource fondée sur la TVA et la ressource d'équilibre fondée sur le revenu national brut, une nouvelle contribution nationale calculée en fonction du poids des emballages plastiques non recyclés par chaque État membre est introduite. J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer mes réserves sur cette ressource, qui est en fait un nouveau prélèvement sur les États, et dont le rendement déjà modeste décroîtra au fur et à mesure des progrès réalisés dans le recyclage. C'est une ressource que l'on peut qualifier de temporaire et qui ne représente que 4 % du budget. C'est une « petite » ressource mais elle est bienvenue.
Le troisième élément que je souhaitais évoquer, ce sont les rabais. Contrairement à ce que nous avions tous espéré, le Brexit ne s'est pas accompagné de la suppression des rabais. Hormis le Royaume-Uni, tous les Etats membres qui bénéficiaient déjà d'un rabais le conservent. Les différents rabais existants sont remplacés par une correction forfaitaire annuelle, qui s'élèvera à 3,7 milliards d'euros pour l'Allemagne, 1,9 milliard d'euros pour les Pays-Bas, 1,07 milliard d'euros pour la Suède, 565 millions d'euros pour l'Autriche et 377 millions d'euros pour le Danemark.
La création d'une nouvelle ressource propre sur les emballages plastiques non recyclés s'accompagne également de la création d'une correction pour dix-sept États membres. Cette correction annuelle correspond à 3,8 euros par habitant, pour les États les plus « pauvres » de l'Union., dont vous trouverez la liste dans le rapport.
Grâce à la suppression du rabais britannique, la contribution française au financement des rabais est toutefois moindre. Nous passons de 2 milliards à 1,5 milliard d'euros par an.
Pour en terminer avec le sujet des rabais, je précise que le pourcentage des droits de douane retenu par les Etats membres au titre des frais de perception est porté de 20 à 25 %. Même s'il ne s'agit pas d'une correction au sens strict, cela peut être considéré comme une forme de rabais pour les Pays-Bas et pour la Belgique et une perte de recettes pour l'Union européenne.
Il me semble ensuite intéressant d'évoquer les conséquences pour la France de cette décision. Au total, l'entrée en vigueur du nouveau CFP et de la nouvelle décision sur les ressources propres va se traduire par une augmentation significative de la contribution française. Ressources propres traditionnelles incluses, celle-ci devrait s'élever à environ 29,6 milliards d'euros par an en moyenne. C'est une augmentation de 8 milliards d'euros. Cela traduit un vrai engagement de la France dans les politiques publiques européennes. À partir du moment où nous nous engageons financièrement, nous nous engageons politiquement et nous nous engageons au développement de l'Union européenne. Je pense que c'est une bonne manière de procéder puisque nous souhaitons la construction intrinsèque de l'Union européenne et la consolidation de son économie. Cela représente une contribution supplémentaire pour notre budget national et je vous rappelle qu'il faut aussi, en étant parlementaires nationaux, que nous traitons notre budget national avec bienveillance.
Au-delà des modifications du mode de financement du budget européen, ce qui fait la spécificité et le caractère historique de la présente décision sur les ressources propres, c'est qu'elle constitue l'acte fondateur du plan de relance européen. Ce sont les articles 5 et 6 consacrés aux « moyens supplémentaires extraordinaires et temporaires pour faire face aux conséquences de la crise de la Covid-19 ». Les deux termes, « extraordinaires » et « temporaires », sont très importants.
Ce plan est constitué de 750 milliards d'euros empruntés sur les marchés, ce qui est historique. C'est une ressource importante qui va être injectée dans les États membres. Nous avons ici la clé de voûte d'une avancée peut-être historique de l'Union européenne pour le développement intrinsèque de son économie. L'objectif de cet argent, distribué en 390 milliards d'euros de dépenses et 360 milliards d'euros de prêts, est d'aboutir à la consolidation de notre économie ou au moins à son maintien.
Cet emprunt entraîne un relèvement temporaire du plafond des ressources propres de 0,6 point au-delà du 1,4 % déjà prévu pour le financement du cadre financier pluriannuel.
Le remboursement de cet emprunt commun n'interviendra pas dans le cadre financier qui débute, mais à partir de 2028. Les remboursements devront se terminer au plus tard le 31 décembre 2058.
Le dernier élément important, qui n'apparaît pas directement dans la décision sur les ressources propres, est la feuille de route incluse dans l'accord interinstitutionnel, qui fixe un calendrier précis pour l'introduction de nouvelles ressources.
Après l'introduction de la contribution sur les plastiques non recyclés dans la décision sur les ressources propres, la feuille de route prévoit deux étapes. D'ici juin, la Commission devrait proposer des textes pour un mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, une ressource propre fondée sur le système d'échange de quotas d'émission et une redevance numérique, pour un examen au Conseil avant le 1er juillet 2022 et une mise en place pour le 1er janvier 2023.
Une seconde étape, moins précise, est fixée pour juin 2024. La Commission proposera alors de nouvelles ressources propres, qui « pourraient inclure » une taxe sur les transactions financières et une contribution financière liée au secteur des entreprises, voire une nouvelle assiette commune de l'impôt sur les sociétés (ACCIS).
L'engagement commun de la Commission, du Conseil et du Parlement européen à travailler à l'introduction de nouvelles ressources propres est assurément une excellente nouvelle. Nous espérons qu'il permettra d'aboutir.
En conclusion, quelles que soient les frustrations, il faut laisser place à la concrétisation. Nous allons tourner la page du Brexit, de la crise sanitaire, il faut préparer le rebond économique.
Nous allons pouvoir développer le développement intrinsèque de l'Union européenne. Il faut aujourd'hui consolider notre développement économique, l'activité et l'industrie de l'Union européenne.
Un engagement rapide des mesures préparées pourrait constituer ce que j'appellerai le premier vaccin économique européen.