Intervention de Valdis Dombrovskis

Réunion du mardi 9 mars 2021 à 17h15
Commission des affaires européennes

Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission européenne en charge du commerce :

Je suis honoré de l'occasion qui m'est offerte de débattre avec M. Riester de la nouvelle stratégie pour la politique commerciale de la Commission européenne. Je suis convaincu que cette nouvelle approche peut soutenir la reprise économique de la France tout en servant de nombreux autres objectifs géopolitiques essentiels pour votre pays et pour l'Union européenne.

J'ai récemment appris l'existence du label français « Entreprise du Patrimoine vivant ». Près de 1 400 entreprises de toutes les régions de France l'ont obtenu. 88 % d'entre elles sont des petites et moyennes entreprises (PME). Ces entreprises dotées d'un savoir-faire unique sont déjà une réussite économique en soi. Leurs marchés d'exportation sont en expansion et s'étendent du Japon et de la Corée du Sud jusqu'aux États-Unis.

Dans le cadre de son plan « France Relance », le gouvernement français souhaite étendre le rayonnement mondial de ces entreprises. La qualité de leurs produits et la réputation du label « Entreprise du Patrimoine vivant » les rendent très attractives sur les marchés mondiaux. Comment la politique commerciale européenne peut-elle les aider à rencontrer encore plus de succès à l'exportation ?

Nous disposons du meilleur réseau d'accords commerciaux au monde. En effet, nous avons conclu 46 accords avec 78 pays. Bon nombre de ces marchés représentent des bassins de consommateurs en croissance rapide, ce qui en fait des cibles idéales pour les produits européens de qualité.

Avec sa nouvelle stratégie commerciale, l'Union européenne met tout en œuvre pour tirer le meilleur parti de ses accords commerciaux. Cette tâche sera celle du premier responsable européen du respect des règles du commerce, le Français Denis Redonnet. Il porte un mandat spécifique pour aider nos entreprises, en particulier nos PME, à mieux utiliser et tirer profit des accords commerciaux existants.

Nous savons que les PME ne disposent souvent que peu de ressources à dédier à la croissance à l'international. C'est pourquoi nous avons récemment lancé un portail en ligne dénommé Access2Markets, un guichet unique pour aider nos PME à accéder à de nouveaux marchés.

Ces PME ont également besoin d'un soutien approprié lorsqu'elles sont confrontées à des barrières commerciales injustes à l'étranger. Nous avons donc créé un nouveau système de plaintes plus simple et plus efficace.

Il s'agit là de mesures concrètes et accessibles qui soutiennent les PME françaises et européennes, et notamment les « Entreprises du Patrimoine vivant ».

Par ailleurs, l'Europe est le premier exportateur mondial de produits agroalimentaires. Notre excédent commercial agricole net a été multiplié par huit depuis 2009, atteignant 60 milliards d'euros en 2019. Aucun pays n'est mieux placé que la France, en tant que première agriculture européenne, pour engranger les bénéfices de ces performances à l'exportation. La qualité et la réputation hors pair de ses produits alimentaires parlent d'elles-mêmes, et les agriculteurs et producteurs français ont la chance que la classe moyenne mondiale, en constante augmentation, préfère les produits de haute qualité.

Le succès de notre stratégie est déjà clairement visible : depuis l'entrée en vigueur provisoire de notre accord commercial bilatéral avec le Canada, les exportations agroalimentaires françaises ont augmenté de 21 %.

En outre, grâce à notre accord de partenariat économique, le Japon a récemment rapproché ses normes vinicoles de celles de l'Union, ce qui facilitera les exportations de vins français vers le Japon, et 25 vins, spiritueux et fromages français tels que le Beaujolais et le Roquefort sont désormais protégés contre l'imitation sur le marché chinois.

L'Europe et la France ont besoin de ces opportunités. La crise de la COVID-19 a durement frappé nos économies. 85 % de la croissance mondiale aura lieu en dehors de l'Union au cours de la prochaine décennie. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de nous replier sur nous-mêmes.

C'est pourquoi notre nouvelle stratégie commerciale réaffirme avec force notre engagement en faveur d'un commerce ouvert, équitable et fondé sur des règles, et nous sommes allés plus loin, en particulier en publiant un calendrier détaillé pour la réforme de l'OMC, parce que le commerce mondial nécessite des règles mondiales.

