Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 24 mars 2021 à 16h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 24 mars 2021

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 heures 20.

I. Examen du rapport d'information « Quelle politique industrielle pour l'Union européenne ? » (MM. Patrice Anato et Michel Herbillon, rapporteurs)

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Nous allons procéder aujourd'hui à l'examen du rapport sur la politique industrielle européenne. Cette mission a été lancée il y a près de 16 mois, en novembre 2019, mais entre-temps est survenue la crise sanitaire qui vous a conduits à interrompre le fil de vos auditions. Vous avez par la suite très légitimement souhaité donner de nouvelles orientations à vos travaux pour tenir compte de l'enseignement de cette crise sanitaire.

Quant à la Commission européenne, elle présentera la version actualisée de sa stratégie industrielle le 27 avril prochain, pour tirer elle aussi les enseignements de la pandémie.

Les États membres sont pleinement mobilisés sur ce sujet, à commencer par la France et l'Allemagne, qui ont porté contribution commune en vue de la mise à jour de la stratégie industrielle européenne. La fin du tabou de la préférence européenne constitue un sujet politique majeur, et nous sommes impatients de vous entendre – entre autres – à ce sujet.

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Quelques semaines avant le début de l'épidémie, nous avons adopté un rapport intitulé Le droit européen de la concurrence face aux enjeux de la mondialisation, rapport présenté par ma collègue Constance Le Grip et moi-même. Ce rapport concluait qu'il ne fallait pas affaiblir le droit de la concurrence, mais qu'il fallait plutôt renforcer la politique industrielle, car c'est l'absence de politique industrielle européenne qui explique le retard croissant de l'Union européenne dans la compétition industrielle et technologique mondiale.

Aujourd'hui, avec mon collègue Michel Herbillon, nous avons justement fait ce rapport pour dresser le bilan de la politique industrielle européenne et formuler des propositions pour que l'Union européenne redevienne une économie résiliente et une puissance d'innovation.

Entre-temps, beaucoup de choses se sont passées. Le 10 mars 2020, la Commission européenne a annoncé une « nouvelle politique industrielle » très prometteuse, fondée sur une « double transition » et sur un objectif d'autonomie stratégique. L'épidémie mondiale a clairement montré que l'indépendance de l'Europe était désormais un objectif fondamental et que nous ne pouvions plus nous contenter de laisser les autres États accorder des subventions à leur industrie pour innover à notre place – et maîtriser ainsi des technologies et des chaînes de valeur dont l'importance n'est pas seulement économique, mais aussi sociale et politique.

Notre sujet est donc au cœur de l'actualité : deux alliances industrielles ont été créées en 2020, l'une sur l'hydrogène, l'autre sur les matières premières, un nouveau « projet d'intérêt européen commun » est en cours d'élaboration, le nouveau « forum industriel » vient d'être mis en place pour piloter les « écosystèmes » et une réforme du cadre des aides d'État est annoncée pour cette année.

Nous allons présenter le rapport en trois étapes, correspondant à ses trois parties :

D'abord, nous allons montrer que l'Union européenne, qui jusqu'ici n'en avait pas, vient de prendre conscience de la nécessité de créer une véritable politique industrielle européenne pour défendre ses intérêts stratégiques ;

Ensuite, nous montrerons que la « nouvelle politique industrielle » annoncée le 10 mars est très séduisante, mais qu'elle ne suffira sans doute pas à produire des résultats concrets, car ses outils ne sont pas assez lisibles et opérationnels ;

Enfin, nous défendrons l'idée d'une véritable « stratégie industrielle » globale qui reposera sur une articulation entre outils de politique industrielle, règles du marché intérieur, droit de la concurrence et politique commerciale, au service des objectifs de transition environnementale et d'autonomie stratégique.

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Je vais donc traiter dans cette première partie sur la prise de conscience par l'Union européenne de la nécessité de créer une véritable politique industrielle pour défendre ses intérêts stratégiques.

Avec mon collègue Patrice Anato, nous avons retenu une définition restrictive de la politique industrielle. La politique industrielle au sens strict est une politique sectorielle et sélective, qui cherche à améliorer la croissance par une meilleure allocation des ressources en faveur des secteurs les plus productifs.

Or, en ce sens, force est de constater que l'Union n'a jamais eu de vraie politique industrielle, sauf paradoxalement à ses débuts, à l'époque de la « Communauté européenne du charbon et de l'acier » (CECA). Depuis, l'Union européenne a toujours pensé qu'il suffirait de renforcer le marché intérieur et de favoriser les conditions du libre-échange pour atteindre la prospérité économique. Nous voyons bien aujourd'hui, et les exemples sont abondants, que cela ne suffit pas.

Les économistes que nous avons entendus – vous vous en souvenez, chers collègues, puisque nous avons reçu ici même Philippe Aghion pour en parler – montrent qu'il existe de nombreuses justifications à la création d'une véritable politique industrielle européenne.

Je retiendrai à ce sujet quatre raisons.

La première raison est que plusieurs secteurs d'activités entraînent des « externalités », c'est-à-dire que les comportements des acteurs privés ont des répercussions de manière transversale sur une grande partie de l'économie. Quand ces externalités sont positives et que ces activités représentent un progrès social ou technologique, il faut évidemment les encourager par des incitations financières. À l'inverse, quand ces externalités sont négatives (je pense notamment à l'empreinte carbone), il faut pénaliser ou interdire les activités qui en sont responsables et orienter l'industrie vers les modes de production les plus vertueux.

Deuxièmement, une politique industrielle européenne serait justifiée par le manque de coordination des acteurs privés. Par exemple, les constructeurs de voitures électriques ne pourront pas vendre de voitures s'il n'existe pas de bornes de recharge, mais inversement personne ne construira des bornes de recharge s'il n'y a pas déjà des voitures électriques. Très concrètement, c'est ce que nous vivons sur le terrain dans les différentes villes de nos circonscriptions. Si l'État n'envoie pas des « signaux » pour coordonner les uns et les autres, l'industrie ne se mettra pas en mouvement toute seule !

Troisièmement, seuls les États ont une vision de long terme et la capacité de financer les projets les plus risqués. Le succès d'Airbus est à cet égard emblématique : sans l'aide des États européens, Airbus n'aurait pu se développer et faire concurrence à Boeing. De manière générale, quand les investissements initiaux et les risques sont structurellement importants, comme dans le secteur des nouvelles technologies, les investissements publics sont indispensables pour « enclencher le mouvement ».

Enfin, la quatrième raison qui justifie la politique industrielle est qu'elle sert un objectif politique, qui a bien été mis en évidence par la crise sanitaire : l'exigence d'indépendance, aussi appelée « autonomie stratégique ». Dans certains secteurs essentiels, nous ne pouvons pas nous permettre de dépendre de nos importations. Le numérique représente en outre un enjeu spécifique, celui de la protection des libertés (vie privée, liberté d'expression) et des risques d'ingérence étrangère. Cela pose la question de l'indépendance normative et technologique de l'Europe, parfois appelée un peu abusivement « souveraineté européenne ».

Nous défendons donc la création d'une politique industrielle européenne volontariste dans les secteurs considérés comme stratégiques pour la croissance ou pour l'indépendance de l'Union européenne.

Cette politique industrielle doit être conduite au niveau européen pour des raisons de taille critique : dans tous les secteurs à forts coûts fixes, les investissements initiaux et les rendements d'échelle sont tels qu'il ne peut pas y avoir plus de deux ou trois entreprises au niveau mondial. Toutes les forces du continent doivent s'unir pour avoir une chance d'exister au niveau international. Nous avons aussi, dans l'Union européenne, la chance d'avoir un marché intérieur et des préférences culturelles et éthiques homogènes : nous pouvons donc fonder une politique industrielle sur des valeurs sociales, politiques et environnementales propres sans se laisser imposer celles de nos concurrents.

Mais pour autant, cela ne signifie pas que la politique industrielle doive devenir une compétence de l'Union européenne qui se substituerait aux compétences nationales. L'exemple d'Airbus nous l'a montré, il n'y a pas de politique industrielle efficace sans volonté forte et sans impulsion politique des États européens, quelle que soit leur taille. L'Union européenne a d'abord un rôle de définition des objectifs et de coordination des efforts nationaux. Elle doit être capable d'assouplir la politique de concurrence et les règles du marché intérieur pour rendre aux États membres une certaine marge de manœuvre en matière industrielle.

Heureusement, les choses sont en train d'évoluer au niveau européen. Alors que la notion de « politique industrielle » était pendant longtemps un tabou, l'évolution du contexte international et le « choc » de la pandémie ont infléchi la philosophie économique très libérale des institutions européennes dans un sens beaucoup plus réaliste. L'Union européenne s'est rendu compte qu'elle avait trop misé sur la politique commerciale et la politique de concurrence et négligé la politique industrielle et la défense de ses intérêts fondamentaux.

Cette prise de conscience s'explique par le succès des politiques industrielles des partenaires de l'Union européenne. La Chine et la Corée en donnent les illustrations les plus spectaculaires. Les États-Unis ont désormais un monopole mondial dans le numérique, avec les GAFAM ; le succès de Samsung en Corée du Sud ou de la marque LG n'est plus à démontrer, et la Chine est devenue leader de la transition environnementale – un comble ! – grâce à ses batteries. L'Europe avait plusieurs entreprises importantes dans les télécoms (comme Nokia ou Ericsson), et aujourd'hui nous dépendons de Huawei pour la 5G ce qui nous a obligés à légiférer pour prévenir les risques d'espionnage. Contrairement à l'Union européenne, ces États ont une vraie stratégie industrielle et, bien sûr, ils n'ont pas le même droit de la concurrence ni le même degré d'ouverture des marchés publics.

Le 10 mars 2020, sous l'impulsion de Thierry Breton, la Commission européenne a enfin décidé de réagir en annonçant une « nouvelle politique industrielle européenne ». Cette politique industrielle est fondée à la fois : sur le fond, sur un objectif ambitieux, la « double transition » environnementale et numérique ; pour ce qui est de sa finalité, sur l'exigence d'une « autonomie stratégique » européenne.

Nous ne pouvons que nous réjouir de l'annonce de cette nouvelle politique industrielle européenne, très pertinente d'un point de vue conceptuel. Mais notre présentation n'est pas terminée, et vous devinez bien que nous n'en sommes pas restés là. Nous avons analysé les outils de cette nouvelle politique industrielle européenne, et nous émettons des doutes sur la capacité de l'Union européenne à traduire concrètement ce discours nouveau en des résultats tangibles, notamment à court terme.

