Intervention de Liliana Tanguy

Réunion du mercredi 24 mars 2021 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLiliana Tanguy, rapporteure :

Ce projet de loi a pour objectif de traduire sur le plan normatif 46 des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Ce n'est donc pas un texte de transposition ni d'adaptation au droit de l'Union européenne. Toutefois, de nombreuses dispositions du texte ont un lien avec le cadre européen et les ambitions environnementales de l'Union européenne, notamment le Pacte vert pour l'Europe, qui est le programme de la Commission Von der Leyen en matière climatique et environnementale.

L'environnement est un sujet auquel je porte un grand intérêt. Quotidiennement, dans ma circonscription du Finistère, je vois les conséquences de l'activité humaine sur l'environnement et plus encore les conséquences du changement climatique qu'elle engendre. De l'érosion des côtes dans ma circonscription, en particulier dans le pays Bigouden Sud, à la pollution atmosphérique à Paris, en passant par l'érosion des sols et l'appauvrissement des eaux, chacun est affecté par ces changements.

Je voudrais également développer rapidement trois points liminaires.

D'une part, j'aimerais souligner que ce texte est issu d'une consultation publique inédite par son sujet et par son ampleur. Les propositions du projet de loi reposent sur le travail des citoyens la Convention pour le climat, et leur investissement qui a conduit à un rapport final très complet. Je tiens également à féliciter les différents ministères qui ont permis la transcription des propositions citoyennes dans le présent projet de loi et leur discussion. Je salue tout particulièrement notre ancienne collègue Barbara Pompili, désormais ministre de la transition écologique.

D'autre part, j'attire votre attention sur le fait que plusieurs mesures proposées par la Convention citoyenne pour le Climat ne relèvent pas de l'échelon national, mais de négociations européennes et internationales. En outre, certaines mesures, si elles peuvent être mises en œuvre au niveau national, auraient davantage de poids et de cohérence si elles s'appliquaient dans l'ensemble des États membres. Le travail sur les propositions de la Convention Citoyenne appelle donc, à plusieurs égards, une attention particulière pour son articulation avec le droit européen.

Enfin, je tiens à signaler que le rapport s'appuie sur les travaux précédents très complets menés par Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Deflesselles, dans le cadre de leur rapport pour information de janvier 2021 sur l'objectif européen de neutralité climatique en 2050.

Concernant le contenu et les enjeux de ce texte, le projet de loi Climat et résilience part du constat des citoyens, partagé par le Gouvernement et moi-même, de la nécessité d'agir très rapidement pour la protection de la planète, tant au niveau national qu'au niveau européen. L'accord de Paris de 2015 fixe un objectif de limitation du réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport à l'époque préindustrielle. Or, pour atteindre cette cible, il faut diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre dans l'Union européenne d'ici à 2050 : sans une action rapide et efficace, le réchauffement pourrait atteindre entre 3 et 5°C d'ici 2100 selon les estimations du GIEC.

Pour répondre à ce défi, le projet de loi prévoit une action dans différents domaines, répartis en six titres : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et renforcer la protection judiciaire de l'environnement.

Ces dispositions interviennent dans le champ normatif des politiques climatiques et environnementales européennes, qui ont vocation à être rapidement renforcées, avec la mise en œuvre du Pacte Vert pour l'Europe. Le programme écologique de la nouvelle Commission européenne repose en effet sur une « loi climat », qui prévoit de rehausser l'objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % à l'horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990. La « loi climat » fixe pour objectif de long terme l'atteinte de la neutralité climatique au niveau européen pour 2050. Dans un objectif de verdissement systémique des politiques européennes, le Pacte Vert prévoit également différentes stratégies sectorielles, qui doivent aboutir dans les prochaines années à l'adoption ou à la révision de nombreux règlements ou directives, notamment dans le domaine de l'agriculture, du transport ou de l'économie circulaire.

Le projet de loi a donc un lien fort avec le droit européen. Ma première observation tient au caractère mouvant du droit européen en matière climatique et environnementale, en raison de la mise en œuvre à venir du Pacte Vert. Si les objectifs européens ont vocation à être prochainement renforcés, la question de leur niveau précis et de l'effort de participation de chaque État membre à leur atteinte est encore ouverte. La France, en adoptant un texte ambitieux, se pose ainsi parmi les États membres les plus exigeants en matière climatique.

