Au-delà de la place du parlement, nous avons également analysé la façon dont l'État anticipe et gère les transpositions. Nous avons constaté une insuffisante anticipation du processus de transposition, malgré les préconisations très claires du Conseil d'État formulées dès 2015. La France tente d'anticiper l'enjeu de la transposition dès la publication d'une directive, mais il apparaît que la transposition ne constitue toujours pas un des paramètres déterminants de la position de la France dans les négociations.
Ce manque d'anticipation ne doit pas pour autant conduire à transposer avant même que la directive ne soit définitive. Or, c'est un travers de plus en plus répandu, en particulier en France. La loi « climat et résilience » ne fait pas exception, comme l'a notamment montré le rapport d'information portant observations sur ce projet de loi, présenté par notre collègue Liliana Tanguy. Des acteurs économiques nous interpellent sur ce sujet et nous pensons qu'il s'agit d'un enjeu majeur auquel notre commission doit être particulièrement attentive.
Notre rapport s'est également attardé sur la question récurrente des sur‑transpositions, définies comme la création de normes internes excédant les obligations résultant d'une directive. Une mission interministérielle demandée par le premier ministre en juillet 2017 avait conduit à identifier de nombreuses sur-transpositions, dont nous donnons quelques exemples dans le rapport. Nous avons analysé que deux types de sur-transposition existent : celles qui relèvent d'un choix politique -et celles qui résultent d'une insuffisante clarté du processus de transposition, conduisant le parlement ou le gouvernement à aller au-delà de ce qui est prescrit au niveau européen.
Toutes ces difficultés ont conduit la France à afficher, jusqu'au milieu des années 2000, un déficit massif de transposition. Celui-ci est défini comme l'écart entre le nombre de directives adoptées et dont l'échéance de transposition est échue et le nombre de directives dont les dispositions sont en vigueur dans l'État membre.
En France, ce déficit s'élevait à 7,4 % en 1997 et la moyenne européenne se situait à 6,3 %, ce qui est tout à fait considérable. Les raisons sont connues : il s'agit de difficultés structurelles dans le processus de transposition. Notre rapport prend notamment l'exemple très évocateur de la directive dite « habitats » de 1992, pour laquelle la France a connu un retard de transposition de neuf ans ainsi que deux condamnations de la Cour de justice de l'Union européenne suite à ce retard. Nous évoquons également d'autres directives comme celle sur la dissémination des OGM, transposée avec six années de retard, ou celle sur l'efficacité énergétique, qui affichait trois ans de retard. On peut comprendre d'ailleurs pourquoi il y avait des retards dans la transposition de ces directives.
Dans une seconde partie, nous avons examiné le cas d'autres Etats membres afin d'analyser la manière dont ils opèrent leurs transpositions. Les cas allemand, polonais, espagnol, italien ou suédois que nous avons analysés témoignent de difficultés spécifiques et de particularités mais peuvent aussi être source d'enseignements précieux pour la France. Nous avons notamment remarqué que les parlements de ces Etats étaient plus régulièrement et plus rigoureusement informés par leurs gouvernements respectifs des transpositions à venir et des négociations européennes en cours.