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Quand on regarde les outils concrets de politique industrielle européenne, on ne peut s'empêcher d'être saisi d'un certain scepticisme.

On distingue deux grands groupes d'outils. D'abord, le cadre des PIIEC, qui est le seul instrument concret, mais qui n'est pas assez agile et réactif. Ensuite, on a un grand nombre de concepts dont on ne voit pas toujours à quoi ils servent et comment ils s'articulent. Je cite : les « alliances industrielles », les « chaînes de valeur stratégiques » et, depuis un an, les « écosystèmes ».

Les PIIEC, autrement dit les « projets importants d'intérêt européen commun » sont aujourd'hui l'instrument le plus concret de la politique industrielle européenne, et le seul qui ait une véritable existence juridique puisqu'il est mentionné directement par les traités. Leur régime d'application a été défini pour la première fois en 2014 par une communication de la Commission.

Les PIIEC sont un cadre dérogatoire qui permet aux États membres d'accorder des aides d'État à certains projets considérés comme ayant un « intérêt européen commun ». Leur objectif est donc de financer des projets industriels innovants et risqués qui revêtent une importance majeure, de dimension européenne. Depuis la communication de 2014, deux PIIEC ont été lancés : le PIIEC micro-électronique en 2018 et le PIIEC sur les batteries, le fameux « Airbus des batteries », en 2019. Puis, en décembre dernier, une vingtaine d'États membres ont également déposé une demande pour que soit créé un PIIEC sur l'hydrogène.

Le cadre des PIIEC est extrêmement utile et bienvenu. Cela faisait longtemps, d'ailleurs, que la France militait pour un tel dispositif. Mais le cadre défini par la Commission en 2014 est trop restrictif, et d'autre part la procédure administrative est trop lourde, trop technocratique. Il a fallu environ un an et demi de négociations pour parvenir à un accord informel entre les États membres et la Commission sur les deux premiers PIIEC : ce délai est beaucoup trop long sachant que les PIIEC portent par définition sur des projets « innovants » et que ce qui est innovant en 2017 ne l'est pas forcément en 2019. Les PIIEC sont conçus pour avoir un coup d'avance mais, avec des délais pareils, on est assuré d'avoir un coup de retard.

Le deuxième obstacle vient précisément de la définition trop étroite de « l'intérêt européen commun » : la Commission veut que les projets soient « innovants », sinon ils ne seront pas considérés comme des projets importants d'intérêt européen commun. Or, la crise sanitaire nous a bien montré que certains domaines sont stratégiques sans être innovants. Certains médicaments ou équipements médicaux essentiels par exemple, doivent pouvoir être soutenus dans le cadre des PIIEC. C'était l'objet d'une proposition de résolution européenne que nous avons votée en juin, à l'unanimité.

Nous demandons donc à la fois un allègement du cadre administratif des PIIEC, et une redéfinition de la notion de « projet européen d'intérêt commun » pour y intégrer tout ce qui est nécessaire à la transition environnementale et à l'autonomie stratégique de l'Union, en cohérence avec les objectifs de la nouvelle politique industrielle européenne. Il faut donc absolument que de nouveaux PIIEC puissent rapidement être mis en place sur l'hydrogène mais aussi sur le cloud et la santé.

Le 23 février 2021, la Commission a lancé une consultation publique dans la perspective d'une réforme de la communication de 2014. Nous espérons que cela permettra d'avancer en ce sens.

Parallèlement au cadre des PIIEC, la Commission a développé ces dernières années d'autres outils dont la portée opérationnelle est moins claire : les « écosystèmes », les « alliances industrielles » et les « chaînes de valeur stratégiques ».

Les « chaînes de valeur stratégiques » étaient un concept très prometteur, développé en 2018 grâce aux travaux d'un « Forum stratégique » spécialisé, qui a remis son rapport en 2019. Ce forum a identifié 31 chaînes de valeur stratégiques et, pour chacune d'entre elles, il a formulé des recommandations concrètes. Malheureusement, le mandat du forum stratégique a expiré en 2019 et aucune véritable suite n'a été donnée à ses analyses. La communication du 10 mars 2020 ne parle plus des « chaînes de valeur stratégiques », et semble préférer les concepts « d'écosystèmes » et « d'alliances industrielles ».

Or, le concept d'écosystèmes est bien plus flou, puisqu'il y en a 14 et qu'ils recouvrent la quasi-totalité de l'économie européenne, en y incluant la culture, le tourisme, etc … Des secteurs qui ne sont pas des « industries ». Malgré une apparence de nouveauté, le concept européen « d'écosystèmes » ressemble fort à un concept français de « filières ».

Les « alliances industrielles », quant à elles, sont un cadre informel de concertation entre les entreprises, mais qui n'a ni gouvernance, ni instrument de financement propre. Il faudrait donc affirmer le rôle d'impulsion et de coordination de la Commission dans la création et le pilotage de ces alliances, dans une logique top-down, et leur donner un vrai statut administratif avec un objectif : préparer les futurs PIIEC.

La politique industrielle européenne manque d'autant plus de lisibilité que la Commission européenne a créé toute une myriade d'instances diverses, toutes plus « ouvertes et inclusives » les unes que les autres, mais dont les prérogatives réelles semblent limitées : un « Groupe d'experts de haut niveau sur les industries à forte intensité énergétique » en 2015, une « table ronde des industriels de haut niveau en 2017, le « forum stratégique » pour les PIIEC et, en décembre dernier, un « forum industriel » chargé du pilotage des écosystèmes. Alors même que leurs missions sont très proches, tous ces organismes ont des statuts et des objets différents, si bien qu'ils ne peuvent pas élaborer une stratégie cohérente.

Il nous semblerait donc logique que toutes ces structures soient regroupées au sein d'une même instance, qui serait présidée par une personnalité politique nommée par les États membres, afin de lui donner une capacité d'impulsion, de la cohérence et de la visibilité.

Et sur le fond, il serait indispensable d'articuler tous les outils de politique industrielle existants pour les insérer dans une stratégie systématique, à 100 % orientée vers la double transition et l'autonomie stratégique. On pourrait imaginer, par exemple, que toutes les « chaînes de valeur stratégiques » fassent l'objet d'un suivi particulier et donnent lieu à un PIIEC, ou encore que chaque écosystème soit doté de son « alliance industrielle ». Il n'en est rien : tous ces outils sont construits indépendamment les uns des autres, sans fil directeur. Lors des auditions, la Commission a pu nous expliquer qu'il ne fallait pas de stratégie d'ensemble, parce que cela rappellerait le « Gosplan » et la planification. Nous trouvons cela absurde. Il n'y a pas de réussite sans stratégie et pas de stratégie sans vision cohérente.

Nous allons même plus loin et pensons que la stratégie industrielle de l'Union ne doit pas se résumer aux quelques outils que nous venons d'énumérer, mais qu'il faut une véritable stratégie globale, qui inclue la politique commerciale, les règles du marché intérieur et le droit de la concurrence.

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La politique industrielle ne suffit pas à définir une stratégie industrielle. Si les efforts de recherche, la politique commerciale, les règles du marché intérieur et le droit de la concurrence ne suivent pas, il ne sera pas possible d'atteindre les objectifs fixés, c'est-à-dire la « double transition », environnementale et numérique, et l'autonomie stratégique de l'Union européenne.

La politique de recherche de l'Union européenne n'est pas assez orientée vers « l'innovation de rupture ». Les fonds sont saupoudrés, les objectifs et les priorités ne sont pas suffisamment bien définis.

Lors du colloque de la semaine dernière, « Europe Urgence, Europe Espoir », nous avons parlé de la nécessité de créer une DARPA européenne, sur le modèle de cette agence américaine financée par le département de la Défense, à l'origine des innovations majeures de la deuxième moitié du XXe siècle. L'Union européenne a créé il y a deux ans un « Conseil européen de l'innovation » qui est pleinement effectif depuis cette année et qui est censé répondre à l'ambition d'une DARPA européenne.

Nous pensions qu'il s'agit d'une excellence initiative, mais nous craignons que le Conseil européen de l'innovation perde peu à peu l'objectif qui devait initialement être le sien, c'est-à-dire financer l'innovation de rupture, au profit d'objectifs plus diffus. Par ailleurs, le Conseil européen de l'innovation ne s'occupe que des technologies civiles, ce qui est bien dommage car les technologies de pointe ont souvent une application civile et militaire.

C'est pourquoi nous pensons qu'il pourrait être utile de créer, à l'intérieur du Conseil européen de l'innovation, une agence davantage intergouvernementale qui serait véritablement l'équivalent européen de la DARPA. Cette agence serait exclusivement dédiée à l'innovation de rupture, et elle travaillerait en priorité, comme la DARPA américaine, sur des technologies duales. Pourquoi une agence intergouvernementale ? Parce qu'il est délicat de faire financer par le budget communautaire une agence qui, en raison de sa « logique d'excellence », n'a pas de critère de « juste retour ». C'est donc une question d'efficacité et de volonté politique. De plus, le caractère intergouvernemental de la DARPA européenne permettrait d'inclure certains États européens non-membres de l'Union européenne mais très impliqués dans la recherche et l'innovation. Nous pourrions commencer par une « DARPA franco-allemande », puis étendre à d'autres États de l'Union européenne et enfin à la Suisse, la Norvège ou le Royaume-Uni, qui serait un atout significatif.

De plus, la politique commerciale, les règles du marché intérieur et le droit de la concurrence doivent tenir compte des objectifs de politique industrielle.

Si nous n'articulons pas correctement toutes ces politiques, nous parviendrons à des résultats contradictoires. Par exemple, la politique de l'environnement privilégie la vente de voitures électriques, et la politique industrielle a vocation à stimuler l'industrie européenne. Ces objectifs sont contradictoires à l'heure actuelle, puisque les batteries représentent un tiers de la valeur des véhicules électriques et que ces batteries sont produites en Chine. En incitant à l'achat de voitures électriques sans mesures de politique industrielle adéquates, nous aidons l'industrie chinoise. L'Europe a fait la même erreur quand elle a subventionné des panneaux photovoltaïques sans réfléchir au fait que ces panneaux étaient en fait produits en Chine.