Pour autant, notre nouvelle stratégie ne se limite pas au commerce et à l'économie. Pour la première fois, nous mettons la durabilité au cœur de la politique commerciale. L'accord de Paris sur le climat sera désormais un élément essentiel de toute nouvelle négociation. Nous avons également proposé une initiative sur le commerce et le climat à l'OMC, la recherche d'un accord sur la neutralité climatique dans nos traités commerciaux et d'investissement avec les pays du G20, et la pleine utilisation de nos accords commerciaux pour accélérer la coopération en matière d'action pour le climat, de biodiversité et de durabilité alimentaire.

La politique commerciale doit également favoriser notre transformation numérique. L'Union doit jouer un rôle central dans la mise en place de règles appropriées pour le commerce numérique, tant au niveau de l'OMC qu'en étroite collaboration avec nos partenaires, notamment les États-Unis.

Nous coopérerons activement avec nos partenaires mondiaux dans tous ces domaines, car c'est ainsi que l'Europe obtient des résultats.

Ainsi, notre rapprochement avec les États-Unis a conduit à une suspension tarifaire de 4 mois dans le cadre du différend Airbus-Boeing, qui constitue une avancée majeure qui aide nos exportateurs, et en particulier la filière viticole française, et qui nous donne le temps de trouver une solution négociée définitive à ce litige de longue date.

Enfin, nous renforçons notre capacité à défendre nos intérêts et à faire respecter nos droits. Nous avons besoin de nos propres outils (y compris des outils autonomes si nécessaire) pour protéger nos intérêts stratégiques et nos valeurs. Nous sommes parmi les utilisateurs les plus actifs des instruments de défense commerciale. Ces dernières années, nous avons pris 180 mesures de défense, dont un grand nombre en matière d'antidumping.

En cas de non-respect des engagements de la part de nos partenaires, nous sommes prêts à activer les dispositions relatives au règlement des différends dans le cadre de nos accords commerciaux. Nous le faisons dans le cadre de l'OMC et ces dernières années, nous avons également commencé à le faire dans le cadre de nos accords bilatéraux.

Nous avons récemment eu gain de cause dans deux de ces différends bilatéraux, dont le dernier concernait la Corée qui n'avait pas respecté ses engagements en matière de droits du travail. L'Assemblée nationale coréenne a ratifié trois conventions de l'OIT le mois dernier, ce qui montre que notre approche produit des résultats.

Nous mettons également en œuvre le mécanisme de coordination de l'Union pour le filtrage des investissements directs étrangers, mais nous devons aussi améliorer notre « boîte à outils » d'instruments juridiques pour le respect des règles commerciales. De nombreux chantiers sont en cours, et la Commission présentera des propositions importantes cette année. En outre, 2022, l'année de la présidence française de l'Union, sera une année décisive pour le commerce sur le front législatif.

Mes services travaillent déjà à l'élaboration d'un instrument anti-coercition visant à protéger l'Europe lorsque notre ouverture est soumise à des attaques déloyales. Nous examinons également la possibilité d'une stratégie de l'Union en matière de crédits à l'exportation. Nous présenterons bientôt des propositions législatives sur les subventions étrangères au sein du marché unique, et nous collaborerons avec nos partenaires pour lutter contre les subventions dommageables et un certain nombre d'autres problèmes liés à l'inégalité des conditions de concurrence au niveau mondial (et notamment ceux découlant du modèle du capitalisme d'État chinois).

Notre récent accord global d'investissement avec la Chine a été conçu pour remédier aux déséquilibres de nos relations commerciales. Il constitue également un levier pour amener Pékin à s'engager au respect des droits fondamentaux du travail.

Toutefois, il est évident que nous devrons faire plus. C'est pourquoi nous mettons au point une législation sur le devoir de diligence, qui prévoit notamment une lutte résolue contre le travail forcé, en Chine et ailleurs.

Dans les années à venir, la politique commerciale peut agir comme un multiplicateur de la prospérité et des valeurs de l'Europe. Notre nouvelle stratégie montre la voie à suivre, mais une politique européenne n'est forte que si elle bénéficie du soutien de la part des États membres et si nous parlons d'une seule voix.

Montesquieu estimait que « le commerce est la chose du monde la plus utile à l'État ». Je partage cette opinion et ajouterais même : « le commerce est la chose du monde la plus utile à l'Union ».

J'invite la France à apporter son puissant concours à cette nouvelle approche. Celle‑ci sera bénéfique pour la France, pour l'Union européenne et pour notre planète.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.