La traditionnelle conférence interparlementaire sur la PESC et la PSDC s'est à nouveau tenue ce semestre sous la forme d'une visioconférence, à la déception générale, il faut le reconnaître. Nombre de participants avaient en effet espéré pouvoir enfin renouer avec le présentiel et les contacts directs avec leurs homologues des parlements nationaux et du Parlement européen, lesquels constituent un aspect essentiel de ces conférences.
Le temps fort de cette conférence fut, comme à l'habitude, l'intervention du Haut représentant de l'Union européenne pour la PESC et la PSDC, M. Josep Borrell. Celui-ci a principalement parlé de l'Afghanistan et des conséquences du retour au pouvoir des talibans. Plusieurs points à retenir.
Le premier, c'est qu'il faut discuter avec les talibans. Il n'est pas question pour l'Union européenne de les ostraciser ou de les sanctionner. Comme l'a dit le Haut représentant, il faut dialoguer avec eux, je cite : « que ça nous plaise ou non ».
Toutefois, et c'est le deuxième point, ce dialogue ne s'engagera que si les cinq conditions suivantes sont respectées : l'Afghanistan ne doit pas redevenir un sanctuaire du terrorisme international ; les talibans devront respecter les droits fondamentaux et, notamment, ceux des femmes ; le gouvernement afghan devra comporter des représentants de l'ensemble des forces politiques ; il devra permettre l'accès à l'aide humanitaire ; il devra autoriser ceux qui le souhaitent à quitter le pays.
Il a toutefois reconnu que certaines de ces conditions n'étaient d'ores et déjà pas respectées, sans toutefois totalement fermer la porte au dialogue. À voir donc dans les prochaines semaines si un tel dialogue s'engagera ou non.
Troisième point abordé par le Haut représentant : les conséquences plus large de la crise afghane sur la PESC et la PSDC. Cette crise a en effet démontré, si besoin en état, que les États-Unis non seulement ne pouvaient plus gérer seuls les affaires du monde mais aussi que, paradoxalement, ils faisaient peu de cas de leurs alliés et de leurs intérêts, ne prenant même pas la peine de les consulter. On aurait pu penser que l'arrivée de Joe Biden à la présidence des États-Unis restaurerait une relation transatlantique abîmée par l'unilatéralisme de Donald Trump. Il n'en a rien été, les intérêts géostratégiques du pays s'imposant quel que soit le président.
Josep Borrell en a tiré les conséquences et, dans un monde de plus en plus instable, a appelé au renforcement des capacités militaires européennes. Il a en particulier proposé de créer une force européenne de 5 000 hommes, dotés de moyens de transport lui permettant d'être déployée rapidement sur le terrain pour protéger les intérêts et les ressortissants européens.
L'idée est excellente et a d'ailleurs reçu le soutien de nombreux États membres. Toutefois, cette force européenne rappelle fortement les fameux groupements tactiques ou battlegroups, créés en 2005 justement dans l'objectif d'être déployés rapidement sur le théâtre des crises mais qui, en pratique, ne l'ont jamais été. Les obstacles politiques, juridiques et financiers à leur déploiement n'ont jamais été levés et ce sont les mêmes obstacles que l'on retrouvera pour la future force européenne, si tant est qu'elle était effectivement créée.
Rendez-vous au Conseil des ministres de la défense du 16 novembre prochain, qui examinera cette question.
Mme la Présidente, chers Collègues, cette conférence était la dernière à laquelle je participais en tant que Chef de délégation sous cette législature. Ce compte rendu me semble donc l'occasion de faire le bilan de toutes ces conférences et d'en tirer deux leçons dans la perspective de la PFUE.
Premièrement, même s'il a pu varier, l'intérêt de ces conférences a toujours justifié que l'Assemblée nationale soit représentée. Les intervenants ont toujours été de grande qualité, révélant de nombreuses informations et analyses utiles pour la compréhension des enjeux de la PESC et de la PSDC. Les contacts directs entre les membres de notre délégation et leurs homologues des parlements nationaux, du Parlement européen et des autres institutions européennes participent à un certain « soft power » qui, s'il est difficile à mesurer, ne doit pas être négligé. Il est donc dans l'intérêt de l'Assemblée nationale de porter toute son attention à cette conférence, et plus encore à celle qui va être organisée à Paris en février prochain.
Deuxièmement, s'agissant justement de cette conférence à venir, il me semble important d'écarter les thèmes maintes fois débattus au cours des dernières années (les menaces hybrides, la Coopération structurée permanente ou les relations UE-OTAN) et d'en choisir d'autres plus en phase avec les priorités de la PFUE et les intérêts de notre pays. Je pense en particulier au Sahel, qui mériterait une session à lui seul, de même qu'à l'industrie européenne de défense. À ce propos, j'ai relevé que jamais, depuis 2017, un chef d'entreprise n'est intervenu lors d'une conférence PESC-PSDC… Enfin, le spatial n'a jamais été abordé, et devrait l'être compte tenu des enjeux majeurs qu'il représente pour notre pays et pour l'Union européenne.