De manière générale, les normes environnementales fortes imposées aux entreprises européennes ne sont pas accompagnées de mesures de politique industrielle et de politique commerciale suffisantes pour compenser la perte de compétitivité que ces normes représentent.

Nous ne pourrons pas imposer nos normes partout dans le monde : il faut donc adopter des mesures compensatoires. Il est ainsi indispensable que l'Union européenne ait une vision plus stratégique et plus cohérente de l'ensemble de ses politiques, sans quoi la politique industrielle risque de rester une incantation.

Si l'Union européenne veut inciter à l'achat de véhicules électriques, ce qui est parfaitement légitime, il faut aussi qu'elle protège la filière européenne des batteries pour permettre aux consommateurs d'acheter des véhicules électriques entièrement produits en Europe. C'est justement l'idée d'une proposition de règlement publiée en décembre 2020, qui vise à interdire progressivement les batteries les plus polluantes, c'est-à-dire en pratique les batteries produites en Chine. Il s'agit d'un usage stratégique d'un outil réglementaire : en contrôlant la vente de produits à raison de leur contenu carbone, l'Union européenne améliore la compétitivité « hors coût » de ses entreprises « propres » sans discriminer les entreprises étrangères. C'est une forme de « protectionnisme intelligent », qui complète bien le PIIEC sur les batteries.

Les normes du marché intérieur sont donc à la fois un outil de différenciation industrielle et un outil de maîtrise de nos flux commerciaux. À côté des normes de commercialisation, les règles du marché intérieur comprennent aussi les règles de la commande publique. Là aussi, des marges de manœuvre existent pour servir les objectifs de la politique industrielle européenne. Actuellement, les pouvoirs publics adjudicateurs ont quasiment l'obligation de choisir l'offre la moins chère. Il existe une possibilité de prendre en compte des critères plus qualitatifs, par exemple sociaux ou environnementaux, mais la charge administrative que cela implique est plus lourde. Nous proposons de rendre systématique le recours à la clause sociale et environnementale dans la commande publique ; cela permettra de valoriser les entreprises innovantes et peu polluantes et de privilégier indirectement la production européenne.

En ce qui concerne la cohérence des politiques européennes, nous avons déjà évoqué la politique de la recherche et le marché intérieur et nous devons également évoquer la politique de la concurrence, en lien avec le rapport présenté par Patrice Anato et Constance Le Grip sur cette thématique en novembre 2019. Les objectifs du droit européen de la concurrence devront en effet être mis en cohérence avec ceux de la politique industrielle européenne. Les règles européennes de la concurrence sont appliquées de manière abstraite, sans tenir compte de l'environnement international et de sa dynamique stratégique. En servant seulement l'intérêt du consommateur européen – le prix le plus bas –, la politique européenne de concurrence privilégie en réalité l'intérêt… du producteur chinois.

Le droit européen de la concurrence doit aussi prendre en compte la nécessité de reconstruire une capacité d'innovation et de production européennes, dans un objectif de croissance économique et d'indépendance politique. Nous proposons donc que la politique de concurrence intègre les objectifs de politique industrielle, et que la grille d'analyse qui vaut pour l'examen des PIIEC soit aussi applicable à l'examen des concentrations. Autrement dit, quand un projet de concentration présente un « intérêt européen commun » du fait de son intérêt économique et stratégique, il doit pouvoir être autorisé.

Enfin, la politique commerciale doit aussi tenir compte des objectifs de politique industrielle. Le 18 février, la Commission a annoncé une nouvelle politique commerciale qui semble aller dans ce sens, puisqu'elle mentionne la « transition environnementale », la « transition numérique » et qu'elle se base sur une « autonomie stratégique ouverte ». Selon nous, il est impératif d'être moins pusillanime dans l'usage des outils de défense commerciale. Nous encourageons aussi une mise en place rapide du « mécanisme d'inclusion carbone », ou « taxe carbone aux frontières », pour restaurer une équité dans le commerce international.

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. Pour résumer ce que vient d'exposer M. Herbillon, le « temps des demi-mesures » est terminé. Il faut que l'Europe soit plus offensive et moins naïve. Il y a eu une vraie prise de conscience de la nécessité d'une politique industrielle européenne. Cette évolution des mentalités est en soi importante et mérite d'être soulignée. La nouvelle Commission a défini des objectifs pertinents, reliés au « pacte vert », qui tient compte aussi des caractéristiques des nouvelles technologies et de l'évolution du contexte international. Je crois qu'il y a désormais un accord entre les États européens sur le constat et sur les objectifs.

La difficulté réside désormais dans les moyens. La Commission européenne ne se donne pas les moyens de réaliser concrètement les ambitions annoncées dans sa nouvelle politique industrielle. Certes, la politique industrielle n'est pas une compétence de l'Union européenne, mais les politiques qui relèvent de sa compétence – le marché intérieur, la concurrence, la politique commerciale – ne sont pas conçues pour servir la stratégie industrielle de l'Union, et peuvent même la gêner. La double transition, environnementale et numérique, et l'autonomie stratégique européenne doivent devenir des objectifs transversaux et toutes les politiques de l'Union doivent s'articuler pour les atteindre de la manière la plus efficace et la plus cohérente.

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Votre rapport a le mérite de soulever beaucoup de questions, notamment sur l'articulation entre les différentes politiques. Votre analyse permet de constater, une fois de plus, l'interdépendance entre l'ensemble des sujets traités au niveau européen.

Par ailleurs, votre rapport met en avant certains paradoxes. En effet, d'un côté, vous soulignez la multitude d'acteurs impliqués en matière de politique industrielle et, d'un autre côté, l'objectif souvent avancé est celui de créer une « DARPA européenne ». En outre, on veut développer des capacités d'innovation, ce qui demande une certaine flexibilité.

Nous nous heurtons peut-être ici à un problème de culture entre les États membres. Pour certains d'entre eux, le terme « stratégie » signifie « plan », mot parfois difficilement acceptable. Est-ce que cela ne constitue pas une barrière ? Est-ce qu'un plan stratégique peut nous offrir la flexibilité suffisante pour nous assurer une véritable capacité d'innovation ?

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Ayant moi-même présenté en janvier dernier un rapport sur l'évaluation de la politique industrielle de l'État, je partage la conviction des rapporteurs selon laquelle il faut promouvoir une industrie plus innovante, plus compétitive et plus verte en France comme en Europe. Pour redevenir une puissance industrielle capable de rivaliser avec ses concurrents internationaux, l'Union européenne doit concentrer ses moyens sur certains domaines stratégiques et agir sur le long terme pour assurer un développement économique respectueux de l'environnement. Les innovations technologiques apparaissent comme une réponse aux défis environnementaux et aux enjeux de croissance économique et d'emploi.

Comment parvenir à mettre en place une politique industrielle compatible avec la stratégie européenne pour une Europe neutre d'un point de vue climatique d'ici à 2050 ? Quelles sont, parmi vos propositions, les priorités que vous souhaitez mettre en avant ? Il faut également promouvoir un développement économique harmonieux sur l'ensemble des territoires européens.

Ensuite, la crise sanitaire a montré la nécessité pour l'Union de préserver son indépendance en matière de santé, ce qui implique la maîtrise de certaines technologies-clés et la réorganisation des chaînes de valeur essentielles dans le domaine de la santé. Il est inacceptable que certains produits pharmaceutiques essentiels soient intégralement produits en Asie pour des raisons de coût. Quels sont, selon vous, les leviers à actionner pour la mise en œuvre d'une autonomie stratégique dans le domaine de la santé ? Cela passera, selon moi, par une ambition accrue en matière de recherche publique et de meilleurs partenariats public-privé.

Enfin, dans la perspective de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, quelles impulsions doit porter notre pays au niveau européen pour la concrétisation de cette nouvelle politique industrielle ?

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Votre rapport est l'occasion pour moi de faire un lien avec la communication que j'avais réalisée en juillet 2020 sur la nécessaire solidarité industrielle européenne. Dans cet objectif, il ne faut pas opposer les intérêts nationaux mais au contraire insister sur la nécessité de coopérer afin de renforcer le potentiel industriel de notre continent.

Comme vous le soulignez, il est indispensable de penser l'articulation de la politique industrielle avec le cadre juridique européen en matière de concurrence, car il peut y avoir des conflits potentiels. Afin de trouver un équilibre entre l'objectif de concurrence loyale et la nécessité de renforcer l'autonomie industrielle, deux solutions sont souvent évoquées. La première consisterait à durcir les règles en matière d'aides d'État applicables aux entreprises étrangères, tandis que la seconde prévoit un assouplissement du droit de la concurrence. Laquelle des deux serait la plus pertinente selon vous ?

Sur le plan externe, subventions dont bénéficient certaines entreprises étrangères créent des distorsions de concurrence au détriment des entreprises européennes soumises à des règles strictes en la matière. La Commission européenne devrait publier un Livre blanc sur ce sujet : quelles sont attentes vis‑à‑vis de ce document ?

Ensuite, sur le plan interne, l'assouplissement du droit de la concurrence est réputé permettre l'émergence de champions européens, plus compétitifs sur le plan international. Or, la concurrence favorise également la croissance et l'innovation. Comment soutenir la compétitivité nos entreprises face aux géants américains et chinois sans porter atteinte à l'innovation et à la croissance ?

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Le gouvernement français n'avait pas hésité à critiquer le refus du projet de fusion entre Alstom et Siemens, dû à une décision de la commissaire en charge de la concurrence, arguant que les règles en vigueur empêchaient l'émergence de « champions européens » suffisamment puissants pour peser à l'échelle mondiale. Depuis, la présidente de la Commission européenne a prévu de revoir les règles de concurrence avec la volonté de trouver un nouvel équilibre entre ouverture et protection. Cet infléchissement du droit de la concurrence est, pour M. Thierry Breton, une condition sine qua non pour favoriser les entreprises européennes face à la concurrence étrangère et faire émerger une vingtaine d'écosystèmes industriels, comme l'automobile ou l'aéronautique.

Or, outre la commissaire européenne en charge de la concurrence, un certain nombre d'États membres, notamment les plus libéraux et les plus petits, ne voient pas cette perspective d'un bon œil.

Quelles sont, selon vous, les perspectives à court et moyen terme d'aboutir à une refondation des règles de la concurrence au sein de l'Union ? J'ai bien compris que la politique de concurrence doit intégrer les objectifs de la politique industrielle. Vaste programme !

