En ce début d'année, il est utile de faire un point sur l'entrée en vigueur du cadre financier pluriannuel et du plan de relance européen. La négociation a occupé une bonne partie de l'agenda de la présidence allemande en fin d'année dernière et nous a également occupés au sujet de la décision ressources propres.
Je vais dérouler ma présentation avec un premier chapitre consacré au cadre financier pluriannuel 2021-2027 et un second davantage axé sur le plan de relance européen, en m'attardant plus particulièrement sur la préparation des plans nationaux.
Au préalable, il me semble important de rappeler deux éléments de contexte. Tout d'abord, le veto de la Hongrie et de la Pologne sur le cadre financier pluriannuel et la décision sur les ressources propres – veto destiné à exprimer leur opposition au régime de conditionnalité pour la protection du budget de l'Union – avait pu laisser craindre, en novembre, que le budget de l'Union pour 2021 doive s'engager sur la base du douzième provisoire.
Cependant, le Conseil européen des 10 et 11 décembre a permis de débloquer la situation sans remettre en cause le texte déjà négocié sur l'État de droit.
En ce qui concerne le budget socle de l'Union européenne, les quatre grands textes transversaux ont été publiés au Journal Officiel du 22 décembre.
Il s'agit du règlement fixant le cadre financier pluriannuel, pour un montant total de 1 211 milliards d'euros en euros actuels ; de la décision sur les ressources propres ; de l'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, qui comprend la feuille de route pour l'introduction de nouvelles ressources propres et enfin du règlement relatif à un régime de conditionnalité pour le budget de l'Union, qui s'applique à la fois au cadre financier pluriannuel et au plan de relance.
L'accord sur ces textes a permis l'adoption dans les temps du budget pour 2021.
En revanche, les règlements sectoriels relatifs aux programmes du cadre financier pluriannuel n'ont pas encore été adoptés définitivement, à de rares exceptions près, comme le règlement fixant le régime transitoire de la politique agricole commune (PAC) en 2021 et 2022. Les dernières semaines de la présidence allemande ont toutefois permis des progrès rapides dans les négociations et des accords provisoires ont été conclus entre le Parlement européen et le Conseil pour la plupart des programmes. Ces accords politiques, s'ils n'ont pas encore été juridiquement adoptés, permettent à la Commission de commencer à préparer la mise en œuvre des programmes pour un engagement fluide des dépenses.
Quelques textes font encore l'objet de discussions politiques, dont la facilité de prêt au secteur public dans le cadre du mécanisme pour une transition juste et le mécanisme pour l'interconnexion en Europe, mais d'après mes informations les difficultés devraient se résorber rapidement.
La réserve d'ajustement au Brexit également n'a pas encore abouti, mais ce délai est tout à fait normal puisque ce texte a été proposé en décembre. Dans la phase actuelle, chaque État cherche à maximiser le soutien qu'il peut obtenir de cet instrument spécial sur le Brexit, doté de 5,4 milliards d'euros hors plafonds du cadre financier pluriannuel.
Enfin, la discussion se poursuit sur la réforme de la PAC qui représente 344 milliards d'euros aux prix de 2018, soit près d'un tiers du budget de l'Union européenne. Il s'agit d'un sujet éminemment politique, particulièrement important pour la France. Son entrée en vigueur est décalée de deux ans, ce qui nous donne un peu de temps. Toutefois, nous resterons vigilants sur les discussions.
Globalement, il ne semble pas y avoir d'inquiétude sur fait que le cadre financier pluriannuel pourra être mis en œuvre comme il se doit.
Mon second point porte sur les évolutions du cadre financier pluriannuel au cours de la négociation avec le Parlement européen. Je distinguerai trois volets.
Le premier est l'allocation de 15 milliards d'euros supplémentaires aux programmes considérés comme prioritaires par le Parlement européen. Le Conseil avait imposé une ligne rouge, à savoir la non-modification des plafonds. Les négociateurs ont donc dû faire preuve de créativité. Ces 15 milliards d'euros proviendront à hauteur de 11 milliards entre 2022 et 2027 du produit des amendes pour infraction aux règles de concurrence, de 2.5 milliards d'une réduction des marges disponibles sous les plafonds, d'un milliard d'euros de l'utilisation des reliquat de la facilité d'investissement ACP, et de 0,5 milliard d'euros de la réutilisation de crédits dégagés d'Horizon Europe.