Ma seconde observation tient au choix politique porté par ce projet de loi qui consiste à anticiper, à plusieurs égards, la réglementation européenne à venir. Par exemple, il en va ainsi des dispositions prévoyant la création d'un affichage environnemental ou de celles définissant des atteintes pénales à l'environnement. Par ailleurs, le projet de loi prévoit explicitement et à plusieurs reprises une action prioritaire au niveau européen et, seulement à défaut, la mise en œuvre d'une solution nationale : c'est le choix opéré par exemple en matière de redevance pour les engrais azotés ou de taxation du gazole routier.

Toutes ces dispositions incitent dès lors la France à jouer un rôle moteur dans les négociations à venir pour la concrétisation du Pacte Vert pour l'Europe, et à affirmer son rôle en matière climatique.

Ma dernière observation est liée au fait que le projet de loi s'inscrit dans un équilibre entre le respect des objectifs européens en matière écologique et la prise en compte des enjeux économiques des différents milieux concernés. Ma conviction est en effet que la transition écologique et climatique doit s'appuyer sur l'acceptabilité des nouvelles normes par les citoyens pour être efficace. Ainsi, le projet de loi prend en compte l'accompagnement nécessaire de l'ensemble des acteurs concernés par cette transition, qui repose par ailleurs souvent sur une aide européenne. Par exemple, dans le cadre du plan de relance « Next Generation EU », 37 % des dépenses doivent permettre de favoriser les investissements et réformes climatiques.

J'ai bien compris les inquiétudes du Haut Conseil pour le Climat, qui a souligné que le délai de mise en œuvre de certaines mesures paraissait long pour l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je tiens toutefois à souligner que la temporalité retenue par le projet de loi doit permettre de favoriser cet enjeu d'acceptabilité, tout en permettant à la France de respecter sa feuille de route européenne. En outre, il convient de souligner que ce projet de loi n'est pas le seul texte français qui doit permettre d'atteindre les objectifs fixés par l'Union européenne. Par exemple, les propositions des citoyens en faveur du climat sont également traduites dans la loi de finances ou dans le plan de relance. Le projet de loi Climat et Résilience n'est ainsi qu'un jalon dans la stratégie climatique et environnementale du Gouvernement, qui est appelée à se poursuivre en lien avec les objectifs européens.

Le rapport formule dix recommandations. La première catégorie de recommandations concerne les articles qui renvoient aux négociations européennes pour étendre au niveau de l'Union les mesures prévues par le projet de loi. Trois dispositions prévoient en effet une action prioritaire au niveau européen, afin de renforcer l'efficacité des mesures et d'éviter la création de différentiels de compétitivité entre les Etats membres. Ces sujets doivent être considérés comme prioritaires dans les négociations.

Ainsi, l'article 30 encourage la taxation harmonisée dans toute l'Union du gazole routier, l'article 35 prévoit la définition d'une taxe de solidarité européenne sur les billets d'avion et l'article 62 prévoit la création d'une redevance commune sur les engrais minéraux azotés. Sur tous ces sujets, les négociations doivent s'articuler avec l'organisation de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera pour six mois le 1er janvier 2022. Il s'agit d'une opportunité pour la France de mettre certaines de ses priorités à l'agenda des négociations européennes, pour renforcer l'ambition climatique et environnementale de l'Union.

La seconde catégorie de recommandations vise, dans le cadre d'une réflexion plus large, à soutenir et encourager la France dans la défense, au cours de sa présidence de l'Union, de positions qui paraissent complémentaires avec les dispositions du projet de loi. Le rapport recommande ainsi d'inscrire, en tant que priorité importante de la présidence française, les négociations autour de l'ajustement carbone aux frontières. Ce dispositif, qui fait l'objet d'une proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat, doit permettre d'encourager les États non-membres de l'Union à adopter des normes environnementales exigeantes, et à éviter de créer des différentiels de compétitivité avec les États membres. Le rapport recommande également à la France de saisir l'occasion de la publication de la stratégie forestière de la Commission en 2021 pour ouvrir une réflexion sur la déforestation importée au niveau européen au cours de sa présidence.

Pour conclure, je tiens à souligner l'importance de ce projet de loi, qui doit non seulement contribuer à l'atteinte par la France de ses objectifs européens de plus en plus élevés mais qui permet également à la France de s'affirmer comme un État membre pionnier et ambitieux en matière politique et environnementale.

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