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Vous avez bien posé le diagnostic, il est très complet et lucide, voire à certains égards, critique avec une acuité douloureuse mais nécessaire. L'ensemble est précis. Vous avez, à plusieurs reprises, situé vos propres travaux dans le droit fil d'autres travaux menés par notre commission, notamment celui que j'avais eu le plaisir de conduire avec M. Patrice Anato sur la politique de concurrence. Je vous en remercie.

La question se pose de savoir si l'application que fait la Commission européenne des règles de concurrence est compatible avec l'émergence de champions européens et encore plus, avec la naissance d'une véritable politique européenne industrielle.

Le rapport décrit une prolifération d'agences et de forums aux compétences floues et redondantes. S'agissant de la stratégie européenne industrielle, nous devrions avoir des diagnostics précis avec un objectif clair, vers lequel convergent tous les outils, ce qui ne semble pas être le cas.

J'ai bien entendu vos préconisations volontaristes. Avez-vous eu l'occasion de vous entretenir avec des homologues d'autres parlements ? En d'autres termes, cette vision, qui peut sembler franco-française, commence-t-elle à recueillir des échos favorables dans d'autres parlements ou familles politiques ?

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Comme vous le soulignez, on s'interroge souvent sur les faiblesses de notre politique de concurrence mais moins souvent sur les moyens dont nous disposons pour renforcer notre politique industrielle. Or, travailler sur nos forces comblera une partie de nos faiblesses actuelles.

Vous confirmez que depuis la prise de fonctions de M. Thierry Breton, l'Union a pris un tournant et se positionne désormais de manière offensive pour une politique industrielle durable et digitale. Mais, en dépit d'une volonté de plus en plus affirmée, votre rapport semble indiquer que la stratégie reste incertaine voire imprécise. La recherche d'une autonomie stratégique européenne semble freinée par les intérêts particuliers des États membres. En dehors de l'Airbus des batteries, il est difficile d'identifier les grands projets européens de demain. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce point ?

Je m'interroge également sur le niveau des subventions publiques européennes. Sont-elles satisfaisantes ? Elles représentent 1,75 milliard d'euros pour le projet micro‑électronique européen alors que Huawei aurait bénéficié de 75 milliards d'euros pour développer son offre de téléphonie.

Votre rapport nous confirme la place indispensable de l'Union mais il nous met au défi d'élever le niveau stratégique.

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Ce moment de crise ne constitue-t-il pas, selon vous, une opportunité pour réfléchir aussi à la définition de ce que sont les secteurs stratégiques pour l'Union ?

Ne faudrait-il pas redéfinir les règles d'investissement dans l'Union, avec deux lignes directrices : d'abord la sécurité au sens large et la réciprocité du pays investisseur – ce qui suppose la création de joint ventures avec des acteurs européens. N'est-ce pas le moment d'aborder ces sujets ?

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Au cours de vos travaux sur la stratégie industrielle, les deux volets que sont l'eau et l'énergie, ont-ils été évoqués ? Il convient de les inclure pour mettre en route une industrie stratégique.

Concernant le financement des filières, existe-t-il un outil de suivi ou de contrôle de la cohérence des financements (à la fois de la filière et de la production sur le site) ? Il est important que la production se fasse dans l'Union. À défaut, faudrait-il développer un tel outil, selon vous ?

Dans le même ordre d'idées, que se passe-t-il si en regardant la valeur ajoutée d'un produit, on s'aperçoit qu'un des éléments clés n'est pas produit dans l'Union ? Ces situations sont-elles prises en compte dans les réflexions en cours sur la politique industrielle ?

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Comment analysez-vous cette lente désindustrialisation à laquelle nous assistons depuis les années 1970 ? Le Président Pompidou évoquait déjà « l'impératif industriel ». À l'avenir, pourrait-il y avoir des conflits d'intérêts entre cette volonté de réindustrialisation et d'autres impératifs, par exemple écologiques ? Comment arriver à un développement industriel durable ?

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Christophe Grudler, député européen

Je précise que les 14 écosystèmes sont des outils de suivi des chaînes de valeur du plan de relance de l'Union. C'est leur vocation principale.

L'Union défend une vraie stratégie industrielle. Elle a été présentée en mars dernier par le commissaire Thierry Breton et sera révisée et par la Commission en avril 2021. Elle comporte des sujets clés comme la résilience, l'environnement, la numérisation et l'innovation et propose des outils comme les alliances européennes et les PIIEC. Au-delà des batteries, il y a l'hydrogène, les micro-électroniques, l'alliance européenne des lanceurs pour les satellites. En somme, la Commission européenne met à disposition des outils pour cette stratégie industrielle.

A propos de la réindustrialisation, nous ne pourrons pas relocaliser des industries qui produisent à bas coût à l'étranger. En revanche, nous pouvons trouver une solution intermédiaire pour d'autres produits utiles, même si moins stratégiques. Ils pourraient être produits à titre transitoire par des pays européens non-membres de l'Union, notamment par les pays des Balkans qui ont vocation à intégrer un jour l'Union. Ces pays ne pourraient-ils pas profiter de la relocalisation en Europe des chaînes de valeur pour relancer leur économie en vue d'une future adhésion à l'Union ?

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L'abondance de vos questions et leur diversité soulignent l'intérêt du rapport.

Mme la Présidente, vous avez raison d'évoquer l'interdépendance des sujets et la nécessité d'avoir une approche globale qui intègre plusieurs politiques. Nous avons été frappés par cette myriade d'organismes, de stratégies éparses, d'agences diverses. Leur structuration est sans doute compréhensible pour les « experts » européens – notez que je n'emploie un autre terme… –, peut-être aussi pour les députés qui s'intéressent à ces questions, mais qu'en est-il pour les citoyens ? Or, permettre à nos concitoyens de comprendre les décisions prises au niveau de l'Union sur des sujets fondamentaux comme la politique industrielle – qui est au cœur des préoccupations actuelles – nous semble essentiel.

Notre fil rouge a été de se demander comment être plus rapides et comment rester agiles. Nous avons été surpris lorsque la Commission nous a dit que nos propositions, relatives à la responsabilité, à la clarification, revenaient à vouloir un Gosplan. On sait bien que l'actualité voit s'opposer deux thèses qui ne sont pas nécessairement complémentaires, entre ce que veut promouvoir Thierry Breton et ce que défend la vice-présidente. J'espère que nous allons trouver un équilibre entre autonomie et ouverture.

Thierry Michels a évoqué la question de la présidence française, pour que ces questions de stratégie industrielle soient au cœur du programme. Le secrétaire d'État est très attaché aux réalités concrètes et à ce que la stratégie industrielle soit un élément clé de l'agenda de la présidence.

Concernant la compatibilité entre la mise en place d'une politique industrielle et les objectifs climatiques, nous avons indiqué que toutes nos politiques doivent être articulées. La politique industrielle doit être au service de la politique environnementale, et vice versa. Elle va de pair avec le Pacte vert. La Commission a proposé d'interdire progressivement les batteries fabriquées de manière polluante, ce qui permettra à la fois d'atteindre nos objectifs environnementaux et de stimuler l'industrie européenne des batteries, plus propre que l'industrie chinoise. Enfin, en matière d'environnement, nous proposons que le mécanisme d'inclusion carbone soit rapidement mis en place pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.

Pour ce qui concerne le domaine de la santé, la pandémie est venue s'inviter dans toutes les discussions sur l'autonomie stratégique européenne. Nous voyons deux orientations pour articuler politique industrielle et autonomie stratégique en matière de santé. Il faudrait étendre le cadre des PIIEC à tous les projets nécessaires à l'autonomie stratégique. Actuellement ils ne sont possibles que pour les projets innovants. Or, on sait que certains médicaments sont essentiels sans être innovants, comme le paracétamol, que nous ne sommes plus capables de produire en cas de crise. La commission des affaires européennes a adopté en juin 2020 une résolution portant sur la relocalisation de la production de médicaments.

La deuxième orientation serait de créer une BARDA européenne, agence américaine pour la santé, la recherche et le développement du biomédical. Nous n'avons pas développé le point lors des auditions car cela excède le champ du rapport mais c'est une piste importante pour l'avenir.

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Il a été souligné que les États membres ont des différences de points de vue, comme l'a montré le conseil des ministres d'avant-hier. La France défend de longue date une véritable politique industrielle européenne. Certains États du Nord de l'Europe sont beaucoup plus réticents, ce que nous avons constaté, avec Constance Le Grip, en nous rendant en Finlande dans le cadre d'un précédent rapport.

Cette ligne de partage se retrouve au sein de la Commission européenne. Elle remonte aux débuts de l'Union européenne, mais elle se définit aujourd'hui comme une opposition entre les « pro-Vestager » et les « pro-Breton ». Toutefois, la DG COMP évolue aussi, en promouvant l'outil des PIIEC. Nous espérons que la réforme actuelle de cet outil sera suffisamment ambitieuse.

Une autre piste de réforme est celle du droit de la concurrence, qui consisterait à revoir la grille d'analyse des concentrations, pour que l'affaire Alstom Siemens ne se reproduise plus. Il faudrait que les critères retenus pour l'attribution des aides d'État dans le cadre des PIIEC soient transposés à l'analyse des projets de concentration. Lorsqu'un projet présente un intérêt européen commun, en contribuant à l'autonomie stratégique de l'Union ou en préservant en Europe une capacité de production et d'innovation, il faut qu'il soit autorisé, même si cela implique une petite entorse à la concurrence. D'une manière générale, les objectifs du droit européen de la concurrence devraient être redéfinis en cohérence avec nos objectifs de politique industrielle, la politique environnementale et l'exigence d'autonomie stratégique.

Concernant le Livre blanc publié en juin 2020, je n'ai pas tous les détails mais le livre prévoit des mesures face aux pratiques déloyales, des mesures anti-dumping et le contrôle des subventions accordées aux entreprises étrangères. Il ne s'agit pas de faire gagner une position contre une autre, mais plutôt de mettre les politiques de l'Union en cohérence. Il y a un consensus sur l'objectif de double-transition et sur l'autonomie stratégique. À présent, il faut articuler correctement nos outils pour atteindre nos objectifs et transformer nos discours en actes concrets.