Ces quinze milliards d'euros supplémentaires vont permettre d'abonder dix programmes : Horizon Europe, l'Union européenne pour la santé, Erasmus+, Invest UE, le Fonds pour la gestion intégrée des frontières, l'instrument de voisinage, Droit et valeurs, Europe Créative, Frontex et Aide humanitaire. Il s'agit ainsi d'une véritable avancée parlementaire européenne.
Le second volet porte sur l'ambition environnementale du cadre financier pluriannuel.
L'accord interinstitutionnel a confirmé l'objectif de consacrer au moins 30 % du montant total des dépenses du budget et du plan de relance au soutien des objectifs en matière de climat. La principale nouveauté tient à fixation par la Commission de la contribution minimale attendue dans chaque programme. Cette contribution minimale va de 16 % pour l'aide de préadhésion à 100 % pour le Fonds pour une transition juste, l'objectif étant d'atteindre 30 % du volume total du cadre financier pluriannuel.
Une autre évolution majeure dans l'orientation du cadre financier pluriannuel concerne la biodiversité. Le Parlement a obtenu qu'un seuil minimal de 7,5 % des dépenses du cadre financier pluriannuel soit alloué aux objectifs en matière de biodiversité en 2024, seuil porté à 10 % pour les années 2026 et 2027.
Ce sont ainsi deux apports essentiels à la lutte contre le changement climatique et pour la protection de l'environnement, sujets auxquels nos concitoyens sont particulièrement sensibles.
Enfin, le troisième volet de ces évolutions tient au renforcement voulu par le Parlement européen des dispositifs de flexibilité prévus dans le cadre financier pluriannuel. Pour s'adapter aux imprévus, le cadre financier pluriannuel est doté de trois instruments spéciaux thématiques: le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, la Réserve de solidarité et d'aide d'urgence, et la Réserve d'ajustement au Brexit. S'ajoutent à ces éléments deux instruments non thématiques qui sont, d'une part, le dispositif de marge unique, qui permet sous certaines conditions de transférer les marges disponibles sous les plafonds d'un exercice à un autre ou d'une rubrique à l'autre, et, d'autre part, l'instrument de flexibilité autorisant la prise en charge de dépenses imprévues spécifiques pour un exercice donné. Le Parlement a obtenu un milliard d'euros supplémentaires pour ce dernier.
En revanche, la proposition initiale de la Commission prévoyant une révision du cadre financier pluriannuel à mi-parcours n'a pas été retenue. Dans une déclaration unilatérale, la Commission a toutefois annoncé qu'elle présenterait un réexamen du fonctionnement du cadre financier pluriannuel au plus tard au 1er janvier 2024, qui pourra être accompagné de propositions de révisions.
L'accélération de la temporalité socio-économique ces derniers mois rend d'autant plus nécessaires ces outils de flexibilité et le réexamen en 2024.
Le troisième élément constitutif du cadre financier pluriannuel sur lequel je souhaitais insister est la conditionnalité au respect de l'Etat de droit, dont je vais rappeler quelques éléments essentiels.
Le Conseil européen a prévu qu'en cas de recours auprès de la Cour de Justice de l'Union Européenne sur le règlement, aucune sanction ne serait proposée avant qu'elle n'ait rendu sa décision. Le règlement s'applique toutefois depuis le 1er janvier au titre des engagements pris dans le cadre du nouveau cadre financier pluriannuel et du plan de relance. Il précise expressément que le Conseil ne prendra des mesures que si les violations des principes de l'État de droit portent atteinte ou présentent un risque sérieux de porter atteinte à la bonne gestion financière du budget de l'Union ou à la protection des intérêts de l'Union d'une manière suffisamment directe. Des critères très précis ont été établis à cette fin.
Parallèlement, la protection des bénéficiaires des fonds a été renforcée. Le règlement précise explicitement que les mesures prises en son application sont sans incidence sur les obligations des Etats ou entités publiques concernées à l'égard des destinataires finaux.
Il s'agit d'une disposition structurante pour l'avenir de l'Union européenne.
La seconde partie de mon intervention concernera plus particulièrement le plan de relance européen. Trois éléments conditionnent son entrée en vigueur.
Tout d'abord, l'approbation de la décision sur les ressources propres par tous les Etats membres conformément à leurs exigences constitutionnelles. Le second élément tient à l'adoption de l'intégralité de la législation européenne ; et le troisième porte sur les plans nationaux pour la reprise et la résilience qui sont adjoints à ce plan de relance européen.