Il y a eu une question sur la réindustrialisation et la relocalisation de certaines industries dans les Balkans. Je pense que c'est une piste intéressante. Il faut toutefois que les Etats actuellement membres de l'Union soient aussi gagnants, qu'il y ait un « retour sur investissement ».

Les volets eau et énergie, qui sont indispensables à une politique industrielle, n'ont été abordés qu'à la marge dans notre rapport car cela nous aurait fait déborder notre sujet.

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La crise que nous traversons a révélé un certain nombre de réalités que l'on ne soupçonnait pas, dans notre pays et dans l'Union européenne. Elle nous impose de réfléchir, de penser différemment pour être plus agile et plus proactif en matière de politique industrielle, au-delà des seuls produits indispensables pour la protection et la santé des Européens.

C'est la raison pour laquelle nous avons pris beaucoup d'intérêt à ce rapport sur la stratégie industrielle. Nous faisons un certain nombre de propositions pour rendre sa mise en œuvre effective.

La préparation de ce rapport nous a permis d'avoir des échanges avec une quarantaine d'interlocuteurs de haut niveau et de profils variés, la plupart en visioconférence. Nous aurions aimé en rencontrer davantage si les conditions sanitaires nous l'avaient permis.

Nous avons auditionné des membres du Parlement européen, dont Christophe Grudler et François-Xavier Bellamy.

Je ne suis pas opposé à la proposition de relocalisation dans des pays non-membres de l'Union européenne mais qui sont à ses portes, à condition que cela ne soit pas vu comme la première étape vers un éventuel élargissement. La question de l'élargissement aux pays des Balkans est un autre sujet, les deux ne doivent pas être liés.

Nous ne remettons pas en cause les écosystèmes tels qu'ils ont été présentés par Thierry Breton. Sauf erreur de ma part, ils ont été présentés le 10 mars mars 2020, donc avant le plan de relance. Je fonde beaucoup d'espoirs dans l'approche de Thierry Breton en matière de stratégie industrielle, mais il existe des approches différentes au sein de la Commission et au sein du Parlement européen. Nos propositions visent à rendre cette stratégie plus lisible et plus agile. Nos deux premières propositions supposent une modification de l'article 173 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les autres se font à traités constants et peuvent être mises en œuvre dès maintenant.

Didier Quentin a évoqué un conflit entre la relocation industrielle et les préoccupations environnementales. Nous estimons qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre ces deux objectifs, et qu'il doit au contraire y avoir une cohérence entre la stratégie industrielle et la double transition environnementale et numérique, car ces stratégies sont susceptibles de se renforcer mutuellement. C'est le bel enjeu auquel nous sommes confrontés.

En réponse à Marietta Karamanli, il existe depuis peu un règlement sur le filtrage des investissements étrangers pour se prémunir contre les acquisitions prédatrices, applicable depuis octobre 2020.

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Les financements sont-ils à la hauteur des enjeux ? L'Europe affiche sa volonté de financer cette politique industrielle, mais force est de constater qu'il y a un écart important avec, par exemple, les investissements réalisés par la Chine dans des entreprises qui ne sont pas soumises aux mêmes règles qu'en Europe. Notre droit de la concurrence limite nos possibilités de financement, mais les PIIEC permettent de financer des investissements stratégiques qui échappent un peu à la règle commune de prohibition des aides d'Etat.

Nous traversons une crise sans précédent, dont nous ne savons pas quand nous sortirons. L'Europe doit faire preuve d'audace et prendre des mesures fortes pour se protéger. Cette proposition ne figure pas dans le rapport, mais je pense que les investissements étrangers, par exemple dans le numérique, pourraient être limités à une certaine hauteur de participation.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.

II. Examen du rapport d'information portant observations sur le projet de loi (n° 3875) portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (Mme Liliana Tanguy, rapporteure)

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Nous examinons le rapport pour observations de Mme Liliana Tanguy sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui sera examiné en séance à compter du 29 mars.

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Ce projet de loi a pour objectif de traduire sur le plan normatif 46 des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Ce n'est donc pas un texte de transposition ni d'adaptation au droit de l'Union européenne. Toutefois, de nombreuses dispositions du texte ont un lien avec le cadre européen et les ambitions environnementales de l'Union européenne, notamment le Pacte vert pour l'Europe, qui est le programme de la Commission Von der Leyen en matière climatique et environnementale.

L'environnement est un sujet auquel je porte un grand intérêt. Quotidiennement, dans ma circonscription du Finistère, je vois les conséquences de l'activité humaine sur l'environnement et plus encore les conséquences du changement climatique qu'elle engendre. De l'érosion des côtes dans ma circonscription, en particulier dans le pays Bigouden Sud, à la pollution atmosphérique à Paris, en passant par l'érosion des sols et l'appauvrissement des eaux, chacun est affecté par ces changements.

Je voudrais également développer rapidement trois points liminaires.

D'une part, j'aimerais souligner que ce texte est issu d'une consultation publique inédite par son sujet et par son ampleur. Les propositions du projet de loi reposent sur le travail des citoyens la Convention pour le climat, et leur investissement qui a conduit à un rapport final très complet. Je tiens également à féliciter les différents ministères qui ont permis la transcription des propositions citoyennes dans le présent projet de loi et leur discussion. Je salue tout particulièrement notre ancienne collègue Barbara Pompili, désormais ministre de la transition écologique.

D'autre part, j'attire votre attention sur le fait que plusieurs mesures proposées par la Convention citoyenne pour le Climat ne relèvent pas de l'échelon national, mais de négociations européennes et internationales. En outre, certaines mesures, si elles peuvent être mises en œuvre au niveau national, auraient davantage de poids et de cohérence si elles s'appliquaient dans l'ensemble des États membres. Le travail sur les propositions de la Convention Citoyenne appelle donc, à plusieurs égards, une attention particulière pour son articulation avec le droit européen.

Enfin, je tiens à signaler que le rapport s'appuie sur les travaux précédents très complets menés par Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Deflesselles, dans le cadre de leur rapport pour information de janvier 2021 sur l'objectif européen de neutralité climatique en 2050.

Concernant le contenu et les enjeux de ce texte, le projet de loi Climat et résilience part du constat des citoyens, partagé par le Gouvernement et moi-même, de la nécessité d'agir très rapidement pour la protection de la planète, tant au niveau national qu'au niveau européen. L'accord de Paris de 2015 fixe un objectif de limitation du réchauffement climatique en dessous de 2°C par rapport à l'époque préindustrielle. Or, pour atteindre cette cible, il faut diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre dans l'Union européenne d'ici à 2050 : sans une action rapide et efficace, le réchauffement pourrait atteindre entre 3 et 5°C d'ici 2100 selon les estimations du GIEC.

Pour répondre à ce défi, le projet de loi prévoit une action dans différents domaines, répartis en six titres : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et renforcer la protection judiciaire de l'environnement.

Ces dispositions interviennent dans le champ normatif des politiques climatiques et environnementales européennes, qui ont vocation à être rapidement renforcées, avec la mise en œuvre du Pacte Vert pour l'Europe. Le programme écologique de la nouvelle Commission européenne repose en effet sur une « loi climat », qui prévoit de rehausser l'objectif de diminution des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % à l'horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990. La « loi climat » fixe pour objectif de long terme l'atteinte de la neutralité climatique au niveau européen pour 2050. Dans un objectif de verdissement systémique des politiques européennes, le Pacte Vert prévoit également différentes stratégies sectorielles, qui doivent aboutir dans les prochaines années à l'adoption ou à la révision de nombreux règlements ou directives, notamment dans le domaine de l'agriculture, du transport ou de l'économie circulaire.

Le projet de loi a donc un lien fort avec le droit européen. Ma première observation tient au caractère mouvant du droit européen en matière climatique et environnementale, en raison de la mise en œuvre à venir du Pacte Vert. Si les objectifs européens ont vocation à être prochainement renforcés, la question de leur niveau précis et de l'effort de participation de chaque État membre à leur atteinte est encore ouverte. La France, en adoptant un texte ambitieux, se pose ainsi parmi les États membres les plus exigeants en matière climatique.

Ma seconde observation tient au choix politique porté par ce projet de loi qui consiste à anticiper, à plusieurs égards, la réglementation européenne à venir. Par exemple, il en va ainsi des dispositions prévoyant la création d'un affichage environnemental ou de celles définissant des atteintes pénales à l'environnement. Par ailleurs, le projet de loi prévoit explicitement et à plusieurs reprises une action prioritaire au niveau européen et, seulement à défaut, la mise en œuvre d'une solution nationale : c'est le choix opéré par exemple en matière de redevance pour les engrais azotés ou de taxation du gazole routier.

Toutes ces dispositions incitent dès lors la France à jouer un rôle moteur dans les négociations à venir pour la concrétisation du Pacte Vert pour l'Europe, et à affirmer son rôle en matière climatique.

Ma dernière observation est liée au fait que le projet de loi s'inscrit dans un équilibre entre le respect des objectifs européens en matière écologique et la prise en compte des enjeux économiques des différents milieux concernés. Ma conviction est en effet que la transition écologique et climatique doit s'appuyer sur l'acceptabilité des nouvelles normes par les citoyens pour être efficace. Ainsi, le projet de loi prend en compte l'accompagnement nécessaire de l'ensemble des acteurs concernés par cette transition, qui repose par ailleurs souvent sur une aide européenne. Par exemple, dans le cadre du plan de relance « Next Generation EU », 37 % des dépenses doivent permettre de favoriser les investissements et réformes climatiques.

J'ai bien compris les inquiétudes du Haut Conseil pour le Climat, qui a souligné que le délai de mise en œuvre de certaines mesures paraissait long pour l'atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je tiens toutefois à souligner que la temporalité retenue par le projet de loi doit permettre de favoriser cet enjeu d'acceptabilité, tout en permettant à la France de respecter sa feuille de route européenne. En outre, il convient de souligner que ce projet de loi n'est pas le seul texte français qui doit permettre d'atteindre les objectifs fixés par l'Union européenne. Par exemple, les propositions des citoyens en faveur du climat sont également traduites dans la loi de finances ou dans le plan de relance. Le projet de loi Climat et Résilience n'est ainsi qu'un jalon dans la stratégie climatique et environnementale du Gouvernement, qui est appelée à se poursuivre en lien avec les objectifs européens.

Le rapport formule dix recommandations. La première catégorie de recommandations concerne les articles qui renvoient aux négociations européennes pour étendre au niveau de l'Union les mesures prévues par le projet de loi. Trois dispositions prévoient en effet une action prioritaire au niveau européen, afin de renforcer l'efficacité des mesures et d'éviter la création de différentiels de compétitivité entre les Etats membres. Ces sujets doivent être considérés comme prioritaires dans les négociations.

Ainsi, l'article 30 encourage la taxation harmonisée dans toute l'Union du gazole routier, l'article 35 prévoit la définition d'une taxe de solidarité européenne sur les billets d'avion et l'article 62 prévoit la création d'une redevance commune sur les engrais minéraux azotés. Sur tous ces sujets, les négociations doivent s'articuler avec l'organisation de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera pour six mois le 1er janvier 2022. Il s'agit d'une opportunité pour la France de mettre certaines de ses priorités à l'agenda des négociations européennes, pour renforcer l'ambition climatique et environnementale de l'Union.

La seconde catégorie de recommandations vise, dans le cadre d'une réflexion plus large, à soutenir et encourager la France dans la défense, au cours de sa présidence de l'Union, de positions qui paraissent complémentaires avec les dispositions du projet de loi. Le rapport recommande ainsi d'inscrire, en tant que priorité importante de la présidence française, les négociations autour de l'ajustement carbone aux frontières. Ce dispositif, qui fait l'objet d'une proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat, doit permettre d'encourager les États non-membres de l'Union à adopter des normes environnementales exigeantes, et à éviter de créer des différentiels de compétitivité avec les États membres. Le rapport recommande également à la France de saisir l'occasion de la publication de la stratégie forestière de la Commission en 2021 pour ouvrir une réflexion sur la déforestation importée au niveau européen au cours de sa présidence.

Pour conclure, je tiens à souligner l'importance de ce projet de loi, qui doit non seulement contribuer à l'atteinte par la France de ses objectifs européens de plus en plus élevés mais qui permet également à la France de s'affirmer comme un État membre pionnier et ambitieux en matière politique et environnementale.

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Cet éclairage est nécessaire car nous avons besoin d'analyser l'articulation entre le droit national et le droit de l'Union européenne. Nous souhaitons tous faire partie des États membres les plus ambitieux en ce qui concerne les sujets environnementaux. Néanmoins, il existe des inquiétudes au sein des milieux économiques, notamment sur la mise en œuvre anticipée de certaines mesures au niveau national par rapport au calendrier européen.

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. Le Pacte vert pour l'Europe présenté par la Commission propose, à travers différentes stratégies, l'élaboration ou la révision de nombreux textes européens. Nombre de ces thématiques ont également fait l'objet de propositions de la part des membres de la Convention citoyenne pour le climat. D'après vos travaux, sur quels aspects le projet de loi permet-il de répondre aux propositions citoyennes tout en anticipant le Pacte vert pour l'Europe ? Des dispositions ont-elles été écartées ?

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Il convient de rappeler le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi, c'est-à-dire que la France répond à un engagement pris au niveau européen. Elle se veut capable d'être un modèle d'anticipation pour nos partenaires européens sur les prescriptions qui seront contenues dans le futur règlement et ce faisant, jouer un rôle moteur auprès d'eux.

Pour autant, nous devons garder à l'esprit que le texte de la convention citoyenne pour le climat, qui est à l'origine de ce projet de loi, ne peut être comparé seul aux ambitions européennes. Ce projet de loi ne constitue pas l'entièreté de l'offre en termes de politiques publiques en faveur de la transition écologique au niveau national. De la même manière, il ne représente qu'une partie des propositions de la convention citoyenne pour le climat. L'autre partie, plus vaste, est partagée entre initiatives gouvernementales qui feront l'objet de dispositions réglementaires, le plan de relance et d'autres dispositions législatives (dont la loi de finances, la loi orientation des mobilités et la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire).

Cependant, pour satisfaire à l'ambition de la convention citoyenne, nous prévoyons déjà de nous en remettre à l'échelon européen et intergouvernemental pour vingt-quatre de ces mesures ; c'est-à-dire pour plus de la moitié de celles contenues dans la loi que nous étudions actuellement.

Or, la convention citoyenne pour le climat et le Haut Conseil pour le climat ont émis des réserves sur l'ambition du texte, plus exactement sur sa capacité à limiter nos émissions de GES. Sur le plan formel, compte tenu du fait que le texte ne représente que 32 % des leviers de mise en œuvre de l'ambition de la convention citoyenne, nous pouvons dire avec le Gouvernement que ce texte n'est pas l'élément majeur de cette politique. Il constitue un levier parmi d'autres.

Dans ce contexte, pensez-vous que le contrôle effectué par notre assemblée et à plus forte raison par notre commission, puisse être pleinement effectif compte tenu du poids de ces différents leviers et de celui du projet en particulier ? Cette question se pose en particulier pour le travail comparatif que vous avez présenté.

Je m'interroge également sur le poids institutionnel que joue la convention citoyenne telle qu'elle a été instituée. Un poids que nous pouvons considérer comme négatif étant donné que notre assemblée ne pourra pas examiner toutes les réalisations qui ont été faites pour satisfaire à l'ambition de la convention citoyenne. L'équilibre des pouvoirs ne pourrait-il pas s'en trouver potentiellement déséquilibré ?

Comment la France pourrait-elle mettre à profit l'opportunité qu'offre la présidence française de l'Union, pour accélérer l'ambition climat au niveau européen ?

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. À l'heure où nous examinons le projet de loi climat et résilience, ce rapport réaffirme la place de la France comme moteur de la transition écologique et climatique européenne.

En tant que membre de la commission spéciale, je suis pleinement investi dans ce travail, dont le chemin est tracé par le Pacte vert européen et la convention citoyenne pour le climat. Si je suis convaincu que de nombreux leviers sont aujourd'hui mobilisés et le resteront demain, je m'interroge toutefois sur les moyens de leur accompagnement social. Pensez-vous que la France, tout comme l'Union, se soit suffisamment penchée sur les modalités d'un accompagnement social juste et inclusif ? Comment pensez-vous que nous pourrions parvenir à une pleine harmonisation européenne des mesures d'accompagnement ?

Par ailleurs, la feuille de route environnementale du Pacte Vert proposé par la Commission démontre une réelle ambition de protéger l'environnement et d'agir pour lutter contre le réchauffement climatique. Cette feuille de route est actuellement en discussion et son application impliquera un réajustement de la stratégie des États membres. Dès lors, considérant les futures révisions de l'Union, quelles sont les mesures du projet de loi les plus susceptibles d'être impactées, selon vous, par des changements prochains au niveau européen ?

Enfin, ce projet de loi renforce la protection de l'environnement au niveau national et incite les autres États de l'Union à adopter des standards élevés en matière écologique. Toutefois, les entreprises en France et dans l'Union ne risquent-elles pas de pâtir des différences de législation avec les pays qui auraient des exigences écologiques moins élevées ? Quels leviers voyez-vous pour y remédier ?

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. Je souhaiterais connaître votre avis sur la question de l'écart entre les objectifs de réduction des GES fixés à au moins 55 % par l'Union et les objectifs de réduction de 40 % poursuivis par ce projet de loi. Compte tenu des bases de calcul différentes, l'écart réel est certes moins important. Avez-vous plus d'informations sur la mise en conformité du cadre législatif avec les objectifs européens ?

De plus, je m'interroge sur la convergence entre les efforts français et européens sur la déforestation qui a été évoquée, à l'article 64 du projet de loi. Ce dernier prévoit un mécanisme de partage de données sur la déforestation importée. Or, les produits à fort impact sur la déforestation comme l'huile de palme, n'arrivent souvent sur le territoire hexagonal qu'après des pérégrinations et avoir transité dans d'autres États membres, ce qui complique la traçabilité et l'efficacité réelle que pourront avoir ces dispositions. Au vu de ces difficultés, comment évaluez-vous la pertinence de ces dispositifs ?

Le Parlement européen a déjà voté en 2020 un rapport d'initiative législative qui demande à la Commission européenne de présenter une proposition législative contraignante en la matière. Par conséquent, ne serait-il pas plus pertinent de régler cette question au niveau européen, d'autant plus que Bruxelles dispose d'une compétence exclusive en matière de politique commerciale ?

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Je commence par répondre à la question de Mme la Présidente, sur la compatibilité des mesures nationales avec le cadre européen qui est mouvant ? Il faut travailler en lien avec l'Union pour s'assurer de la conformité des mesures en amont. Je recommande de pousser les positions françaises au niveau européen. Je prends l'exemple de l'affichage environnemental pour lequel nous ne sommes pas en retard en termes de propositions. Celles-ci pourraient avoir une répercussion au niveau de la réglementation européenne en la matière. L'article 1er du projet de loi prévoit la création d'un dispositif pour améliorer l'information du consommateur sur l'impact carbone du produit. Nous voulons rendre cette mesure obligatoire.

En parallèle de cette initiative, la Commission a également proposé un plan pour l'économie circulaire en 2020. C'est encore un exemple de politique pour laquelle nous souhaitons améliorer l'information des consommateurs, à la fois concernant l'impact carbone mais aussi sur la durée de vie du produit et les possibilités de réparation. Plusieurs paramètres seront choisis pour renvoyer cet article 1er à un décret, ils devront s'articuler avec la solution européenne.

Notre attention est constamment portée sur le fait que les mesures prises au niveau national doivent être cohérentes avec celles retenues au niveau européen.

Aujourd'hui, le projet de loi prévoit qu'une information sur l'impact carbone des biens et services soit mise en avant, mais la volonté de la Commission est de s'assurer que dans un premier temps, ce dispositif d'affichage environnemental soit compatible avec le droit européen. La France doit avoir la force de conviction pour exporter son dispositif au niveau européen. D'après mes informations, l'objectif serait bien d'avoir un affichage environnemental qui pourrait s'inspirer de la proposition française. Nous espérons être force de proposition pour que la cohérence entre droit européen et droit national soit assurée.

Concernant la question posée par Mme de Courson, il est vrai que de nombreux textes doivent permettre la mise en œuvre des propositions de la convention citoyenne pour le climat. Effectivement, le projet de loi climat et résilience ne reprend que 46 des 149 propositions. Néanmoins, toutes les dispositions ne pouvaient pas être reprises dans la loi. Certaines mesures relèvent d'une mise en œuvre au niveau européen. Je prends par exemple le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que la France pousse depuis dix ans : pour être compatible avec les règles de l'OMC, il ne doit pas être de nature protectionniste ou discriminatoire, c'est là la difficulté. Il ne doit pas fausser la concurrence. La Commission européenne doit faire une proposition sur ce point en juin 2021 pour une mise en œuvre en 2023.