En ce qui concerne les ratifications de la décisions sur les ressources propres, selon les calendriers prévisionnels qu'ils ont établis, la grande majorité des Etats membres entend procéder à la ratification d'ici le mois d'avril, mais quelques points d'interrogation subsistent.
Aux Pays-Bas, par exemple, des élections doivent se tenir au mois de mars. Cela conduit cet État à envisager une ratification parlementaire en avril, au moment même où d'autres pays publieront leurs plans nationaux avec un risque évident d'interférences entre les deux débats. Quant à la Pologne et la Hongrie, elles n'ont, à ce stade, pas donné d'indication sur ce calendrier. Elles semblent dans une position d'attente vis-à-vis de la publication des orientations de la Commission sur la conditionnalité « État de droit », et de la ratification par les pays nordiques.
À moins qu'un incident ne survienne, il paraît raisonnable d'espérer une ratification par l'ensemble des États d'ici la fin du premier semestre. Actuellement six pays ont finalisé la procédure nationale de ratification, dont la France, début février.
La seconde condition de mise en œuvre du plan de relance, c'est l'adoption des textes européens.
En plus de la décision sur les ressources propres que je viens d'évoquer et qui relève désormais des États membres, la législation nécessaire à la mise en œuvre du plan de relance comprend aussi le règlement établissant l'instrument pour la relance, et les actes sectoriels des instruments financés : la facilité pour la reprise et la résilience (672,5 milliards d'euros), REACT-EU pour le soutien à la reprise en faveur de la cohésion et des territoires (47,5 milliards d'euros), le Fonds pour une transition juste (10 milliards d'euros), le développement rural (7,5 milliards d'euros), InvestEU (5,6 milliards d'euros), Horizon Europe (5 milliards d'euros), et enfin RescEU (1,9 milliard d'euros).
Le texte établissant l'architecture globale du plan de relance, ainsi que ceux concernant REACT-EU et le développement rural, ont été publiés au Journal officiel en décembre. Le règlement, le plus attendu, créant et établissant la facilité pour la reprise et la résilience, soit plus de 90 % des montants alloués, a été adopté par le Parlement européen la semaine dernière et vient tout juste de l'être par le Conseil. Il devrait être publié demain.
Je vais désormais me focaliser sur le troisième élément qui conditionne la mise en œuvre du plan européen, à savoir l'élaboration par chaque État membre de plans nationaux pour la reprise et la résilience décrivant précisément un ensemble cohérent de réformes et d'investissements devant être mis en œuvre d'ici le 31 décembre 2026.
Quels sont les apports de la négociation sur cette facilité pour la reprise et la résilience ?
La facilité sera organisée autour de six piliers prioritaires : la transition verte ; la transformation numérique ; la croissance intelligente, durable et inclusive ; la cohésion sociale et territoriale ; la résilience institutionnelle, y compris la santé ; et les politiques pour la prochaine génération. Aucun objectif chiffré n'est associé à ces piliers, à l'exception des dépenses climatiques (37 % du total) et numériques (20 %). Pour évaluer l'atteinte des objectifs climatiques et numériques, le règlement comprend une annexe qui définit, en fonction des types de dépenses envisagées, un coefficient de 0 %, 40 % ou 100 % à appliquer au coût de l'investissement. Cette méthodologie spécifique se fonde sur les marqueurs de Rio, utilisés depuis plus de dix ans, et prend en compte certains éléments du règlement « taxonomie » publié en juin 2020, mais dont les actes délégués se font encore attendre.
Le deuxième apport, c'est que les dépenses réalisées depuis le 1er février 2020 seront éligibles.
De plus, pour renforcer les effets des plans nationaux, leur coordination est encouragée et des mesures transfrontières devront être identifiées. Certains États membres font valoir que les délais sont trop courts pour intégrer des projets transfrontières dans leurs plans nationaux.
Les plans des pays membres de la zone euro devront en outre être cohérents avec la dernière recommandation du Conseil concernant la politique économique dans la zone euro.
L'évaluation de la conformité des plans par la Commission reposera sur onze critères : la contribution aux six piliers déjà évoqués ; la prise en compte des recommandations spécifiques par pays ; le renforcement de la croissance potentielle ; le principe « ne pas causer de préjudice important » aux objectifs environnementaux ; la contribution climatique ; la contribution numérique ; les effets durables ; les mesures de mise en œuvre ; l'efficience des coûts ; la protection des intérêts financiers de l'Union et la cohérence. Pour chacun de ces critères, la Commission attribuera une note A, B ou C. Pour qu'un plan national soit jugé conforme aux exigences du règlement, il devra impérativement obtenir la note maximale (A) pour les quatre critères relatifs à la prise en compte des recommandations par pays, au renforcement de la croissance potentielle, à la contribution climatique et à la contribution numérique. Pour les sept autres critères, le nombre de B ne doit pas être supérieur au nombre de A, et une seule note C est éliminatoire.
En matière de gouvernance, le Parlement européen a obtenu un renforcement de ses prérogatives, sans pour autant obtenir de droit de regard sur la validation des plans nationaux. Les propositions de décisions du Conseil et les documents de préparation des débats au Conseil lui seront transmis, et tous les deux mois, il pourra inviter la Commission à discuter de la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience, à un niveau horizontal.
En outre, plusieurs outils sont prévus pour renforcer la transparence de la mise en œuvre du plan de relance. La Commission présentera ainsi un rapport annuel, un rapport de revue en juillet 2022, et des évaluations indépendantes seront présentées en 2024 et a posteriori. De plus, d'ici la fin de cette année, la Commission mettra en place un tableau de bord rendu public et mis à jour tous les six mois pour suivre l'état d'avancement des plans pour chacun des six piliers.
Enfin, j'aimerais souligner une disposition du règlement que je considère comme importante : tant la Commission que les destinataires des fonds devront assurer la visibilité du financement par le plan de relance européen, c'est-à-dire adopter une communication sur les aides financières européennes et montrer que l'Europe est présente dans les territoires.
Pour conclure, j'aimerais présenter rapidement l'état d'avancement des plans nationaux, dont celui de la France.
Depuis le 15 octobre, les États peuvent soumettre à la Commission un projet de plan pour engager le dialogue avec elle avant la soumission du plan définitif.
L'échéance du 30 avril, constitue la date à laquelle les États devraient avoir soumis leurs plans officiellement. Au cours de la négociation, cette échéance est toutefois devenue indicative.
Après la soumission, la Commission aura un maximum de deux mois pour évaluer les plans, avant de proposer leur adoption par le Conseil, à la majorité qualifiée, dans un délai de quatre semaines après la proposition de la Commission. La présidence portugaise a déjà évoqué un examen par paquets de plusieurs plans. Une fois la décision du Conseil adoptée, la Commission conclura un accord avec chaque État membre concerné. Les États pourront alors bénéficier, une fois cet accord obtenu, en 2021, d'un préfinancement correspondant à 13 % du montant total de leur plan.
Selon les informations qui m'ont été fournies par la Commission la semaine dernière, dix-huit États membres, dont la France, ont transmis un projet de plan à la Commission, six ont engagé des discussions sans encore soumettre de projet écrit, et trois sont encore en phase de réflexion.
L'objectif des discussions actuelles, qui se tiennent pour l'instant au niveau juridique, technique et administratif, est de s'assurer que, lorsque les plans seront soumis officiellement à la Commission, ils répondront bien aux exigences du règlement. Moins la Commission émettra de réserves sur les plans officiellement soumis, plus leur validation par le Conseil sera facilitée et rapide.
Depuis le lancement politique du plan de relance, la Commission européenne a mis en place une « task force », placée directement auprès de la présidente Von der Leyen, qui dialogue sur une base quotidienne avec les États membres pour les aider à élaborer leurs plans. La préparation de ces plans constitue un travail considérable. Compte tenu de la construction du plan de relance, l'essentiel des travaux est en effet concentré sur la période actuelle de préparation des plans.
La mise en œuvre ultérieure sera relativement plus facile. En effet, nous ne sommes pas en face de programmes « au fil de l'eau » comme dans le cadre de la politique de cohésion : tout doit être planifié en une seule fois, pour des paiements s'étalant jusqu'à 2026, avec des réformes accompagnant les investissements, et des jalons et cibles précis pour déclencher les décaissements, deux fois par an. En réalité, une fois le plan validé, il sera très difficile de le modifier.
Je rappelle que ces plans nationaux pour la reprise et la résilience décrivent précisément un ensemble cohérent de réformes et d'investissements. Cela représente un travail de fond très important.
Concernant les investissements prévus dans les plans, il ne semble pas y avoir de réelles difficultés. Quelques projets de plan incluaient toutefois des dépenses récurrentes telles que le soutien au chômage partiel, alors que la substitution aux dépenses budgétaires nationales récurrentes est explicitement exclue.