La création de ce mécanisme est une proposition de la convention citoyenne pour le climat qui ne peut être mise en œuvre qu'au niveau européen. Ce mécanisme doit permettre de limiter la part des émissions de gaz à effet de serre importées. En 2019, elles représentaient 20 % des gaz à effet de serre au niveau européen. Ce projet de loi conduit à accroître les standards de protection du climat et de l'environnement en France. Pour éviter que les entreprises françaises ne soient victimes d'un dumping environnemental, ce mécanisme doit être complémentaire aux mesures du projet de loi. La position française à ce sujet existe de longue date et fait davantage consensus au niveau européen. Je préconise dans le rapport que ce mécanisme soit une priorité de la présidence française de l'Union européenne en 2022.

Concernant la question de Mme Bono-Vandorme, sur la conciliation que fait ce projet de loi entre le pacte vert européen et les attentes des citoyens : le pacte vert propose en effet la révision de nombreux textes européens, la législation sur l'environnement existe au niveau européen depuis les années 1970. Le pacte vert amène de nouvelles évolutions.

Je crois que le projet de loi permet à la fois de traduire fidèlement les propositions des membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, tout en anticipant le Pacte Vert pour l'Europe.

Le projet de loi « Climat et résilience » a pour objectif, à travers plusieurs dispositions touchant divers secteurs d'activité (transport, bâtiment…) de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il doit permettre d'atteindre les objectifs de la « loi européenne sur le climat ». Cette proposition de règlement doit en effet être adoptée définitivement d'ici la fin de l'année 2021 et prévoit deux objectifs au niveau européen : la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % à l'horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990 (cet objectif a été validé par le Conseil européen le 11 décembre 2020), et la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Pour atteindre ces objectifs, le projet de loi s'articule avec les différentes stratégies sectorielles prévues par le Pacte Vert. Il s'agit par exemple de la stratégie « De la ferme à la table », ou encore de la stratégie « Biodiversité » en matière agricole, « Mobilité durable » en matière de transports, ou « Vague de rénovation » en matière de logement. Celles-ci définissent les propositions d'évolution de la législation européenne dans les domaines qui intéressent le projet de loi.

Je pourrais citer quelques exemples. Ainsi, le titre III du projet de loi, intitulé « Se déplacer », intervient également dans un champ de réglementation susceptible d'évoluer, du fait de la mise en œuvre de la stratégie « Mobilité durable » de la Commission. Cette stratégie prévoit de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d'ici 2050. Le titre III du projet de loi, en proposant une évolution vers des mobilités propres et durables (fin de commercialisation des véhicules neufs émetteurs à l'article 25, taxation du gazole routier à l'article 30 par exemple) adopte des objectifs alignés avec ceux présentés dans la stratégie européenne.

De plus, le titre IV du projet de loi, intitulé « Se loger », s'articule aussi avec les stratégies du Pacte Vert. En effet, la stratégie « Vague de rénovations » de la Commission européenne a non seulement pour objectif de doubler le taux de rénovation des bâtiments résidentiels et non résidentiels dans l'Union Européenne au cours des dix prochaines années, mais aussi de s'assurer que ces rénovations conduisent à une meilleure efficacité énergétique. Dans le projet de loi « Climat et résilience », les articles 41 et 42 prévoient l'interdiction de location des passoires thermiques et la création d'un niveau de performance minimal des logements. Ces dispositions doivent ainsi contribuer à l'atteinte des objectifs de cette stratégie.

Le titre V du projet de loi, intitulé « Se nourrir », s'articule également avec la stratégie « De la ferme à la table » de la Commission européenne, qui fixe plusieurs objectifs environnementaux, comme la garantie d'une production alimentaire durable. Ainsi, le projet de loi qui prévoit la taxation des engrais azotés, doit aussi permettre d'atteindre plusieurs objectifs environnementaux afin de garantir une production alimentaire durable.

Ainsi, je crois que le projet de loi permet de respecter un double objectif : respecter la transcription des souhaits des citoyens et dans le même temps anticiper la mise en œuvre du Pacte Vert.

Je souhaiterais répondre désormais à la question posée par M. Thierry Michels, concernant les modalités d'un accompagnement juste et inclusif, et relative aux leviers possibles pour obtenir une véritable harmonisation européenne concernant ces mesures d'accompagnement.

Le projet de loi propose en effet une transition énergétique et environnementale ambitieuse. Pour être efficace, j'ai la conviction que la transition écologique et climatique doit s'appuyer sur l'acceptabilité des nouvelles normes par les citoyens. Ainsi, comme vous le soulignez, un accompagnement juste et inclusif est nécessaire.

Plusieurs types d'aides sont prévus en ce sens pour permettre l'accompagnement de l'ensemble des acteurs économiques et des citoyens, secteur par secteur. Je pourrais citer deux exemples à partir des articles 62 et 30 du projet de loi.

L'article 62 prévoit la taxation des engrais azotés. Pour accompagner cette mesure, le système des éco-régimes, prévu par la nouvelle politique agricole commune (PAC) à partir de 2023, permettra aux agriculteurs qui utilisent moins d'intrants polluants de bénéficier de compléments de revenus.

L'article 30 prévoit quant à lui le renforcement de la taxation sur le gazole routier. Pour accompagner cette évolution, l'article prévoit également un renforcement des aides au développement de l'offre de véhicules lourds à motorisation alternative au gazole. Cette aide existe déjà, par ailleurs, avec une déduction exceptionnelle pour les entreprises utilisant des véhicules lourds peu polluants en France.

Il faut aussi souligner le rôle du plan de relance, dont 30 milliards sont consacrés à la transition énergétique au niveau national. Ces fonds doivent également permettre un accompagnement de nos concitoyens vers un modèle de société plus durable. L'objectif de ce projet, et madame la ministre Barbara Pompili l'a souligné à plusieurs reprises, c'est un changement des modes de vie, de consommation, et de mobilité. Il faut que ces mesures puissent s'inscrire dans la vie quotidienne. Par exemple, les aides du plan de relance pourront particulièrement concerner la rénovation énergétique des logements. Je veux d'ailleurs souligner que les mesures de rénovation énergétique des logements permettent à la fois d'atteindre des objectifs écologiques et de justice sociale, en luttant contre la précarité énergétique. La problématique des passoires énergétiques concerne en effet particulièrement les personnes ayant des faibles revenus. Nous avons récemment obtenu les conclusions du rapport « Sichel » qui avait été demandé par la ministre et qui prévoit justement une politique d'accompagnement modulée en fonction des revenus des ménages, de telle sorte que les personnes ayant le plus de difficultés n'aient pas un reste à charge trop important pour pouvoir rénover leur logement.

Enfin, de façon générale, je pense que la France doit exercer son influence de façon très diffuse en adoptant des normes ambitieuses en matière climatique et environnementale, mais en s'affirmant aussi comme un État membre de référence sur ces sujets, et donc en jouant ce rôle de laboratoire d'observation. Concernant l'affiche environnemental, la France pourrait inciter les autres États et les autres institutions européennes à reprendre des mesures qu'elle a inspirées. La France peut véritablement jouer un rôle et entretenir un dialogue avec le Parlement européen et la Commission autour de la mise en œuvre de ces normes qui sont en réalité des standards que nous espérons pouvoir faire adopter au niveau européen, mais aussi à l'échelle plus large de l'économie des échanges internationaux.

Je souhaiterais répondre désormais à la question de Mme Marguerite Deprez-Audebert, qui portait sur l'objectif européen de 55 % de réduction des gaz à effet de serre défini, et sur la problématique de la déforestation importée.

La Convention citoyenne pour le climat a travaillé sur un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport à leur niveau de 1990. Cet objectif a été revu à la hausse par le Conseil européen du 10 et 11 décembre 2020 : l'objectif de réduction est désormais de 55 % par rapport aux niveaux de 1990.

Toutefois, cet objectif n'est pas compris comme un objectif absolu pour chaque État membre. En réalité, l'objectif des 55 % constitue une moyenne. L'objectif tient compte de l'absorption des émissions par les puits de carbone. Il est exprimé de façon globale pour l'ensemble des États membres de l'Union Européenne, selon la méthodologie définie par le GIEC. En réalité, en prenant en compte ces puits de carbone, l'effort de diminution des émissions est plutôt de 53 % pour ce qui concerne la France.

L'objectif de 55 % est compris au niveau européen, et non comme un objectif absolu pour chaque Etat membre. Certains pays devront ainsi réaliser plus d'efforts que d'autres. Je pense notamment aux pays d'Europe centrale qui ont une économie très carbonée, parce qu'ils utilisent beaucoup de charbons. Ceux-là seront sûrement contraints à un effort plus conséquent.

La répartition de la diminution entre les secteurs couverts par le marché de quotas de carbone et les secteurs non couverts n'est pas encore déterminée. Selon les secteurs, l'objectif fixé à la France sera plus ou moins important. L'objectif qui sera assigné à la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est donc pas encore précisément chiffré.

Les mesures du projet de loi climat et résilience doivent permettre de contribuer à la réduction de ces émissions de gaz à effet de serre. Il faut ajouter à cela la question des émissions importées. Je voudrais désormais en venir à la question de la politique forestière et de la déforestation importée.

Effectivement, à l'article 64, des dispositions sont prévues en lien avec cette politique forestière, qui visent à lutter contre la déforestation importée. Cette question-là n'est pas présente dans le projet de loi, mais la Commission européenne et la France agissent contre le phénomène de déforestation importée. Ainsi, en 2021, la Commission européenne devrait publier une nouvelle stratégie forestière. En conséquence, la France devrait attendre que cette stratégie soit rendue publique afin de pouvoir s'inscrire dans le cadre défini par celle-ci.