Les échanges de la Commission avec les États membres ont également fait apparaître quelques difficultés, liées pour l'essentiel à la nouveauté de l'instrument. Elles concernent notamment le calcul du respect des objectifs de dépenses pour le climat et pour la transition numérique, ainsi que le respect du principe « ne pas causer de préjudice important » aux objectifs environnementaux. Ces exigences nécessitent un travail rigoureux, qui devrait toutefois aboutir à des résultats positifs.
Concernant le volet des réformes, nous pouvons distinguer deux grands types de réformes : des réformes plutôt techniques qui visent à renforcer l'impact des investissements, par exemple pour la rénovation thermique des bâtiments, ou à répondre aux faiblesses structurelles de l'économie, telles que l'insertion des jeunes dans l'emploi, et des réformes plus générales destinées à répondre aux défis recensés dans les recommandations par pays, en particulier dans le domaine des finances publiques.
Concernant ces dernières, je souhaite préciser que la logique du plan de relance n'est pas celle des programmes d'assistance financière que l'on a pu connaître par le passé, notamment avec la Grèce. Les réformes visent à renforcer l'efficacité du plan et à maintenir une trajectoire soutenable des finances publiques, et non pas à imposer des politiques d'austérité. La rédaction des recommandations par pays est d'ailleurs suffisamment large pour offrir une grande latitude aux États dans la rédaction de leurs plans. Comme Liliana Tanguy et Frédérique Dumas l'avaient souligné en juillet, l'accompagnement des investissements par des réformes était une condition sine qua non posée par certains États membres lors de la négociation : le plan de relance doit permettre de résoudre les problèmes structurels pour placer les économies européennes sur une trajectoire de croissance pérenne.
Par ailleurs, sur le plan technique, pour éviter les redondances, voire les télescopages entre le semestre européen annuel et le plan de relance européen, il est offert la possibilité aux États membres de réaliser un document intégré unique en 2021.
La question du contrôle de la bonne utilisation des fonds est relativement peu mise en avant, mais elle est au cœur des discussions actuelles entre la Commission et les États membres. Même si l'OLAF (Office européen de lutte antifraude) et la Cour des comptes européenne pourront exercer leurs compétences, le contrôle de l'utilisation des fonds relèvera avant tout des autorités nationales. C'est donc à juste titre que la Commission insiste pour que les plans des États membres décrivent précisément les systèmes de contrôle mis en place et prévoient, le cas échéant, les réformes nécessaires pour veiller à la prévention de la corruption et à l'absence de double financement avec les autres programmes européens.
Enfin, je souhaiterais brièvement évoquer l'avancement du plan national français. Selon les indications qui m'ont été données, un travail approfondi et constructif a été engagé avec la Commission. Il consiste notamment à identifier, parmi les 100 milliards d'euros d'investissement du plan de relance français, les 40 milliards éligibles à la facilité pour la reprise et la résilience, de veiller au respect des objectifs climatiques et numériques – ce qui ne devrait pas soulever de difficultés selon nos informations –, ainsi qu'à l'articulation entre investissements et réformes. Enfin, il s'agit de fixer les cibles et jalons dont le respect permettra le décaissement des fonds et de vérifier qu'il n'y a pas de double financement avec d'autres fonds européens en France. Il reste encore du travail pour avoir un plan complet avec le détail des coûts, les jalons et les indicateurs pour l'ensemble des mesures. Toutefois, la base du plan est largement avancée.
Nous examinerons de manière plus approfondie le plan français lorsque le ministre viendra nous le présenter.
En conclusion, j'estime qu'il faut mesurer tout le chemin parcouru politiquement et le travail mené techniquement pour mettre en œuvre ce plan inédit, ainsi que le cadre financier pluriannuel. Il y a un an, un tel mécanisme de solidarité européenne était tout simplement inenvisageable. Il commence pourtant à se concrétiser et à être mis en œuvre.
Le plan de relance européen au travers des plans nationaux doit contribuer à renforcer le potentiel économique, la création d'emplois et la modernisation de nos pays au regard des enjeux de demain.
L'engagement de tels montants dans les pays européens nécessite rigueur et contrôle dans l'utilisation des fonds pour que les intérêts financiers de l'Union soient protégés et la relance intrinsèque de l'économie européenne maximisée.
Enfin, j'estime que la cohérence des plans de relance nationaux, du plan de relance européen, des réformes structurelles et de l'utilisation des fonds du cadre financier pluriannuel seront des gages de réussite et de bonne utilisation des fonds.