Toutefois, la France ne reste pas en retrait dans ce domaine. Elle devrait selon moi, et c'est l'objet de l'une de mes recommandations, jouer un rôle moteur dans la définition de cette stratégie, notamment concernant la déforestation, qui fait en France l'objet d'une stratégie de lutte nationale. Pour être plus précise, cette stratégie nationale de lutte contre la déforestation a été engagée par la France en 2018. Elle devrait, conduire en 2030, à l'interdiction d'importation de produits forestiers non durables, et qui contribuent à la déforestation dans les filières du cacao, du soja, de l'huile de palme, ou encore du bois. La France souhaite véritablement jouer un rôle moteur dans ce domaine, en proposant une initiative de ce type. L'objectif serait d'aller au-delà de l'article 64 qui prévoit uniquement la communication de données douanières nécessaires pour la mise en place de mécanismes d'alerte auprès des ministères de l'environnement, et à destination des entreprises lorsqu'elles importent des denrées en provenance de zones déforestées.

Ce sont des mesures qui doivent permettre de lutter contre la déforestation importée. Toutefois, ce ne sont pas les seules, puisque nous disposons aussi d'une stratégie, qui va, en outre, être renforcée. Nous souhaitons, en effet, être force de proposition à l'échelle européenne.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport en vue de sa publication.

III. Nomination de rapporteur

La Commission a nommé sur proposition de la Présidente Sabine Thillaye :

– M. Philippe Benassaya, co-rapporteur sur l'ouverture à la concurrence des marchés publics de défense européens, dont Mme Muriel Roques-Etienne a été précédemment nommée co‑rapporteure par la commission de la défense avec laquelle ce travail commun sera donc réalisé.

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Budget de l'union européenne

- Décision du Conseil modifiant, en ce qui concerne le commissaire aux comptes extérieur de la Deutsche Bundesbank, la décision 1999/70/CE concernant les commissaires aux comptes extérieurs des banques centrales nationales ( 6169/21- E 15561).

- Décision du Conseil modifiant, en ce qui concerne le commissaire aux comptes extérieur de l'Eesti Pank, la décision 1999/70/CE concernant les commissaires aux comptes extérieurs des banques centrales nationales ( 6170/21- E 15562).

Commerce extérieur

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à exprimer, au nom de l'Union européenne, lors de la soixante-quatrième session de la Commission des stupéfiants, en ce qui concerne l'inscription de substances aux tableaux annexés à la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le protocole de 1972, et à la Convention sur les substances psychotropes de 1971 ( COM(2020) 814 final - E 15418).

- Recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations relatives à un accord entre l'Union européenne et la Mongolie sur les indications géographiques ( COM(2020) 697 final/2 - E 15465).

- Proposition de décision du conseil conformément à l'article 218, paragraphe 9, du TFUE, relative à la position de l'Union concernant le projet de décision du comité mixte sur la détermination des marchandises ne présentant pas de risque ( COM(2020) 834 final/2 – E 15468).

- Décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue d'un accord entre l'Union européenne, d'une part, et l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein, d'autre part, sur les futures contributions financières des États de l'AELE membres de l'EEE à la cohésion sociale et économique au sein de l'Espace économique européen ( COM(2021) 22 final 2 RESTREINT - E 15473).

- Proposition de décision du conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du comité "Commerce" en ce qui concerne la modification de l'appendice 1 de l'annexe XII ("Marchés publics") de l'accord commercial entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la Colombie, le Pérou et l'Équateur, d'autre part ( COM(2021) 27 final - E 15474).

- Proposition de décision du Conseil sur la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein du conseil de partenariat institué en vertu de l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, d'une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, d'autre part, en ce qui concerne la date à laquelle l'application à titre provisoire de l'accord de commerce et de coopération cessera ( COM(2021) 64 final LIMITE- E 15507).

Défense européenne-PSDC

- Proposition de décision du Conseil relative à la position à prendre, au nom de l'Union européenne, au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale en ce qui concerne la notification des différences ayant trait à l'annexe 6, partie II, de la convention relative à l'aviation civile internationale ( COM(2021) 74 final- E 15541).

Institutions

- Décision du Conseil portant nomination d'un suppléant du Comité des régions, proposé par le Royaume de Danemark ( 6218/21- E 15537).

Politique économique, budgétaire et monétaire

- Règlement (UE) de la commission modifiant le règlement (CE) nº 1126/2008 portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) nº 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, en ce qui concerne les normes comptables internationales IAS 16, IAS 37 et IAS 41 et les normes internationales d'information financière IFRS1, IFRS 3 et IFRS 9 ( D071568/01- E 15574).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 01/2021 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2021 ( DEC 01/2021- E 15584).

- Proposition de virement de crédits n° DEC 02/2021 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2021 ( DEC 02/2021- E 15585).

Politique agricole commune

- Recommandation de décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations en vue de la conclusion d'un accord entre l'Union européenne et le Panama au titre de l'article XXVIII de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 en ce qui concerne le retrait, par le Panama, de ses contingents tarifaires de l'OMC sur le lait liquide et le lait évaporé ( COM(2021) 76 final- E 15542).

- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) nº 142/2011 en ce qui concerne des mesures transitoires pour l'exportation de farines de viande et d'os en tant que combustible ( D069136/03- E 15543).

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union et la République islamique du Pakistan concernant la modification des concessions pour l'ensemble des contingents tarifaires de la liste CLXXV de l'UE à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ( COM(2021) 80 final LIMITE- E 15548).

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union et la République d'Indonésie concernant la modification des concessions pour l'ensemble des contingents tarifaires de la liste CLXXV de l'UE à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ( COM(2021) 83 final LIMITE- E 15550).

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union et la République d'Indonésie concernant la modification des concessions pour l'ensemble des contingents tarifaires de la liste CLXXV de l'UE à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ( COM(2021) 84 final LIMITE- E 15551).

Politique de développement

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord sous forme d'échange de lettres entre l'Union et la République islamique du Pakistan concernant la modification des concessions pour l'ensemble des contingents tarifaires de la liste CLXXV de l'UE à la suite du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ( COM(2021) 81 final LIMITE- E 15549).

Politique étrangère et de sécurité commune(PESC)

- Proposition de décision du conseil concernant la position à prendre, au nom de l'Union, au sein du comité mixte institué par l'accord sur la création d'un espace aérien commun européen entre l'Union européenne et ses États membres et la République de Moldavie ( COM(2020) 763 final - E 15346).

- Proposition de décision du conseil concernant la position à prendre, au nom de l'Union, au sein du comité mixte institué par l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, le gouvernement de l'État d'Israël, d'autre part ( COM(2020) 765 final - E 15348).

- Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2014/932/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Yémen ( 6653/21 LIMITE- E 15553).

Politique sociale et travail

- Proposition de directive du Parlement européen et du conseil visant à renforcer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d'exécution ( COM(2021) 93 final- E 15571).

Textes actés de manière tacite

Enfin, la Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Commerce extérieur

- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés lors de l'évaluation thématique, en 2019-2020, des stratégies nationales des États membres pour la gestion intégrée des frontières ( COM(2020) 800 final LIMITE- E 15416).

Politique étrangère et de sécurité commune(PESC)

- Décision du Conseil modifiant la décision (PESC) 2019/797 concernant des mesures restrictives contre les cyberattaques qui menacent l'Union ou ses États membres ( 12474/20 LIMITE- E 15299).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) 2019/796 concernant des mesures restrictives contre les cyberattaques qui menacent l'Union ou ses États membres ( 12476/20 LIMITE- E 15300).

- Décision du Conseil et règlement d'exécution du Conseil concernant des mesures restrictives contre les cyberattaques qui menacent l'Union ou ses États membres ( 12537/20 LIMITE- E 15301).

- Mesures restrictives à l'encontre de la RDC - Notifications préalables des Nations unies ( 12732/20 LIMITE- E 15302).

- Décision du Conseil concernant des mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l'homme et aux graves atteintes à ces droits ( 12104/20 LIMITE- E 15352).

- Règlement du Conseil concernant des mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l'homme et aux graves atteintes à ces droits ( 12106/20 LIMITE- E 15353).

- Décision et règlement Conseil concernant les mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l'homme et aux graves atteintes à ces droits ( 12329/20 LIMITE- E 15354).

- Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2014/932/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Yémen - Annexe ( 6653/21 LIMITE ANNEXE- E 15554).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) n° 1352/2014 du Conseil concernant des mesures restrictives eu égard à la situation au Yémen ( 6655/21 LIMITE- E 15555).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) n° 1352/2014 concernant des mesures restrictives eu égard à la situation au Yémen - Annexe ( 6655/21 LIMITE ANNEXE- E 15556).

- Décision du Conseil modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine ( 5891/21 LIMITE- E 15557).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) n° 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine ( 5893/21 LIMITE- E 15558).

- Décision du Conseil abrogeant la décision 2011/172/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte ( 6320/21 LIMITE- E 15559).

- Règlement du Conseil abrogeant le règlement (UE) nº 270/2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte ( 6322/21 LIMITE- E 15560).

- Décision Du Conseil modifiant et prorogeant la décision (PESC) 2018/653 sur l'établissement d'un entrepôt pour les missions civiles de gestion de crise ( 6191/21 LIMITE - E 15575).

- Décision du Conseil sur l'établissement d'un entrepôt pour les missions civiles de gestion de crise ( 6705/21 LIMITE - E 15576).

V. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a déclaré conformes au principe de subsidiarité les textes suivants transmis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution :

 Commerce extérieur

- Proposition de décision du Conseil relative au régime de l'impôt "octroi de mer" dans les régions ultrapériphériques françaises et modifiant la décision n° 940/2014/UE ( COM(2021) 95 final- E 15572).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2017/625 en ce qui concerne les contrôles officiels effectués sur les animaux et les produits d'origine animale exportés par des pays tiers dans l'Union afin de garantir le respect de l'interdiction de certaines utilisations d'antimicrobiens ( COM (2021) 108 final).

 Politique sociale et travail

- Proposition de directive du Parlement européen et du conseil visant à renforcer l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d'exécution ( COM(2021) 93 final- E 15571).

La séance est levée à 18 heures 35.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Patrice Anato, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Yolaine de Courson, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Valérie Gomez-Bassac, M. Michel Herbillon, M. Christophe Jerretie, Mme Marietta Karamanli, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Thierry Michels, Mme Danièle Obono, M. Didier Quentin, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – M. André Chassaigne, Mme Frédérique Dumas, M. Jérôme Lambert, M. Ludovic Mendes, M. Christophe Naegelen

Assistait également à la réunion. – M. Christophe Grudler, membre du Parlement européen